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samedi, 27 janvier 2018

Des nouvelles de Solko

En berne depuis Noël, son animateur étant saisi d’un vertigineux besoin de silence, Solko revient sous la plume de JJ Nuel et sous les traits d’un personnage de polar. Il se révèle un affreux réac et un bon vivant féru de Lyon, dans une enquête plaisamment mené par Brive Noval, un détective-sumo. Ce récit plein d'humour et sans prétention s’inscrit dans une double tradition : le polar français, qui aime toujours s’attarder dans les décors et plonger le lecteur dans les ambiances urbaines ; la Lyonnaiserie, puisque l’urbs dont il est question est l'inépuisable cité de Scève et de Rabelais, de Soulary et de Béraud, auquel Nuel n’oublie pas de rendre - merci à lui - un hommage appuyé en passant. Plus d’infos ici

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mercredi, 16 février 2011

Eiffage ne convainc pas

Hier, mardi 15 février, le maire de Lyon présentait à nouveau aux Lyonnais le projet retenu pour le réaménagement de l’Hôtel-Dieu, en présence de Michel Chenevat le directeur régional pour la région Centre Est du « secteur Bâtiment et immobilier » du groupe Eiffage, de Didier Repellin, architecte en chef des monuments historiques, de Daniel Moinard, directeur général des Hospices civils de Lyon, de Nadine Gelas, vice-présidente du Grand-Lyon. La salle Justin Godart était à nouveau pleine, témoignage de l’intérêt que ce dossier exceptionnel a auprès le public. Une belle opération de communication, qui pourtant ne convainc pas. Le maire a commencé par exposer ses arguments politiques. Puis Michel Chenevat a brièvement détaillé à grands traits le projet de son groupe. Enfin Didier Repellin et Albert Constantin ont évoqué la nature de la restauration envisagée. 

 

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Intérieur du grand dôme -Photo : Cheumou Phildroso 

 

Pour résumer la situation, le chantier serait à resituer dans la gestion globale des HCL, lesquels « ont beaucoup investi pour le développement d’hôpitaux modernes en périphérie de Lyon :  un milliard d’euros d’investissement, vers le meilleur de la médecine » Le maire fait de la rénovation de l’hôpital Edouard Herriot une « vraie priorité ». Le financement de ces opérations passe nécessairement, explique-t-il, par des désaffectations : avant-hier l’Antiquaille, hier Debrousse, aujourd’hui l’Hôtel-Dieu. On comprend que pour la direction des HCL, ce qui compte est l’exploitation globale du parc hospitalier au sein duquel l’Hôtel-Dieu est un vieillard certes prestigieux, mais désormais inutile et couteux (sa rénovation est estimée à 150 millions d’euros), dont il faut autrement dit se débarrasser.

 

La ville de Lyon seule pourrait-elle reprendre à son compte un tel projet avec un plan de mandat budgétisé à 600 millions d’euros ? Le maire écarte d’un revers de manche une telle idée : « J’aime mieux réhabiliter La Duchère et Mermoz, et laisser Eiffage faire l’Hôtel-Dieu », dira-t-il. Derrière cet apparent intérêt pour le social se cache une étrange conception de la répartition territoriale de la ville. Le centre pour les riches, les ultra-riches, et les périphéries pour les modestes et les sans-le-sou. Est-ce le prix à payer pour devenir une « ville internationale » ? Pour Collomb, ça ne se discute même pas. Et plutôt que de prendre le temps d’établir un dossier à multiples partenaires, joignant musées, bibliothèques, théâtres, cinémas, commerces, restaurants, universités…, il préfère solliciter un groupe unique qui accorde sa priorité à l’industrie de l’hôtellerie de luxe.

