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lundi, 14 novembre 2016

Commémorations

Sottise de ces dirigeants qui croient en l’Islam de France. Et pourquoi pas l’Islam de Norvège ? L’Islam de Californie ?  Du Lichtenstein ? L’islam n’est pas seulement ponctuellement satanique lorsqu’il tue des gens, mais il l’est universellement, en son essence même, parce qu’il nie et la Trinité sans quoi le pardon absolu est impossible, et qu’il foule du pied la Divinité du Christ sans le sacrifice duquel il n’est pas de liberté possible ni de charité véritable. La petite force de l’Islam, c’est qu’il avance masqué derrière une théologie de contrefaçon. Sa grande force, c’est que les « humanistes européens » ces aveugles qui nous guident, professent de ne plus croire en Satan, alors qu’ils en sont volontairement ou non les plus zélés serviteurs, et qu’ils lui ouvrent ainsi tout grand les portes en se donnant l’illusion de prêcher la tolérance.

Inutile, donc, de se leurrer : le combat politique contre l’Islam n’étant que de façade, ça ne s’arrangera pas. Qui peut croire, comme ils feignent de le croire, que la laïcité, cette auberge espagnole ouverte à tous les vents, vaincra la folie rétrograde intrinsèque à l’Islam ? Qui peut croire que le credo libéral-libertaire, qui donne de fait à tous le même droit de cité, saura hiérarchiser les priorités et dissiper les illusions ?   L’espoir de vivre en paix est une ruse de Satan quand il n’est fondé que sur des vœux pieux, et ce sont des vœux pieux que de croire à la bonté de l’homme au nom de spéculations philosophico-politiciennes. Il ne sert donc à rien d‘allumer des bougies sur les trottoirs et de se taire quelques minutes, abusés par de faux rites de fraternité, et perdus dans les méandres des symboles et les vanités des incantations comme dans les rues et sur les places de la République. A rien.  Si nous ne sacrifions pas à la seule paix qui soit, celle du Père, cet espoir naïf nous conduira collectivement au désastre.

L’intelligence est le lieu du péché, Satan le sait mieux que quiconque.  Lui qu’aucune chair n’encombre, il a tout loisir, jour et nuit, d‘être en esprit plus rapide que le plus malin de nous tous. J’ai beau être très bête, néanmoins, fort stupide face à lui, d‘une idiotie que je n’imagine même pas du fond de ma soumission au péché [car ce dernier demeure, à l’image de l’Islam, une soumission], je sais par le Christ notre Seigneur, et je le vis par ma prière, qu’il est un lieu où Satan ne peut se rendre et où je le puis moi, à sa grande fureur. Un lieu où j’ai tout loisir d‘être plus intelligent que lui. Je tiens là mon salut, rien de moins, du fait que le Christ aime avec plus de force que Satan ne hait. Non, cela ne sert à rien de s’assembler en cortèges émus par les rues et les places de la République, où brillent tant de ses artifices et résonnent tant de ses appels. Mais c’est , au pied de la Croix, c’est à dire dans la conscience sacrée que j’ai de la douleur du Christ, qu’il faut prier pour ces morts du Bataclan, pour tous les morts et pour tous les pécheurs. Là, le silence est épais, la paix dense, la consolation certaine et l’intelligence féconde. Ce lieu au-delà de la nuée bleue, que le Christ a racheté, le Prince de la contrefaçon s’en est interdit stupidement l’accès. Sa toute-puissance sur notre espèce et sur notre infirmité individuelle a beau être grande, elle s’estompe et part en fumée dès que nous prions à partir de cet endroit. Ce n’est donc pas dans la conscience que nous avons de leur mort ou de notre mort à venir, et de toutes nos chères douleurs, que nous devons nous adresser à Dieu, mais dans la conscience que nous avons de Sa  Douleur à Lui.  Tout l’enseignement du Christ réside là, et c’est par là qu’il est Fils, quand  tous les autres ne sont que lointains adorateurs. 

