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lundi, 12 juillet 2010

Le vicomte et le chansonnier

Un beau billet du Tenancier, à lire ICI, à propos d’un ouvrage sur Béranger : une véritable explication de livre, comme il  existe des explications de textes, si on veut, mais aussi une petite fable qui m’a reconduit à l’amitié entre Béranger et Chateaubriand, telle que ce dernier en  parle dans le tome quatre de ses Mémoires. C’est durant l’hiver 1830 que les deux hommes s’étaient rencontrés. « Tout ce qui touche à la renommée de la France m’est cher, et vous avez élevé la chanson jusqu’à la gloire » Derrière le phrasé un rien cérémonial se glisse une vraie reconnaissance du vieux légitimiste. Leur relation durèrent jusqu’à la mort de Chateaubriand qui, encore en 1844, se rendait à Passy pour causer quelque temps avec le chansonnier, dans la petite maison qui fut son dernier logis. « Je déteste deux choses en lui : l’impiété et le cynisme. Le reste me ravit » : Un aveu que François-René fit de peu de gens.

 

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Béranger, Hôtel-de-Ville de Paris

12:14 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : béranger, chateaubriand, littérature | | |

dimanche, 11 juillet 2010

Le billet de la Curée

Il est peu croyable aujourd’hui que l’émission d’un billet de 200 francs ait exigé quatre jours de séances de la Chambre. Ce fut pourtant le cas, du 13 au 16 avril 1847, à propos de ce superbe spécimen de 200 francs. De nombreux orateurs y prirent part, ainsi que les ministres des finances et de l’intérieur. A l’origine, le législateur avait voulu préserver le crédit du billet de la Banque de France, en ne le laissant pas descendre au-dessous d’un chiffre assez élevé. Celui de 500 francs paraissait une limite en deçà de laquelle on ne pouvait descendre sans perdre la face. Déjà en 1840, le Conseil général avait repoussé l’idée d’émettre une coupure de 250 francs que certains comptoirs étrangers avaient déjà mis en circulation. Il est indubitable que le souvenir des assignats hantait encore de nombreux esprits. Cependant, la Banque et les commerçants nouant des contacts de plus en plus étroits, l’idée de coupures à leur convenance faisait son chemin dans l’esprit des politiques. Alors que les premiers signes de la crise boursière et économique qui allait emporter le régime de Louis-Philippe commençaient à se faire sentir,  le 22 janvier 1847 le projet d’une coupure de 200 francs, en attendant même une autre de 100 francs, fut déposée devant la Chambre des députés.

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mardi, 06 juillet 2010

La Table de Claude (8)

La mort du pape, celle du président : 1963 fut aussi celle de la chanteuse. Edith Piaf, à l’époque, mêmes si ses obsèques virent se presser une foule d'anonymes au Père-Lachaize, elles furent entourées de moins de pompes internationales que celles des deux chefs politiques et religieux. Avec le temps, le moineau noir conquit pourtant d’égales lettres de noblesse, microsillons, juke-box, et transistors obligent. En 1963, la  chanson n’occupait pas la place qu’elle occupe à présent, dans le fond sonore et l’air du temps, presque idéologique, de l’époque. La chanson, comme le dirait Brel un peu plus tard, c'était encore un art mineur, un art du coin des rues, et Piaf, avec sa voix inimitable qui me faisait presque peur les rares fois où je l’entendis avant sa mort, charriait jusqu’à nous, grâce à l’industrie du disque, la crapuleuse aura des faubourgs d’avant-guerre : elle ne roulait plus les r comme Fréhel, Damia ou Arletty, mais provenait du même temps et du même lieu qu'elles. Et il me semble à présent que les disparitions presque concomitantes en ce moment de mes huit ans de Piaf, Jean XXIII et Kennedy, si hasardeux que pût de premier abord paraître cet attelage, ont signé l’extinction définitive du monde où avaient été jeunes les quelques adultes qui m'entouraient alors, pour ouvrir la porte à un autre : tous trois, comme des mythes fondateurs d’une sorte d'arrêt brutal, en tout cas de duperie dans la transmission. Bientôt, ceux qu’on appellerait les soixante-huitards se lèveraient, encombrant d’eux-mêmes et de leur multitude les 819 lignes du poste de télé : né trop tard pour avoir goûté l’ancienne société, bien trop jeune aussi pour leur appartenir, j’allais devenir le témoin perplexe de leurs agissements. Et l'empereur Claude, dans tout ça ? Aux Beatles qui déjà pointaient le bout de leurs rêves à deux sous, je préférais déjà le boui-boui de l'Accordéoniste :

