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mercredi, 02 juillet 2008

La fête de l'huma en jaguar

En ce moment-même, à la TV, j'entends Elsa Wolinski raconter à Mireille Dumas que son père l'emmenait à la fête de l'Huma en jaguar. Intéressant non ? C'était à peu près à l'époque où Fabius se rendait à Matignon en 2CV. La demoiselle, trentenaire,  raconte tout ça dans un livre people qui sort pour l'été, et dont papa a fait la couverture. Un peu plus tôt dans la soirée, Karl Lagerfeld, un qui a de l'humour, présentait son défilé de mode en parlant du narcissisime des femmes riches actuelles; le "grand couturier" vantait la légereté des cadres ovales ou rectangulaires que portaient ses modèles avec un ton et un sourire délicieusement people...

00:58 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, actualité, wolinski, défilé de mode | | |

samedi, 21 juin 2008

La gauche épidermique de Carla

Réponse à Carla Bruni sur 4 points  ( interview paru dans les colonnes de Libération, 21 juin 2009) 

1« Mes réflexes épidermiques sont de gauche. Ce n’est pas une idéologie, ni un système ». Ah bon ! Je comprendrais la signification de tels propos dans la bouche d’une fille du peuple attachée de façon affective à un combat pour améliorer des conditions de vie difficiles; l’épiderme, c’est-à-dire l’’impulsif, l'affectif, le non réfléchi, cela fonctionne en effet comme cela . Mais chez une fille, comme le dit fort bien Laurent Joffrin, « née bien coiffée », cela sonne faux. C’est étrange et indécent. Pour ne pas dire ridicule. Non qu’une fille de la bourgeoisie n’ait pas « le droit » d’être de gauche. Mais dans ce cas, c'est avec sa tête qu'elle le devient, pas sa « peau ». « Mes réflexes épidermiques ! »  Cela signifie quoi ? Car si quelque chose doit être le fuit d’une réflexion, c’est bien précisément cela : être de gauche. Toute la tradition française en témoigne et le souligne. Ceux qui sont de gauche de façon "épidermiques" appartiennent justement à cette frange de la gauche hystérique qui a diabolisé votre mari, de la même façon que la droite hystérique, en son  temps, diabolisa Mitterrand. Pour être de gauche, il faut une réflexion, pas des réflexes. Une réflexion précise. Nourrie. Toute l’histoire de la gauche est celle de la pensée mise en commun, en collectif, c’est-à-dire en idéologie. Un mot sur lequel, comme votre mari, vous crachez. Parce que vous ne savez que trop que la gauche ( comme la droite, d’ailleurs) repose sur un terreau idéologique. Ceux qui crachent sur l’idéologie sont des opportunistes, rien d’autre. De tristes et scandaleux opportunistes. Et la manière dont vous balayez cette évidence au nom de l’épiderme est non seulement choquante. Elle est stupide. Et fort inquiétante.     

2. A propos de la visite présidentielle à Buckingham, vous dites : « Je suis une femme moderne. Mais les traditions ne sont pas modernes. J’ai juste pris ce chapeau et ce vêtement-là ». Belle lapalissade, entre nous, beau lieu commun qui nous déplace à mille lieux de la pensée, de la culture, de la réflexion d’une autre femme, fort intelligente, sur la tradition : Je songe à Hannah Arendt et la Crise de la culture dont je vous conseille la lecture, puisque vous souhaitez peut-être « faire quelque chose » ( tels sont vos propos) sur ce terrain-là. Pour l’instant, excusez-moi de vous dire que vous êtes plus proche de France Gall que de cette grande et belle dame, même à l’instant des courbettes devant la reine d’Angleterre.

