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lundi, 31 mai 2010

Radio-Ukraine

1920… Premières écoutes de la radio, au fin fond de l’Ukraine.

Celui du milieu, ébloui, intériorisé comme s’il écoutait respectueusement Dieu le Père. L'effroi et la soumission tout à la fois dans ce regard debout. Celui de droite, fixant l’appareil, guettant d'un air un peu las quel diable pourrait sortir de la boite rectangulaire. Ce ne sont pourtant que des hommes qui leur font cette sale blague. De simples mortels. Ils auront le temps de s'en rendre compte, peut-être. Avant de mourir à leur tour.

L’enfant, comprenant vaguement que là-dedans commence à se jouer son avenir, l'enfant entre intérêt, malice et inquiétude. Si cette enfant vit encore, elle est au moins nonagénaire. Cet avenir dans lequel nous sommes, immergés jusqu'au trognon...

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00:20 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : technique, radio, ukraine, télécommunication | | |

dimanche, 30 mai 2010

C'est la fête à Pétain

En ce jourPetain.jpg de « fête des mamans » (1), il est bon de rappeler qu’en France du moins, c’est le maréchal Pétain qui inscrivit au calendrier laïc en 1941 cette habitude ingénue de célébrer les mères une fois l'an. Dès juin 40, Pétain avait compris que la France n’était pas prête à faire face à une nouvelle saignée démographique, après la rude boucherie de Quatorze Dix-Huit et toutes les séquelles endurées par une génération entière. Il choisit donc, avec la bénédiction de presque tous les cadres de l’armée, de nombreux hommes politiques  et d'une bonne partie de la population, de donner au pays le temps et l’heur de se repeupler en signant l'armistice. Repeupler le pays pour retrouver un jour les moyens de la lutte et ceux de la suprématie : tel était le but avoué  de cette politique nataliste dont surgit directement cette fête avec pour la légitimer des alibis antiques discutables. On sait comment tout ceci s'acheva dans une collaboration des plus funestes. La fête des mères s’est-elle dégagée de cette empreinte idéologique ?  Oui, bien sûr. Mais pour aussitôt tomber dans une autre.

 

Le 24 mai 1950, elle fut pérennisée par la Quatrième République.  En 1952 suivit la fête des Pères. Puis celle des Grands-mères. Puis celle des Amoureux. Et toutes les journées de ceci, de cela... Le commerce qui sait faire feu de tout bois  s'est engouffré là-dedans peu à peu, puis a remplacé la religion et l’Etat dans la structuration du calendrier des consommateurs-géniteurs-électeurs-téléspectateurs que nous sommes devenus. Est-ce un acquis ? Je me souviens m’être toujours, comme beaucoup de gens, interrogé sur la valeur de ces fausses traditions,  venues en supplanter d’autres depuis guère plus d'un demi-siècle.  Et j’avoue m’interroger encore.  Avons-nous besoin de tout cela ?

 

(1) Avez-vous remarqué comme ce mot qui appartient aux enfants leur a été peu à peu dérobé par toutes sortes de gens, et dans toutes sortes d'intentions  ?

12:49 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : fête des mères, société, actualité, pétain | | |

samedi, 29 mai 2010

L'ipad selon Paul Lazarsfeld

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"Le contenu de la culture populaire, le kitsch, est en train de détruire l'idéologie des travailleurs et de remplacer leur conscience de classe, leur moralité politique par des banalités sans intérêt. II a fallu des décennies aux travailleurs pour prendre conscience de leur identité de classe. Par leur pouvoir de séduction et de contrainte, les mass media les en écartent. Pis encore, l'idéologie diffusée par les produits de la culture de masse implique une acceptation bourgeoise de l'état de choses existant ; cette idéologie est presque inconsciemment absorbée par les travailleurs lorsqu'ils lisent la presse à gros tirage, lorsqu'ils vont voir des films médiocres, lorsqu'ils restent rivés à leur écran de télévision.

Les adversaires de ces arguments font observer que les ouvriers ont toujours été exposés à la culture de classe dominante, mais qu'ils ont toujours su, jusqu'à présent, préserver leur propre culture, leur conscience, leur identité de classe envers et contre tout. En outre, si leur foi militante est assez fragile pour être à la merci de la télévision, c'est qu'elle est prête à s'effondrer au premier choc.