C’est alors qu’intervient le groupe Intercontinental, partenaire d’Eiffage (qui s’installera aussi à Marseille grâce à la complicité de Jean Claude Gaudin). On prend grand soin alors de nous dire que cette industrie n’occupera que 30 % des lieux : le hall de l’hôtel sous le grand dôme qui demeurera ouvert au public, et la façade de Soufflot sur le bord du Rhône, qui abritera les duplex et les deux grandes suites :  « Ce site dont on rêve tous », déclare ingénument Michel Chenevat, pour évoquer l’ensemble « dôme façade » ces fameux 30% qui seront dédiés à l’hôtellerie de luxe.  En contrepartie, le groupe affirme rendre l’hôtel Dieu (le reste des bâtiments) aux Lyonnais, avec la réouverture de galeries, l’aménagement de cours intérieures, l’établissement d’un musée de la santé. Mais comment ne pas voir que ce qui est présenté comme « un parti-pris » n’est qu’un prétexte ? Dès 2014 certains commerces s’ouvriront et le tout devrait être livré en 2016.

C’est enfin au tour des architectes de prouver que la rénovation sera de qualité, et respectueuse du caractère historique du bâtiment. Didier Repellin et son adjoint expliquent que l’originalité du classement UNESCO de la ville au patrimoine de l’humanité s’est déroulée au motif non pas d’un patrimoine statique, mais dynamique… Dont acte ! Avec verve et lyrisme, ils nous font un cours sur l'histoire de l'Hôtel-Dieu.  Pour finir, un bref film d’animation nous promène à travers la future rénovation et se clôt par ce slogan : « Lorsque l’Hôtel-Dieu s’anime, c’est tout Lyon qui rayonne »

 

Débute alors un débat avec la salle; un dialogue – évidemment de sourds, puisque toutes les décisions sont déjà prises.

Un étudiant fait remarquer que les figurants placés dans le film qu’on vient de voir, déambulant tous cravatés dans les cours intérieures ou sous le dôme de Soufflot, ne sont, à son sens, guère représentatifs du « peuple lyonnais », et qu’il craint somme toute une forme de « captation » des lieux au profit des plus riches. Gérard Collomb lui répond que s’il possède juste de quoi boire un café, il lui sera toujours plus agréable de boire son café dans un lieu joliment restauré, et parmi des gens cravatés, plutôt que dans les cafés de l’actuelle rue Bellecordière !

 Cette question de « la captation des lieux » par les plus riches est bien au centre du débat qui se prolonge avec l’intervention de plusieurs représentants d’associations. L’Esprit Canut rappelle que si cette rénovation du bâtiment sert de prétexte au détournement du monument (car il s'agit de la mémoire des lieux), elle n’est tout simplement pas concevable. A quoi bon rénover un bâtiment si c’est pour tuer le monument ? La Renaissance du Vieux-Lyon s’inquiète des garanties qu’auront les associations de pouvoir être accueillies au PRES (pôle de recherche de l’enseignement supérieur) lorsque les signatures seront faites. Comment le maire garderait-il la main pour que le projet demeure lyonnais ? Un vieux monsieur accuse : « Il faudrait faire un geste pour ceux qui ne comprennent pas votre projet. Réserver une place pour une crèche et un établissement pour personnes âgées, c’est-à-dire pour les plus fragiles. Autrefois, les édiles lyonnais s’intéressaient à ce type de population ».
Collomb répond toujours de façon biaisée, en évoquant ce qu’il fait ailleurs, des logements sociaux, des rénovations de quartiers : comme si l’un devait forcément exclure l’autre. Comme s'il n'avait pas été possible, en prenant son temps, de ficeler un projet vraiment culturel dans ce site d'exception, au lieu de ce projet bling-bling, tape-à-l'oeil et clinquant.

Et l’on finit par penser qu’on est là au cœur de sa politique : la sectorisation du territoire au prétexte du social et le mépris de la culture patrimoniale au nom de l’affairisme contemporain ...  

 

 

 

11:37 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : hôtel-dieu, lyon, eiffage, gérard collomb, didier repellin, michel chenevat | | |

samedi, 22 janvier 2011

Céline et la célébration (2)

« La cause est entendue : Céline est génial. La cause est entendue : Céline est abject. Depuis que Céline est mort, nous tournons fous dans ce débat entre esthétique et morale », écrivait déjà Bertrand Poirot-Delpech dans Le Monde en 1985.