3 «  Les Français sont un peuple assez nostalgique, très littéraire, et aussi assez peu musical ». Beau jugement à l’emporte-pièce. Vous les connaissez donc bien ? Depuis l’Après-Guerre, les Français vivants aujourd’hui et issus des classes moyennes, voire populaires, ont subi une série de mutations et de bouleversements sans précédent. Parce qu’un certain nombre d’entre eux ont voulu et encouragé ces changements, je ne crois pas qu’on puisse affirmer de façon aussi péremptoire que tous soient si « nostalgiques » que cela. Les Français ne sont pas « une entité », comme vous le dites maladroitement : ils sont multiples et variés. Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont frappés dans l’ensemble par un phénomène constant d’appauvrissement économique, qui va de pair avec un dépérissement inévitable de la vie culturelle à laquelle ils peuvent prétendre. Et comme les Irlandais, ils se sont montrés lors d’un référendum  récent en majorité peu favorables à cette Europe libérale dont votre mari et vous-même vous revendiquez si ardemment.  Leur nostalgie est plus une forme de mécontentement refoulé au quotidien devant cette Europe des riches dont vous faites partie, qui révulse de plus en plus  de monde, en France comme ailleurs. Littéraire ? La France, comme le rappelle Bernanos dans son essai La France contre les robots a été un pays littéraire. En effet. Un pays même lettré, ce qui était rare. Parlez aux étrangers que ce passé illusionne et qui viennent aujourd’hui parmi nous : beaucoup vous diront que la France a perdu le prestige dont ce passé l'auréolait. Les Français parlent mal leur langue, l’écrivent encore moins bien, et on ne peut pas dire qu’hormis une frange qui s’est professionnalisée dans "le littéraire",  le peuple français soit un peuple de lecteurs. Abruti de CD et de DVD plus que de livres, comme l’Angleterre, comme l’Espagne, l’Italie, la Russie, le pays subit l’influence plutôt négative sur ce terrain-là des médias. Existe-t-il encore une vie intellectuelle en France ? Une réelle littérature qui ne soit pas seulement, comme l'est la chanson de  variété, dédiée au divertissement ou bien à la consommation ? Beaucoup se posent la question, vous le savez bien! Ce qui est vrai de la littérature l’est aussi de la musique. Et de la peinture… On peut rajouter hélas! Ne mentez pas aux gens, s'il vous plait.

4. Que reprochez-vous à Ségolène Royal ? « Sa voix ». Pourquoi sa voix ? « Elle ne me dit rien ». Diable... Ségolène devrait-elle enregistrer un disque pour gagner votre suffrage ? l’Elysée en chansons… Un jour de "Fête de la musique", c’est donc cela, un  « réflexe épidermique » de gauche ?  Ni-cola, ni-Carla, j'espère que les lecteurs de Libé vont boycotter le CD de la dame... Car il est bien possible qu'au fond cet interview ne soit qu'une entreprise de promotion.

15:17 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : carla bruni, carla, sarkozy, politique, actualité, culture | | |

