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lundi, 29 août 2011

Notre grand 7

Véritable remue-ménage dans le réseau de transports en commun lyonnais (TCL) ;  « Le bus change, le réseau s’améliore, tout TCL avance,  vous circulez mieux » : fidèle à la rhétorique de l’époque, les communicants parlent d’un « projet  majeur », auquel ils attribuent cinq « progrès » (le tout dernier étant, ça va de soi, une moindre pollution) A la fois anagramme et mot valise, le titre de l’opération (dont les raisons doivent être économiques) est Atoubus. Y aurait-il des oulipiens aux TCL ?

On découvre donc que le réseau lyonnais aura dorénavant des « lignes majeures » (au nombre de 26) et puis d’autres. On attendrait bien sûr mineures. Dites plutôt « complémentaires » et « spécifiques ». Ces dernières baptisées selon leur parcours de noms charmants : « soyeuses » pour les touristes, « zone industrielle » ou «gar’express » pour les banlieusards, « pleine lune » pour les noctambules et  « résago » pour les résidentiels ou les organisateurs de congrès, avec un système de réservation téléphonique à la carte.

A l’époque de « l’abonné de la ligne U », roman de Claude Aveline, puis feuilleton radiophonique, puis téléfilm, on n’était pas l’abonné d’un réseau, mais chacun avait sa ligne, qu’il prenait chaque jour. Tout le monde se connaissait dans le bus de 7h08, chacun avait quasiment sa place comme dans la pension de famille. Chaque autobus formait un univers ambulant avec son chauffeur (à l’avant) et son guichetier (à l’arrière), et lorsque une panne de réveil vous livrait à celui de 7h21, ou pire de 7h 39, vous vous retrouviez carrément en pleine terre étrangère.

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Les lignes possédaient des notoriétés diverses. Le 6, arpentant les pentes de la Croix-Rousse, le 4, explorant les Beaux Quartiers, le 7, cheminant de Perrache aux Brotteaux par le pont Morand jusqu’à Cusset. Tour à tour fiacre, tramway, autobus, le 7 fut la ligne la plus dense et sans doute la plus populaire du réseau de l’époque car elle reliait deux gares, parcourait successivement les rues les plus attrayantes de Lyon puis de Villeurbanne, desservant deux théâtres (Célestins et TNP), la ligne 7 était la plus dense du réseau, la première à être remplacée par un métro. Tancrède de Visan publia en 1934 un recueil de nouvelles, « Perrache-Brotteaux », dans lequel il écrivait : « J’ai réuni ces bagatelles sous le titre symbolique Perrache-Brotteaux. C’est la qualification de notre tram le plus populaire, le mieux achalandé, notre grand 7, celui qui, prenant le départ proche notre antique presqu’ile marécageuse, aboutit avec le temps au quartier neuf de notre cité en longeant la place Bellecour et notre artère principale dénommée comme partout  rue de la République » Il y a dans l’emploi du déterminant possessif quelque chose de monarchique et suranné, une fierté provinciale au chauvinisme ironique qui dit bien la façon d’être ensemble des gens de l’époque. « Entendre un ingénieur OTL parler de la 7 est aussi impressionnant qu’entendre un cheminot parler du Mistral ou un New-Yorkais de l’Empire State Building. », note Jean Arrivetz dans son Histoire des Transports à Lyon, paru en 1965.  Cette époque de l’Abonné de la ligne U était celle de la ligne unique mais aussi le temps de la ligne claire, lorsque ni les albums de Spirou, ni ceux de Tintin n'étaient des pièces de collection. 

08:30 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : spirou, tintin, l'abonné de la ligne u, tcl, atoubus, lyon, tancrède de visan | | |

samedi, 27 août 2011

9 bonnes raisons de ne pas porter un socialiste à l'Elysée

1)      Le PS possède presque toutes les régions. Il doit ce succès au rééquilibrage des pouvoirs après son échec sur le plan national aux trois dernières élections présidentielles. Confier à un seul parti, quel qu’il soit, les rênes de la gouvernance de toutes les instances de pouvoir du pays serait suicidaire, même si on pourrait s’attendre à un rapide rééquilibrage aux prochaines régionales.

