samedi, 17 janvier 2015
La corruption des signes
En représailles contre la France-Charlie, des musulmans ont incendié huit églises à Niamey et cherchent à s’en prendre à la cathédrale. Ces idiots croient-ils encore que la République radicale de France est catholique ? Ils ne connaissent guère ses actuels dirigeants ! Dans ce contexte généralisé de perversion des signes, qu’on me permette (sans passer pour autant pour un provocateur), au Coran comme à la déclaration des Droits de l’homme, de préférer la grammaire de Panini dont, dans leur infinie sagesse, les prêtres sanskrits avaient fait un veda qu’ils faisaient lire dans les temples. Elle rappelle avec doigté que le signe – qu’il soit mot ou dessin - est avant tout une forme, un signifiant diront plus tard nos éminents linguistes occidentaux, et que cette forme n’a rien d’essentiel qui vaille qu’on s’étripe en actes puisqu’elle est avant tout expression, langage. Quant au signifié, qui vient en second dans la perception que nous avons du signe, il ne possède qu’un pouvoir de désignation, pas de représentation. « Les langues ne sont nées d’elles-mêmes en façon d’herbes, racines et arbres, écrivait le doux Du Bellay dans sa Défense et illustration de la langue française ; mais toute leur vertu est née au monde du vouloir et arbitre des mortels. » Voilà pourquoi leur usage doit passer par le tamis de la raison, ce n’est pas moi qui le dit, mais Boileau, qui conseillait de « vingt fois sur le métier remettre son ouvrage »
Toute corruption de ce principe, pour quelque raison que ce soit, mène à la manipulation et au conflit. Et nous y sommes, et sans doute pour longtemps, loin de la culture européenne et de ce qui fut sa brillance, sa subtilité, sa saveur, son goût, tandis que du marché de Tulle, le piètre monsieur Hollande, en campagne, déjà, pour sa ré-élection, cause à la presse de valeurs et de punitions, ce qui va évidemment solutionner bien des choses, à Niamey comme ailleurs, ça crève les yeux.
Du Bellay
15:18 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : niamey, panini, charlie, boileau, sémiologie, manipulation |
mardi, 13 janvier 2015
Je suis Saussure
Un certain Saussure expliqua jadis que le signe ne représentait pas la chose ni même l’essence de la chose, mais qu’il ne faisait que la désigner, dans un rapport avec elle par nécessité linguistique purement arbitraire. C’est peut-être par et avec la linguistique qu’il faudrait lutter [comme il est de mise de le dire, lutter, quel drôle de mot ] contre le terrorisme. Car le dessin, comme le mot, n’est qu’un signe et le personnage de LUZ ne représente pas Mahomet, il le désigne dans un certain code, tout comme le mot chat désigne le chat sans évidemment le représenter. Que de faux débats, de faux procès, que de manipulations langagières, religieuses et politiques on s’épargnerait en rappelant ces simples faits, au lieu d’alléguer une liberté d’expression qui n’est plus qu’un fantôme, pour de multiples causes parmi lesquelles les raisons économiques et judiciaires ne jouent pas un mince rôle
L’arbitraire du signe. Une évidence, donc. Encore faudrait-il que l’Etat ne se comporte pas comme les terroristes qu’il condamne en faisant depuis peu mine de croire lui aussi que le mot représente bel et bien la chose, puisqu’il y aurait selon lui des mots racistes ou antisémites, que de simples mots pourraient être porteurs de haine, que le mot pourrait valoir le crime ( c'est-à-dire la chose) et tomber sous le coup de la loi : c’est hélas aussi ce que pensent les islamistes, tous ceux qui – de près ou de loin – mêlent une forme de religiosité à la loi en tentant de sanctuariser le lieu même du langage, le dit des mots qui est la vraie res publique. Légiférer le mot comme s’il avait valeur d’acte [au nom d’une religion comme au nom de prétendues valeurs ] – légiférer plutôt que de dédramatiser, punir plutôt que rire, imposer des minutes de silence plutôt que d’expliquer, c’est ce que font de concert les islamistes et ce gouvernement que décidément, non, je ne peux suivre une fois de plus, en qui je ne reconnais pas les valeurs de mon pays. C’est pourquoi je suis et ne suis pas Charlie.