samedi, 14 juin 2008

Monter en puissance

Le terme provient, je crois, du football. Un joueur monte en puissance lorsqu’il bénéficie, auprès de son entraîneur, de plus de considération et donc d’un « bénéfice » de temps de jeu. Dès lors, il devient pour son club une valeur marchande plus importante : il « monte en puissance ». Et c’est ainsi que, sur le plateau de tournage d’un navet programmé pour la rentrée, le petit figurant considère le rôle secondaire qui lorgne sur le rôle principal, qui jalouse déjà le metteur en scène, lequel se verrait bien dans la peau du producteur. A la polyclinique des Trois Phoques, l’aide-soignante se demande pourquoi elle n’est pas dans la peau de l’infirmière, l’infirmière dans celle de l’interne, l’interne dans celle du chef de clinique, le chef de clinique dans celle du directeur général, et le directeur général dans celle d’un quelconque prix Nobel. L’élève veut prendre la place du prof, le prof celle du proviseur, le proviseur celle du recteur, le recteur celle du ministre, et le ministre celle du président. Petit jeu de rôles qui conduit pareillement à l’intérieur de chaque entreprise le balayeur de service à rêver qu’il est devenu le principal actionnaire, le stagiaire le boss, et dans chaque parti politique, le militant de base le premier de liste à chaque élection… Dans la société libérale, qui est aussi société du spectacle, chacun rêve ainsi de supplanter chacun, aux yeux de toutes et de tous, dans une montée de sève qui n’aurait plus jamais de fin; métaphore de l’érection comme de l’ascension sociale, la montée en puissance est donc à la fois un jeu de séduction (on bande pour quelqu’un dans le regard de quelqu’un) et d’exercice de pouvoir (jamais satisfaisant, s’entend) ; formidable allégorie de la toute puissance fantasmatique et narcissique, la montée en puissance génère ainsi des rêves en carton pate dans l’esprit de millions de nos contemporains. Lieu commun qui ne peut exister sans son triste corollaire, la descente aux enfers, que, si on en croit Diderot et la fameuse pantomime des gueux si plaisamment mise en scène par le personnage éponyme du Neveu de Rameau, on assimilait déjà au XVIIIème siècle à une inique et interminable déchéance, figure déjà de la débandade et de la dé-bandaison : « Comment l’abbé, lui dis-je ? Vous présidez ? voilà qui est fort bien pour aujourd’hui ; mais demain , vous descendrez, s’il vous plait, d’une assiette ; après demain, d’une autre assiette ; et ainsi de suite, d’assiette en assiette, soit à droite, soit à gauche, jusqu’à ce que de la place que j’ai occupée une fois avant vous, Fréron une fois après moi, Dorat une fois après Fréron, Palissot une fois après Dorat, vous deveniez stationnaire à côté de moi, pauvre plat bougre comme vous, qui siedo sempre come un maestoso cazzo fra dui coglioni »

Il n’y a pas, cela dit, que les êtres humains qui soient condamnés à d’incessants jeux de yo-yo. Dans une société saturée d’objets, ces derniers peuvent désormais espérer à leur tour un bref règne. Tel produit, telle marque «monte en puissance ». Tel concept. Telle notion. Tel genre. Tel lieu. La montée en puissance d’un festival, d’une destination, d’un style, d’une émission devient synonyme d’efficience autant que de notoriété. La montée en puissance de l’écran plat a jeté dans les décharges nos vieilles télés ventrues comme celle de Laurence Ferrari est en train d’écarter de nos écrans plats le vieux PPDA. La montée en puissance est donc un phénomène intrinsèque à l’ère médiatique, à la société démocratique du libre marché, de la notoriété, de la publicité, de l’instant  : la montée en puissance est marchandisation. Bonne raison, où qu’on se trouve dans la pyramide, pour ne pas bander pour elle.

17:52 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : actualité, culture, littérature, langue française, football | | |

lundi, 10 mars 2008

Maires de Lyon

772533361.jpgLyon garde ses maires lorsqu'ils sont lyonnais et ne font pas trop de remous sur le plan national : ce qu'on leur demande, c'est de la discrétion. De la bonne discrétion, alliée à de la bonne efficacité. Gérard Collomb, opposant socialiste historique à Francisque Collomb puis à Michel Noir, intronisé parmi les notables inoffensifs sous le mandat de feu Raymond Barre, a gravi une à une toutes les marches qui l'ont conduit à cet Hôtel de Ville dans lequel il siège depuis déjà un septennat. Comme Henri IV, dont la statue équestre confère à la façade de la Maison commune, place des Terreaux, l'élégance d'une patisserie bavaroise, il doit se dire qu'après tout Lyon vaut bien une loge ! 52,9 % dès le premier tour ! C'est historique, titre Le Progrès local, qui ne mâche jamais ses mots. Edouard Herriot lui-même, dont le tombeau à l'esthétique stalinienne fait l'angle droit quand on pénètre dans le paisible cimetière de Loyasse, n'y était, en cinquante années d'un règne sans partage, jamais parvenu une seule fois : Est-ce dû au propre génie de Collomb ou à la nullité crasse de Perben ? Un peu des deux, sans doute, un peu des deux. Gérard Collomb a la carne salée d'un rusé pragmatique. Guignera-t-il, pour imiter Edouard le Bel, une carrière nationale ? Lui qui, comme l'auguste Précurseur, fut tout d'abord agrégé de Lettres ? C'est peu probable. Autre temps, autres moeurs : Gérard préfère jouer la carte d'une sorte de régionalisme européen, un peu à la façon d'Aulas, l'Agrégé de Foot Local. Eliminé à nouveau de la Ligue des Champions, l'OL demeure sur "la voie royale" (autre titre du Progrès) pour un septième sacre en Ligue 1. Tudieu ! Ce dimanche 10 mars 2008 aura été, décidément, le jour du conservatisme le plus intransigeant : On reconduit le maire, on reste le boss du championnat. Perben n'a plus qu'à aller pleurer dans les bras de Juppé, l'entraîneur municipal de la mairie de Bordeaux. Désagrégé, pour sa part.

