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dimanche, 23 mai 2010

Lady Clementina Hawarden

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Lady Clementina Hawarden fut l’une des photographes les plus recherchées du XIXème siècle anglais. Née le 1er juin 1822, non loin de Glasgow, elle avait commencé à prendre des photos vers 1857, faisant souvent poser ses enfants, son mari ou ses domestiques. Son père avait été un amiral réputé, sa mère ce qu’on appelait alors « une beauté exotique », de 26 ans plus jeune que lui. Elle exposa en 1863 et 1864 ses intérieurs, tous pris dans sa maison londonienne, sous le titre « Studies from Lifes ». Elle mourut chez elle, d’une pneumonie foudroyante à 42 ans, au 5 Princes Gardens, South Kensington. On prétendit que son système immunitaire avait été affaibli par une exposition trop constante avec les produits chimiques.

J’avais entendu parler de lady Clementina Hawarden il y a longtemps, lorsque je travaillais sur l’adaptation du Moine de Mathew Gregory Lewis, et que je m’étais documenté (un peu) sur l’Angleterre du XIXème siècle. Les photos de lady Clementina Hawarden ont quelque chose de somptueusement hanté, au sens poétique (ou plus) du terme. Quand on les respirent un certain temps, les portes claquent derrière soi, les parquets grincent et, du sol des corridors s’élèvent des chuintements de soie. Après quoi, comment ignorer ses fantômes ?

 

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18:58 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : hawarden, photographies, spiritisme, théâtre | | |

samedi, 22 mai 2010

Tante Yvonne

C’est aujourd’hui la journée européenne de l’obésité. Je viens de l’apprendre. Plus de la moitié de la population européenne serait en surcharge pondérale, estime-t-on. Rien de bien neuf sous le soleil, ni sur les plages qui bordent le continent. Etonnante, la dernière phrase du Journal de Jules Renard :

«Je veux me lever, cette nuit. Lourdeur. Une jambe pend dehors. Puis un filet coule le long de ma jambe. Il faut qu’il arrive au talon pour que je me décide. Ça séchera dans les draps, comme quand j’étais Poil de Carotte ». J’en cause ainsi car on fête aujourd’hui précisément l’anniversaire de la mort de l’auteur de Poil de Carotte. (1910).  De celui des Misérables, également.(1885). Comme quoi, tout passe. Léon Daudet, dans Fantomes et Vivants, s’en étonne en avouant avoir vu de près cette fin illustre. « La République, écrit-il, perdit son grand-père ». Et de décrire « le corbillard des pauvres qu’avait orgueilleusement réclamé le poète millionnaire », les discours au Panthéon, plus insignifiants encore que ceux de l’Arc de Triomphe où le catafalque avait été exposé deux nuits. Jolie phrase de Daudet, à propos de la crypte : « C’est ici la chambre de débarras de l’immortalité républicaine et révolutionnaire. On y gèle, même en été, et la torche symbolique au bout d’une main, qui sort de la tombe de Rousseau, a l’air d’une macabre plaisanterie, comme si l’auteur des Confessions ne parvenait pas à donner du feu à l’auteur des Misérables. »

Victor Hugo est mort le jour anniversaire de la naissance de Gérard de Nerval (1808) de celle de Richard Wagner (1813), de Conan Doyle (1859) et de tante Yvonne (1900) On fit toujours de tante Yvonne une figure opaque de la tradition, or je trouve dans  l’article wikipédia qui lui est consacrée que sa mère fut la sixième femme à passer son permis de conduire en France. Mieux que Coco Chanel, en guise de modernité, non ?  Il parait qu’après avoir rencontré son grand Charles, un jour de 1920, Yvonne dit à sa mère  « ce sera lui ou personne. » Voilà qui s’appelle avoir un sens véritablement hugolien du destin, n'est-ce-pas ? 

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Février 1962. Yvonne de Gaulle et son mari inaugurent la salle des fêtes de Colombey-les-Deux-Eglises.