 

Dans ce cas précis de « double contrainte », le message paradoxal est aisé à formuler. Etre un écrivain génial et être un antisémite abject apparaissent telles deux propositions contradictoires, qui heurtent le sens commun. Le parallèle entre les deux propositions établit, si l’on n’y prend garde,  une adéquation choquante entre l’antisémitisme et le génie. Il favorise, si l’on n’est pas attentif, un présupposé inquiétant : qui aime Céline est probablement antisémite ? Y compris moi-même qui, aimant Céline, ne me sens pourtant pas antisémite. On n’est pas loin, dès lors, comme le suggère Poirot-Delpech, d’une micro-folie (1)

En dernier lieu, le rapprochement entre les deux notions suggère le fait que la lecture de Céline propagerait l’antisémitisme. Dès lors est tentante l’exclusion pure et simple de l’écrivain, la censure, partielle ou totale de l’œuvre. Si l’on pousse la logique jusqu’au bout, comme le fait ironiquement le comédien Fabrice Lucchini, retirons donc l’œuvre entière des libraires. Tous les extraits des manuels scolaires. L’affaire sera classée.

 

Premier effort  pour échapper au cadre absurde de la double contrainte, sortir du système binaire à laquelle elle nous réduit.  Analyser pour cela quelques présupposés sur lesquels repose la double proposition. En premier lieu, mettre à jour l’identité entre lire et être qu’elle induit. Est-on nécessairement ce qu’on lit ?

Il va de soi qu’on peut bel et bien lire Céline et ne pas être antisémite, comme on peut lire Chateaubriand et ne pas être légitimiste, lire Claudel et ne pas être catholique, etc. Mais après tout, cela ne va peut-être pas de soi pour tout le monde, et peut-être que pour beaucoup de gens, le mot c’est nécessairement la chose.

Une telle conception de l’écrit repose sur la réduction du texte à l’information. Elle ignore non seulement l’esthétisme (le fameux style) mais encore la signification, le contexte, et jusqu’au sens que le lecteur est toujours libre de donner à sa lecture, au texte lui-même.

C’est une conception éditorialiste de la littérature, en ce sens que le texte se trouve  réduit à ce que dans un jargon journalistique, on pourrait appeler sa ligne éditoriale. Si la ligne éditoriale de Céline est l’antisémitisme, tout lecteur qui le lit est antisémite, aussi vrai qu’il est interdit à tout lecteur de l’Humanité d’être de droite, du Figaro de gauche. On peine à croire que messieurs Klarsfeld et Mitterrand soit de si piètres lecteurs. Ou leur défenseur véhément, Luc Ferry, qui était encore ministre de l’éducation nationale en 2004, alors que se décidait  le programme de l’agrégation de lettres de 2005 où figura Céline et son Voyage.

Cette éviction (et non pas réduction) du sens et du contexte, cette lecture qui n’est qu’une contre-lecture risque demain de rendre encore plus problématique qu’il ne l’est déjà – et c’est peu dire - l’enseignement de la littérature. Je me souviens avoir il y a trois ans essuyé pour la première fois cette  remarque suspicieuse d’une étudiante à qui je proposais ce fameux passage du Voyage sur le communisme du caca, alors que Bardamu se trouve à New-York : « Mais, c’est pas l’écrivain antisémite… ? »

 

Métacommuniquer à propos de cette affaire, ce serait, comme le fait Nauher sur son blogue,  commencer par rappeler qu’en effet, ce n’est pas Céline qui a inventé l’antisémitisme et que les écrivains ont toujours été de parfaits boucs émissaires. Je me souviens avoir eu Jacques Seebacher au téléphone à la fin du siècle dernier, lorsque je me proposais de faire une thèse sur Béraud. Il songea un instant à  m’aiguiller sur Henri Godard, qui avait été son collègue à Jussieu, et avec lequel j’avais suivi un cours de licence il y a fort longtemps sur les techniques narratives chez Proust, Céline et Joyce. Après un moment d’hésitation : « c’est encore trop tôt », me dit-il. Le cher homme ne savait si bien dire.