08:51 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lyon, élections, politique, collomb, ps, actualité | | |

mercredi, 05 mars 2008

Météo

532432699.jpgPar la fenêtre, temps clair. Ciel bleu. Très bleu. Où se lantibardanent quelques nuages dodus, rares. Extrêmement lumineux. Il est 14 heures 20. Ce matin même, vers 6h 30, temps couvert. Un peu venteux. Amoncelés sur la ville qu'on domine du haut des collines, aplatissant tout son éclairage, un plateau crèmeux de nuages. Frisquet glacial en prime. Hier soir, vers 22 heures, neige. Neige mouillée, certes. Ne tient pas, certes. Neige quand même. Par la fenêtre, branches d'arbres en bourgeons. Bourgeons naissants. C'est le printemps. Et puis flocons virevoltants dans la nuit. Il neige. Non, il pleut. A présent, soleil. Température qui suit. Comme livrée dans le même colis. Tout comme les sondages, température en yoyo. Tout comme le prix des choses. Dans les autobus : "On ne sait plus comment s'habiller".  Eh non ! Le temps, c'est comme les prix. Ca vient, ça va. On peut plus guère compter dessus. A quel moment la vie est-elle, comme cela, devenue la vie chère ? Passage à l'euro, c'est sûr. Billets très laids, d'ailleurs. Billets d'ailleurs, très moches. Plus un humain dessus. Fini, l'humain. Quel est donc le prix qui a fait déborder le vase ? Foutu prix. Foutu vase. Celui des yahourts ? Celui des pâtes ? Quel seuil ? Du petit noir sur le zinc ? De l'essence ? De la redevance ? Du m2 en centre ville ? A la vitesse où l'euro coule, le temps varie. Nous aussi. Sommes, que nous sommes. Guère plus que ça, avec tous nos codes. Fillon au plus haut : 66 %! Comment est-ce possible ?  Fillon ! Comment est-ce pensable ? Municipales : sait-on pour qui voter ? Je songe à Winnie, enlisée en son tertre. Visionné plusieurs fois la cassette, avec Madeleine Renaud. "Le vieux style...", dirait-elle. Irremplaçable. Irremplacée. Une articulation impeccable. Merveille d'actrice. Chaque syllabe, immobile. Immobile et interprêtée. Sa solitude, en ce tertre. Lumière, disait Samuel. Chaleur et lumière, vives, sur Winnie. Puis écarquillerait d'abord les lèvres. Ensuite les yeux. Est-ce que ça s'écarquille les lèvres, Samuel ? Ou bien les yeux ? N'en sait rien! N'en sais bien rien, non plus. Dirions plus rien, à la fin. Mais quel beau jour! Quel beau jour, quand même...! Mardi. Hier, mardi ! Mardi de mars! Et à présent, Mercure. Mercredi de Mercure : Encore un de plus. Et quel beau jour ! Quel beau jour ç'aura, été, Willie, encore un. N'est-ce pas ?

