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samedi, 31 mai 2014

Une élection du temps de Merlin

Jusqu’à quel point peut se détériorer une image politique ? Rues barrées par les CRS, agriculteurs et métallurgistes en colère, conseiller du président pris en otage… Et pendant ce temps-là, cet idiot rondouillard à l’air bonhomme fait des petites blagues avec cet autre imposteur qu’est Pierre Soulages au musée de Rodez - Où se perd l’argent public ?… (Salut, au passage, à Monsieur Toublanc, dont j’ai d’abord cru qu’il me faisait un blague, qui laissa hier un joli commentaire en bas de ce billet)

Il est assez savoureux, pendant ce temps-là, de se plonger dans le Merlin. Et notamment dans le chapitre titré « Une succession difficile », qui narre l’accession au pouvoir et l’élection du roi Arthur. En ces temps pré-Googolien (Pré-Googolesque ?),  « on échangea  à cette occasion, dit le conte,  bien des paroles qui ne méritaient pas d’être conservées et retenues ». Rien n’a trop changé, direz-vous, sinon qu’à présent, le web veille.

Autre chose : ce n’était point alors des conseillers en communication qui assuraient l’élection des dirigeants, mais bien plutôt de véritables enchanteurs. Celle d’Arthur fut ainsi prévue de longue date par Merlin : ce dernier usa de ses sortilèges pour prêter un instant au roi Uter les traits du mari d’Ygerne pour lui permettre de coucher avec elle, à condition qu’il s’engageât à lui confier l’enfant dès sa naissance. Puis Merlin porta Arthur à Antor, à qui il demanda de l’élever comme son propre fils. On peut se demander un instant à quoi servit ce tour de passe-passe, puisqu’il semblait davantage desservir la légitimité du futur roi de Logres qu’autre chose. Mais on s’aperçoit très vite, quelques pages plus tard, que le subterfuge s’apparente en fait à une géniale opération de communication médiévale. Il permit en effet à Merlin d’octroyer une double légitimité à son candidat, lorsqu’il le présenta au peuple, seize années plus tard.

Une première fois en tant que prétendant normal (peut-on oser ce mot ?) à la fameuse épreuve de l’épée dans l’enclume que tout le monde tentait de réussir. Lorsque Antor pria l’archevêque de « faire essayer cette épée » à son fils, au même titre que n’importe quel autre sujet du royaume, ce dernier la retira avec une facilité qui déconcerta les spectateurs. « Notre Seigneur, dira l’homme d’église et lui ouvrant les bras, connaît mieux que nous l’identité de chacun !» Mais comme la plupart des barons et le peuple eurent besoin de voir le miracle pour le croire, il fallut le renouveler. De Noël à Pentecôte, (le temps que dure une campagne électorale), Arthur n’eut donc de cesse d’ôter puis de ficher à nouveau dans son socle la fameuse Excalibur, puis de la retirer à nouveau. On testa par ailleurs son programme : On lui fit apporter des joyaux et des bijoux, afin de s’assurer si le futur roi serait ou non « plein de convoitise et d’avidité ». On put juger de sa prodigalité, lorsqu’il redistribua tous ces présents.  Finalement, tous durent se rendre à l’évidence : le jeune homme avait toutes les qualités d’un chef.  Mais les barons les plus récalcitrants refusaient encore qu’un enfant de basse extraction qui n’était même pas chevalier devînt ainsi leur roi.

Il fallut alors que Merlin révèlât la supercherie et la réelle nature des parents d’Arthur. Du coup, il asseyait par un autre moyen la légitimité de son roi : Et par son propre mérite (il était le seul à avoir ôté l’épée et donc à être élu par le Ciel, là où de plus nobles avaient failli), et par la naissance (il était quand même fils de Roi). Au final, les barons les plus récalcitrants eurent beau alléguer que ce n’était qu’un coup monté, ils se retrouvèrent minoritaires, et leurs troupes bien vite décimées par  Excalibur, « dont le nom signifie en hébreu Tranche fer, et acier et bois », qui se révéla quasi miraculeuse dès les premiers combats du roi Arthur. Au vu de ces événements peuvent se comprendre la ruse initiale de Merlin, ainsi que sa grande sagesse. Mais tout le monde n'a pas, c’est vrai, le talent d'enchanteur.