 

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 Christ, Santa Prassede, ROME

07:38 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bataclan, paris, attentats, islam, politique, christianisme, christ, satan, croix, religion, france | | |

samedi, 14 novembre 2015

Impassible raison

Ce matin, je pense à la femme qui m’a élevé, ma grand-mère. Au soir de sa vie, sa fille lui a ramené un mioche à la maison, mézigue ! Les tickets de rationnement étaient à peine un souvenir, quand j’y pense à présent ! Ma vieille avait traversé deux guerres. La première s’était déclarée alors qu’elle avait 19 ans, la seconde 44. Son mari, qui avait été gazé lors de la première, est mort d’un cancer à la gorge peu de temps après. J’ai poussé, grandi, dans son silence. Qu’avait-elle appris de cette espèce folle, dont elle était membre elle aussi ? La merveilleuse humanité…  Que devant sa folie, il faut lorsqu’elle éclate en gerbes demeurer impassible. Non pas indifférent ; ni méprisant. Mais impassible : Ecce homo, ne pas porter sur soi toute la misère et la folie du monde, mais dans ce chaos savamment organisé, se contenter du poids de sa juste croix

On va donc encore nous appeler à des marches silencieuses, des minutes de silence, on va évoquer des élans de solidarité à partager, ce genre de manifestation incarnant ce qui demeure d’une République désossée privée conjointement de foi et de raison. On va nous expliquer qu’il ne faut pas nous arrêter de vivre, continuer à emplir les marchés de Noël et se bousculer dans les événements festifs, comme si c’était cela, vivre !  Quid de la fête des Lumières à Lyon, par exemple ? Que nos valeurs… Mais le vivre ensemble balancé pour masquer son incompétence par un pouvoir politique délétère est-il une valeur ?

Le tout pour éviter la remise en cause de toute politique conduite à l’arrachée depuis une quarantaine d’années en France par un pouvoir de gauche et une droite complice. Vous les entendrez vous dire encore qu’il ne faut pas faire d’amalgames, que toutes les religions se valent, Islam et Christianisme au premier chef. Qu’on m’explique alors pourquoi 1300 fidèles musulmans sont morts cette année dans des piétinements au cours d’un des rites fondateurs de l'Islam, la lapidation de Satan, quand au même moment, des centaines de milliers de catholiques communiaient en paix à Philadelphie autour de François ?  Si j’étais musulman, je me poserais la question de la valeur réelle de ma religion, comme d’ailleurs, je me la pose sans cesse en tant que chrétien, lorsque je décide chaque jour de rester chrétien.

Il n’est pas anodin que les islamistes aient visé deux lieux de l’entertainment : le stade et le concert. C’est aussi un message que nous devrons décrypter, mais là encore, qu’on ne compte pas sur moi pour devenir soudain solidaire de ce que certains appellent une culture, osant même rajouter une culture de la liberté : c’est le libéralisme du divertissement mondialisé, c’est la libre circulation des biens et des capitaux, c’est le règne des marchés culturels aliénants, la déstructuration morale des masses que les terroristes embrigadés au nom d’Allah viennent aussi de viser. Et là aussi, ne faisons pas d’amalgame. Ces marchés, ce divertissement, cette libre circulation qui est leur politique, non, ce n’est pas la France. Et ce n'est pas non plus la croix, comme l'avance la délirante revendication de Daesh, en se vantant de la mort de centaines de croisés...

La France sous le choc, lit-on partout ce matin. Cela fait longtemps, je crois, que les gens qui réfléchissent un peu sont sous le choc devant ce que le décrié Finkielkraut appela La défaite de la Pensée, le honni Zemmour Le Suicide français, sous le choc aussi devant cette construction européenne entreprise au forceps, ce suivisme atlantiste qui est devenu la ligne diplomatique des deux derniers présidents, ces guerres menées au Moyen Orient sous l’étendard de BHL et autres agents de propagande.

Le sang coule, c’est la guerre et il va bien falloir cesser de vivre dans le festif émotionnel et les vœux pieux compassionnels pour retrouver le chemin de l’impassible raison et comprendre une bonne fois pour toute qui nous sommes, quelle longue histoire est derrière nous, et quel est notre camp. Nos dirigeants corrompus, certes, ne nous y aideront guère, car tel n’est pas l’intérêt de leur survie politique. Mais il en va de la nôtre, de notre survie intellectuelle et morale, et, peut-être même, de notre survie tout court.