2)      Cette situation hégémonique du pouvoir dans le pays ne profitera à long terme qu’à une radicalisation de la droite et donc au FN. N’oublions pas que ce parti a émergé sous Mitterrand et que le seul candidat qui l’a contenu fut Sarkozy en 2007.  La stratégie de Marine est d’absorber la droite républicaine et pour cela, elle a besoin d’une présidence socialiste

3)      Le discours des socialistes sur l’endettement de la France est démagogique pour deux raisons :

- On pourrait appliquer à l’endettement des régions les mêmes constats qu’à celui de l’Etat durant la même période. Selon Fitch, le pompon de l’endettement revient à la région Pas de Calais, dirigé par Daniel Percheron, avec un ratio de 95%. Quant à la moyenne des régions, il est de 74%.

-L’endettement est structurel, il a été conduit depuis plus de trente ans par tous les gouvernements, et dépasse largement le clivage de la droite et de la gauche.

Le PS ne fera donc pas mieux sur le plan de la dette. Il n’y a qu’à voir les exploits de Zapatero en Espagne.

4)      Le PS  a fait de l’antisarkozisme son cheval de bataille . Battre Sazkozy est-il en soi un projet de société ? En personnalisant sans cesse le débat, le PS  révèle son véritable visage. Tout comme l’UMP, il n’est qu’une machine électorale au service d’ambitions personnelles, un ensemble de baronnies organisé en réseaux puissants...

5)      Il n’a pas les moyens de faire mieux que la droite sur le plan social. Ses propositions sont ainsi condamnées à rester lettres mortes et il ne pourra que générer des déceptions, car son alternance est purement et seulement rhétorique. .  

6)      L’affaire DSK aura eu un mérite, c’est de montrer à quel point le bénéfice moral engrangé  par cette gauche et sa mythologie était désormais caduque. Innocenté ou non, DSK a menti tout autant que sa victime, puisqu’il a d’abord nié tout rapport, avant de le reconnaître consenti. Mais qu’importe : tous les éléphants du parti donnent du bravo et bienvenue Dominique parmi nous.  

7)      Qu’en est-il par ailleurs de la prétendue supériorité culturelle de la gauche ? La culture de la résistance qui caractérisa une génération a cédé le pas à une culture de la collaboration avec le système.  L’égalitarisme et l’angélisme de façade initiés par les années Lang ont produit une culture du bling-bling et du consumérisme, dont la droite a su d’ailleurs tirer profit.  Ne parlons pas des ravages faits dans l’éducation nationale par les mesures initiés par ces mêmes principes.

8)      Les candidats  ont-ils vraiment plus de charisme que Sarkozy ? D’une part, leur popularité est conjoncturelle et repose sur un travail de communication et propagande médiatiques incessant . D’autre part, derrière une apparente unité, les divisions sont nombreuses.

9)      Le PS représenterait une véritable alternance si une génération de sexagénaires n’étouffait  consciencieusement ce parti. Quelle alternance attend-on d’Aubry, Royal, Hollande, Fabius, Moscovici, Collomb, Harlem Désir et autres ? Les voir à la Rochelle sous la houlette de papy Jospin (1) en dit long sur leur vision d’avenir.  Durant ses années d’opposition, non seulement le PS n’a pas su se renouveler, mais il est en plus devenu un parti de notables et de politiciens professionnels dont l’ambition pépère est simplement de finir leur carrière au gouvernement. Les présenter comme des figures du renouveau et du changement relève d’une sacrée forfaiture !

