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mercredi, 24 octobre 2007

GASTON COUTE

Un noffa8c6302190176ce3019645bdf8001b.jpguveau site sur Gaston Couté présentant la totalité de son œuvre ! Que dire de plus, sinon inviter chacun d'entre vous à vous attarder un peu sur un texte ou un autre de ce poète beauceron anarchiste sur lequel tout et trop a été dit, mais vers lequel on prend toujours plaisir à revenir.

Il faut, à vrai dire, lire Couté à voix haute pour l'apprécier à sa juste mesure. Se le mettre en bouche, vraiment, comme du bon vin. Au sens propre : L'ARTICULER...  Voici, pour s'entraîner, en guise d'apéro :

LE CHRIST EN BOIS

 Bon guieu ! la sal'commune ! ... A c'souèr,
Parsounne a voulu m'ar'cevouér
Pou' que j'me gîte et que j'me cache
Dans la paille, à couté d'ses vaches,
Et, c'est poure ren qu' j'ai tiré
L'cordon d'sounnette à ton curé
Et qu'j'ai cougné cheu tes déviotes :
Les cell's qui berdouill'nt des pat'nôt'es
Pour aller dans ton Paradis...
S'ment pas un quignon d'pain rassis
A m'fourrer en travars d'la goule...
I's l'gard'nt pour jiter à leu's poules ;
Et, c'est pour çà qu'j'attends v'ni d'main
Au bas d'toué, su' l'rabôrd du ch'min,
En haut du talus, sous l'vent d'bise, .
                            Qu'ébranl' les grands bras d'ta crouéx grise...
                            Abrrrr ! ... qu'i' pinc' fort el' salaud !
                            E j'sens mon nez qui fond en ieau
                            Et tous mes memb'ers qui guerdillent,
                            Et mon cul g'lé sous mes penilles ;
                            Mais, tu t'en fous, toué, qu'i' fass' frouéd :
                            T'as l'cul, t'as l'coeur, t'as tout en boués !

Hé l' Christ ! T'entends-t-y mes boyaux
Chanter la chanson des moignieaux
Qui d'mand'nt à picoter queuqu'chose ?
Hé l' Christ ! T'entends-t-y que j'te cause
Et qu'j'te dis qu'j'ai-z-eun' faim d'voleux ?
Tell'ment qu'si, par devant nous deux,
I' passait queuqu'un su' la route,
Pour un méyion coumm' pour eun' croùte,
I' m' sembl' que j'f'rais un mauvais coup ! ...
Tout ça, c'est ben, mais c'est point tout ;
Après, ça s'rait en Cour d'assises
Que j'te r'trouv'rais ; et, quoué que j'dise
 Les idée's qu'ça dounne et l'effet
Qu'ça produit d' pas avouer bouffé,
                                Les jug's i's vourin ren entend'e,
                                Car c'est des gâs qui sont pas tend'es
                                Pour les ceuss' qu'a pas d' position ;
                                l's n'me rat'rin pas, les cochons !
                                Et tu s'rais pus cochon qu'mes juges,
                                Toué qui m'v'oués vent' creux et sans r'fuge,
                                Tu f'rais pas eun' démarch' pour moué :
                                T'as l'vent', t'as l'coeur, t'as tout en bois !

L'aut'e, el'vrai Christ ! el'bon j'teux d'sôrts
Qu'était si bon qu'il en est mort,
M'trouvant guerdillant à c'tte place,
M'aurait dit : " Couch' su'ma paillasse ! ... "
Et, m'voyant coumm'ça querver d'faim,
l'm'aurait dit : " Coup'-toué du pain !
Gn'en a du tout frés dans ma huche,
Pendant que j'vas t'tirer eun'cruche
De vin nouvieau à mon poinson  ;
T'as drouét coumm' tout l'monde au gueul'ton
Pisque l'souleil fait pour tout l'monde
V'ni du grain d'blé la mouésson blonde
Et la vendange des sâs tortus... "
Si, condamné, i' m'avait vu,
                                  Il aurait dit aux jug's : " Mes fréres,
                                  Qu'il y fout' don' la premier' pierre
                                   C'ti d'vous qui n'a jamais fauté ! ... "
                                  Mais, toué qu'les curés ont planté
                                  Et qui trôn' cheu les gens d'justice,
                                  T'es ren ! ..., qu'un mann' quin au sarvice
                                  Des rich's qui t'mett'nt au coin d'leu's biens
                                  Pour fair' peur aux moignieaux du ch'min
                                  Que j'soumm's... Et, pour ça, qu'la bis' grande
                                  T'foute à bas... Christ ed' contrebande,
                                  Christ ed'l'Eglis ! Christ ed' la Loué,
                                   Qu'as tout, d'partout, qu'as tout en boués ! ...