En lisant le Joseph d’Arimathie, puis ce Merlin, je pensais aux grands récits fondateurs que furent L’Eneide pour Rome, l’Iliade pour la Grèce, et ces récits de chevalerie pour la Chrétienté. S’unir dans un mariage de raison et de monnaie à des fins seulement pragmatiques, comme on le propose aux peuples d’Europe aujourd’hui, cela ne suffit pas. On y entend comme un déficit de culture, de grandeur, de rêve, d’histoire même, malgré les images en boucles de commémorations. L’aura du fondateur de la Cinquième République qui maintient ses institutions, quant à elle, suffira-t-elle à compenser dans l’hexagone la médiocrité de l’actuel président français ? Tiendra-t-elle debout trois ans de plus cet ectoplasme, de petites blagues en petites blagues ? Je ne sais. Auguste en personne eut recours à Virgile pour asseoir son empire. Alors je me dis que ce n’est pas de grands hommes que nous manquons le plus, aujourd’hui, mais de grands récits. « Et je voel que tu saces que ma coustume est tel que je repaire volentiers em bois par la nature de celui de qui je fui engendrés »  (Et je désire que vous sachiez, dit Merlin, que je suis fait ainsi que je hante volontiers les forets, en raison de la nature de celui qui m’a engendré)…

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Arthur ôte l'épée de l'enclume, iconographie du Merlin, Paris, BNF

dimanche, 11 mai 2014

Nuel, Houdaer, bref et fictif Réel

Jean Jacques Nuel  a connu le temps des « menus larcins », et le raconte dans Le Mouton Noir, un recueil de textes courts publié chez Passage d’Encres. Il m’en cause un peu autour d’une bière dans un café de la rue Aimé Boussange à la Croix-Rousse. Le Mouton Noir, c’est le texte liminaire, celui-ci qui donne la clé (et le titre aussi) du bref recueil. Nuel s’y dépeint  naguère  également rejeté, et par les poètes et par les prosateurs, devenu fervent amateur de textes courts. A un moment, la conversation tourne autour du catholicisme, et il me parle de sa lecture de Jouhandeau. Même si ça ne saute pas aux yeux de prime abord, je me dis qu’il doit y avoir un lointain rapport de filiation entre les paragraphes mordants de Chaminadour et les siens, vifs et pince-sans-rire.

Une sorte de posture à mi chemin entre Réel et fiction, une technique de croquis qui hésite entre personne et personnage. A la page 24 du recueil, par exemple, Nuel raconte qu'il retrouve un de ses copains, Houdaer, en train d’écrire dans un café de la Guillotière nommé Court-Circuit un poème nommé Court-Circuit, et qu'au lieu de se retrouver dans un café, ils ont failli se retrouver dans une fiction. C’est d'ailleurs un trait commun entre les deux, cette envie instinctive de faire se joindre ce qui se passe et ce qui s'écrit, à la crête de leurs brèves lignes.

Ne se souvient-on pas que Nuel a édité Houdaer, l’an passé ? Enfin pas lui, mais son recueil Fire Notice, dans lequel il est question de ne pas imposer sa vision du monde, mais plutôt des effets de surprises. Et c’est marrant (en guise de surprise) parce que le lendemain même de ma rencontre avec Nuel, je tombe nez à nez à la sortie du Carrefour City de la rue du Mail sur Houdaer. Toujours à la Croix-Rousse, mon fief de plus en plus. Il est pressé, moi aussi, mais on se promet de se revoir un de ces jours. L’art du bref, dans toute sa curieuse véracité. Avec tout ça, je ne sais plus bien si j'étais en train de lire une page de Nuel ou bien  d'Houdaer. C'est pour ça que je parle des deux.