 Pour toutes ces raisons, porter un  socialiste à l’Elysée reviendrait à plonger le pays dans un profond sommeil qui risque de lui être fatal.  Quelque chose comme une Monarchie de Juillet revisitée par de cyniques Bisournous  désireux de croquer aussi leur part du gâteau.

(1) Est-ce possible de faire plus bling-bling que ça ?

 

 

07:44 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : ps, socialisme, la rochelle, politique, sarkozy, aubry, hollande, royal | | |

jeudi, 25 août 2011

Les priorités de l'écrivain

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 Les séances permirent à Joyce de reposer ses yeux et il se soumit le 11 juin 1924 à une troisième opération : la seconde iridectomie de l’œil gauche ; la première avait eu lieu à Zurich en 1917. Etendu ensuite dans une chambre obscure avec un bandeau, il voyait défiler en esprit les éléments désagréables du passé.

Myron Nutting alla le voir dans sa clinique, « le château de madame de Lavallière rue du Cherche-Midi », comme l’appelait Joyce par dérision. « Hello Joyce, cria-t-il gaiement. Joyce demeura silencieux quelques secondes, puis tira de dessous l’oreiller un carnet et un crayon. Lentement, il nota quelque chose, replaça carnet et crayon sous l’oreiller, puis tendit la main : « Hello, Nutting ». Celui-ci était stupéfait.

Richard Ellmann, Joyce II, p 204, Gallimard, Tel 

18:32 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, james joyce, iridectomie, zurich | | |

mercredi, 24 août 2011

Je m'exprimerai plus longuement...

Fut un temps, lorsqu'un milliardaire familier du cinq à sept (ce qu'on appelera désormais un précipité - ah ah ah!), consenti ou non, dans les hôtels avec des femmes de ménage, se faisait ainsi ridiculement pincer, il avait le bon goût de se faire oublier par la suite et se retirait de la scène publique, où il venait de jouer un si piètre numéro. Question d'éducation. D'amour-propre et de respect de l'opinion, aussi.

On est effaré de constater jusqu'à quel point, dans un monde en crise, ils ont de condescendance pour leur petit soi-même, et sont prets à repartir du même pied, eux et leur entourage, comme si de rien n'était. 

Parlant de l'addiction à la télévision, l'amuseur Nicolas Bedos évoquait, en renonçant à toutes les propositions reçues et refusées pour la saison prochaine, "une drogue dure", et la nécessité de s'en protéger. Nicolas Bedos a l'air plus intelligent que DSK., si j'en crois sa déclaration à la télé tout à l'heure, ça a l'air, en effet. Je m'expliquerai plus longuement.... Est-il à ce point persuadé que sa personne intéresse les gens ? Cela relève de la maladie, ma parole...

L'histoire, ce 23 aout 2011, celle au moins qui est digne d'attention, se joue du côté de Tripoli

17:21 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : dsk, politique, nicolas bedos, société du spectacle, télévision | | |

mardi, 23 août 2011

L'Eté Crémer (rediffusion)

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Il y avait eu l’été Serrault, c’était, rappelez-vous, il y a trois ans. Voici que les soirées de plus en plus écourtées de l’été Cremer commencent à étendre sous nos yeux leur poignant venin. Bruno Cremer, c’était avant tout un rythme de jeu. Au siècle de la vitesse, Cremer imposait d’un geste voluptueux, d’un  regard bleu, à l’interprétation, son indispensable lenteur. Un mot, juste glissé entre deux silences. L’œil du spectateur prenait alors le temps de trainer sur le pli d’une teinture, le carreau d’une nappe, le nacré d’un coquillage posé sur une commode. Son oreille, de se souvenir d’une réplique entendue une dizaine de minutes auparavant. Son esprit, de retenir un indice. De rêver un peu. La lenteur du jeu de Cremer offrait au terne de l’écran une profondeur rare, très française : celle des scènes de théâtre de l’immédiat après-guerre, où trainaient encore quelques fantômes de Jouvet, de Dullin. Les décors superbes des Maigret m’ont toujours paru faits pour cette lenteur du jeu de Cremer. Et vice versa. On ne sait lequel était le décor de l’autre.

