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lundi, 14 novembre 2016

Commémorations

Sottise de ces dirigeants qui croient en l’Islam de France. Et pourquoi pas l’Islam de Norvège ? L’Islam de Californie ?  Du Lichtenstein ? L’islam n’est pas seulement ponctuellement satanique lorsqu’il tue des gens, mais il l’est universellement, en son essence même, parce qu’il nie et la Trinité sans quoi le pardon absolu est impossible, et qu’il foule du pied la Divinité du Christ sans le sacrifice duquel il n’est pas de liberté possible ni de charité véritable. La petite force de l’Islam, c’est qu’il avance masqué derrière une théologie de contrefaçon. Sa grande force, c’est que les « humanistes européens » ces aveugles qui nous guident, professent de ne plus croire en Satan, alors qu’ils en sont volontairement ou non les plus zélés serviteurs, et qu’ils lui ouvrent ainsi tout grand les portes en se donnant l’illusion de prêcher la tolérance.

Inutile, donc, de se leurrer : le combat politique contre l’Islam n’étant que de façade, ça ne s’arrangera pas. Qui peut croire, comme ils feignent de le croire, que la laïcité, cette auberge espagnole ouverte à tous les vents, vaincra la folie rétrograde intrinsèque à l’Islam ? Qui peut croire que le credo libéral-libertaire, qui donne de fait à tous le même droit de cité, saura hiérarchiser les priorités et dissiper les illusions ?   L’espoir de vivre en paix est une ruse de Satan quand il n’est fondé que sur des vœux pieux, et ce sont des vœux pieux que de croire à la bonté de l’homme au nom de spéculations philosophico-politiciennes. Il ne sert donc à rien d‘allumer des bougies sur les trottoirs et de se taire quelques minutes, abusés par de faux rites de fraternité, et perdus dans les méandres des symboles et les vanités des incantations comme dans les rues et sur les places de la République. A rien.  Si nous ne sacrifions pas à la seule paix qui soit, celle du Père, cet espoir naïf nous conduira collectivement au désastre.

L’intelligence est le lieu du péché, Satan le sait mieux que quiconque.  Lui qu’aucune chair n’encombre, il a tout loisir, jour et nuit, d‘être en esprit plus rapide que le plus malin de nous tous. J’ai beau être très bête, néanmoins, fort stupide face à lui, d‘une idiotie que je n’imagine même pas du fond de ma soumission au péché [car ce dernier demeure, à l’image de l’Islam, une soumission], je sais par le Christ notre Seigneur, et je le vis par ma prière, qu’il est un lieu où Satan ne peut se rendre et où je le puis moi, à sa grande fureur. Un lieu où j’ai tout loisir d‘être plus intelligent que lui. Je tiens là mon salut, rien de moins, du fait que le Christ aime avec plus de force que Satan ne hait. Non, cela ne sert à rien de s’assembler en cortèges émus par les rues et les places de la République, où brillent tant de ses artifices et résonnent tant de ses appels. Mais c’est , au pied de la Croix, c’est à dire dans la conscience sacrée que j’ai de la douleur du Christ, qu’il faut prier pour ces morts du Bataclan, pour tous les morts et pour tous les pécheurs. Là, le silence est épais, la paix dense, la consolation certaine et l’intelligence féconde. Ce lieu au-delà de la nuée bleue, que le Christ a racheté, le Prince de la contrefaçon s’en est interdit stupidement l’accès. Sa toute-puissance sur notre espèce et sur notre infirmité individuelle a beau être grande, elle s’estompe et part en fumée dès que nous prions à partir de cet endroit. Ce n’est donc pas dans la conscience que nous avons de leur mort ou de notre mort à venir, et de toutes nos chères douleurs, que nous devons nous adresser à Dieu, mais dans la conscience que nous avons de Sa  Douleur à Lui.  Tout l’enseignement du Christ réside là, et c’est par là qu’il est Fils, quand  tous les autres ne sont que lointains adorateurs. 