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Nuel et Houdaer à un cabaret poétique du Périscope

A lire 

Le Mouton Noir, Jean-Jacques Nuel, Passage d'encres. Son blog, L'Annexe, ICI

Fire Notice, Frédérick Houdaer, Le pont du Change. Son blog, Branloire Perenne, ICI

dimanche, 22 décembre 2013

Chant sans titre du 22 décembre

Tu restes sans voix devant le pouvoir de cette Parodie,

Les rues enguirlandées, les caddies emplis,

Les rubans et les nœuds,

L’air féroce d’une enfant de six ans devant des piles de jouets,

Et celui, comme mort déjà, de ses parents,

Leur main au porte-monnaie.

Tu te souviens de la pénombre, moisie et bienveillante, d'une chapelle,

De la silhouette d’un antique saint-Patron 

Noël des Corporations.

Et du chant qui, s’élançant des bancs,

Rencontraient l’oraison dans la fumée des cierges.

 

Enfant, tu aurais souhaité qu’un homme comme Saint-Joseph,

Te prenant dans ses bras, te fît profiter de sa hauteur,

Sa hauteur de Juste.

Mais pour t’élever d’un petit mètre, tu ne pus compter que sur le Temps

Qui falsifie, divise, submerge et contrefait les corps et les esprits.

Cette hauteur, en quelle Parole espérée, attendue de livre en livre, et d’auteur en auteur,

As-tu par les écoles guetté sa venue !

Mais rien, que la monotonie des hommes et des femmes,

Et celle des enfants, qu’on dit meilleure, pour se rassurer des erreurs.

 

Le Grappin sourit à et dans et par cette parodie, aussi sociale que politique,

Aussi financière que festive, et partout régnante, lumière des âmes mortes.

C’est au fil d’un chapelet qu’à présent tu marches suspendu dans la nuit,

A cette Prière qui te relie à Béthanie.

Le signe en grain de buis a cessé d’y être arbitraire;

Le Murmure n’y prononce plus rien de parodique, enfin.

Il n’est qu’un souffle, une lueur, les lèvres de l’asile

D’un corps à nouveau suscité, par où tu tiens en paix. 


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La Tour, Joseph et l'Ange

03:37 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : la tour, saint-joseph, poésie, littérature, christianisme | | |

mercredi, 16 octobre 2013

Langage, qui le possède

Es-tu bien sûr que ta gorge s’emplit de tes propres mots

Quand vous dévalâtes le chemin vers l’eau sans taches

Et que tu lui déclaras ta flamme ?

« Je ne veux pas de mots inventés par quelqu’un d’autre », disait Hugo Ball

Orgueil, déraison, sagesse ?

Peut-être eut il mieux valu, tel l’évêque magique de Zurich,

Lui dire ; jolifanto bambla o falli bamblagrosβiga m’pfa habla horem

Qui sait ? Le quiproquo eût peut-être été moindre

En biaisant l’arbitraire du signe aussi fauvement..

Mais tu lui dis je t’aime, simplement je t’aime

Comme tu avais vu faire, entendu dire, senti en toi

 

Le mot  et tant pis si, en s'imprégnant du temps,

Il déroula sous tes pas le tapis de la mort,

Langage, qui le possède ?

22:34 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : hugo ball, dada, littérature, poésie | | |

jeudi, 05 septembre 2013

Le loriot de septembre

« Et la couleur est seule 

  A chanter ses chansons. 

  Apaisement. Silence »,

écrit Richepin dans le poème qu’il consacre à Septembre (l’écouter PAR ICI). C’est peu dire que les politiciens ne prennent jamais les poètes au sérieux, ni ne les écoutent autrement, que dans le cadre d’une religiosité feinte. Pourtant ils tiennent à ce que les enfants apprennent leurs poésies à l’école, comme ils font du macramé ou de la morale laïque. Dans l’Antiquité, la poésie et la guerre pouvaient marcher de pair, voyez Homère et Virgile. 

