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mardi, 29 juin 2010

La Table de Claude (7)

Du président Kennedy ou du pape Jean XIII, lequel rendit l’âme en premier ?  Dans mon idée, tous deux, morts en 1963, l’avaient été à quelques jours d’intervalle, le premier précédent le second ; parce que les deux retransmissions dont je me souviens- les toutes premières qui rassemblèrent du monde à la maison - furent consacrées à leur disparition. Comme c’est curieux la mémoire, il ne faudrait pas parier un centime dessus ! Le raffut médiatique qui découla de Dallas fit de l’assassinat de Kennedy un tel événement qu’il devint premier dans mon souvenir, et il me sembla toujours que la disparition du sieur Roncalli, l’initiateur devant l’Eternel de Vatican II, était survenue juste après. J’avais confondu le retentissement donné aux événements avec leur  chronologie véritable.  Pourtant, tout comme l’image de Jacky se débinant à quatre pattes sur le capot du carrosse présidentiel, ou celle du petit gosse saluant d’un bras bien court le cercueil de son père, le cérémonial qui entoura les funérailles du patriarche de Venise devenu Jean XXIII s’est gravé dans ma mémoire comme un trait d’époque d’égale importance. Le corps étendu, les habits de cérémonie, la rumeur des prières murmurées en italien et surtout, surtout, cette phrase du commentateur tandis que le cortège traversait la basilique Saint-Pierre : « C’était un saint-homme qui ne possédait en propre qu’un stylo »…  tout cela s’imprégna en quelque zone profonde de mon esprit pour ne jamais me quitter :  L’idée qu’on pût être un saint en ne possédant qu’un stylo (c’est-à-dire, je le sentais confusément, en ne possédant que son écriture, que sa pensée) me laissa admiratif malgré moi de cette dépouille de cire emportée à bras d’hommes au cœur d’une foule dense, que le monde entier trouvait vénérable, et qui ne l’était peut-être pas tant que ça.

burialkennedy.jpg

1963 : N’est-ce pas cette année qui, avec ses deux enterrements-là, signa véritablement l’entrée du monde dans la modernité consumériste ?  On comprenait enfin que la dissuasion avait accompli son miracle et que la guerre ne reviendrait pas de sitôt ; l’Eglise séculaire, comme pour ne pas demeurer en rade,  renonçait à ses pompes pour s’éprendre inconsidérément de la feinte simplicité du siècle des Tartuffes télévisuels. Bien trop jeune et bien trop petit à l’époque pour me faire une idée juste du théâtre en noir et blanc qui s’exhibait à l’intérieur de cet étrange et nouveau meuble ; bien trop jeune, également, pour saisir à bras le corps la réalité diffuse qui s’y annonçait ; mais suffisamment éveillé pour sentir, à coup sûr, quelque arnaque pour imbéciles, tapie derrière cette claironnante nouveauté.

 

 

17:55 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (3) | | |

Commentaires

Émoi de ce qui nous traverse, sans qu'on puisse en donner la très précise raison, et qui fait minutieusement écho à ce qu'il y avait quand on ne s'en était pas encore avisé...

Écrit par : Michèle | mardi, 29 juin 2010

Dans le premier livre de son cycle romanesque "La Grande Intrigue", François Taillandier écrit ceci :

La grande trouvaille de Vatican II

1958 : le pape Jean XXIII annonce la tenue prochaine du concile, dont l'idée lui est venue, dit-il, 'par une soudaine inspiration de Dieu'.
Une révolution idéologique et morale totalement imprévue va sortir de là.
Un an plus tôt (mai 1957), la signature du traité de Rome a donné le départ de l'unification de l'Europe. Chacun sait que le traité n'est pas signé par hasard à Rome - et que la communauté naissante ne prend pas par hasard pour emblème la couronne de Fatima. Vingt ans plus tard, un autre pape contribuera décisivement à modifier le visage de l'Europe. L'Europe (comme elle le fut au Moyen Âge) est un complot chrétien (même si l'on peut estimer que les chrétiens ont été coiffés au poteau ; c'est une autre histoire).
C'est dans ce contexte de progressisme actif que l'Église de Rome va lancer un mouvement dont l'onde de choc ira bien au-delà de ses problèmes internes.
Le concile Vatican II est en fait le moment historique où pour la première fois est mis en œuvre (sans le nommer) le concept de correction politique.
La correction politique est à définir comme le rejet volontaire, en tout domaine, de toute pratique ou référence hiérarchisante, discriminante ou séparante. Or c'est exactement le principe qui anime les principales réformes de Vatican II : renonciation à la chaire pour le sermon, à la soutane, à la séparation des hommes et des femmes pendant les cérémonies ; promotion de l'œcuménisme, du dialogue inter religieux, des Églises non européennes.
(Il faudrait étudier à part l'abandon du latin d'église, que l'on peut relier à la thématique de l'avant-maintenant, au temps autorésorbant. C'est l'abandon de la temporalité longue dans le langage.)

Écrit par : Michèle | mercredi, 30 juin 2010

@ Michèle : Excellente, cette citation. Je note la référence, et que "les soudaines inspirations de Dieu" ont beau dos. La révolution en question semble avoir été longuement prévue par nombre d'instances et cela soulève une question : Vatican II, est-ce une réforme de l'Eglise par elle-même ou une sorte de "siège discret et doux", conduit avec habileté par plusieurs Ulysse en soutanes.

Écrit par : solko | jeudi, 01 juillet 2010

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