06:25 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poèmes, poésie, écriture, culture, gaston couté | | |

jeudi, 18 octobre 2007

Le jour où LIBERATION a définitivement perdu son âme.

Je sarkozisme, tu sarkozismes, nous sarkozismons, ils sarkozisment...  Le 18 octobre 2007, grève des cheminots et divorce élizéen entrent en collusion dans l'événementiel du jour. En trois actes, Laurent Jaffrin et son équipe de bronzés à cols ouverts choisissent de faire la une sur le couple déchiré. A l'intérieur, Antoine Guiral s'en donne à cœur joie dans le cliché people et le lieu commun larmoyant. De l'apogée à la liberté en passant par la dégringolade. On dirait, nom de Dieu, du Yasmina Reza !

Première page atroce : Cecilia en desperate housewife. De dos, Nicolas peut jubiler. Il a définitivement gagné. Dans l'opposition, il ne rencontre plus d'opposition. Ou du moins, plus que cette opposition people et frelatée que pratique l'ex-journal de Sartre devenu  journal de Rothschild depuis des mois déjà.  Nicolas peut se réjouir : L'annonce de son divorce à venir, dont tout le monde se fout en réalité, est jugée plus essentielle qu'un traitement sérieux de la grève des cheminots. Comble de l'ironie, en attendant d'improbables bus, RER ou métro, le français moyen aura eu tout le loisir en ce triste jour de s'informer en long, large et travers sur tous les déboires de ce couple, au fond quelconque par les temps sordides que nous vivons : un opportuniste véreux et une courtisane de luxe. 

Séparation des Sarkozy: «Il est temps de refermer la page de l’américanisation de la vie publique»

Il serait temps de refermer aussi l'américanisation de Libération, ainsi que la peopolisation  de la presse dite de gauche en général, d'ailleurs.  Libé était devenu depuis longtemps un torchon, c’est désormais une serpillère. Car sinon, le sarkozysme aura, de fait, gagné, et pour longtemps, son droit de cité :  Je sarkozisme, tu sarkozismes, nous sarkozismons, ils sarkozisment... Quand l'opposition à Sarkozy n'a plus qu'une fonction, à la fois sociale et médiatique, celle de légitimer son sacre, elle devient la face cachée de ce dernier. Entre Libé et n'importe quel gratuit, il n'y a désormais plus qu'une différence : son prix. Qu'il ne s'étonne pas si son chiffre d'affaires continue de s'effondrer.

 

16:30 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : libé, libération | | |

lundi, 15 octobre 2007

Vous avez dit artistes ?

 « A notre époque, des millions d’homme vivent et souffrent le déchirement, au fond d’eux mêmes, entre une culture qui se meurt et une culture qu’ils détestent et désirent tout à la fois parce qu’elle offre la voix de la puissance et de l’opulence », écrit Raymond Aron en 1982, dans l’épilogue de ses Mémoires. Une ou deux pages plus loin, il se demande s’il regrette de n’avoir pas été le Kissinger d’un Prince. Mitterrand, il est vrai, vient d’être élu président.

Et voici que, vingt-cinq ans plus tard, c’est à dire un quart de siècle, cette même phrase de Raymond Aron résonne sans doute dans beaucoup d’esprits. Vingt-cinq ans ! Un quart de siècle : ce déchirement, au fond, l’Occident a-t-il fait autre chose que l’amplifier, jusqu’à faire de lui à la fois une politique, un mode de vie, un marché, un spectacle ?  Déchirés ! Le virtuel a si bien imposé la toute puissance de sa loi qu’on ne parle sans doute plus aujourd’hui d’une culture qui se meurt, mais d’une culture morte.