14:14 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : edith piaf, littérature, table de claude | | |

vendredi, 25 juin 2010

La retraite de la marquise de Rochefide

Il n’y a rien à faire, je ne peux m’empêcher d’être sceptique devant ces gens qui prétendent combattre le Capital (avec un granc C) tout en comptant leurs points de retraite. Non que je sois contre eux. Mais je ne peux, non plus, être avec eux.

En 1839, Marx posait déjà la question à Engels : « Dans le Curé de Village de Balzac, on trouve ceci : Si le produit industriel n’était pas le double en valeur de son prix de revient en argent, le commerce n’existerait pas. Qu’en penses-tu ? »

Au moins, Balzac a-t-il lui pour lui l’humour. En témoigne, à la fin de Sarrasine, ces quelques lignes. C’est Béatrix (la marquise de Rochefide – appréciez le nom au passage) qui parle : « Demain je me ferais dévote. Si l'avenir du Chrétien est encore une illusion, au moins elle ne se détruira qu'après la mort. »

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Béatrix de Rochefide et Calyste du Guénic

11:04 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : balzac, littérature | | |

mardi, 22 juin 2010

La table de Claude (6)

On vient de dézinguer le président des Etats-Unis. Sur l’écran en noir et blanc qui trône depuis peu au milieu de mes deux paysages, ça ne parle plus que de ça. Avec une précision clinique, un expert retrace la probable trajectoire de la balle à travers le crâne de l'homme le plus puissant du monde. Fascinant ! Le cuir chevelu en lambeaux et l’os crânien en morceaux, là où se prenaient tant de décisions qui inquiétaient le monde, la cervelle à nu pour de bon…  Scalpé ! Sacré nom d'un chien ! L’homme le plus puissant du monde n’est plus qu’un tas.

Ce souffle rauque qui vient d'aboyer, giclé d’on ne sait quel chargeur,  a balayé à la vitesse de Zeus la planète tout entière. Incrédules, les plus âgés en silence plissent leurs fronts, où se repassent en mémoire des peurs qu’ils croyaient révolues. L'humanité sera-t-elle jamais tranquille ? Ce qu’un cadavre de cet acabit peut provoquer comme dégâts collatéraux, avec son sang caillé sur du papier dont on emballe le poisson en temps z'ordinaires, ils l’ont expérimenté déjà et je comprends bien qu'ils ne m'en toucheront mot. De quoi cherche-t-on à protéger les enfants en les plaçant sous une telle cloche ? Toutes les cartes ne sont pas jetées sur la table, c'est évident. Et la cloche d'ignorance sous laquelle on veut que je m'abrite a déjà volé en eclats. Tout n’est pas dit, loin de là. Tout ne le sera pas. Parole de médias. On aura beau écouter la télé. On aura beau lire. On aura beau dire.