Mais la guerre technologique a brisé ce lien essentiel : le lyrisme des politiciens n'est qu'une obscénité linguistique, une sorte d'usurpation, car à présent, ni la guerre ni la poésie ne fondent plus la cité. Parce que la guerre n'est plus un combat de corps à corps où pourrait s'immiscer quelque loyauté, mais un jeu cynique et politicien avec la vie d'autrui et les caprices de l'opinion. Relisons ces trois vers de René Char, poète et guerrier à sa façon, qui écrivit le 3 septembre (décidément) 1939 ce poème, le loriot. On ne peut mieux dire l’incompatibilité moderne entre guerre et poésie :

« Le loriot entra dans la capitale de l’aube

L’épée de son chant ferma le lit triste

Tout à jamais prit fin. »

Alors pourquoi nous parle-t-on de lyrisme à propos du discours des va-t-en guerre ? Béraud l'a aussi dénoncé, ce lyrisme de faussaires, en rappelant dès son retour du front, des armes chimiques, justement : la guerre n'est pas un sujet de littérature. Me demande ce qu'il penserait de tous ces députés, des absents comme des présents, jouant à donner des avis sérieux sur une réalité que ni eux ni moi ne saurions imaginer dans nos existences molles et avachies. Je me demande ce que c'est que de vivre à Damas aujourd'hui, d'entendre ces menaces de lointains pingouins entretenus, jouant avec une force qui n'est pas loyale, qui n'est pas leur, de ressentir dans toute sa fibre la précarité de soi, de sa maison, de ceux qu'on aime. A cette pensée, je me sens comme un gadget inutile, et je considère tous ces faux puissants que l'Occident et sa technologie ont inventé, comme des êtres sans chair ni substance, même pas des usurpateurs, du vide, du vent. Et vraiment, il me prend le mal de Dieu.

05:04 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : septembre, poésie, rené char, jean richepin, littérature | | |

mardi, 18 juin 2013

Le teint du ciel

En même temps, il te faut tes obsessions, pour survivre. Tes tocs. Et même une bonne névrose. Tous ces gens bien normaux t’ont toujours saoulé. Sans contacts. Leur teint… Tu n'aurais su par où les sculpter. Toi, tu n’as jamais porté cravate ni complet veston. Tu n’aimes que les vues du ciel. Il n’y a que lui pour porter haut le gris de ses humeurs sans être fade.

Comme lui, il te faut tes ritournelles, ton arrogance et ton geste de fermeture. Ta suavité. Le changement te gave. Proteste. Conserve. N’hésite pas à tout sauver. Dégorge. Regorge. Matière qui respire. Sans les cieux tiens, néant.

 

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10:23 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, poésie, lyon | | |

samedi, 01 juin 2013

Magazines

Des femmes avec des coupes au carré, blondes ou brunes, jeunes ou vieilles, éthiopiennes, japonaises ou finlandaises, dans le cercle du magazine on s’en fout dorénavant, encloses, toutes taillées au carré. Des hommes aux cheveux ras, petits ou grands, malingres ou baraqués, marocains, danois, français, dans le cercle du magazine, on s’en fout tout autant, encadrés, rasés. Tous, hommes et femmes, comme des Amours mal grandis, et pressés les uns contre les autres dans le champ clos du papier glacé, vue aérienne sur de la viande au carré, de la viande rasée.

Autour un cercle rose inachevé, dessous le nom de la marque, en didones effilées

La première fois qu’il s’était fait couper les cheveux si ras, elle lui avait passé la langue sur la nuque, elle l’avait léché jusqu’au sommet du crane si doucement en l’appelant son petit facho qu’il en avait remisé toutes ses théories d’antan, sentant son gland s’émoustiller rien qu’au frisson humide et chaud sensible sur une zone érogène qu’il n’avait jamais pu soupçonner jusqu’alors, à cause de ces putains de cheveux trop longs qu’il fallait porter à l’époque.

La première fois qu’elle s’était fait couper au carré, il lui avait trouvé une vraie gueule de salope. Rien qu’à l’entendre le lui dire comme ça, si spontanément, gueule de salope, elle avait mouillé dans son string et tellement pris la tremblote aux cannes qu’elle avait prétexté la fatigue pour se jeter sur le sofa. Alors, ils avaient pénétré l’enclos vert, non loin de la mare, au pied de la colline.

Il tourna la page. La marque de quoi, au fait ? 