N’est-ce pas dans ces mêmes années 80 que Tadeusz Kantor concevait son spectacle Qu’ils crèvent, les artistes ? Ils sont crevés. C’est fait. Comble de disgrâce, le troupeau de ceux qui sont venus cracher sur leurs tombes est formidablement formaté. Artiste : le terme convient aussi bien à une actrice porno qu’à un joueur de rugby, à un lycéen inscrit dans un club-théâtre qu’à une retraitée membre d’une chorale, à un designer qu’à un couturier, un sculpteur, un photographe, un mannequin, un humoriste, un chroniqueur politique, voire même un politicien : Artistes, le serions-nous tous devenus par droit inaliénable, dans l’ère post-moderne ? Puisque d’après un tube détestable de la fin du siècle dernier, nous aurions tous voulu en être un, cette nouvelle culture qui offre l’opulence du virtuel à tous nos désirs, fait de nous, de festival en événement, ses concepteurs autoproclamés. Auto satisfaits. A une seule condition : que nous ignorions, que nous oubliions, que nous méprisions  le foutu déchirement dont parlait Aron. Que nous l’effacions, le gommions pour devenir, sinon libres, lisses. Sinon créatifs, collabos. Sinon contemporains, cons. Sale époque, du subversif érigé partout en académisme, de l'art pour tous, de l'art de tous, de l'art par tous !

 

16:30 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : raymond aron, artistes | | |

vendredi, 12 octobre 2007

La ville est à vous

On est frappé, en ouvrant un album de cartes postales anciennes, par l’espace qu’offraient aux seuls piétons les rues vides des villes, avant leur envahissement progressif par les automobiles. Des rues, des avenues, des boulevards pavés, sillonnées par les rails des tramways, demeurent alors presque exclusivement leur domaine. De-ci, de-là, une charrette, que tire un cheval lascif. Un passant chapeauté qui s’engage sur la chaussée peut, sans crainte d'être renversé,  songer à ses affaires. Un enjant joue. Les monuments sont dégagés, bien visibles, comme les enseignes, les façades. Pas la moindre automobile  dans la perspective !

rue,st,pierre,vaise.jpg

Le mythe de la Belle Epoque et celui de sa douceur de vivre ne sont sans doute pas étranger à ce calme d’avant le tout-bagnoles, qu’on perçoit dans ces espaces reproduits sur ces cartes anciennes, à cette lenteur diffuse qui imprègne la ville et laisse aux hommes le temps de vivre : Voici, sur la question, quelques témoignages d’écrivains :

« J’ai dû voir les derniers omnibus à chevaux cahoter sur le pavé lyonnais. Et j’ai vu les premières automobiles, machines fumantes qui semblaient bourrées de mélinite tant elles secouaient l’air d’explosions violentes, avancer par bonds et saccades sur la voie publique, où elles semaient l’effroi parmi le badauds lents et obstinés, qui ne voulaient pas démordre que le milieu de la chaussée fût un endroit convenable pour lire le journal ou se congratuler entre amis. » (1)  

 

 

 Dans son journal intime, le président de la chambre du Commerce de 1899 à 1911, Auguste Isaac, dont le chauffeur a renversé et tué un enfant de huit ans, consigne les actes du procès du dénommé Philibert : Trois mois de prison ferme, qu’un recours en appel et quelque amicale sollicitation transformeront en trois mois avec sursis. Il remarque, à cette occasion :

« On me dit que le substitut a fait un réquisitoire virulent. Il a soutenu que la voie publique appartient aux piétons et que, s’il plait à deux amis, se rencontrant sur la chaussée, de ne pas se séparer, de rester immobile devant une voiture, celle-ci n’a qu’à attendre leur bon plaisir pour continuer sa route. »  

 

Il fallut bien deux générations pour que s’opère une transformation radicale des mentalités : A Lyon, deux tunnels successifs ont transpercé le flanc des vieilles collines. Celui de la Croix Rousse, qui  a défiguré à jamais le quai Saint-Clair ; celui de Fourvière, qui a rendu l'ancienne capitale des Gaules aussi tristement célèbre que les bouchons d'autoroute, et dont la construction eut pour corollaire le  saccage de la vieille place Carnot.  