14:58 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : météorologie, vie chère, société, actualité, littérature, beckett | | |

lundi, 04 février 2008

Un monde en toc

Assiégé par des rebelles, un palais présidentiel tremble. Dans un autre, un avocat véreux épouse une courtisane liposucée. Seul sur un banc, un homme lit la philosophie d'un Grec ancien, qu'on vient de lui fourguer avec le journal du soir. Au magasin bio du coin, une cliente antipathique se fait tirer son sac par un malfrat malin. Le lendemain, un club breton de CFA 2 sort d'une compétition footballistique pourrie un club pro. Quelques jours auparavant, le conseil d'administration d'une banque avait reconduit son PDG qui venait pourtant de laisser partir en fumée rien moins que 7 milliards d'euros. Ce qu'on retient des primaires aux Etats-unis, c'est que pour être noir, il faut  quand même être né d'une mère blanche afin de partir à l'assaut de la Maison du même adjectif. Tout ça ne nous dit pas l'heure, assurément. Mais quand même.

On ne peut imaginer à ce jour le nombre de mères de famille âgées de la cinquantaine qui rêvent de voir leur progéniture, mâle ou femelle, s'imposer enfin à un jeu de téléréalité. Compensation narcissique ? Economique ? 78 millions d'euros, c'est le budget d'un film érigé à la gloire de la connerie française et diffusé dans le monde entier. Un traité rejeté par référendum est ratifié en catimini par des députés et sénateurs réunis en congrès à Versailles. Tous plus ou moins maqués dans une loge ou dans une autre. Cela ne sera que le énième calamiteux traité de Versailles. Celui-ci, nous dit-on, n'est qu'un mini. Comme les fourmis. Pendant ce temps, des millions de consommateurs de démocratie participative s'activent à préparer les élections municipales à venir, comme si ça devait changer quelque chose à leur morne existence. Dame, vous disent-ils, un maire, c'est un élu de proximité avec lequel on peut causer. Soit.1fd1ff067da30259dd01799eb6559ff7.gif Mais tout ça ne nous dit toujours pas l'heure.

A quoi bon, me direz-vous l'heure, l'heure ? « Nous disparaissons ». Tels sont les premiers mots d'un essai qui vient de paraître chez Flammarion (voir ci-contre). Analyse brillante, par son auteur canadien Ollivier DYENS, de la relation qui s'est tissée entre chacun d'entre nous et ceux que Georges Bernanos appelait déjà, en 1944, "les robots". Analyse brillante mais in fine décevante car finalement impuissante. Cet auteur, comme beaucoup de verbeux officiels, ne sort du rang que pour mieux aller y occuper une place un peu plus en tête au box-office des centres de distribution d'objets culturels. Le tout guidé par "l'effroi technologique" qui n'a pas l'air de le terroriser tant que ça, ni intellectuellement, ni moralement, ni spirituellement  : car s'il n'y a rien à faire, véritablement, qu'être cette "machine qui palpite", alors pourquoi avoir écrit ce livre ? Et où sont passés les polémistes d'antan ? Techniciens, le seraient-ils devenus jusqu'aux confins de leurs lacunes?  A ce rythme-là, le monde en toc ira, par nos soins, proliférant, en effet... Et qu'importe l'adjectif qu'un petit malin ira plaquer sur le mot condition. Cette prolifération, quand chacun d'entre nous et tout ce que nous consommons en fait partie, n'est plus même une condition. A quel point Beckett avait, non pas vu  ( Qui voit ? Où sont les voyants, où sont les  visionnaires ? ), mais subi - et décrit - juste ! Sous le ciel gris d'un monde en toc, pour se faire un chapeau de paille, toute l'actualité du monde, et tous les essais qu'on peut écrire à son sujet, ne suffit plus.