18:16 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : poésie, littérature | | |

jeudi, 30 mai 2013

Comme un poisson dans l'eau

La rivière s’asséchait. Il n’était pas un savant, mais il le ressentait. Encore, se fût-elle seulement asséchée, là n’était pas le pire. L’eau qui traversait ses branchies était non seulement de plus en plus pauvre en oxygène, mais encore de plus en plus emplie de saloperies de toutes sortes. Une espèce de chaos régnait dans la rivière. L'eau se troublait. Certaines espèces de poissons témoignaient d’une agressivité nouvelle à l’égard d’autres. D’autres paraissaient avoir renoncé à être ce qu’avaient été leurs pères, comme si on les avait drogués. Ils affectaient des comportements d’autres espèces, très maladroitement, suffisamment pour perdre toute authenticité. Le mot nature était devenu un gros mot. On ne parlait plus que d’élevage.  

Il faut dire qu’ils n’avaient jamais été aussi nombreux, dans ce pauvre bras de rivière -qui, lui, devenait de plus en plus étroit, de plus en plus sale - de plus en plus nombreux à être passés par le même élevage, à avoir accepté les mêmes putrides enchantements. Il se disait que la plupart des poissons qu’il voyait se réjouir de tous ces changements avaient dû être drogués. Paupières closes, il regrettait souvent l’espace et l’eau claire, le courant et le clapotis d’autrefois. C’était pour lui un mystère qu’on pût, par des raisonnements de plus en plus spécieux, trouver à cette évolution un charme, un bonheur, un espoir. Trop conscient de l’assèchement en cours, de la mutation du liquide vital en poison mortel, il tenait le coup, comme on dit, grâce à deux raisons ;

La première, c’est le considérable volume de joie engrangé dans la mémoire de ses fibres. La fulgurance des courses qui s’étaient tenues autrefois dans ces courants à présent disparus le traversait tout entier. Il se disait alors qu’il contenait en lui de quoi tenir, même lorsque la rivière serait à sec, et que toutes les mutations en cours auraient conduit l’espèce à sa perte. Illusion réparatrice.

La seconde, c’était de croiser ça et là des compagnons qui, comme lui, avaient l’air de survivre sans s’accommoder du marasme, ni céder à la folie que ce dernier engendrait. Ils avaient tous ce même sourire étrange, ce regard fait d’une révolte pacifiée et d’une non-participation intérieure à l’endoctrinement des troupes. Le mot résistance n’ayant plus guère de sens en ces eaux résiduels face à tout ce qui les dévastait, y brillait seulement, dans un mélange de bonheur d'être là et de tristesse de ne pouvoir agir, ce qu'ils appelaient encore entre eux la conscience.

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06:14 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, culture, décomposition, france, poésie | | |

mardi, 07 mai 2013

Comme le miel, du soleil coule

“And the sun pours down like honey”, chante Cohen. Ce que Graeme Alwight traduit par : « comme du miel le soleil coule » (passage des guillemets britanniques aux guillemets gaulois, s’il vous plait.)

Vous remarquez avec moi que « coule » est meilleur que « pours down ». Bel effet, aussi, de placer le comparant (miel) avant le comparé (soleil). Moins plat que l’inverse (« le soleil coule comme du miel »)

Reste, selon moi, un problème de détermination. Pour inverser parfaitement les deux termes de la comparaison, il faudrait aussi inverser leurs déterminants ;  ça donnerait : « comme le miel, du soleil coule ».

Voilà. Comme ça, it would be very good…

Un autre passage, dans la version française, pose problème : “And Jesus was a sailor”, qui devient « Il était un pêcheur ». Cette fois-ci, la question n’est plus seulement d’ordre stylistique, mais d’ordre religieux, avec la disparition du nom propre (perte) et la polysémie du mot pécheur/pêcheur, en français (gain ?)

La question est trop épineuse, presque insoluble. Surtout par les sales temps qui courent.

Les deux versions, à présent, celle de Cohen puis celle de Graeme Alwight : 



00:05 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : stylistique, poésie, suzanne, léonard cohen, graeme allwight | | |