Au fil du vingtième siècle, les fleuves corsetés dans leurs quais sont devenus de simples passants, furtifs et pollués, tandis que 400.000 voitures s’entassent dans nos rues, posant des problèmes de stationnement aussi innombrables qu’irrésolus. En défigurant littéralement et quotidiennement la ville, la bagnole des particuliers aura, au final, rendu légendaire cet autrefois, où tout n’était pas rose, mais où le calme, le silence et la civilité, le rêve et la réflexion étaient encore un droit commun disponible à chacun, au coin de nos rues.

rue-de-la-republique.jpg


[1] 1. Gabriel Chevalier, Chemins de solitude, Paris, Carier, 1945

[2] 2. Auguste Isaac, Journal d’un notable lyonnais, Lyon, BGA Permezel, 2002

09:52 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : lyon, société, actualité, ville, urbanisme. | | |

mercredi, 10 octobre 2007

Antiquaille à vendre

Au temps de Pierre Sala, la mode était de posséder dans le jardin de sa villa quelque débris de l’Antiquité, sarcophage, morceau de colonnade ou épitaphe, témoignage exhumé d’un passé romain dont on ne cernait alors que fort approximativement les contours : en sa prestigieuse maison de Lanticaille se pouvait ainsi déchiffrer cette épitaphe 462020019cf75310e904cf4c7b7d9020.jpglatine, conçue de son vivant par un certain Claudius Rufinus : « et, puisque que ces lettres confiées à la pierre conservent le son de ma voix, ma voix vivra par la tienne, inconnu qui t’arrêteras sur ces lignes… ».

L’épitaphe de Claudius Rufinus, d’une hauteur de 90 cm, est l’un des plus célèbres et des plus anciennement connus. Il séjourna dans la maison de Sala, devenu couvent des Religieuses de la Visitation , jusque vers 1809, date à laquelle on le transporta au musée de Lyon. On peut l’admirer actuellement au musée de la Civilisation gallo romaine.

En 1629 les sœurs Visitandines de Bellecour firent l’acquisition du domaine qu’elles transformèrent en couvent. Elles lui adjoignirent une chapelle, un cloître et plusieurs corps de logis. L’une d’entre elles fut convaincue, en y découvrant un cachot, que les martyrs lyonnais, au premier chef Saint Pothin, le premier évêque de Lyon, y avaient été incarcérés : 

« Je me trouvais en dormant pénétrée d’une grande dévotion pour Saint Pothin.(…) Et je vis tout le devant du cachot de Saint Pothin revêtu de fin or, et au dessus du cachot un trône d’un éclat et d’une beauté admirables, et ce saint évêque assis dessus déclara : Ma fille, je suis en ce lieu d’une présence particulière pour assister de ma protection tous ceux qui m’invoqueront », écrit-elle dans un mémoire. C’est cette religieuse qui est à l’origine du culte de Saint-Pothin martyr.

4ff314d772b9b1c4231a43e6f411884d.jpgEn 1796, la vente des biens nationaux livra le bâtiment à divers propriétaires, avant que la ville ne le réunît à ses Hospices Civils pour y abriter ses aliénés de 1806 à 1876, date à laquelle on ouvrit l’hôpital psychiatrique de Vinatier. Une rotonde demi-circulaire de style toscan fut alors construite sur vingt-huit colonnes de pierre. En raison du type de malades qu’elle hébergeait, elle reçut une appellation spéciale jusqu’à sa démolition : la rotonde des folles.

On a souvent prétendu que dans l'Antiquité se dressait à l'emplacement de l'Antiquaille le palais impérial qui aurait pu servir de villégiature à Auguste, Caligula, Domitien, Sévère, Albin lorsque ces empereurs séjournaient à Lugdunum. Cette légende a nimbé le bâtiment d'une aura toute spéciale. On rajoutait que rois de Bourgogne puis ducs se Savoie l’auraient investi ensuite tour à tour. On a supposé que l’empereur Claude y était né, que ses bâtiments abritaient le caveau où l’évêque Pothin fut incarcéré juste avant son martyre. L'Antiquaille s'est retrouvé ainsi au centre de nombreuses légendes. La littérature a pris le relai. Dans l’un de ses romans les plus célèbres, Place des Angoisses, l’écrivain Jean Reverzy met en scène cet hôpital où médecine, archéologie et religiosité cohabitent, et dans lequel il effectua son externat en 1934, sous la férule du professeur Joberton de Belleville :