 

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 Christ, Santa Prassede, ROME

07:38 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bataclan, paris, attentats, islam, politique, christianisme, christ, satan, croix, religion, france | | |

lundi, 15 septembre 2014

Les bruits de bottes

Nous sommes un certain nombre à les entendre sourdre, les bruits de bottes, derrière le sourire en coin des hommes fourbes qui nous dirigent, les déclarations aussi fracassantes que divertissantes des tribuns qui les contestent. En France, le Parlement est tenu en haleine (et en échec) par le faux suspens organisé par les medias quant à une majorité gouvernementale ; les frondeurs du PS jouent les clowns sur la piste tandis que les autres, serviteurs zélés du système, font le sale boulot. Les débats sur la retraite des vieux ou les divagations du MEDEF servent de paravents : on évite de parler de l’essentiel : les bruits de bottes. Or, si la France doit entrer en guerre, c’est avant tout là que ça devrait se discuter.  Mais non. Silence radio. On laisse un ancien conseiller général de Corrèze ridiculisé sur la scène publique, et qui compte, les mains sur la couture, entrer dans l’histoire en suivant Obama à petits sauts lamentables de caniche, décider de cela. « Il n’y a pas de temps à perdre », lance-t-il d’une tribune, lui qui, en effet, en a peu.  On, c’est non seulement la gauche officielle, mais aussi la droite tout autant muette sur le sujet. Et quand une voix s’élève (Dominique de Villepin), elle est priée de regagner le placard. 

Je partage depuis longtemps les intuitions de l’ami Bertrand Redonnet, qui écrit sur son blog :« Je le pressens d’ici très fort, l’Europe et les États-Unis veulent l’anéantissement de la Russie pour une foule de raisons établies de longue date, raisons géopolitiques, de contrôle de la planète en matière énergétique, d’anéantissement de la Syrie et de l’Iran, de mise en place de l’ignoble traité de commerce transatlantique pour lequel la Russie sera un voisin plus que gênant. L’Ukraine n’est qu’un prétexte provoqué et Hollande, dans son impéritie, sa duplicité et sa bêtise d’occidentaliste primaire, mène notre pays tout droit au chaos, pour le plus grand profit de ses amis américains. »

A quoi il faudrait rajouter israéliens. Comment ne pas se sentir assailli de mauvais pressentiments quand la Conférence de Paris, organisée « à l'invitation du président français François Hollande et de son homologue irakien Fouad Massoum », conférence durant laquelle tous ces beaux messieurs viennent en quelque sorte de définir « un axe du Bien » face à la propagande répugnante de l’Etat islamique et ses décapités, axe dont on a soigneusement exclu, précisément, le président russe (1), le président syrien, le président iranien. Il n’est pas question ici de soutenir évidemment cet état islamique, auteur de massacres à l’encontre de populations yézidites, musulmanes et chrétiennes, massacres devant lesquels ces trois exécutions de journalistes médiatiquement orchestrées devraient être considérées, hélas, comme menue monnaie, si elles ne servaient à l’orchestration de la propagande belliqueuse qui est en train de se mettre en place sur tous les écrans du monde. Mais quand une telle religiosité entoure des cadavres ainsi sacralisés, fétichisés, c'est encore un mauvais signe. (2) Et la moindre des choses seraient là aussi que les dirigeants en réfèrent davantage non seulement à leurs parlements, mais aussi à leurs opinions. 

 

Or, au moment même où la France s’apprête ainsi à entrer en guerre (3) tandis que Matignon agite l'épouvantail à moineaux du FN pour avoir les mains libres, l’Elysée demande, signe funeste, que les bas de laine des Français soient mis au service de l’économie réelle, qui en aurait besoin. C'est tragique;

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Axe du Bien, face auquel se déduit facilement l'axe du Mal;

(1) Le ministre des affaires étrangères russe faisant office de ...

(2) L'humoriste Dieudonné, véritable brebis galeuse du pouvoir, qui dénonçait à sa façon polémique et provocante cette propagande, vient non seulement d'être prié de quitter la plate forme You tube, mais est désormais hébergé par son équivalent russe, Rutube... Autre mauvais signe...