Je ne serai pas à Paris vendredi prochain 13 août. Sinon, j’aurais volontiers fait un détour par Saint Thomas d’Aquin, puis par le cimetière du Montparnasse. Un détour, quelques pas lents, silencieux, comme à pas lents et sans faire de bruit hommes et femmes de cette génération née dans les années 30, à laquelle une sorte d’amitié nostalgique me lie, nous quittent. Que faire ou dire de plus, songeant à eux ? Un siècle se referme très nettement à chacun de ces départs ponctuels et nous laisse orphelins – ou rescapés -  de son art, de sa lenteur. Même si beaucoup d'entre eux, -je veux dire de ces gens du 20ème siècle - imaginaient à grand'peine qu'il fût possible d'aller à un train plus rapide que le leur allait, déjà, j'écris bien, de son art, de sa lenteur...

Comme il est peu probable qu’un éditeur courageux sorte de son chapeau un nouveau Simenon (Simenon ou la lenteur de l’écriture), il est peu probable que des cours de théâtre qu’on distille encore ça et là émerge un nouveau Cremer. Trop lent, trop plein, bien trop personnel aussi, le bougre, le roublard, quand le rapide, le vide, la copie, le nombre et le bruit obstruent le paysage.  Une dernière remarque qui n'a échappé à personne : après Bernard Giraudeau, Philippe Faure, et tant d'autres, le crabe, décidément, se régale douloureusement...

08:07 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : cinéma, bruno cremer, actualité, maigret, simenon | | |

dimanche, 21 août 2011

Autoportrait à l'Illustrator

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Vanité, vanité, dit l'Ecclesiaste, tout est vanité et poursuite du vent...

01:07 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : solko, vanité, autoportrait | | |

samedi, 20 août 2011

A vous de jouer

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1) Le dernier cours du CAC 40

2) L'état réel de la centrale de Fukushima

3) La grille de rentrée des programmes de TF1 

4)  Eva Joly qui part en campagne

5) La dernière version d"Asterix le Gaulois avec Depardieu

6) Sa belle-mère

7) Autres

16:28 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (22) | | |

vendredi, 19 août 2011

Gare à la rentrée

« La rentrée va être chaude ! » : c’est en passant devant une terrasse, l’autre après midi, que j’ai chopé au vol cette pensée, profonde et originale. A quoi songeait-il, l’individu qui la proféra d’un ton si hardi? A la récession, dont une tonitruante sœur Anne aura passé l’été à nous déclarer, aux infos comme ailleurs,  qu’elle pointerait fatalement le bout de son nez sale sur nos cotes d’Azur et d’Armor, un jour ou  l’autre ? Aux «mesures d’austérité », périphrase moderne pour dire la gabelle et autre dime  que la gouvernance postmoderne a réinventées afin de donner au péquin moyen le sentiment dorénavant suranné qu’il demeure le citoyen d’une quelconque et prospère cité européenne ?  A la médiocrité du personnel politique qui part en campagne léger et court vêtu ? Tout spécialement celui de cette stupide gauche, condamné pour être électoralement crédible dans l’opinion à faire mieux sur les marchés que celui de droite !  Et à convaincre à coups de y’a ka un peuple saturé de démagogie qu’il roule pour lui en plaidant haut et fort pour l’augmentation de l’impôt ? Ecoutez bonnes gens leurs riches, qui déjà donnent l’exemple…  A moins qu’il ne fût simplement question de ce qu’on appelait jadis une saison nouvelle : saison théâtrale, saison des arts, saison culturelle et intellectuelle ? Au vu de la faune d’indigents avinés qui composait la tablée d’où l’aboiement fut jeté, c’est bien peu probable.