Le signe et son rapport arbitraire à la chose. On ne détourne pas impunément à son profit la loi commune. C’est d’après moi ce que tenta de signifier le Christ aux prêtres du Temple et de la vieille Loi de la charia qui, comme cela se fait à nouveau partout dans le monde, voulaient lapider la femme adultère, en les accusant finement d’avoir détourné la Loi à leur profit en ne lapidant pas l’homme avec elle. On connaît la formule : « que celui qui n’a jamais péché… » Alors ils s’en allèrent tous, nous dit l’Evangile, à commencer par le plus âgé…
Les tenants de la révolution sémantique en cours, juges et ministres qui n'hésitèrent pas à ignorer l'arbitraire du signe en faisant de certains mots un délit, d'autres une pensée magique en constant décalage avec les faits, feraient bien de se souvenir d’une autre parabole du Christ, qui, si je ne m’abuse, parle de poutre et de paille. Mais ils ont la mémoire courte et un sale boulot à faire. Ils font des hommages, ils sont Charlie… Ils sont déjà passés à autre chose... En mémoire de notre pays - puisque tout le monde se réfère à son histoire, ce qui est entre nous des plus suspects - en mémoire des siècles de poésie et de littérature qu’il a produit, donc, je ne peux face à leur intégrisme qu'essayer d’être Saussure….
16:37 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : saussure, luz, charlie, linguistique, arbitraire du signe, révolution sémantique |
dimanche, 11 janvier 2015
Rions
Autour de leur totem situé au centre du village, représentant une allégorie en bronze d'une divinité païenne qu’ils nomment la République, une partie des habitants de la contrée hexagonale, poussée par un mot d’ordre relayé d’écran en écran, s’est rassemblée aujourd’hui pour marcher derrière son chef et les principaux manitous qui les dirigent en leur distribuant des images. Les chefs et les manitous de tribus voisines, tous ayant nom « Hautes Personnalités » (avec, notons le au passage, un emploi fautif de la majuscule) se sont joints à la célébration, sentant sans doute le parti qu’ils pouvaient en tirer auprès de leurs propres opinions. Ils ont donc défilé auprès des « basses personnalités » (dénuées de toutes majuscules mais affublées du sobriquet étrange de Charlie, et massées les unes contre les autres). Ces hautes personnalités constituent le clergé de cette étonnante religion sans dieu, autour de laquelle coagulent des milliers de fidèles semble-t-il désemparés. Leurs prêtres, des hommes en costumes gris ou bleus, égrènent la litanie de « valeurs », notions vagues et sacralisées, de plus en plus désincarnées parce que de plus en plus démenties par la réalité de tous les jours, ayant nom liberté, égalité, fraternité, solidarité. Ces paroles magiques forment leur credo inlassablement débité en une sorte de récitation médiatique dont les chaînes d’info sont les temples les plus fréquentés.
Ils ont leur grand prêtre, un individu banal issu de leur rang et régnant pour cela en tyran sur eux tous en s’appuyant sur des corps dits intermédiaires, au nom de la normalité. La normalité est un concept essentiel de leur religion qui vise à faire de l’autre, quel qu’il soit, une sorte de même soumis au diktat de leur justice et au contrôle de leur loi. Ce chef mythomane et délirant se réjouit parmi eux que leur petit village soit devenu, le temps de la célébration et à force de dramatisation « la capitale du monde ».
Par ce genre de marches rituelles, les fidèles pensent ainsi conjurer leurs démons, qu’ils nomment « terroristes », et qui incarnent le contraire de leurs valeurs, c'est-à-dire la « barbarie » la « haine », sans qu’on ne sache jamais quelle politique menée en sous main l’emploi de ces termes creux dissimule. Le plus étonnant, au regard des observateurs impartiaux, est que ces gens sont persuadés qu’ils constituent une société parfaitement évoluée, une sorte de nec plus ultra de l’humanité, une quintessence de la civilisation devant laquelle, au regard du concept creux d’universalisme qu’ils ont inventé entre eux, toutes les autres se trouveraient rejetées dans l’obscurantisme et les ténèbres, et seraient vraiment arriérées. Rire, d’accord, mais avant tout rire de soi, telle est la marque, disent-ils, de l’intelligence et de l’esprit. Espérons que les défenseurs de la liberté d’expression, les apôtres de la tolérance qu’ils prétendent être riront de ce billet.
Cette manie ancestrale, d'ériger le totem au centre du village...