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Il suffit d'avoir compris cela. Un simple art du récit, l’Histoire ? Cette peur entretenue des peuples... Pincer. Saler. Faire revenir à feu doux. Nous entrons en mensonge comme on entre en catéchisme, dirait-on. On retient son souffle devant cet écran aussi grésillant qu'officiel où tournent en boucles grises de mêmes images : un cortège comme celui des mariés, des sourires presque radieux, des holas qu'on dirait festifs, et puis un ou deux coups de volants dans les rues affolées de Dallas, des cris, le président renversé, la main au visage, Jackie à quatre pattes sur le capot, adieu Chanel, comme un chiot qui a peur  : c’est donc aussi banal que ça, la mort d’un grand homme ? Cet écran : il suffirait d'en détourner son regard de quelques centimètres, de le poser sur l'autre chaîne, celle rougeoyante des Alpes, où s’attardent le lacet mélancolique d'autres brumes ; et tout ceci n’existerait plus. Mais il demeure là, le regard des simples, posé dans cette boite, notre infortune..  Cet écran est entré dans leur vie. Disneyworld aussi. Et pour longtemps.

08:08 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, kennedy, dallas, actualité, table de claude | | |

vendredi, 18 juin 2010

Waterloo, morne plaine

« Moi je suis un mondain. Je crains Dieu, mais je crains plus l’enfer de la misère. Etre sans le sou, c’est le dernier degré du malheur dans notre ordre social actuel. Je suis de mon temps. J’honore l’argent »  C’est un personnage de La Cousine Bette de Balzac, un salaud pur jus, le bien nommé Crevel qui s’exprime aussi vertement. Oh, ça pourrait tellement être aussi n’importe lequel d’entre nous, non ?  L’actualité de Balzac est saisissante ; si l’actualité de cette œuvre est si saisissante, c’est qu’elle a placé en son centre exact ce qui est au centre exact du monde déliquescent qui est le nôtre depuis deux siècles : écoutons-le, en ce tout début de chapitre XXIX de cette étonnante Cousine Bette, ce Celestin Crevel, génial autant que taré, éternel et à jamais crevé : « C’est le roi Louis-Philippe qui règne, et il ne s’abuse pas là-dessus. Il sait comme nous tous qu’au-dessus de la Charte, il y a la sainte, la vénérée, la solide, l’aimable, la gracieuse, la belle, la noble, la jeune, la toute-puissante pièce de cent sous ».

Au centre de l’œuvre, donc, une compréhension dont Marx et Engels, dans leur correspondance, s’étonnaient eux-mêmes, s’avouant l’un à l’autre tels deux écoliers naïfs qu’ils avaient « plus appris sur l’économie à la lecture des Paysans de Balzac qu'en lisant les économistes et les historiens ». Cette phrase, par exemple, que je retrouve sur l’une de mes fiches thématiques et jaunies qui datent de mes premières lectures de la Comédie Humaine (en des temps pré-informatiques -autant dire préhistoriques-) mais ces fiches écornées (sur lesquelles je reconnais mon écriture d’alors) témoignent que ces temps pas très éloignés de Waterloo ont bel et bien existé : « Une voix lui cria bien : l’intelligence est le levier avec lequel on remue le monde. Mais une autre voix lui cria que le point d’appui de l’intelligence était l’argent. »

On trouve cela dans les Illusions Perdues, bien sûr.

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01:48 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : balzac, politique, waterloo, littérature, cousine bette, colonel chabert, actualité | | |

jeudi, 17 juin 2010

Les Mémoires de Guerre sont-ils de la littérature ?

C. Domaine : Littérature et débats d'idées - Littérature et histoire
Œuvre : Mémoires de guerre, tome III, « Le Salut, 1944-1946 », Charles de Gaulle.

Instructions officielles

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Grotesque, ce débat qui s’éternise, initié probablement par les lettreux du SNES, à propos de la présence des Mémoires du général De Gaulle au programme de TL de l’an prochain. Les Mémoires de Guerre, pas de la littérature ?

Il serait plus pertinent de retourner la question : qu’est-ce que la littérature aux yeux d’un militant borné ? Sûr que De Gaulle n’a pas, à priori, cette étiquette d’écrivain consensuel collée sur le képi. C’est bien ça, justement ça, ça qui est intéressant !

« Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison. Ce qu’il y a en moi d’affectif imagine naturellement la France telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle »…

Pour moi, cela vaut largement la prose de Quignard, qui est également au programme.