 

Un livre est donc ce qu’il dit, rien de plus. Il n’existe dans aucun contexte particulier, ne contient aucun effet de polysémie, ne peut donner lieu à aucune interprétation contradictoire. Ce n’est au fond qu’un discours informatif, comme le mode d’emploi d’un magnétoscope ou de n’importe quelle machine, juste en plus long et en plus divertissant. Voilà ce qu’il faut retenir de l’intervention d’un ministre de la culture, plus actif sur ce coup-là qu’il ne le fut par ailleurs sur la liquidation à des intérêts privés par les maires de Lyon et de Marseille de bâtiments à recycler eux aussi - j’entends les Hotel-Dieu, en passe de devenir deux hôtels de luxe. Cela ne choque bien entendu personne, ni rue de Valois, ni ailleurs.

 

(1) Bateson développe pour la première fois son analyse de la double contrainte dans un article sur la schizophrénie.

 

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identité du délit (2)

17:02 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : politique, littérature, céline, henri godard, frédéric mitterrand, hôtel-dieu | | |

jeudi, 18 novembre 2010

Dieu, c'est le luxe.

Ça sera la grosse bourde du second mandat de Gérard Collomb, sa honte, son reniement… 
Car contrairement aux engagements de campagne, l’Hôtel-Dieu est bradé à une chaîne d’hôtel international l’Intercontinental,  avec la bénédiction gourmande et ridicule du maire de Lyon.

Avec l’intelligence d’un sénateur, l’imagination d’un élu de province et l’argument des gens de droite, qui vous diront toujours qu’il n’y a pas de sous, le maire le plus bling-bling que Lyon ait jamais eu considère donc qu’après tout, un dôme de Soufflot ne mérite guère plus que le hall d’accueil d’un hôtel de luxe et n’est tout juste bond qu’à abriter une clientèle fortunée.  

Entourés d’élus qui n’eurent d’autres paroles de protestation qu’au pire il faut, n’est-ce pas, un grand courage pour s’adapter aux dures lois de son temps, et au mieux qu’un silence gêné, gens sans imagination, sans culture, sans esprit, cette ville aura donc vendu jusqu’à son âme.

Elle ne cessera jamais de me percer le cœur, désormais, la silhouette de ce navire abandonné en plein centre du commerce, ayant sous les coups d’êtres veules et cyniques, rebattu les portes en bois de sa maison sur des siècles de soins, de naissances, de morts.  Dernière question aux flingueurs de mémoire sacrilèges : que deviendra (entre autres) la pierre tombale d’Elisabeth Dauby, incrustée dans le mur non loin de la porte E ?  Un présentoir à tarifs ?  Nous savons désormais ce qui compte pour ces gens : pour eux, Dieu, c'est le luxe.

 

Ci-dessous, quelques paragraphes d’un texte que j’aime beaucoup, qui restitue quelque peu l’ambiance d’une époque où le centre de Lyon n’était pas encore un centre commercial sans intérêt ni originalité, dont la visite n’apporte rien au cœur ni à l’esprit. Rue Bellecordière,  il  avait un journal, des bistrots de noctambules, des religieuses à cornettes, des prostituées, des journalistes, des truands, un hôpital millénaire, les messageries de presse.  Une ville. Aujourd’hui, Fnac, Gaumont et bientôt Intercontinental. La vraie chienlit qui plait aux étroites cervelles de  province….

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04:46 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gérard collomb, politique, hôtel-dieu, lyon, culture, urbanisme, société | | |

vendredi, 29 octobre 2010

L'Intercontinental à l'Hôtel-Dieu de Lyon

Le projet retenu aujourd’hui pour l’Hôtel-Dieu de Lyon est celui du groupement constitué par Eiffage Generim (promoteur investisseur), A. Constantin (architecte), D. Repellin (architecte du patrimoine) et par la chaîne hôtelière Intercontinental ; il  se décline en trois fonctions : hôtelière, médicale, universitaire, les trois réparties autour des trois dômes de l’Hôtel-Dieu.  Dans un monumental contre-sens historique, le plus grand (haut de 32 m -celui imaginé par Soufflot)  revient à l’enseigne Intercontinental qui y implantera donc un banal hôtel de luxe. C'est ce groupe-là qui avait déjà été préféré par le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin lorsque avait été réglé le sort de l'Hôtel-Dieu phocéen. Le groupe d'hôtellerie britannique prévoit la destruction du plancher du 2ème étage pour créer des chambres en duplex d’une hauteur de 7 mètres. Le 10 août 2010, il publiait une bénéfice net à 141 milliards de dollars. Le revenu par chambre  (mesure de performance très utilisé dans le secteur hôtelier) a cru de 3,9% de janvier à juin 2010 (1). Le groupe exploite à cette heure 166 hôtels dans le monde. 