« Je ne m’étais pas douté que l’hôpital fut si vaste. Le cortège cheminait dans d’immenses bâtiments désaffectés, gravissait des escaliers, franchissait des passerelles au-dessus de jardins aux murs de pisé hérissés de tessons de bouteilles. Le train ne ralentissait pas, et je me demandai où finirait cette marche folle. Cependant, à la sortie d’un défilé enjambé par des voûtes, la troupe s’engouffra dans une salle où quatre rangées de lits tendus de rideaux blancs s’étiraient jusqu’à de hautes fenêtres ouvertes sur le ciel vide. Une centaine de femmes y étaient couchées, dont seules les têtes émergeaient des draps. Le cortège, à même vitesse, défila entre les rangées centrales, puis, après une hésitation en tête, ralentit sa marche, se resserra et enfin s’aggloméra autour d’un lit au montant duquel le Professeur s’appuya des deux mains pendant qu’une religieuse poussait derrière lui une chaise où il se laissa tomber. »

 Il aura été dans la destinée de l’Antiquaille de passer par toutes les phases de la fortune : Résidence d'empereurs et cachot de martyrs sous l'Antiquité, palais de rois au Moyen Age, cabinet de curiosités antiques au XVIème, refuge d'aliénés au XIXème, hospice romanesque au XXème : chaque siècle aura donc eu son Antiquaille; une antiquaille à son image, dans le pire comme dans le meilleur des cas. Le notre, qui ne répugne pas à transformer ce lieu de mémoire, de légende et de soin en une résidence privée avec vue tranquille et privilégiée sur la ville, doublé d'un centre commercial et culturel ne déroge pas, on le voit, à la tradition. Pour le pire ou pour le meilleur ? Chacun reste juge.  

08:25 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lyon, écriture, actualité, société, politique, immobilier | | |

mardi, 02 octobre 2007

La fête des Anges

A chaque fois que, dans la Bible, Dieu a voulu s'approcher des hommes, on trouve un ange. Ange messager, ange décrypteur, ange intercesseur, ange accompagnateur, ange délivreur, ange gardien : L'ange, qui voit Dieu, assume en même temps une intimité fraternelle avec l'homme. L'ange, qui est de toute éternité, se meut dans la grâce de l'instant éphémère comme s'il était chez lui. Alors, si la présence et l'existence de Dieu interrogent, celles de l'ange ont toujours eu l'air d'aller de soi. Comme l'habileté de cet être-ange est étrange ! Peut-être parce qu'il n'est pas, comme Dieu, une figure du père, mais plutôt du frère aîné.  On croit volontiers qu'un ange veille sur son pauvre destin, sur ses ailes de désir comme sur ses ailes de foi.

L'ange est avant tout une figure hautement littéraire. Avec SERAPHITA, Balzac consacra un roman savoureusement congelé aux amours angéliques. Qu'il soit maudit, comme chez Lautréamont (Chants de Maldoror), ou bien lumineux, comme chez Hugo (La Fin de Satan), le personnage de l'ange figure bien ce compagnon du jeu humain, à la fois proche de l'aube et familier de la nuit, et glissant dans l'espace et dans le temps dans un rapport de gémellité fort troublant. L'ange est bien le double magique et féérique auprès de qui la perception de l'existence d'une simple journée devient multidimensionnelle, celle d'une vie dotée de sens. Une des chansons qui permit aux Français de garder le moral après juin 40 n’avait-elle pas pour titre : Mon Ange ?

De littéraire, le personnage devint très vite cinématographique. Et passa même dans la B.D. Et de la B.D à la carte postale, aux bibelots. Les anges sont partout. Pas tous, il est vrai, gardiens ou protecteurs. La société contemporaine les malmène tout autant qu'elle malmène les humains. On n'hésite plus à les instrumentaliser. Je connais des gens qui n'invoquent le leur rien que pour trouver une place où se garer. Je ne sais pas si fut jamais soufflé à l'oreille par l'un des leurs la grille de l'Euromillions à l'un des rares gagnants. Qu'importe l'idée que l'on se fait de leur mission, qu'importe l'usage que l'on fait de leur soutien : c'est aujourd'hui leur fête ; la fête de tous les anges. N'oubliez donc surtout pas de souhaiter au vôtre la sienne. Qui pense à son ange pense à soi, et qui pense à soi n'est jamais en mauvaise compagnie.

04:45 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme, actualité, littérature, écriture, balzac | | |