lundi, 24 mai 2010
La table de Claude (1)
Petit, je ne savais pas que je grandissais sur les ruines du sanctuaire des Trois-Gaules. Le profil étrange des pentes en lacets de ma colline, comment aurais-je su qu’il provenait des terrasses robustes du palais qui, jadis, dominait Condate ? Comment comprendre qu’entre ce sol et moi, de lointains architectes avaient sculpté ce relief en étages, qu’elle aura conservé malgré l’usure de siècles ? De hautes bâtisses, semblables à des falaises, bornaient encore l’horizon de mes rues. Entre le vis-à-vis de leurs fronts moisis, j’allais, minuscule, par l’humide territoire que serpentait le 6, un tram à perches descendant en vrille vers le centre, la ville.
J’habitais Rue des Tables Claudiennes, au sixième étage d’un bâtiment abrupt. Le logis était modeste. Pourtant, ce qu’à Lyon, on appelle une vue, j’en étais peuplé, charnellement. Suffisait d’écarquiller grand les yeux. Sans enfreindre les limites de mon aire, je buvais goulument au paysage de toute la cité. Je vivais dans son ciel. Au confluent même de ses pensées les plus intimes, dans le creuset véritable de son nom, au cœur même de son étymologie : les aubes alpines et les crépuscules rougeoyants chassaient à mes fenêtres. Que m’importait l’école, où je n’apprenais jamais que de la théorie ? Silencieux, le plus souvent, sur les lignes de toits de tuiles rondes, je lisais l’effort humain, l’effort de mes ancêtres. Des cheminées s’échappaient la vapeur frêle de foyers inconnus.
(A suivre)
14:45 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, tables claudiennes, ligne 6 |
Commentaires
Délec... table !
Écrit par : Le Photon | lundi, 24 mai 2010
Belle façon d'habiter...
et pour continuer d'arpenter :
http://lesruesdelyon.hautetfort.com/archive/2009/11/07/tables-claudiennes.html
Écrit par : Michèle | mardi, 25 mai 2010
Je suis frappée par la prégnance de l'élément liquide. Si j'en relève le champ lexical :
bâtisses semblables à des 'falaises' / entre le vis-à-vis de leurs fronts 'moisis' / j'allais, minuscule par 'l'humide territoire' / je 'buvais' goulument au paysage / au 'confluent' même de ses pensées / la 'vapeur' frêle de foyers inconnus.
Mémoire de l'eau, de la ville aux deux fleuves...
Écrit par : Michèle | mardi, 25 mai 2010
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