 

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Texte de la revendication de Daesh

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vendredi, 26 décembre 2014

Capitale

André Blanchard naquit en 1906 et mourut à en 1975. Son passage par Polytechnique n’altéra pas son goût pour la poésie, bien au contraire. Ingénieur, il survit désormais pour ses travaux sur les baroques du XVIe siècle (dont Chassignet) dans son Trésor de la poésie baroque et précieuse publiée par Seghers en 1969. Il laissa surtout une œuvre poétique éparse. Son premier poème fut publié dans la revue Méditerranée, lui-même demeura un fidèle des cahiers Points et contrepoints de Maurice Bousquet et fonda plusieurs revues poétiques, dont Correspondance et Bételgeuse.

Il vécut en cette époque intermédiaire entre la poésie versifiée attachée à la mélodie et l’ère du textuel fasciné par la structure. Attiré sans doute par ce dernier, il demeura fidèle à la première et composa son œuvre en vers encore réguliers bien que  le plus souvent non rimés. Parfois, sa plume s’oriente vers la prose poétique, comme dans Capitale, un recueil dédié au Paris libéré que publia Seghers en 1945, et dont voici les dernières lignes

Tes ennemis te croyaient facile, tes amis frivole, et je te connus facile pour l’héroïsme, frivole au point de sourire à la mort, tendre et modeste fiancée du sublime. Il y avait des roses plein les tonnelles et les portiques, du soleil plein les chaussées : tes enfants, Capitale, ont aimé ces jours resplendissants, ils les ont aimés parce que la vie aime la vie et qu’ils voulaient vivre de vie, et c’est pour cet amour impollué qu’ils ont , si facilement, si frivolement, si simplement pris les armes, de pauvres armes, des armes de rien : ils les ont prises pour toi et  tu leur a donné l’aide occulte de tes complicités, de toutes celles qui te lient à la Victoire. Enfin contre le barbare ennemi c’est Lutèce qui regimbe, Non ! ce n’est pas Grenelle ou Montmartre, ni Passy ni Belleville, ni Saint-Paul, ni Saint-Germain, pas même la montagne Sainte-Geneviève  ni l’ardent Faubourg Saint-Antoine, c’est le petit coin de terre qu’enclot  jalousement la Seine, c’est le peu d’espace compris entre la Cathédrale et le Palais, c’est le lieu sacré borné par la Beauté, la Foi et la Justice qui jette ce cri de délivrance et change les destins. L’âme éternellement soumise aux lieux qu’elle a choisis ne connaît donc point de force qui prévale entre elle et les siècles, leurs révolutions comme leurs oublis, les hommes, générations après générations n’en troublent donc point les vertus ! Ici tu naquis, tu renais ici, Capitale, et le sang de tes nouveaux fondateurs se mêle au sang des héros qui te conçurent. Ainsi survivant à la chair, l’esprit par delà les nuits desséchées renouvelle ses promesse de grandeur et de pérennité 

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Je vous parle d’André Blanchard parce que le hasard d’un rangement m’a fait tomber sur un dossier dans un carton acquis en salle des ventes (précieuse salle des ventes) dans lequel se trouvent, parmi quelques-uns de ses livres, quelques pages manuscrites de lui, dont certains poèmes publiés en revues, d’autres inédits. Il n’y en a pas assez pour constituer un recueil, alors je me dis que peut-être je pourrais les publier ici au fil des jours qui viennent, pour les amateurs de cette poésie en clair obscur, entre tradition retrouvée et décomposition annoncée, si caractéristique de ce que furent les années cinquante / soixante;

mercredi, 08 janvier 2014

Lettres de Paris

Dans l’ironie de cette photo, quelque chose qui pourrait me rendre illico mélancolique, si je cédais à mon instinct littéraire. Ou joyeux, tout autant. Car il n’est pas donné à tout le monde d’entrouvrir les grilles de son passé, d’y ranimer des saveurs exténuées. Et c’est bien que le souvenir soit aussi préservé des passants indiscrets, comme les chambres et leurs objets odorants, derrière ces volets clos.

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Des linéales, dont la barre du T et le V entrouvert évoquent des jours de fins lettrés, ceux de Cassandre et son Peignot...  Ô le temps de l’enseigne, comme un peu plus tard ces autres lettres publicitaires, à Montmartre ! Paris se lit à mi hauteur des rues, comme toute ville qui a vécu. Aujourd'hui contrefait hier, mais Gravures, Aquarelles et Peintures ne sont-elles alors plus que Tableaux et Souvenirs ?  A voir, dirait Nadja.