13:40 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : république, marche, je suis charlie, hollande, politique, etc |
vendredi, 09 janvier 2015
Rien ne change
Ceux qui ont voté pour le changement doivent quand même sérieusement s’en mordre les doigts. J’écoutais tout à l’heure Cazeneuve et Valls, l’un sur une chaîne, l’autre sur une autre, débiter leurs explications sur les événements (ce qu’ils nomment ainsi) un peu comme s’ils étaient les directeurs du collège ou de la crèche républicaine, des nounous de grands enfants. Pas un mot sur leur politique en Irak, en Syrie, au Mali. Pas un mot de géopolitique. Pas un. Surveillants généraux de la grande cour de récréation qu’est devenu le territoire national. Tout comme Chirac annonçant en son temps, le visage empli de tics, la mort de George Besse sans même évoquer Eurodif, la face emplie de rictus de Valls. Nos bons dirigeants nous appellent donc à venir marcher auprès d’eux dimanche avec notre bougie au cœur pour manifester notre solidarité avec je ne sais quel fantôme républicain que de litanies en litanies, ils peinent de plus en plus à incarner. Et ce au nom de la fraternité, la religion dont ils sont les prêtres aussi vides que terrifiants.
Je me souviens avoir pris part aux manifestations contre la guerre en Irak, il y a des années de cela. C'est pourquoi la photo de classe se fera sans moi, dimanche, parce que, de Dieudonné à Wolinski, les comiques s’en ramassent trop plein la gueule sous leur gouvernement, vraiment. Rire, disait Rabelais, bien plus qu'une valeur [ je ne peux plus entendre ce mot, je crois ] bien plus qu'une valeur, donc, le propre de l'homme. Mais en ces temps de répression langagière...
L’arbitraire du signe aussi s'en ramasse plein la gueule. Naïf, peut-être, je croyais habiter dans un pays riche de sa culture et évolué, où l’arbitraire du signe avait force de loi. Mais dans le pays des valeurs et de la démocratie , depuis Christiane Taubira, sa révolution sémantique en cours, il est des mots comme des dessins qu’il ne fait pas bon mettre en avant. Un mot, un dessin, et nous voila sous le coup de la loi. Il était inévitable que les mots et les dessins se heurtent, inévitable face à une telle régression culturelle. Légiférer les mots, judiciariser la langue, voilà deux processus dictatoriaux dont les états comme les religions qui sacralisent la loi se régalent. Que des gens songent sérieusement à aller défiler derrière Hollande, Sarkozy, Merkel, Cameron,,Renzi, Rajoy et Porochenko pour défendre des valeurs (1), eux qui balancent des bombes aux quatre coins de la planète et sont les fossoyeurs de nos souverainetés historiques me fout la gerbe, la nausée, le dégoût non pas de mon pays, la France, mais vraiment pour le coup, de la république de France qui faute de pouvoir gouverner le pays, tente de se sacraliser sur son dos. Les valeurs de César, je les lui rends avec plaisir...
La France a fait face, dit le pingouin. La France n'a fait face à rien du tout. Elle est, c'est à dire nous sommes, pour un moment, dans une belle merde, et ce entre autres grâce à lui. Bon défilé à ceux qui défileront dimanche derrière son dos.
Il n'y a pas que les charognards politiques. Les paris financiers vont aussi bon train. Sur ebay, le dernier numéro de CHARLIE se monnaie 75 350 euros ( capture d'écran ce vendredi à 23 38, fin de la vente dans 14 heures - cliquez dessus pour agrandir )
(1) Les valeurs, disaient Platon, ce sont le juste, le vrai, le bien, le beau... Nous en sommes (c'est peu de le dire) fort éloignés...
21:43 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : houellebeq, charlie hebdo, ebay, france, je suis charlie, marcher, fraternité, propagande |
jeudi, 08 janvier 2015
Qui est Charlie ?
Tout, aujourd’hui, j’ai tout entendu
Des profs : c’est la faute à Zemmour, à Houellebecq, à ceux qui « entretiennent la haine… »
Des musulmans : c’est l’Etat qui « vous » manipule, vous, « les Français ».
La version officielle : ce sont les djihadistes manipulés par Daesh, les « fratries de djihadistes » (finis, les loups solitaires ?)
Partout, en fonds d’écran, en affichettes, en post-it « je suis Charlie », j’ai même reçu des mails et un texto... « Je suis Charlie », arboré comme une identité, comme d’autres arboreraient un voile ou une croix. Et en contre-feux, d’autres, « je ne suis pas Charlie ».
On étouffe dans ces revendications sans fondements, ces affirmations sans preuves, cette religiosité républicaine diffuse qui ne dit pas son nom, cette propagande de masse.