10:51 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : léon daudet, yvonne de gaulle, jules renard, littérature | | |

jeudi, 20 mai 2010

Le pain cher

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C’est grâce au théâtre, et à une leçon d’articulation, il y a lurette de ça, que j’ai découvert Gaston Couté. Du patois versifié, dans lequel chaque phonème compte, en effet. Des mots pour macher du Réel. C’était dans les années quatre vingts. Chez un bouquiniste, je trouvai les 4 volumes édités par le Vent du ch’min. Ils sont toujours là, avec en couverture, leurs dessins de H.G. Ibels. Et toujours ce même impact, lorsque je cède à ce chant.  Le Pain Cher, ci-dessous, est, lui, écrit en français. Rare chez ce poète beauceron.

 

Tout le fumier des scandales,
Tel celui dont nous voyons
Les ordures qui s'étalent,
N'engraisse pas les sillons ;

Et cette baugée intense
Que viennent d'accumuler
Les porcs de la Préfectance
Ne fait pas pousser le blé !

La moisson sera mauvaise...
L'épi rare et languissant
A mûri mal à son aise
Dessous un soleil absent.

Et - conséquence fatale
De ce lamentable été -
Le pain, dans la capitale,
Va, sans doute, être augmenté ?

Oui, le pain dont l'âme entière
Est toute pleine d'amour,
Le pain blanc de la prière,
Notre pain de chaque jour !

Le pain vaudra cher la livre
Cet hiver, annonce-t-on :
On aura du mal à vivre
Avec ce sacré brichton (1).

Dans bien des pauvres ménages
La femme ira (faut manger ! )
Mettre les meubles en gage
Pour payer le boulanger.

Les mêmes, dans la cuisine,
A la place du buffet,
Danseront la capucine
A l'heure où l'on doit bouffer.

Mais un jour, le philanthrope
De la Tour Pointue (2)  aura
L'heur de piquer sa syncope
Devant un tel embarras :

Il enverra vers le père,
Gréviste ou manifestant,
Tous les flics de son repaire
Pour l'assister à l'instant...

Sur le pauvre, en large averse,
Des pains tomberont alors
Plus lourds que ceux du commerce
Et qui tiennent mieux au corps !

(Gaston Couté)

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A suivre ICI

(1) Miche de pain.
(2) La tour pointue désigne en argot la Conciergerie à Paris et, par extension, la Préfecture de Police au 36 quai des Orfèvres,

21:29 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : poèmes, poésie, littérature, gaston couté | | |

mercredi, 19 mai 2010

Les barres de l'infortune

 

Aujourd’hui, à midi, cette barre immonde va disparaitre du paysage. Qui va la regretter ? Certes, pas moi. Implosée...

J’ai passé une partie de ma vie dans un immeuble de ce genre, un immeuble hideux dans une banlieue autre que la Duchère (dans le neuvième arrondissement de Lyon), mais qui lui ressemblait. Oui, l'immeuble pourri où j’ai vécu ce qu’on appelle l’adolescence était bien du même genre. Comme si, à une époque, ces fumeuses années  soixante & soixante-dix, on avait en effet décidé que dans le bétail humain, chaque membre se valait. Niveler les  habitats, les êtres, les esprits, les traditions, les  cultures,  les âmes. Les gens de droite (Pompidou, Giscard et ses sbires), puis les gens de gauche (Mitterrand et les siens)  n'ont à ça rien trouvé à redire. Au contraire... Habitat et humanisme... We are the world... Cette horreur de l'égalitarisme que je porte en moi me vient de là, d'eux. J'en ai expérimenté l'inanité dans le joyau de mon coeur. Pouah ! La banlieue... Que de conneries démagogiques n'ai-je pas entendu à son sujet, gens de gauche comme gens de droite confondus ?

Je revois le hall et ses boites aux lettres qui n’étaient alors pas encore disjointes., mais quel  vide quel ennui !  Les ascenseurs pas encore détruits par des loubards incultes, mais quelle uniformité, quelle zone ... Les couloirs déserts, pas encore hantés par des garces de quatorze ans, mais quelle tristesse, quel sentiment d'abandon!  Le gardien de la cité, homme débonnaire. Au-dessus des appartements (un assemblage cubique dérisoire,) des celliers. Ces immeubles avaient été construits pour les rapatriés d’Algérie, et furent longtemps gérés par les HLM. Au fur et à mesure qu’ils se sont enrichis, les rapatriés d’Algérie ont quitté ces lieux infâmes. Ils ont eu raison. Moi aussi, dès que j’ai pu. Il n’y a aucun charme, aucune gloire à vivre en banlieue. Rien. Banlieue = lieu du ban. C’est l’étymologie qui dit cela.