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On ne retrouve le temps que si le permet la chanson, c'est ainsi. Trois petites notes de musique, chantait Cora Vaucaire. Aussi l’enseigne à Gill s’est-elle comme cristallisée en lapin curviligne, dans un moment leste qu’il n’est plus besoin de poursuivre en vain pour le goûter. Les lettres de Paris, alors, n’appartiennent pas davantage au passé qu’au temps qui les photographie. 

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samedi, 12 octobre 2013

Modes de guerre

Remy de Gourmont décrit en octobre 1914 à quoi Paris ressemble, la guerre déclarée.  On se promène « avec autant de tranquillité » avenue de l’Opéra et sur les Grands Boulevards. Les voitures des charbonniers  sillonnent encore les rues, et ni le sucre ni le sel ne manquent. Mais, dit-il, « c’est la main d’œuvre qui fait défaut, pour donner aux matières premières le dernier perfectionnement auquel nous sommes habitués ».  Plus de pain de luxe. Plus de sucre raffiné.  Les brioches sont tolérées, mais les croissants supprimés par les autorités militaires. « Le raffinement, écrit-il, n’est peut-être qu’une manie. »

La Bourse est fermée et « manque aux gens d’affaires ». Les théâtres sont fermés et « manquent aux gens de loisir ». Le soir, cafés et restaurants  sont fermés, et c’est ce qui modifie le plus la vie parisienne. En journée, l’un et l’autre ne peuvent plus servir de l’absinthe. Dans le naufrage des distractions, seul le cinéma a survécu. Gourmont commente : « Comme le sombre drame qui émouvait la foule il y a trois mois lui semble pâle près de celui qui se passe à quelques heures de la capitale ». Le public, de toute façon, ne semble guère s’amuser.  Les tramways ne fonctionnent que dans un sens, de l’est à l’ouest, et les lignes du métropolitain sont encombrées. La plupart des grands hôtels sont fermés et les étrangers, dont Paris tire son luxe, sont absents.

L’absence des hommes, partout : le Quartier Latin a été vidé de ses étudiants et la foire aux livres des galeries de  l’Odéon est déserte. L’étalage n’a pas été renouvelé. « Les quelques hommes sont tous d’un âge raisonnable, et les femmes y semblent désemparées ». Gourmont s’étonne qu’on ait malgré tout pensé à créer une mode pour l’hiver. Ce sera « une mode de guerre » Plus de fantaisies ni d’extravagances, des jupes droites, noires, sans ornements.  Et Gourmont d’espérer qu’à la fin de la guerre, dont il sent, comme tout le monde, qu’elle risque de durer longtemps, « les arts de la paix » refleuriront. C’est, dit-il, ce qui le fait espérer. 

Peut-être, dit-il, « qu’on n’écrit plus beaucoup de romans en ce moment où un si grand nombre d’écrivains sont en villégiature dans les tranchées ».  La partie la plus jeune de la corporation est au feu et se fait tuer. On sait déjà la mort de Péguy. Et l’autre moitié, qui n’est pas mobilisée, est immobilisée. Elle ne publie plus rien, elle attend ou écrit pour elle-même ou « pour l’avenir ».

Pourtant, on bouquine beaucoup et partout, en attendant. Les cabinets de lectures sont dépourvus. Du coup, presque avec un sentiment de culpabilité, Gourmont s’est rabattu sur Romaine Mirmault, un roman d’Henri de Régnier qu’il n’aurait sans cela jamais découpé. Beaucoup de revues ne paraissent plus. Et Gourmont de conclure que le Paris en temps de guerre ressemble à ce qu’est la province en temps de paix : « on y ressent une impression de calme toute pareille » Tenir a-t-on donné comme consigne au Front. Attendre, semble répliquer l’arrière. Ce que ce parisien par vocation ne parviendra à faire. Treize mois après la mobilisation générale, Rémy de Gourmont meurt à l'hôpital d'une congestion cérébrale le 27 septembre 1915.