Alors ? Cette rentrée-ci  sera-t-elle plus chaude qu’une autre ?  Le bougre faisait-il référence aux émeutes des « révoltés »  et autres « indignés », qui assurent par milliers, et pour pas même une rondelle de soda, la promotion de la dignité démocratique sur les écrans de Big Brother  ? Indignés, pélerins, (je reprends les termes si comiques des infos…), les arrière petits enfants de Hessel et du dalaï lama contre ceux de Benoit XVI, comme quoi, l’histoire, quand ce n’est plus que du mauvais spectacle fabriqué et raconté aux gens par des VRP octogénaires, ça patine lourdement.

Dans sa kermesse médiatique, le signe est devenu si arbitraire et le monde si peu surprenant que la formule lapidaire pouvait au fond s’appliquer à n’importe quel événement filant, en boucles et en rondelles, par nos cervelles essorées. « C’est chaud !» : à moins qu’il ne fût plus prosaïquement question d’une affaire professionnelle ou sentimentale, individuelle autrement dit.  On a beau être bientôt sept milliards de fourmis multiculturalisées, sa petite existence à soi, ça compte aussi dans la vaste fumisterie universelle, et c’est parfois bien chaud aussi : y’a qu’à voir la chronique malsaine des faits divers, disparitions, viols de laetitia, jessica, nafissatou et autres lolita, crimes en séries de dsk en patron, qui assurent en arrière-fond le confort moral des psychopathes refoulés qui se gavent à vingt heures des récits de Marie Drucker.  

A moins encore qu’il ne fut question, moins métaphoriquement, du temps qu’il fait ?Souci éternel des hommes et des femmes, au fond bien plus fondamental que leur rouerie politique à tous deux !  De ce putain d’air africain, qui va encore se répandre par nos sentiers et nos rues, cet air cuit et recuit sur du sable pendant des jours et des nuits, jusqu’à en devenir vide de toute vie, et dont s’enchante les vendeurs de crèmes solaires et de sorbets chimiques ; cet air chasseur d'humidité, venu poignarder dans le dos jusqu’à la belle matineuse, et qu’il va falloir encore supporter jusqu’à l’orage... Oui, c'est chaud ! Et ce n'est, semble-t-il, qu'un prélude au show qui nous attend, sorte de bouquet final pour la surprise de tous.  Au bar des amis, on en frémit d'avance...

 

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jeudi, 18 août 2011

Gare aux marchés

Mon, oncle, qui était épicier derrière les voutes, disait toujours que la rentrée commençait après le Quinze août. C’est ce moment-là d’ailleurs qu'il choisissait pour rouvrir sa boutique familiale et reprendre pied dans la saison nouvelle.

Depuis le début des années soixante, son pas de porte était sis non loin d’un marché de gros flambant neuf, qu’on venait d’ériger sur une zone en friches abandonnée par l’ancien débarcadère de la ligne Lyon- Saint- Etienne (l’une des premières, je crois, du Chemin de fer français).  Sur seize hectares, son architecte avait fait sortir de terre un ensemble de hangars rectilignes largement espacés afin de faciliter les manœuvres de la nuit liées au transport et au déchargement des marchandises. Ce furent ces bâtiments (au demeurant fort laids) que le maire Pradel offrit peu de temps après à la contemplation éclair des touristes filant par l’autoroute en plein centre-ville, l’une des idées les plus imbéciles germées dans le crâne d’un maire de Lyon, lesquels n’en ont jamais manqué. Histoire (et ce n’était peut-être pas plus mal) qu’ils ne jettent que quelques pets d’automobiles sur la vieille capitale des Gaules avant de filer, indifférents, au loin, plus au Sud.