Dans le petit dôme, un centre de congrès permettrait d’accueillir les nombreux colloques de médecins qui se tiennent à Lyon. Dans le troisième, enfin, serait installé le Pôle régional d’Enseignement supérieur de Lyon. A partir de là, on commence à parler au conditionnel dès lors que la mairie de Lyon refuse de financer le moindre centime d'euro. On remarque au passage que l'ambition culturelle que Gérard Collomb a pour la ville qui lui est confiée se borne, comme toujours, à du développement commercial à moindre frais. Une partie des jardins, cloîtres et cours seront réhabilités et ouverts sur  une place avec restaurants et commerces, du côté de la rue Bellecordière. Dans le cadre de ce projet, un « centre d’interprétation muséal » de 4000m2 consacré à la médecine pourrait voir le jour (s’il trouve son financement, car la ville et son épicier de maire n’entend pas y placer un seul denier public), afin de regrouper en un lieu centralisé les différentes collections actuellement éparpillées à travers la ville.

La signature du bail, prévu pour 94 ans, aura lieu au second trimestre 2012. L'ouverture (partielle) du site est prévue pour 2014, l'ouverture définitive devrait avoir lieu en 2016.

Ce qu'en dit le maire : remarquez les nombreux "si"...


Hôtel-Dieu : le choix de l'avenir
envoyé par GerardCollomb

(1) : Sources : La Tribune.fr, août 2010


23:40 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lyon, hôtel-dieu, actualité, gérard collomb | | |

lundi, 18 octobre 2010

Jacques Stella, Marie Madeleine et l'Hôtel-Dieu

6000 euros : La mise à prix initiale demeure encore modeste (de 3000 euros inférieure à l’estimation moyenne de ce tableau de petit format - 25,8 x 37,1cm). C’est, lit-on dans le catalogue, un marbre noir collé sur carton et monté sur châssis. Devant l'auditoire assis, on expose l’œuvre vieille de presque quatre siècles. L'écran plat de plusieurs  téléviseurs portent jusqu’au fond  ça et là son reflet.

Installé définitivement à Rome depuis 1623, le Lyonnais Jacques Stella avait d’abord séjourné à Florence quelques années.  Le temps d'y acquérir cette technique de peinture sur cuivre ou sur pierre, particulièrement sur marbre ou lapis. Depuis 1530, le peintre Sebastiano del Piombo en avait porté jusqu’à lui le secret : en déposant l’huile à même le marbre, une manière d’émerveiller le peuple qui rendait la peinture presque éternelle, tout comme la sculpture, les couleurs à peine séchées apparaissant de façon presque pétrifiée.

Dès son arrivée à Florence, Jacques Stella avait occupé une fonction vite d'importance auprès  du Grand Duc Come II, dont la cour faisait office de haut lieu de création de cette technique de peinture sur pierre. Une fois le peintre installé à Rome, sa production devint originale et variée. Les divers parents du pape Urbain VIII, ces Barberini mondains et tout-puissants qui protégeaient également Poussin, appréciaient tout particulièrement ces scènes vives et colorées où le maniérisme et le religieux faisaient cause commune. Jacques Stella peignit.

 

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La conversion de Marie Madeleine, donc. Marthe, déjà convertie et voilée, demeure laiteuse et pensive. Les deux coudes posés sur les  Ecritures, elle vient d'exhorter sa sœur Marie d’abandonner sa vie de débauche et de la suivre afin d’écouter la prédication du Christ. Assise sur un siège luxueux, la jeune convertie laisse un angelot qui ressemble à un amour la dévêtir de ses habits rouges de pécheresse. Sa chevelure blonde et bouclée court encore pour quelques temps sur ses épaules encore dénudées. Entre les deux femmes, les séductions désormais se refusent : telles des vanités, un peigne, un coffre à bijoux, une carafe, un verre de vin…