(3) sans même que son Parlement ne soit consulté au milieu de tant d'incertitudes et dans une indifférence générale de la gauche  (ah, si Sarkozy avait gagné les élections, ce serait une autre partition  !)

lundi, 30 juin 2014

Charpentier en bateaux

Un de mes aïeux fut, à en croire les registres de l’état-civil, charpentier en bateaux à Miribel. Il naquit le 28 mai 1826, dans cette même commune, s’y maria avec une ouvrière en soie, et y fut enterré. Il se prénommait Noël, et lorsque je découvris les pièces de son état civil, je ne pus m’empêcher de l’imaginer jovial et rude à la fois – parce que le Rhône est comme cela, et que la plupart de ma famille paternelle - je le découvris en fouillant tardivement dans les registres de l’Ain, demeura durant des siècles dans ce coin là, entre Miribel, Thil et Saint-Christophe. Des fils et des filles du Rhône, quoi, de ce fleuve qui, avant d’entrer dans Lyon, s’étire en boucle, comme pour faire son grand lac. Ceux qui ne furent pas bateliers furent cultivateurs, je parle de ceux d'avant le grand chambardement de Quatorze-Dix-huit, ceux du pays réel, d'avant le spectacle et le mensonge érigés en systèmes de gouvernement et d'éducation.

Je ne sais pas si on porte dans le sang la mémoire de ses aïeux. Moi, ça me va très bien, ces petites bourgades en bordure du grand fleuve, ce parfum de terre humide, ces concerts de grenouilles dans les joncs. Et ce bleu si particulier, que j’ai retrouvé lorsqu’en vélo l’autre jour, je suis retourné à Miribel. Un parc de loisir aménagé sur la plaine, aujourd’hui : il faut beaucoup d’imagination pour visualiser le pays de Noël, où ça parlait patois il y a encore trois demi-siècles, et à présent des urbains atomisés de toutes parts, c’est ainsi. Venus bronzer et se baigner dans ces plans d'eau à l'écart du fleuve. C'est curieux, j'arrivais cependant à l'imaginer non loin de la rive, avec ses cotes de velours et sa chemise en coton, son marteau et ses clous à la ceinture, rassembler les planches de barques et de bateaux, du calibrage minutieux, assurément. Une vie sur, par et avec le fleuve. Et lui, le Rhône, tout ce qu'en écrivit Clavel et d'autres, interdit de pêches et de baignades à présent, interdit, sinon les zones aménagées du parc, quelle tristesse... Il survit de lambeaux, l'ancien pays, le pays réel, des pièces de mémoire que nous avons pu arracher au système. Mais de quel pays, de quelle terre demeure cette République inventée pour le stade et la télé, et ces valeurs ânonnées, et qui ne sont que vent ? Moi, je suis du Rhône, dirait bien plutôt Noël, tiens, il me semble vraiment  l'entendre, ses pas sur ces cailloux, et ce bateau qu'il pousse, puis qui le porte,tandis qu'il contemple en s'en méfiant, à quelques kilomètres de là, la ville.

 

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dimanche, 05 février 2012

Ciel de suie

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On a souvent comparé Lyon à une ville du Sud, vantant sa lumière et sa pierre gallo-romaine. Mais c'est trop vite céder aux charmes trompeurs de l'été.  L'hiver, Lyon retrouve sa lumière native et sa nature véritable, quand sous le sortilège de son dieu qui lui vint un jour d'Irlande ou des brumes de Norvège, elle se met à ressembler à Bruges ou Dublin, sous la robe  incontestable d'une fille du Nord.

De là vient cette passion froide et cette fidélité extrême qui sommeille au fond du tempérament lyonnais, si l'on en croit toute la littérature écrite en ce pays-là. Tempérament que nul n'a mieux exprimé qu'Henri Béraud dans son roman Ciel de Suie. 

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06:27 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : henri béraud, littérature, lyon, lug, italie, irlande | | |

mardi, 27 juillet 2010

La Table de Claude (11)

C'est toujours un été que les enfants commencent à fumer. Un été, quand la lumière est trop vive : la mémoire des hommes n’aborde plus les monuments, il leur faut commencer à frimer. Certes,  le travail de l’écrivain pourrait se contraindre à ignorer celui des saisons. Mais il ne serait pas mortel. Qu'aurait-il à nous avouer ?