Que les mémoires de de Gaulle soit un texte subjectif et polémique, c’est bien évident. Quel grand texte ne l’est pas ? C’est même cela qui fait son intérêt premier. La dramatisation de l’événement, la mise en scène de soi, la vision du monde empreinte de solennité et de burlesque, le dédoublement du personnage…

Il est certain que de Gaulle n’est pas Claude Simon qui écrivit la Route des Flandres, sur la même période. De Gaulle n’est pas, autrement dit un novateur ni un chercheur ni un expérimentateur. De Gaulle n’est pas Joyce. C’est bien le moins qu’on puisse dire ! Il est un mémorialiste, pas un romancier. Les Mémoires ne sont-ils pas un genre littéraire ? Et, très franchement, De Gaulle vaut très largement Malraux ou Sartre, pour parler de contemporains... Ou d’autres, par centaines, qu’on trouve dans les manuels scolaires. Son écriture est classique, et alors ? Les élèves actuels auront au contraire tout intérêt à rencontrer une fois dans leur existence ce phrasé correct, traditionnel, inspiré et imité des mémorialistes du grand siècle comme de Chateaubriand, mais aussi souple, contemporain, à quelques décennies près.

Ce qui gène les gens de gauche évidemment, c’est que De gaulle n’est pas qu’un écrivain. Cela aussi, on l’aura bien compris. Leur dirai-je que les Mémoires sont non seulement un grand livre, un livre instructif, mais aussi un livre drôle ? L’entendront-ils ? Car ce livre, et principalement la partie au programme, démystifie les coulisses du pouvoir, met en scène le mythe en train de s'élaborer et en révèle les zones d’ombres. Les réflexions de de Gaulle face à Roosevelt ou Staline ne manquent pas de sel. Les passages avec Hopkins ou Truman, dans la partie au programme (Tome III, « le salut »), non plus. Peut-être que quelques professeurs de lettres un peu dissonants par rapport à l’idéologie officielle oseront toucher deux mots à leurs élèves de Béraud, puisque l’épuration parmi les gens de Lettres y est évoquée : « Les cours de justice condamnèrent à mort plusieurs écrivains notoires. S’ils n’avaient pas servi directement et passionnément l’ennemi, je commuais leur peine, par principe. Dans le cas contraire, je ne me sentais pas le droit de gracier » C’est dit clairement : Pour de Gaulle, qui suivit en cela Mauriac et aussi le dossier du procès, Béraud n’a jamais été collaborateur comme l’ont prétendu ceux qui voulaient sa peau. Dans cette partie, « Le Salut », le général de Gaulle évoque aussi une affaire que connaissent bien les habitués de Solko : l’échange des billets. « Les propriétaires avaient à présenter et, par là même, à déclarer leurs titres. On les leur remplacerait, franc pour franc, par de nouvelles vignettes. Du coup devenaient caduques les coupures qui n’étaient pas remises aux guichets publics, celles notamment que les Allemands avaient emportées chez eux, celles aussi que leurs possesseurs préféraient perdre plutôt que d’en avouer le total. » Succulent, non ?

Pour une fois qu’il y a au programme de Lettres un livre intéressant, original, profitez-en au lieu de vous lamenter…

08:57 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : de gaulle, mémoires de guerre, programme de lettres, littérature | | |

mardi, 15 juin 2010

La Table de Claude (5)