Les enchères galopent vite, d’autant que les téléphones tout soudain s’en mêlent. Du dix-septième à peine esquissé, nous revoici plongé à nouveau dans la frénésie marchande du vingt-et-unième siècle. Au-delà, déjà, de l’estimation maximale de 12 000 euros. Ce petit tableau était présent en 2007 à l’exposition du musée Saint-Pierre organisée pour les 350 ans de son créateur. Cela fait-il grimper la côte ? Hormis son nom (qui ne fut longtemps pour moi que celui d’un pauvre bar à la devanture en formica jaune), je me demande quel souvenir la rue Stella, qui n’est pas très loin du lieu de la vente, garda  pour le commun des mortels de ce peintre au visage émacié qui fut ami de Poussin. Quelle mémoire. Au fur et à mesure que grimpe la somme, dans un jeu de syllabes et de voltige qui étourdit l’assemblée assoupie, l’argent paraît devenir une instance agréablement désincarné, et ne posséder plus que l’importance des degrés qu’il faut enfiler quatre à quatre pour parvenir à la cime. Une formalité bien quelconque. Finalement, les voilà à 18 000… 19 000 … Le marteau tombera à 20 000. Il faudra y rajouter les 20% TTC.  Bel achat : la conversion aura finalement trouvé son juste prix. Ici et maintenant, par ici comme par là, tout se monnaye.

Je quitte l’hôtel des ventes, le cœur un peu pincé. Mes yeux se portent – comment pourrait-il en être autrement ? - sur le perron pierreux et sombre du vieil hôtel-Dieu, vidé de ses soignants, de ses malades, de ses lits, ses religieuses d'antan, dans l’attente d’un repreneur, pauvre, lui-aussi. Sa silhouette, seule dans la nuit, qui l’eût prédit ? Telle une âme sculptée dont la mémoire aura plus que jamais, au milieu du bazar, des soldes et des charognards de tous crins ,besoin de multiples et ardents veilleurs.

De cette conversion de Marie-Madeleine, si vite entrevue, si vite entraperçue sur la banquette en bois d’une salle des ventes, je me réconforte en me disant que nous sommes cependant quelques uns à avoir, pour rien, pour pas un sou, recueilli le meilleur. Un vent plus frais commence à se saisir de nous, siècle stupide qui ne méritons que l’hiver qui s'approche, et surprend la chair des quelques passants traînant encore en cette fin de dimanche entre les façades de la rue Marcel Rivière. Je songe soudain à quelque extrême proximité, inattendue et superbe comme si me frôlait un doux spectre, que les pierres de l'hôpital me confirment aussitôt dans leur radieuse et grise immobilité :  Cette rue, Jacques Stella en l'hiver de son temps aussi l'a empruntée, et dans ses pas pour regagner mon logis, je dépose les miens.

mercredi, 13 octobre 2010

Intercontinental ou Hyatt pour l'Hôtel-Dieu ?

En ce mois d’octobre se discute l’avenir de l’Hôtel-Dieu. On saura courant novembre quel projet sera retenu. Pour résumer les choses, le choix doit s’effectuer entre une chaine d’hôtels de luxe et une chaine d’hôtels de luxe. Palpitant ! Intercontinental ou Hyatt ? Telle est l’alternative laissée par le maire socialiste. Et donc, le dossier le mieux bouclé sur les plans juridiques et financiers (avec sans aucun doute d’autres petits arrangements entre frères en coulisses), sera celui qui l’emportera. L’un serait, nous dit-on, plus « lyonnais » que l’autre, en ce sens que le projet soutenu par le goupe Eiffage/Genérim (prometteur et investisseur), AIA Constantin (architecte) et D.Repellin (architecte du patrimoine), projet auquel s’adjoint la chaîne Intercontinental intègre la création d’un pôle sante (musée de la santé et centre de congrès pour accueillir des colloques médicaux) tandis que l’autre, soutenu par le groupe Nexity et l’architecte star Rudy Riccioti joue la carte exclusivement hôtel/ commerces/ bureaux. Si l’on peut préférer le premier projet au second (lequel ouvrirait aussi davantage le lieu à des boutiques et des commerces accessibles), c’est comme on préfère la peste au choléra : car en faisant le choix de ne pas mettre un seul sou d’argent public dans le projet de réaménagement, Gérard Collomb aura montré aux yeux de tous la faiblesse de ses choix culturels, lui si enthousiaste par ailleurs pour soutenir les ambitions pharaoniques de Jean Michel Aulas à Décines.  Ce qu’il fallait faire, c’est faire au moins tout son possible pour éviter le recours au privé dans ce bâtiment public symbole d’une toute autre histoire que l'hôtellerie de luxe.  Il ne l'aura pas fait. Même pas tenté.