Je fus enfant, c'est bien fini et un de ces jours je serai mort. L’été, il faut trop tard attendre ce peu de fraîcheur qui trop souvent ne survient que par miettes sur la peau moite, comme si la vanité du jour futile faisait de lui un dérobeur insurmontable, et de soi un piètre idiot. Chaque pierre d'un temple, que rembrunirait la pluie  afin de rendre au regard qui se poserait sur lui sa profondeur, chaque pierre se dérobe au monument, et la pluie, chienne, se cabre : comment même songer à l'insolence d'un ailleurs-souvenir ? L’épaisse chaleur ne convient pas à l’humidité de la langue. 

N'allons pas nous imaginer cependant que ce vide de l’esprit ait la carrure du silence. Car au bout du silence hivernal rôde toujours un spectre bienveillant, telle la lueur, au seuil de l'écrin répandue.

Ici, rien.

Seule cette promesse du sec instant, sans fondation aucune. L’été, la table de Claude se maintient à l’état d’une pure et presque brutale énigme, qui sue.

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02:24 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, été | | |

mardi, 20 juillet 2010

La Table de Claude (10)

Je voudrais faire du latin. J’y serai bien un jour, attelé à des tableaux de déclinaisons devant des photos de bustes gris ou d’épigraphes énigmatiques !  On aura  beau  sourire autour de moi : n’est-ce pas plutôt le temps des maths modernes ? J'y serai, tôt ou tard ; qu’est-ce que les maths modernes auraient donc à m’apprendre du monde qui m’intéresse pour de vrai ? de celui de Claude en l’occurrence, Claude dont les tables me demeurent plus mystérieuses que celles de Moïse, puisque aucun catéchisme ne les a jamais évoquées, elles ! J’en ignore pour de bon le plein contenu, sinon cette phrase aussi intrigante que sensuelle à mon ouïe : « il faut sauver la Gaule Chevelue… »  Sauver ? je me demande…

Un de mes oncles, celui qui tient la première épicerie qu’on rencontre sur sa droite quand on passe les voûtes de Perrache, convainc ma mère que les maths modernes, c’est vrai,  ce n’est pas si fondamental que ça… Que le latin, au contraire …  

M’y voici presque, en attendant : dans le verger des sœurs de la Compassion, fut exhumé il y a une trentaine d’années  le plus ancien théâtre de la Gaule : Ses débris contemplent le Levant. Il s’était tenu planqué là durant des siècles, est-ce possible ? à l’abri des curieux, tapi sous des sentiers seulement foulés de souliers de sœurs récitant le saint rosaire, là où je place mon soulier, là où je marque le sol à mon tour. En contrebas de la basilique, dans l’écrin de son arc creusé à flanc de colline, lui, l’Antique, fait désormais figure de revenant quelque peu démuni de tout, de ses pierres, de son mur, de ses masques et de ses sénateurs en toges, face au grand ciel qui ne coiffe jamais qu’une journée banale sur la ville besogneuse. M’y voici pourtant. Je longe son vaste corps. Mais il m’en faudrait davantage : pourquoi ne pas raser tous ces immeubles et ces maisons, somme toute vraiment moches, pourquoi ne pas rebâtir Lugdunum ? On me traite de fou. Ce que je ressens sous mes pas, pourtant, me rassure, à chaque fois que je viens ici. De longs après-midi, j’écoute le silence, j’hume jusqu’aux plus lointaines fondations. La table de Claude ? J’aime ces travées vides jusqu’au vertige : à personne je ne confie le secret de ces escapades. La table de Claude, il me semble qu’ici-même, dans ce théâtre, oui,  dans ce pauvre bâtiment déconfit qui servit de carrière à toute la ville au cours des siècles, il me sera donné d'en comprendre quelques caractères de son alphabet : ce théâtre, quelle aventure cela a dû être ! bien plus que ces réunions ridicules devant le poste en noir et blanc quand Kennedy, Piaf ou le pape meurent. Le théâtre, le vrai, alors que sont peuplés ces gradins de tout ce que la ville compte d’hommes. Le théâtre ! Le latin ! La tête me tourne  sitôt repassé par-dessus le mur d’enceinte,  la rue et les voitures du temps présent, de mon temps, les voitures qui puent ...