On descend en ville par la rue Romarin. Sans doute est-ce le cas de toutes les villes qui possèdent des rues larges et des rues étroites, des rues droites et des rues biscornues, des rues plates et des rues pentues : les démarcations entre le centre et les  faubourgs sont bien délimitées. Le centre, le quartier bourgeois, le quartier des affaires, est la ville à lui seul. Le reste, là où l’on habite, et d’où on la voit, on ne sait trop ce que c’est.  Qui me tient par la main lorsque je traverse la place des Terreaux dont le goudron, partout perforé par les talons-aiguilles, est le terrain de chasse de centaines de pigeons ? A ce moment-là, cela compte peu. Leurs cercles s’entremêlent en volumes mouchetés tout prêts à s’éparpiller dès qu’un tramway caracole. Moi, je découvre le monde à la hauteur des cuisses des passants, exactement entre celle des pigeons et celle des tramways, dirait-on. Enfin, découvrir est un mot vaste. Les pas que je forme sur la portion de la rue de la Ré qui conduit des Terreaux aux Cordeliers sont dérisoires. L’odeur de la foule : un mélange de tissus, de fumée, de parfums briochés échappés des salons de thé. Face au pompeux palais du Commerce, le porche de l’église qui porte un si joli nom : Bonaventure. Si on pouvait me la lire à moi, la bonne aventure, me faire un peu rêver, quel plaisir ça serait. Un quai, non loin de là, s’appelait jadis Bon rencontre. Que de belles promesses ! Dans l’église, on m’a lâché la main. Je trottine sur la patine d’un pavé mat, irrégulier. Dans les chapelles latérales, des buissons de cierges. Ma grand-mère se reprend, assise sur un banc en bois. Diffus, le son de l’orgue, dans l’air chargé d’encens. De volumineuses colonnes grimpent tout droit dans la ténèbre, sous des sommets inaccessibles.

La Grande Halle, en face, où ça fourmille d’acheteurs bruyants. Le sol, tout parsemé de détritus, toujours trempé. Je grimpe comme je le peux, je me hisse sur des marchepieds  métalliques, je tends les doigts vers de hautes marchandises, plaqué contre de la faïence blanche, bleue et froide. La figure de Richelieu me sourit en coin, après, elle s'échappe. Richelieu, dont la mine s’étale sur du papier cramoisi, gondolé, souvent taché et plié. Dans la rigole emplie d’eau courent des têtes de poissons. Ma grand-mère demande toujours qu'on rajoute des colliers pour les chats. Longtemps, comme d’autres, en parlant du Richelieu, elle dira le billet de mille, alors qu'il ne vaudrait plus que dix. Le billet du marché, celui du cardinal, celui de mille balles, qu’ils se seront refiler, de poche en poche, si souvent. J’appris plus tard qu’à deux pas de là, devant la porte de ces Halles, les frères Lumière avaient réalisé l’un de leurs premiers films. On  y découvre la société de leur temps, celle de l'avant-avant-guerres : des chevaux passent, tirant un tramway bondé, des carrioles en bois, trainant un corbillard sombre. Comme celles de Paris, la vieille Halle métallique de Lyon n’a pas survécu au bétonisme dément des années soixante-dix. Tous ceux qu’on voit défiler sur la pellicule, plus une bonne partie de ceux dont je me souviens, qui faisaient leurs commissions en anciens francs ici-même, ils n'ont pas passé le siècle. Nous parcourons à présent, ma vieille grand-mère et moi, la route dans l’autre sens. A l’entrée de la rue Romarin, une fois laissée derrière la place des Terreaux, comme si nous étions à nouveau en terrain familier et que tout danger venu de l’étranger ne pût nous suivre de la ville, de là-bas, du centre, elle me lâche la main.

 

 

vendredi, 11 juin 2010

Le spleen de l'usine

Des portails fermés des usines

Où sont entrés matin les ouvriers habiles

Des cours fétides des entrepôts

Du parfum criard des cantines

Des vélos des automobiles en files

Des fenêtres fumées des bureaux

De l’aspect m’as tu vu des vitrines

Où se mêle au charme l’outrance servile

Des cent bruits brassés des bars et des bistrots

Du multiple bouquet de faces anonymes

Du geste inconscient et fier de la ville

Des néons graffitis affiches journaux

J’entends sourdre la plainte quotidienne

Des hommes vers la paix

Car je connais la mienne.

 

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Jean Couty - Route, tunnel & cheminées

09:43 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poèmes | | |