Le Sud, justement, dès l’arrivée du printemps, des autostoppeurs s’y rendaient en grappes – je veux dire le lointain Sud, le véritable, pas le Sud français -  Tout le temps qu’ils poireautaient là, aux abords de la prison Saint-Joseph et le long des bâtiments du marché gare, non loin de l’endroit où Caserio fut guillotiné, debout ou assis sur leurs sacs à dos, ils formaient la seule population à mon sens digne d’intérêt de ce quartier voué aux semi-remorques et aux seuls bars d’habitués puisque « derrière les voutes », de la même façon que le Quinze août signait la fin de l’été, ne figurait dans mon imaginaire qu’un lieu maudit, no-man’s land salement traversé par un cours droit et sinistre qui portait, pour finir, le nom de l’inventeur, à ce qu’il paraît, de l’école…

Le marché gare, j’y revins bien plus tard lorsqu’avec quelques amis, nous créâmes notre petite compagnie théâtrale et que, afin de payer la location d’un local de répétition sis au-dessus des Terreaux, nous dûmes décharger des glaïeuls deux ou trois nuits par semaines pour un grossiste en fleurs alors fameux entre Rhône et Saône. Déjà que je n’aimais point ces longs poireaux académiquement ornementaux, aux connotations aussi pompeuses que mortuaires… Lorsqu’à ces causes esthétique et philosophique s’en ajouta une dernière plus pragmatique, leur poids, mon désamour pour les glaïeuls prit des proportions quasi-dantesques Des semi remorques de glaïeuls agglutinés les uns contre les autres en volumineux cartons, songe-t-on que cela pèse au bas mot autant que du plomb ?  Il fallut bien en vérité toute notre idiotie de l’époque, et notre amour de la scène - mais tout ça n’était peut-être qu’une  même chose – pour nous forcer à nous rompre ainsi les reins aux heures les plus tendres de la nuit, le tout pour quelques francs La ville de Pradel et de Collomb – je parle là de Francisque -, nous la  rêvions vibrante de fougue et de ferveur pour l’art de Melpomène, quand elle n’a jamais réellement  vibré que pour la bourse de Mercure. 

Je me suis égaré début juillet non loin des pavillons de cet ancien marché gare.  Je dis ancien car né en 1955, il défunta en 2006, tout juste quinquagénaire. L’activité qui s’y tenait, au désespoir de nombreux commerçants, se fait à présent à Corbas. Restent donc ces pavillons que l’actuel Collomb de Lyon – je parle à présent de Gérard – dans un élan d’imaginaire stupéfiant, songe à reconvertir en un lieu à vocation festive, au cœur du quartier Confluence, « la porte du XXIème siècle » bêlent les communicants municipaux. Me frappe toujours autant le manque d’imagination des politiques qui prévaut- ici comme ailleurs- lorsqu’il s’agit de reconversion  urbaine : vous disposez d’un Hôtel Dieu séculaire, faites en  un hôtel de luxe ; quant à tous les sites industriels qui, de près ou de loin rappelleraient trop aux générations le monde du travail, transformez-les en lieux alternatifs : vous paraitrez ainsi dans le goût du temps, c'est-à-dire atrocement normé, aussi conventionnel que l’homo festivus cher à Philippe Muray, c'est-à-dire à la taille minimale qu’exige cette culture de masse qui fit du nombre son principe premier, et qui prévaut partout sur le bon goût et la joyeuse érudition. En attendant, gare aux marchés, puisque la rentrée risque d’être chaude - mais cela fera l’objet d’un prochain billet.

Nos existences endettées, que rythme un calendrier social hypertrophié, ne sont-elles pas devenues aussi vivantes que des marchandises ?  Sous l’œil blasé d’une Melpomène désabusée, la fête, c’est donc justice d’aller la faire, parqués dans les entrepots du marché gare, dans ce Berlin provincial et post industriel où règne comme nulle part ailleurs cette ambiance délavée de culture techno en friches et d’urbanité en crise, qui sied tant à notre imaginaire aussi docile que peu exigeant. Oui, c'est peut-être ça, et seulement ça, que méritent désormais nos plaisirs.  

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