 

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mardi, 13 juillet 2010

La Table de Claude (9)

Les tables claudiennes, donc, mystérieuses à plus d’un titre.

D’abord, à la manière que les adultes avaient de prononcer leur nom-même, en claironnant bien glaudiennes, et non claudiennes. Leur instinct populaire confondant, aurait dit un philologue du XIXème ici fort réputé, l’empereur Claude et le Père Glaudius. Le Littré de la Grande Côte, ouvrage érudit s’il en est,  que je ne découvris que bien plus tard, apporta de fait sa caution scientifique à cette rudimentaire fidélité des gens de ma tribu à l’accent de leurs propres parents, puisque le nom Claude n’y apparaît qu’à la lettre G, et sous cette forme : « Glaude, Glaudine, bonne prononciation de Claude, Claudine »

Ensuite à la façon qu’avaient ces mêmes adultes de ne jamais dire « chez moi », comme tant d’inconscients le disent un peu partout à présent, mais, pour parler de l’endroit où ils auront vécu quelques saisons, lorsqu’il s’agissait par exemple de décider si l’on ferait tel repas de famille chez l’un ou chez l’autre, de simplement préciser, qu’on passerait cette année Noël aux «Tables glaudiennes » plutôt qu’à « Choulans », c'est-à-dire chez ma mère plutôt que chez sa sœur. Il faut dire que personne, ni à Choulans, ni aux Tables glaudiennes n’était vraiment chez soi, c’est-à-dire vraiment propriétaire, puisque que tout le monde y payait, comme l’écrivit un jour le bon Céline dans Mort à Crédit, un terme. Ceux des « tables glaudiennes » depuis des temps plus immémoriaux que d’autres (me semblait-il) puisque c’est là qu’avait habité le grand père, là qu’habitait encore la grand-mère, là, le foyer initial, la ruche dont tous étaient partis et où ma mère seule était revenue un jour, avec un marmot de quelques mois sous le bras. Antiques, donc, ces Tables ! Et pourquoi pas aussi vieilles que celles de cet empereur au nom imprononçable et dont je ne savais rien, sinon que tel Dieu celles de la Loi, c’est lui qui avait autrefois, jadis, et même auparavant encore, fait graver cette phrase dont l’autorité résonnait de façon presque magique à mon esprit : « il faut sauver la Gaule chevelue »…

Dernière chose enfin qui ne laissait pas de m’étonner : ce chiffre de 32 qui leur était toujours accolé ; qui, parfois, leur servait même de substitut : « Cette année, fêtera-t-on Pâques au trente-deux ?», entendais-je parfois autour de moi - comme si n’existaient ni le trente et un ni le trente trois. J’ignorais alors le distinguo subtil entre métonymie et synecdoque, mais j’entendais avec plaisir ce langage imagé, fleuri : Car ce « trente-deux  des Tables glaudiennes», d’où la vue était si belle, dont le carrelage était si rouge, et que peuplaient de si beaux chants d’oiseaux, était riche d’une si longue fréquentation familiale,  profond d'une habitude du lieu qui remontait à si loin  avant ma naissance qu’à mon oreille ce chiffre-même a merveilleusement conservé le diapason du gîte, et ces deux tables une empreinte immuable et immanquablement consolante, quelque tourneboulement indû que le monde ait pu subir par la suite.

 

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mardi, 06 juillet 2010

La Table de Claude (8)