 

14:06 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : société, actualité, culture, politique, critique, littérature, beckett | | |

vendredi, 02 novembre 2007

La fête des morts

 
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JOUR DES MORTS :

"Enfin ! Nous voilà au cimetière ! Le Paradis Terrestre ! Quelle paix ! Quelle douceur ! Qui pourra dire le rafraîchissement procuré par la vue des tombes ? Ceux qui les habitent, grâces à Dieu ! n'en sortiront pas à leur gré pour tourmenter, une fois de plus, ceux qui ont encore à mourir!  "

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 Magnifique Léon Bloy, dont la formule trouvée dans Petits poèmes en prose ("Novembre") ramasse et restitue l'essentiel de ce qu'un promeneur peut ressentir dans les travées d'un cimetière. C'est aujourd'hui la fête des morts, et nous interrompons pour quelques jours le feuilleton des canuts. Cela ne nous empêche pas d'avoir une pensée pour toutes les victimes de 1831, 1834.  "Hélas, fit écrire sur sa tombe la comtesse de Noailles, je n'étais pas faite pour être morte". Soit ! Et pourtant elle l'est, comme ils le furent et comme nous le serons, sommes nous tentés de dire. L'humanité compte, on le sait, plus de morts que de vivants. Belle consolation, n'est-ce pas ! Le piquant Brassens se vantait de posséder "des cimetières en abondance", qu'il pouvait visiter le Jour des Morts. Moi, je n'en ai pas tant que ça.  Pour ceux qui, par malchance, n'en auraient aucun à visiter, et seraient donc obligés de passer la journée d'aujourd'hui en compagnie  des vivants, plutôt que de vous fader les programmes TV, je conseille en tout premier lieu  ce site sur le Père Lachaise à Paris, . Là, vous apprendrez l'histoire du plus beau cimetière de la capitale et vous pourrez vous exclamer devant votre écran "Paris à nous deux" sans avoir l'air trop ridicule. Autre promenade très bien orchestrée dans le cimetière de Montparnasse , lequel mérite lui aussi un détour, ne serait-ce que pour Proudhon (1809-1865), Littré (1801-1881),Baudelaire (1821-1867), Tzara (1896-1963), Laval (1893-1945), Sartre et Beauvoir (1905/1908-1980/1986).

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La province recèle, en matière de cimetières de véritables trésors. Voici celui d'Ouessant, celui de Vichy où vous attend Valéry Larbaud, celui de Toulouse, celui de "Mouille-Cul où Mitterand repose à Jarnac. Sur ce site, vous pourrez rendre de virtuelles visites à bon nombre de célébrités disséminées un peu partout sur le territoire.

A Lyon, le cimetière de la Loyasse, sur la colline de Fourvière, offre plusieurs curiosités : une vue sur le mont Thou, magnifique, de nombreux monuments (oubliez celui, stalinien en diable, d'Edouard Herriot), le "jardin des prêtres", une spécificité que je n'ai rencontrée nulle part ailleurs, et qui appartient à l'évéché... Enfin, à tout seigneur tout honneur, vous achèverez cette tournée des cimetières par celui de Sète qu'un de ses illustres habitants a rendu, à jamais, pour le pire comme pour le meilleur, éternellement marin.


 

vendredi, 12 octobre 2007

La ville est à vous

On est frappé, en ouvrant un album de cartes postales anciennes, par l’espace qu’offraient aux seuls piétons les rues vides des villes, avant leur envahissement progressif par les automobiles. Des rues, des avenues, des boulevards pavés, sillonnées par les rails des tramways, demeurent alors presque exclusivement leur domaine. De-ci, de-là, une charrette, que tire un cheval lascif. Un passant chapeauté qui s’engage sur la chaussée peut, sans crainte d'être renversé,  songer à ses affaires. Un enjant joue. Les monuments sont dégagés, bien visibles, comme les enseignes, les façades. Pas la moindre automobile  dans la perspective !