Il n’y a bien que Jack Lang pour oser déclarer que le rap est une culture. Et la banlieue, un lieu de vie...

De son appartement, place des Vosges…

Ah si. Le fils de Sarkozy, aussi. A ce qui parait. Le blondinet produit "le son du ghetto"... A suivre ICI

 

Ceux qui ont vraiment connu la banlieue pour avoir grandi dedans ne l’aiment pas et font ce qu’ils peuvent pour la quitter. Normal. Quel plaisir, aimer un enfer ? Un vide ? Du rien ? Ils ne vous diront jamais , comme Jack, et de ce ton-là, que le rap est une culture, ceux-là.  Ni que la banlieue est un endroit fascinant.

Ils se réjouissent que tombent une à une les barres de l’infortune et de l’aliénation.

20:22 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : barre 220, duchère, banlieue, société, politique, urbanisme, la duchère | | |

mardi, 18 mai 2010

Lézard

On prend des manières à quinze ans,
Pis on grandit sans
Qu'on les perde :
Ainsi, moi, j'aime bien roupiller,
J'peux pas travailler,
Ça m'emmerde.
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J'en foutrai jamais une secousse,
Même pas dans la rousse
Ni dans rien.
Pendant que l'soir, ej' fais ma frape,
Ma soeur fait la r'tape,
Et c'est bien.

Alle a p'us d'daron, p'us d'daronne,
Alle a plus personne,
Alle a qu'moi.

Au lieu de soutenir ses père et mère,
A soutient son frère,
Et puis, quoi ?
Son maquet, c'est mon camarade:
I' veut bien que j'fade
Avec eux.

Aussi, ej' l'aim', mon beau-frère Ernesse,
Il est à la r'dresse,
Pour nous deux.

Ej'm'occupe jamais du ménage,
Ej'suis libre, ej' nage
Au dehors,
Ej'vas sous les sapins, aux Buttes,
Là, j'allong' mes flûtes,
Et j'm'endors.

On prend des manières à quinze ans,
Pis on grandit sans
Qu'on les perde :
Ainsi, moi, j'aime bien roupiller,
J'peux pas travailler,
Ça m'emmerde.

05:45 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : aristide bruant, lézard, argot, poèmes, chanson | | |

lundi, 17 mai 2010

Au Nabirosina, joli nom des terres de Jolinon

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Dans le second tome de son autobiographie, Gabriel Chevallier (de Lyon) évoque  sa rencontre avec Joseph Jolinon (de La Clayette), vers 1920, et la relation qui s’en suivit. Gabriel Chevallier et Joseph Jolinon étant en quelque sorte deux auteurs maison, je me fais simple copiste. Cela se trouve dans Carrefour des Hasards, (Le quadrige d’Apollon, 1956.), et comme le disent ces fins cons de footeux, c'est ben rien que du bonheur :

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07:06 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gabriel chevallier, joseph jolinon, nabirosina, littérature | | |

dimanche, 16 mai 2010

Emma Goldmann (1869-1940)

« Le développement, ce n'est en soi ni l'invention ni la technique. Rouler à 150 Km à l'heure n'est pas un signe de civilisation. C'est à l'individu, véritable étalon social, que se mesure notre degré de civilisation ; à ses facultés individuelles, à ses possibilités d'être librement ce qu'il est ; de se développer et de progresser sans intervention de l'autorité coercitive et omniprésente. » (Emma Goldmann, « L’Individu, la société, l’Etat »)

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12:56 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : emma goldmann, anarchisme, littérature, politique | | |

samedi, 15 mai 2010

J'aime la façon dont il le dit

Carmen M. Reinhart & Kenneth S. Rogoff, This Time Is Different. Eight Centuries of Financial Folly, Princeton : Princeton University Press, 2009

Michael Lewis, The Big Short. Inside the Doomsday Machine, London : Allen Lane, 2010

Naomi Klein, The Shock Doctrine (La stratégie du choc : La montée d’un capitalisme du désastre), 2007

Bel apologue de Paul Jorion

Il y a l’animal et les parasites sur son dos…

Comment se fait-il que le dirigeants européens l’ignorent, ignorent ce genre de choses … ?