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16:59 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : paris, guerre1418, rémy de gourmont, littérature, théâtre, front, arrière | | |

vendredi, 08 mars 2013

Madame Rachou

Madame Rachou, la tenancière du Beat Hôtel. C’est aujourd’hui un hôtel relais de France, fade et sans saveur, pour touristes. A l’époque du Beat Hotel, Madame Rachou était veuve. Son mari, qui venait de mourir, avait peint leur nom qu’on voit sur la porte. On l'imagine, deux fois par ans, retirer les rideaux blancs de leur tringle pour les passer à la lessiveuse.

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Là,on la voit rendre la monnaie à Peter Orlowsy, le compagnon de Ginsberg (aurait-on le ridicule de dire mari - ou épouse -aujourd’hui ?), qui un jour lui écrivit ceci :

« Conversations ou rêves-
sommeil ou maux de têtes
bite ou couille - verre ou eau-
je vais dans la salle de bains pour m'asseoir
sur les toilettes j'ouvre la
porte mais avant que j'arrive aux
toilettes il y a une autre porte
et puis une autre porte, et je
l'ouvre et rentre mais
il y a encore une autre porte
et à chaque fois la pièce rétrécit
un peu jusqu'à ce qu'en fin de compte j'aie l'impression d'être un
nain dans cette course de portes
dans une salle de bains minuscule, qu'est-ce qui s'est passé
tout ce que je veux c'est des bonbons - pas de toilettes-
laissez-moi tranquille - voulez-vous
danser, peut-être êtes-vous
amoureux de moi - est-ce que j'en vaux la peine ? »

Ce qui est émouvant avec madame Rachou, outre sa blouse à courtes manches, sa permanente, et le fait qu’elle ait ainsi ouvert son hôtel à tout ce que la lost génération compta de talents en vadrouille dans la capitale, c’est aussi cette affiche – on la decouvre mieux sur cette autre photo :

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Une affichette pour Pacifico, une opérette programmée au théâtre de la porte Saint Martin, avec Bourvil et Guétary (nous sommes donc très exactement en 1958). La promotion de cette oeuvre immortelle à découvrir ICI

Et c’est ce mélange de Ginsberg et de Guétary, de Bourvil et de Burroughs qui donne à madame Rachou toute sa grâce, toute sa classe. Bonne année, bonne santé, m'sieux dames...

Photos Harold Chapman

jeudi, 07 mars 2013

Beat hotel

Nous marchons à présent sur les pas de Ginsberg, Corso, Norse, Burroughs, Orlovsky, au 9 de la rue Gît-le-Cœur à Paris. Nous pénétrons dans un bistro au carrelage rouge sale. Le chat de la maison est gris et se nomme Mirtaud. Un noir de café coûte 30 centimes, le Pernod un franc. La pièce est minuscule. Pour l’agrandir, on avait placé un grand miroir derrière le comptoir, sur un mur encombré d’étagères recouvertes de dentelles poussiereuses et de bouteilles. Sur le comptoir un géranium en pot. L’hôtel est classé 13eme catégorie, à cause des rats et de l'hygiène d'avant-guerre.

Dans chaque piaule – au total il y en a 42, un sommier en acier recouvert d’un couvre-lit, un chevet en bois, une armoire à glace et une chaise. Une fenêtre à barreaux ouvrant sur la cage d’escaliers. Des chiottes turques à l’étage et une seule baignoire au rez-de-chaussée.

Ils ramassent des objets aux Puces qu’ils vendront plus tard dans des galeries new-yorkaises. Ils ont nom Bob Grosvenor et Verta Kali Smart. Dans la chambre 15, Burroughs écrit Naked Lunch et Soft Machine. Le Beat Hotel, c'est aussi l’antre où reçoit Gregory Corso. Ecrivains, mathématiciens, mannequins, peintres, modèles, photographes passent de chambres en chambres. Et Harold Chapman les fixe en ses photos.

 

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Madame Rachou, propriétaire du Beat Hotel, William Burroughs. Début des années 1960.

 

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Gregory Corso, chambre 41

 

 

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Le café de l'hötel


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Peter Orlovsky & Allen Ginsberg

dimanche, 10 février 2013

Un homme qui dort

Pour n'accorder que ce qu'elles méritent aux non-couleurs de l'époque, revoir longuement  les noirs et blancs somptueux de Pérec :



dimanche, 04 décembre 2011

Le plus beau billet du monde (3)

III

Polo, il a respiré un grand coup avant de s’endormir et voilà que maintenant,  ses ronflements montent plein le galetas. Autour de nous je devine les zigues par milliers, en train de récupérer leurs défroques de la veille, descendre leur bol de café ou se brosser les chailles : toujours les mêmes hardes d’employés ; leur ville, j’imagine pas d’y installer campement, c’est chômeur que j’y suis depuis que j’ai quitté les études et la trentaine arrivée, ça me paraît tenir du destin.