Moi ce que je sais, c’est que je n’ai plus aucune confiance en ceux qui dirigent l’Etat et orchestrent la terrifiante symphonie. Aucune. Par quelque bout de la lorgnette que j'observe la monstruosité…
19:05 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : charlie, état, france, propagande |
mercredi, 07 janvier 2015
La double mort de Charlie
« La France a été touchée en son cœur » a déclaré le pingouin. Je ne suis pas certain que les dessinateurs de Charlie apprécieraient cette récupération nationale éhontée post-mortem. Après avoir été flingués par des terroristes, voilà bel et bien qu’ils le sont par les garants de l’ordre républicain lui-même. Une première mort effarante, une seconde, écœurante. Drapeaux en berne durant trois jours, deuil national, émotion collective autour du pouvoir en place, non vraiment, je crois rêver. Si demain des terroristes s’en prennent à Zemmour ou à Houellebecq, vous verrez ceux qui les ont voués aux gémonies se muer en aficionados de la compassion pour en faire à leur tour des martyrs de la démocratie, de la liberté de presse, de celle de l’écrivain. Et des marches. Et des bougies. C'est bien la pire des choses que l’on puisse faire en mémoire de gens qui avaient fait de la subversion leur première valeur. Ces "hommages de la nation" sont ridicules, et ne servent que les intérêts de la nation, en rien la mémoire des disparus...Les hommes de pouvoir sont prêts à tout pour rester au pouvoir. Les charognards.
dernier dessin de Cabu
22:10 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cabu, charlie, soumission, suicide français, france, terrorisme, marches, récupération |
mardi, 06 janvier 2015
Le mangeur de fèves
D'une certaine façon, bien plus que l'euro qui plonge à nouveau, Michel Houellebecq qui publie Soumission, ou Adjani qui refuse de jouer dans l'adaptation du récit de Trierweiler, c'est lui le héros du jour, l'anonyme du moment, comme on dit sur certaines chaines. Il trône dans la salle de l'apothéose du palais Colonna, col ouvert et coude levé. Si dorées et croustillantes que scintillent à votre œil les galettes des vitrines de janvier shootées à l'appétant, vous n'engloutirez jamais en un mois autant de fèves que lui en un repas. D'ailleurs nous, nous les recrachons, les fèves de notre temps, lorsque le bout de la dent s'y heurte au détour d'un malaxage prudent. Parait même qu'aux États-unis, la fève s'achète séparée de la galette, par crainte des procès que le client qui s'y casserait les dents pourrait entreprendre. De fèves, les figurines de l'Épiphanie ne conservent donc que le nom, comme bien des ustensiles de notre monde faux. Petits tacots, instruments de musique, personnages de comics, objets surprises en tous genres pour fabophiles de tout crin : ce qu'on risque de trouver dans une galette est aussi varié que la fève d'antan était banale, comme si le signe avait pris sur lui l'intérêt de la chose qu'il représentait : les trois Rois se sont démultipliés en autant de citoyens depuis que les couronnes en papier de Melchior, Balthazar ou Gaspard emplissent les cartons de, nos pâtisseries. Suceurs et non plus mangeurs de fèves, nous pouvons tirer les rois tant qu'on veut, une fois, deux fois, trois fois, en famille, au boulot, et ce jusqu'à la fin du mois, tant l'unique se démultiplie sans vergogne dans cette société qui se prétend en crise, et qui l'est bel et bien, mais peut-être pas par le bout, le coin où elle le prétend.
Annibale Carracci, le mangeur de fèves, 1583, galerie Colonna, Rome
12:13 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : melchior, balthazar, gaspard, épiphanie, fabophile, houellebecq, adjani, france, culture, actualité, fèves, palais colonna, carracci |
jeudi, 01 janvier 2015
Radetzky l'an neuf
C'est toujours le meilleur moment au théâtre, ce moment des applaudissements. Quand les gens sont ensemble et contents. Pas fanatisés, pas avinés, pas hystériques. Mais juste complices, contents. Dans la vie, dans un monde sans prédateurs, on ne devrait avoir que cela à faire : s'applaudir.
Sur la musique de ces applaudissements, donc, bonne année à vous tous.
13:50 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : mariss jansons, radetsky, march, georges pètre, 2015?voeux |
samedi, 27 décembre 2014
Le seul Jour
En un mot toute la reconnaissance :
rien ! Rien que la peau mince du fruit,
Le volet qui grince,
non le vent, rien que le bruit.
Rien des choses, de nous-mêmes,
que silhouettes dans le brouillard.
Ton espoir récolte moins que tu ne sèmes :
pour tes craintes point de payeur.
Mais l'amour ?...
un songe
s'il n'est pas celui du temps pour l'éternel
et vie en Dieu et lutte avec l'ange
pour franchir la frontière du roi mortel.
Humain pourtant, ô femme et fêlure
de l'ignorance, lueur,
unique clarté dans notre nuit, figure
d'un jour pour toujours, flamme d'un seul éclair.
André Blanchard, poème paru Ultra Sens en 1975 (posthume)
ultra sens, 1975
22:46 Publié dans Des Auteurs, Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ultra sens, poésie, andré blanchard, littérature |