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Le mythe de la Belle Epoque et celui de sa douceur de vivre ne sont sans doute pas étranger à ce calme d’avant le tout-bagnoles, qu’on perçoit dans ces espaces reproduits sur ces cartes anciennes, à cette lenteur diffuse qui imprègne la ville et laisse aux hommes le temps de vivre : Voici, sur la question, quelques témoignages d’écrivains :

« J’ai dû voir les derniers omnibus à chevaux cahoter sur le pavé lyonnais. Et j’ai vu les premières automobiles, machines fumantes qui semblaient bourrées de mélinite tant elles secouaient l’air d’explosions violentes, avancer par bonds et saccades sur la voie publique, où elles semaient l’effroi parmi le badauds lents et obstinés, qui ne voulaient pas démordre que le milieu de la chaussée fût un endroit convenable pour lire le journal ou se congratuler entre amis. » (1)  

 

 

 Dans son journal intime, le président de la chambre du Commerce de 1899 à 1911, Auguste Isaac, dont le chauffeur a renversé et tué un enfant de huit ans, consigne les actes du procès du dénommé Philibert : Trois mois de prison ferme, qu’un recours en appel et quelque amicale sollicitation transformeront en trois mois avec sursis. Il remarque, à cette occasion :

« On me dit que le substitut a fait un réquisitoire virulent. Il a soutenu que la voie publique appartient aux piétons et que, s’il plait à deux amis, se rencontrant sur la chaussée, de ne pas se séparer, de rester immobile devant une voiture, celle-ci n’a qu’à attendre leur bon plaisir pour continuer sa route. »  

 

Il fallut bien deux générations pour que s’opère une transformation radicale des mentalités : A Lyon, deux tunnels successifs ont transpercé le flanc des vieilles collines. Celui de la Croix Rousse, qui  a défiguré à jamais le quai Saint-Clair ; celui de Fourvière, qui a rendu l'ancienne capitale des Gaules aussi tristement célèbre que les bouchons d'autoroute, et dont la construction eut pour corollaire le  saccage de la vieille place Carnot.  

Au fil du vingtième siècle, les fleuves corsetés dans leurs quais sont devenus de simples passants, furtifs et pollués, tandis que 400.000 voitures s’entassent dans nos rues, posant des problèmes de stationnement aussi innombrables qu’irrésolus. En défigurant littéralement et quotidiennement la ville, la bagnole des particuliers aura, au final, rendu légendaire cet autrefois, où tout n’était pas rose, mais où le calme, le silence et la civilité, le rêve et la réflexion étaient encore un droit commun disponible à chacun, au coin de nos rues.

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[1] 1. Gabriel Chevalier, Chemins de solitude, Paris, Carier, 1945

[2] 2. Auguste Isaac, Journal d’un notable lyonnais, Lyon, BGA Permezel, 2002

09:52 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : lyon, société, actualité, ville, urbanisme. | | |

mercredi, 10 octobre 2007

Antiquaille à vendre

Au temps de Pierre Sala, la mode était de posséder dans le jardin de sa villa quelque débris de l’Antiquité, sarcophage, morceau de colonnade ou épitaphe, témoignage exhumé d’un passé romain dont on ne cernait alors que fort approximativement les contours : en sa prestigieuse maison de Lanticaille se pouvait ainsi déchiffrer cette épitaphe 462020019cf75310e904cf4c7b7d9020.jpglatine, conçue de son vivant par un certain Claudius Rufinus : « et, puisque que ces lettres confiées à la pierre conservent le son de ma voix, ma voix vivra par la tienne, inconnu qui t’arrêteras sur ces lignes… ».

L’épitaphe de Claudius Rufinus, d’une hauteur de 90 cm, est l’un des plus célèbres et des plus anciennement connus. Il séjourna dans la maison de Sala, devenu couvent des Religieuses de la Visitation , jusque vers 1809, date à laquelle on le transporta au musée de Lyon. On peut l’admirer actuellement au musée de la Civilisation gallo romaine.