Alors, je songe à lui, place Clichy, je songe au Sébastien. Il sort tout juste du métro, l’air encore niais des provinciaux frais débarqués. C’est le printemps, forcément. Cette scène-là, elle n’est possible qu’au printemps, dans le bleuté tièdard qui refile l’illusion aux vieux matous d’un possible recommencement à leurs turpitudes.

Mais lui a tout juste vingt ans et se dit qu’à Pigalle, ça pourrait forcément qu’aller mieux. Le Topol, Saint-Lago, Ménilmuche, la Courtille, comme dans les chansons de Fréhel, c’est plein d’occases dont il rêve, à pas cracher dessus, la coco, les cinoches américains, les Alfa Roméo milanaises, les milliardaires russes et les gerces aux yeux qui brillent sous le faux des projos, le tout comme dans un roman de Carco : c’est la toute fin des années folles et, même si  partout autour, comme on dit dans le Temps, le feu couve,  il les tient ses vingt ans, le Sébastien.

- Montre voir, aurait dit Polo à cet instant, si la bourrique ne ronflait pas à briser la verrière. Comme d’habitude, je le lui aurais tendu pour sûr.

Il m’aurait alors expliqué d’un ton doux, comme s’il causait à Sébastien lui-même : « Tu vois, là, la gonzesse, avec son petit châle mauve sur les épaules, en train faire le rade devant le parc de Versailles ? T’en as jamais tenu entre tes bras, hein, des gonzesses comme ça ? Ni vraiment froissé des liasses dans tes poches, des billets flambant neufs comme çui-ci, pas vrai ? »

J’opinerais à la place de Sébastien qui n’est plus là pour le faire. Mais en avril 1935, quelle tronche dut-il tirer quand il a découvert ce billet entre ses pognes, devant le visage de cette Cérès taillé à la serpe. Saisi, le Sébastien, forcément, et plus encore lorsqu’en le retournant, il est tombé sur Mercure, le Mercure de trois quarts et en tunique bleue. Un petit crème sur la place, sûr qu’il se prit ça, ce matin d’avril-là, pour l’observer tranquille, son fafiot. De tout près. 

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Bon c’était bien ça le chic du genre de l’époque, remarque, commenterait Polo l’ironique. Transformer les nanas en mecs et les mecs en nanas : le tout sur un patron de lithos grecques, trafiquées à la Cocteau dans un parfum de Chanel. Le résultat : cet androgyne à tête de cinquante francs. Comment t’appelles ça, toi le savant ? A l’identique. Ouais, ricanerait-il.

Reproduction à l’identique de façon à ce que le motif du verso  coïncide avec celui du recto : même motif, quand on regarde le papier par transparence : A l’identique, gonzes et gonzesses bouillant dans la même marmite, tous pareils et bien baisés au défilé des Temps Modernes. La parité dans le même jus de cuisson. Mais Polo ronfle encore et j’observe seul mon billet dans le rayon qui choit, tout oblique, du vasistas. 

 

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De toute façon, c’est pas la ressemblance entre la Cérès et le Mercure qui nous soucie, mais bien celle entre le Sébastien et le Mercure, et donc avec Cérès, par ricochets, ça qui a dû l’arrêter. Sa propre gueule sur un billet du pays, et en double exemplaire, ça peut que clouer, non ?

La seule photo que je possède de Sébastien, c’est pendant la guerre, autour de 42/43. En pantalon gris, chemise blanche, avec sept ou huit autres, il sourit pas plus que sur le billet. C’est vrai que ça impressionne, a toujours convenu Polo. Mercure tout craché, ton grand-père, ça impressionne.

Fais voir l’autre billet.

Je lui tendrais le plus beau billet du monde. S’il ne ronflait pas comme un damné sous cette verrière, il commencerait à chercher dedans on ne sait quelle vérité.

Moi, je fermerais les yeux un moment, le cœur qui cognerait, juste pour bien me ressaisir. 

A suivre