La mort du pape, celle du président : 1963 fut aussi celle de la chanteuse. Edith Piaf, à l’époque, mêmes si ses obsèques virent se presser une foule d'anonymes au Père-Lachaize, elles furent entourées de moins de pompes internationales que celles des deux chefs politiques et religieux. Avec le temps, le moineau noir conquit pourtant d’égales lettres de noblesse, microsillons, juke-box, et transistors obligent. En 1963, la  chanson n’occupait pas la place qu’elle occupe à présent, dans le fond sonore et l’air du temps, presque idéologique, de l’époque. La chanson, comme le dirait Brel un peu plus tard, c'était encore un art mineur, un art du coin des rues, et Piaf, avec sa voix inimitable qui me faisait presque peur les rares fois où je l’entendis avant sa mort, charriait jusqu’à nous, grâce à l’industrie du disque, la crapuleuse aura des faubourgs d’avant-guerre : elle ne roulait plus les r comme Fréhel, Damia ou Arletty, mais provenait du même temps et du même lieu qu'elles. Et il me semble à présent que les disparitions presque concomitantes en ce moment de mes huit ans de Piaf, Jean XXIII et Kennedy, si hasardeux que pût de premier abord paraître cet attelage, ont signé l’extinction définitive du monde où avaient été jeunes les quelques adultes qui m'entouraient alors, pour ouvrir la porte à un autre : tous trois, comme des mythes fondateurs d’une sorte d'arrêt brutal, en tout cas de duperie dans la transmission. Bientôt, ceux qu’on appellerait les soixante-huitards se lèveraient, encombrant d’eux-mêmes et de leur multitude les 819 lignes du poste de télé : né trop tard pour avoir goûté l’ancienne société, bien trop jeune aussi pour leur appartenir, j’allais devenir le témoin perplexe de leurs agissements. Et l'empereur Claude, dans tout ça ? Aux Beatles qui déjà pointaient le bout de leurs rêves à deux sous, je préférais déjà le boui-boui de l'Accordéoniste :

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mardi, 29 juin 2010

La Table de Claude (7)

Du président Kennedy ou du pape Jean XIII, lequel rendit l’âme en premier ?  Dans mon idée, tous deux, morts en 1963, l’avaient été à quelques jours d’intervalle, le premier précédent le second ; parce que les deux retransmissions dont je me souviens- les toutes premières qui rassemblèrent du monde à la maison - furent consacrées à leur disparition. Comme c’est curieux la mémoire, il ne faudrait pas parier un centime dessus ! Le raffut médiatique qui découla de Dallas fit de l’assassinat de Kennedy un tel événement qu’il devint premier dans mon souvenir, et il me sembla toujours que la disparition du sieur Roncalli, l’initiateur devant l’Eternel de Vatican II, était survenue juste après. J’avais confondu le retentissement donné aux événements avec leur  chronologie véritable.  Pourtant, tout comme l’image de Jacky se débinant à quatre pattes sur le capot du carrosse présidentiel, ou celle du petit gosse saluant d’un bras bien court le cercueil de son père, le cérémonial qui entoura les funérailles du patriarche de Venise devenu Jean XXIII s’est gravé dans ma mémoire comme un trait d’époque d’égale importance. Le corps étendu, les habits de cérémonie, la rumeur des prières murmurées en italien et surtout, surtout, cette phrase du commentateur tandis que le cortège traversait la basilique Saint-Pierre : « C’était un saint-homme qui ne possédait en propre qu’un stylo »…  tout cela s’imprégna en quelque zone profonde de mon esprit pour ne jamais me quitter :  L’idée qu’on pût être un saint en ne possédant qu’un stylo (c’est-à-dire, je le sentais confusément, en ne possédant que son écriture, que sa pensée) me laissa admiratif malgré moi de cette dépouille de cire emportée à bras d’hommes au cœur d’une foule dense, que le monde entier trouvait vénérable, et qui ne l’était peut-être pas tant que ça.

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1963 : N’est-ce pas cette année qui, avec ses deux enterrements-là, signa véritablement l’entrée du monde dans la modernité consumériste ?  On comprenait enfin que la dissuasion avait accompli son miracle et que la guerre ne reviendrait pas de sitôt ; l’Eglise séculaire, comme pour ne pas demeurer en rade,  renonçait à ses pompes pour s’éprendre inconsidérément de la feinte simplicité du siècle des Tartuffes télévisuels. Bien trop jeune et bien trop petit à l’époque pour me faire une idée juste du théâtre en noir et blanc qui s’exhibait à l’intérieur de cet étrange et nouveau meuble ; bien trop jeune, également, pour saisir à bras le corps la réalité diffuse qui s’y annonçait ; mais suffisamment éveillé pour sentir, à coup sûr, quelque arnaque pour imbéciles, tapie derrière cette claironnante nouveauté.

 

 

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