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Jean Couty : Dôme de l'Hôtel-Dieu à Lyon

 En réponse au cardinal Barbarin qui souhaitait qu’« un petit 10% » du site restât  «respectueux de ces mille ans d’histoire et d’accueil des malades et de la pauvreté au cœur de Lyon », le discours ironique de Collomb sur les « contraintes terrestres »[1]  révèle l’étroitesse de son esprit au regard de la mission historique et de la politique culturelle qui devrait être celle d’un maire de Lyon. Mais que dire et que faire, dans cette situation de spectateurs, aussi désolés qu’impuissants, dans laquelle nous sommes placés ? Sinon rappeler que cette étroitesse d’esprit, quand on se souvient d’Edouard Herriot et de la Charité, de Louis Pradel et du complexe autoroutier de Perrache, est hélas ici une espèce de tradition locale.

Pousser un coup de gueule même, cela ne sert plus à rien.

En l’absence de toute common decency, nous voici des citoyens fantoches, tant sur le plan municipal que national, face à des princes de mauvais vaudevilles qui, d’un étage à l’autre de la responsabilité politique, se la pètent avec arrogance et jouissent du pouvoir octroyé par leurs mandats pour imposer leurs choix en s’appuyant sur ceux de leurs complices et prétendus opposants. C’est ainsi que Gaudin justifia à Marseille la « contrainte » où il se trouvait de vendre l’Hôtel-Dieu phocéen par la manière dont Aubry avait sacrifié le couvent des Minimes à Lille, ce que Collomb pourra toujours à son tour…

Le serpent nous encercle tout en se mordant la queue.



[1]  « Je suis comme monseigneur Barbarin, j’ai l’espérance du ciel et les contraintes de la terre… » a lâché le maire de Lyon, en  renvoyant le prélat aux conditions tout aussi équivoques dans lesquelles il a vendu son Grand Séminaire : au plus offrant (BuildInvest) pour faire des logements de haut standing, au détriment de deux projets d'HLM pilotés par le Conseil Général pour l'un, la Mairie de Lyon pour l'autre.  

 

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samedi, 25 septembre 2010

Et, toujours, l'Hôtel-Dieu

Depuis que Gérard Collomb a rendu public le projet de la Ville pour l'Hôtel-Dieu, diverses pétitions se sont mises en place dans le but de bloquer le projet de transformation du vieil hôpital lyonnais si symbolique de l'histoire de la ville en un simple hôtel de luxe. Un an après, où en sommes-nous ? Il semble qu'un projet, celui du Pole santé, ait su fédérer autour de lui un certain nombre de bonnes volontés. Je reproduis ci dessous le texte projet, en insistant sur le fait qu'il ne permet de sauver de l'industrie hôtellière de luxe qu'une partie infime du bâtiment, que d'autres projets pourraient être élaborés (un pôle muséal regroupant plusieurs musées de la ville, des aménagements commerciaux et culturels ouverts aux lyonnais comme aux touristes de seconde zone (quel est l'euphémisme adéquat pour "non luxueux" ou non "VIP" ?) et accessibles à leur porte-monnaie ...

Les repreneurs étant, en période de crise, hésitants à investir dans une industrie hôtelière déjà saturée (l'Antiquaille, ancienne maison de Pierre Sala, vient de subir ce même sort), tout le monde, y compris dans le proche entourage du maire de Lyon, n'étant pas convaincu, il n'est pas trop tard pour émettre des idées, proposer des projets et dialoguer avec les élus.

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lundi, 28 juin 2010

Lyon, la santé, la vie

Une soirée d’information sur le devenir de l’Hôtel-Dieu : en marge du projet de Collomb, un musée de la Santé qui serait le plus important en France par la richesse des collections réunies.

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