La crainte que la diffusion de la culture de masse ne provoque un recul de la culture des classes laborieuses n'est certainement pas sans fondement. Ce processus a fait l'objet d'une bonne analyse dans le livre de R. Hoggart, The Uses of Literacy [1], et sans aucun doute, il agit aussi nettement en France que dans les milieux populaires décrits par Hoggart. Ce n'est heureusement pas mon rôle de juger du bien fondé de l'argument et de l'ampleur du péril."

 

Paul Lazarsfeld, Exposé Introductif, Communication n°5, 1965



[1] 1. Hoggart (R.), The Uses of Literacy, Changing Patterns in English Mass Culture Fairlawn, New-Jersey, Essential Books, 1957.

vendredi, 28 mai 2010

Suicides

Il parait que le taux de suicide est plus élevé chez les professeurs que chez les policiers. Mais on en parle moins, parce qu’ils ne se tuent pas avec leur arme de service...

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jeudi, 27 mai 2010

Le pouvoir est ailleurs

Soir de grève. Tout le monde est content : les syndicats, pas déshonorés, disent-ils. Ils ont pu compter leurs troupes. Le gouvernement. Pas ébranlé dans sa légitimité, dit-il. Il continuera à piloter les réformes nécessaires. Cette cogestion tranquille des affaires du pays dure depuis si longtemps, de prétendue alternance en alternance prétendue, que je me demande comment des gens peuvent avoir la naïveté de penser que les représentants divers de l’ordre technicien qui structure le monde vont frémir ou sourciller en les voyant défiler ainsi.

J’en suis même à me dire que dans le plan de mesures d’économie concocté par les syndicats à l’usage du gouvernement figurent ces journées de « lutte », ponctuelles et parfaitement inutiles en terme de revendication, mais qui à chaque fois permettent de prélever  dans  la masse salariale une part consentie  par chacun au nom d’un droit de grève qui, finalement, comme le droit de vote, dans le système technicien, se retourne contre celui qui croit en disposer pour l’enfermer un peu plus dans une logique de spectacle, c'est-à-dire d’impuissance et de mort.

 

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20:57 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : politique, société, grève, retraite, sarkozy, ps, ump, syndicats | | |

mercredi, 26 mai 2010

Mai pourri

La fenêtre est ouverte. Super, cette pluie, vraiment ! D’habitude, toujours les mêmes stations de poivrots gueulards, pseudo anars, pseudos libertaires, pour confondre sous nos fenêtres espace publique et espace privé, gens devenus depuis lurette adeptes de l’alcoolisme municipalement organisé. Ah la politique culturelle des municipalités fauchées françaises, d'un parti comme de l'autre, vraiment.  Super, cette pluie !

Au lieu de les entendre brailler, là, c’est calme. On respire la fraîcheur, la jeune verdure des platanes, le silence des flèches d’eau -  Car la pluie qui tombe passe, désormais, pour du silence dans nos villes vacarmeuses.. Les flaques et les rigoles luisent sur le sable. Il pleut. Quel beau mois de mai pourri, vraiment.

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22:04 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : pluie, actualité, printemps | | |

La babasse à la vedette

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Visez bien cette photo. La couvrante à carreaux, l’orphelin au bec (de la gauluche, ça fait pas un pli)… La chaise en bois, derrière, la vitrine avec les bouteilles mi pleines et les verres retournés…  La fenêtre – on imagine que ça caille sec derrière, il fait sombre et la peinture est écornée. La babasse, bien sûr. Du temps que c’était ni l’ordi ou l’imprimante, mais la babasse, simplement. Le plaisir au bout des doigts, qu’on disait à l’époque. Matez deux secondes l’index droit sur le bouton en métal. Quand la bille giclait pour un tour de plateau qu’elle filait je ne sais dans quelle rampe, fallait suivre de l’avant-bras, du genou, de l'abdomen et même du front, pour frôler le tilt et faire péter le high-score dans un grand coup de paume sur la vitre. La veste aussi. Du tweed ? Trois boutons dont un bien mis, col ouvert sur tee-shirt, le début du négligé.

La couvrante, l’orphelin, la babasse, le tweed… Pré-gainsbarrien, tout ça : la barbe est encore faite, et la joue lisse.

Ah oui, accessoirement, comment ça s’appelait déjà ?