En 1629 les sœurs Visitandines de Bellecour firent l’acquisition du domaine qu’elles transformèrent en couvent. Elles lui adjoignirent une chapelle, un cloître et plusieurs corps de logis. L’une d’entre elles fut convaincue, en y découvrant un cachot, que les martyrs lyonnais, au premier chef Saint Pothin, le premier évêque de Lyon, y avaient été incarcérés : 

« Je me trouvais en dormant pénétrée d’une grande dévotion pour Saint Pothin.(…) Et je vis tout le devant du cachot de Saint Pothin revêtu de fin or, et au dessus du cachot un trône d’un éclat et d’une beauté admirables, et ce saint évêque assis dessus déclara : Ma fille, je suis en ce lieu d’une présence particulière pour assister de ma protection tous ceux qui m’invoqueront », écrit-elle dans un mémoire. C’est cette religieuse qui est à l’origine du culte de Saint-Pothin martyr.

4ff314d772b9b1c4231a43e6f411884d.jpgEn 1796, la vente des biens nationaux livra le bâtiment à divers propriétaires, avant que la ville ne le réunît à ses Hospices Civils pour y abriter ses aliénés de 1806 à 1876, date à laquelle on ouvrit l’hôpital psychiatrique de Vinatier. Une rotonde demi-circulaire de style toscan fut alors construite sur vingt-huit colonnes de pierre. En raison du type de malades qu’elle hébergeait, elle reçut une appellation spéciale jusqu’à sa démolition : la rotonde des folles.

On a souvent prétendu que dans l'Antiquité se dressait à l'emplacement de l'Antiquaille le palais impérial qui aurait pu servir de villégiature à Auguste, Caligula, Domitien, Sévère, Albin lorsque ces empereurs séjournaient à Lugdunum. Cette légende a nimbé le bâtiment d'une aura toute spéciale. On rajoutait que rois de Bourgogne puis ducs se Savoie l’auraient investi ensuite tour à tour. On a supposé que l’empereur Claude y était né, que ses bâtiments abritaient le caveau où l’évêque Pothin fut incarcéré juste avant son martyre. L'Antiquaille s'est retrouvé ainsi au centre de nombreuses légendes. La littérature a pris le relai. Dans l’un de ses romans les plus célèbres, Place des Angoisses, l’écrivain Jean Reverzy met en scène cet hôpital où médecine, archéologie et religiosité cohabitent, et dans lequel il effectua son externat en 1934, sous la férule du professeur Joberton de Belleville :

« Je ne m’étais pas douté que l’hôpital fut si vaste. Le cortège cheminait dans d’immenses bâtiments désaffectés, gravissait des escaliers, franchissait des passerelles au-dessus de jardins aux murs de pisé hérissés de tessons de bouteilles. Le train ne ralentissait pas, et je me demandai où finirait cette marche folle. Cependant, à la sortie d’un défilé enjambé par des voûtes, la troupe s’engouffra dans une salle où quatre rangées de lits tendus de rideaux blancs s’étiraient jusqu’à de hautes fenêtres ouvertes sur le ciel vide. Une centaine de femmes y étaient couchées, dont seules les têtes émergeaient des draps. Le cortège, à même vitesse, défila entre les rangées centrales, puis, après une hésitation en tête, ralentit sa marche, se resserra et enfin s’aggloméra autour d’un lit au montant duquel le Professeur s’appuya des deux mains pendant qu’une religieuse poussait derrière lui une chaise où il se laissa tomber. »

 Il aura été dans la destinée de l’Antiquaille de passer par toutes les phases de la fortune : Résidence d'empereurs et cachot de martyrs sous l'Antiquité, palais de rois au Moyen Age, cabinet de curiosités antiques au XVIème, refuge d'aliénés au XIXème, hospice romanesque au XXème : chaque siècle aura donc eu son Antiquaille; une antiquaille à son image, dans le pire comme dans le meilleur des cas. Le notre, qui ne répugne pas à transformer ce lieu de mémoire, de légende et de soin en une résidence privée avec vue tranquille et privilégiée sur la ville, doublé d'un centre commercial et culturel ne déroge pas, on le voit, à la tradition. Pour le pire ou pour le meilleur ? Chacun reste juge.  

08:25 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lyon, écriture, actualité, société, politique, immobilier | | |