 

09:07 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : paul jorion, crise, europe, politique | | |

vendredi, 14 mai 2010

L'homme à cheval a 456 ans

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Quand j’étais gosse et que je traversais la place des Terreaux à Lyon, je n’avais d’yeux d’abord que pour « la dame à la fontaine ». (1) Son étrange immobilité dans le boucan de ses eaux, la rondeur de sa pierre salie, la largeur– sans jeu de mots- de son bassin : tout avait de quoi m’en imposer. Ensuite venait la ronde agitée – véritable cour des miracles dès qu'on y jetait quelques miettes - des pigeons de la place aux becs véhéments, aux culs pointus et dodelinant. Les pigeons, la fontaine Bartholdi : à eux seuls, de combien de vendeurs de cartes postales ne firent-ils pas la fortune ?

Dès que j’appris à lever le nez par-dessus les vicissitudes du présent, je découvris « l’homme à cheval ». Etrangement niché sur le tympan de l’hôtel de ville, juste sous le beffroi troué par l'horloge, par quel sort malin si pétrifié ? Majestueux, en tout cas, impérial presque, cavalier fier et figé face aux intempéries en son troisième étage municipal. Je n’appris que plus tard par un instituteur consciencieux qu’il avait remplacé là-haut Louis XIV, quarante ans après que  les révolutionnaires de 89 eurent délogé le tyran. Et des années plus tard encore, dans un beau livre de la bibbliothèque, que le sieur Jean-François Legendre-Héral (1796-1851), le sculpteur qui avait réalisé ce royal haut-relief, était mort en une telle précarité, non, quelle pitié, que l’Etat avait dû secourir sa veuve...

Il trône toujours là-haut, l’homme à cheval, au dessus du balcon de Gérard, le bazardeur de l'Hôtel-Dieu. Même si  lors de la dernière restauration à la fin du vingtième siècle, il fallut lui remplacer la tête par une copie en résine. Je parle de celle d'Henri, bien sûr... On fête ce matin l’anniversaire des quatre-cents ans de la mort brutale de cet Henri IV, lequel vint plusieurs fois dans sa bonne ville de Lyon. C'est là qu'il épousa marie de Médicis, en une primatiale Saint-Jean ce jour-là bondée « à regonfle », le 17 décembre 1600, avant d'accorder aux tisseurs, par une faveur signée de sa main, la liberté du commerce des étoffes de soie : commença alors avec Dangon et l’utilisation des premiers métiers à la tire, le véritable l’Age d’Or de la soierie lyonnaise et de sa prospérité, d'où cet hôtel-de-ville et son cavalier sortirent tout armés . Un peu d'histoire locale dans un billet de mai, ce n'est jamais superflu.

Quatre-cents ans : si peu et tellement, tout à la fois ! Le nombre de générations nous séparant de ce temps-là : à raison de quatre par siècles,  seize tout au plus, pas de quoi hausser le front tant que ça, franchement !  A 9 h 30, ce matin, une gerbe sera déposée rue de la Ferronnerie (Paris 1er), là où Béarnais fut poignardé dans son carrosse par François Ravaillac. Un peu plus tard, à partir de 11 heures, une messe pontificale sera célébrée à la basilique de Saint-Denis, là même où il avait abjuré le protestantisme en 1593, au motif que « Paris valait bien une messe », et où son tombeau fut profané pendant la Terreur, en 1793. Enfin, à 22 heures précises, le maire Delanoë et le ministre Mitterrand iront main dans la main comme deux messieurs Jourdain devant sa statue sur le pont des Arts. Le couturier Jean-Charles de Castelbajac l'a déguisée en « Seigneur du Cosmos », une épée bleu fluo à la main à la façon d'un Jedi dans La Guerre des étoiles. De quoi rendre un peu plus idiots maints gosses du Royaume. Et leurs géniteurs de concert, si ce n'est déjà fait depuis lurette. La mode n'est plus aux fraises, ni aux assassinats politiques. Certes. Sommes-nous, pour autant, plus évolués que nos ancêtres ? Rien n'est moins sûr, assurément...

A suivre ICI, le billet de cinquante francs Henri IV

 

(1) La fontaine Bartholdi

00:23 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : henri iv, ravaillac, histoire | | |