Non, on disait pas une star, mais une vedette en ce temps-là.

La vedette à la babasse...

06:07 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : babasse, belmondo, gauluche, flipper | | |

mardi, 25 mai 2010

La table de Claude (2)

Au rendez-vous de mon carreau, deux seuls paysages : l’un alignant des quartiers cossus jusqu’au milieu des nuages bas, au plus lointain de la plaine, et parfois jusqu’au Mont-Blanc ; l’autre claquant la porte à la verticale au nez du couchant, contre le pli luisant d’un roc, coiffé par le vaisseau gris d’une basilique aussi colossale qu’inachevée.

La vieille fabrique de soie n’avait pas encore brûlé tous ses métiers, puisque l’un d’entre eux battait encore au rez-de-chaussée de mon immeuble. Rescapé. Survivant de la déroute. Soir et matin, dans l’allée malodorante, son vacarme photo%20b&d%2037.jpginterpellait mes songes. On ne peut qu'aimer un tisserand : sa solitude au métier n'a d'égal que celle du laboureur à la charrue, du pêcheur au filet. Nourrir et s'habiller, le seul souci des pauvres jusqu'il y a peu; leur seul respect, également.

On ne se doute pas de l’état dans lequel la ruine d'une manufacture vieille de plusieurs siècles avait laissé la colline aux canuts : des immeubles entiers, vidés. Des commerces, par dizaines, murés. Des rues moites, des grilles rouillées, des cours muettes et des pierres impassibles d'humidité. Et dans le reliquat d’un brouillard qui vivait là ses dernières années, des passants à peine sortis du mutisme de leurs ancêtres, regagnant le soir le domicile, le matin l’usine, le magasin ou le bureau.

Le quartier des ouvriers, c’était désormais Feyzin, c’était Vénissieux.

Aussi, au rendez-vous de  mon carreau, rêvai-je de légendes. Je n’étais pas le seul. En rangs dociles, après la distribution du lait chocolaté du bon monsieur Mendes France, nous regagnions la salle de classe où chacun avait son banc, son encrier, son cahier, devant un tableau noir et une République administrative et coloriée. Le préau, bordé de hauts arbres, existe encore, ainsi que les marches abruptes de l’escalier qui tombent sur le fleuve. Avec l’instituteur en blouse grise, nous apprenions que ce fleuve n’était pas seul au monde. Qu’existaient tout aussi bien la Seine, la Garonne, la Meuse. Et que le plus long de tous était encore la Loire.

(La suite chaque mardi)

06:10 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : canuts, littérature | | |

lundi, 24 mai 2010

La table de Claude (1)

Petit, je ne savais pas que je grandissais sur les ruines du sanctuaire des Trois-Gaules. Le profil étrange des pentes en lacets de ma colline, comment aurais-je su qu’il provenait des terrasses robustes du palais qui, jadis, dominait Condate ? Comment comprendre qu’entre ce sol et moi, de lointains architectes avaient sculpté ce relief en étages, qu’elle aura conservé malgré l’usure de siècles ? De hautes bâtisses, semblables à des falaises, bornaient encore l’horizon de mes tram 6.jpgrues. Entre le vis-à-vis de leurs fronts moisis, j’allais, minuscule, par l’humide territoire que serpentait le 6, un tram à perches descendant en vrille vers le centre, la ville.  

J’habitais Rue des Tables Claudiennes, au sixième étage d’un bâtiment abrupt. Le logis était modeste. Pourtant, ce qu’à Lyon, on appelle une vue, j’en étais peuplé, charnellement. Suffisait d’écarquiller grand les yeux. Sans enfreindre les limites de mon aire, je buvais goulument au paysage de toute la cité. Je vivais dans son ciel. Au confluent même de ses pensées les plus intimes, dans le creuset véritable de son nom, au cœur même de son étymologie : les aubes alpines et les crépuscules rougeoyants chassaient à mes fenêtres. Que m’importait l’école, où je n’apprenais jamais que de la théorie ? Silencieux, le plus souvent, sur les lignes de toits de tuiles rondes, je lisais l’effort humain, l’effort de mes ancêtres. Des cheminées s’échappaient la vapeur frêle de foyers inconnus.

(A suivre)

14:45 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, tables claudiennes, ligne 6 | | |