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mercredi, 31 décembre 2008

Le billet qui n'existe pas

Paul Cézanne comme il a failli se trouver un jour dans votre portefeuille. On a préféré, in extremis, une autre version.
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Idem avec Saint-Exupéry, première maquette du 50 francs, vite reléguée aux oubliettes
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Un Votaire psychédélique, qui n'a pas été retenu non plus à l'époque
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Une ébauche du Bonaparte, lui aussi demeuré dans les cartons de la BdF
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Une ébauche d'un billet de dix francs, par Clément Serveau
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Une seconde de cent francs, datant des années cinquante :
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Celle-ci, très belle, également
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Et celui-ci, qui a du panache
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Avec tout ça, si vous n'arrivez pas à vous payer un super reveillon !

BONNE ANNEE

2009

A TOUS

01:20 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (28) | Tags : fêtes, fête, noël, anciens francs, société, billets français | | |

jeudi, 25 décembre 2008

Noël en patois lyonnais

saint-joseph-charpentier-1640.jpg
Saint Joseph charpentier
(Vers 1640)
Georges de La Tour
Musée du Louvre, Paris

Ce Noël  en patois lyonnais a été imprimé dans divers recueils six fois de 1757 à 1939. De graphie différente, la dernière strophe est probablement un rajout.

Qu'ét-ay donc cela novela

Ce dit maître Jean Capon ?

Et-ay vray qu'na Vierge-pucella

Que tot le one s'appreta

Per verre lo novio venu

Nos en seran de la feta

Dussian no alla pi niud

 

Qu'et-ay donc celo grands homme

Que sont bio comme de ray ?

Il an tous trais de couronne

Y'en a un qu'est tot nai.

Grou Guillot, pren ta museta,

Et toi, ton aubois, Michi :

Noz en sera de la fieta

J'ai  mon tambor per tochi.

 

Saint-Joset prit se lunnette

Per avissa qui etoit.

Y cherchi de z-allumette,

Mais la bisa que soflave

Per mas de trenta golet,

Chaque fay qu'i se bessave,

Fessave chere son bonet.

 

Lo diablo entendit la feta :

Il est veny per la vey :

S'en alla fora la teta

Par un trou de la parey.

Saint Joset prit sa verlopa,

Ly foity una vortollia,

Il en a yu, la charlopa,

Lo groint tout ecarmailla.

 

La mare s'epoventave,

Se rengrave dans un coin :

A gran coite elle engonçave

L'enfant dens un pou de foin.

L'ano a pou, le bou se confia;

Ly veni sota dessus;

En soflant comme una ronfla

Li foiti se corne u cu.

 

Lo guiablo, ben en colere,

Se veyant traita ainsy,

V'a ronflant per la charera

Comm'un fouet de charrety;

Et veyant bien qu'i n'avave

Grin d'endret per se logi,

Y trovit une boutasse,

Y s'y alli dandogli.

 

 

Traduction :

 

Qu’est-ce-donc que cette nouvelle ?

Dis, maître Jean Capon ?

Est-il vrai qu’une pucelle

Vient d’accoucher d’un poupon ?

Que tout le monde s’apprête

Pour voir le nouveau venu ?

Nous  serions de la fête

Dussions-nous aller pieds nus.

 

Qu’est-ce donc que ces grands hommes

Qui  sont beaux comme des rois ?

Ils ont tous trois des couronnes,

Il y en a un qui est tout noir.

Gros-Guillot, prends ta musette,

Et toi, ton hautbois Michel :

Nous serons de la fête :

J’ai mon tambour pour jouer.

 

Saint-Joseph prit ses lunettes

Pour voir qui c’était.

Il chercha des allumettes

Pour enflammer son lumignon :

Mais la bise qui soufflait

Pas plus de trente trous,

Chaque fois qu’il se baissait

Faisait tomber son bonnet.

 

Le diable entendit la fête

Il est venu pour la voir :

Il est allé fourrer sa fête

Dans un trou de la paroi.

Saint-Joseph prit sa varlope

Lui en donna une rossée

Il en a eu , la charogne,

Le groin tout écrabouillé.

 

La mère était effrayée

Elle se retirait dans un coin

En grande hâte elle enfonçait

L’enfant dans un peu de foin.

L’âne a peur, le bœuf se gonfle :

Il vient lui sauter dessus.

En soufflant comme une toupie

Il  lui flanque ses cornes au cul.

 

Le diable, bien est en colère

Se voyant traité ainsi.

S’en va ronflant par la rue

Comme un fouet de charretier ;

En  voyant bien qu’il n’avait

Aucun endroit pour s’abriter,

Il y trouva une mare

Il alla y barboter.

13:18 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : noël, patois, lyon, littérature, poème, poésie | | |

mercredi, 24 décembre 2008

Intérieurs canuts

Voici Noël, un de plus. Un père Noël qui vous invite une fois de plus à bouffer du Lyon, grâce à ces deux gravures représentant des intérieurs de tisseurs. Ambiance.

interieur-canut.jpg

L’atelier est aussi un lieu d’habitation. Le métier à tisser tient le volume le plus important. La suspente est sous le plafond. Le poële, au centre de la pièce. On reconnait l'ancien carrelage, fort typique. Chats, souris, canaris cohabitent avec la famille. Une tradition locale veut que la vitalité de l’oiseau garantisse celle des humains. Image de prospérité, cinq personnes sont au travail et les enfants jouent. Deux femmes préparent les canettes, sur des mécaniques différentes. La tisseuse tire sur le cordon pour lancer la navette d’un métier d’unis. Le tisseur, lui, procède à quelques réparations sur sa pièce. Il est probable que cet atelier se trouve sous un toit de Saint-Georges, avant que les canuts n’émigrent à la Croix-Rousse.  Mobilier, gravures au mur, buste, plantes, bénitier, buis : l’estampe, qui date du XIXème siècle, montre une famille de tisseurs laborieux et religieux, sous l’Ancien Régime, avec le souci de célébrer l’âge d’or d’une période de prospérité perdue. Elle provient du musée Gadagne dont on espère la réouverture durant l’année 2009

interieur-tisseur.jpg

Toujours issu du musée Gadagne (fonds Justin Godart), ce dessin de Gérardin, d’après nature. La crise industrielle s’est installée. Le métier à tisser occupe toujours le volume le plus important, mais les chats, souris, canaris semblent bien plus maigres. Ils ne sont plus que deux, et seul l’enfant qui joue garde un peu d'insouciance. Assis au tabouret, il la regarde, inquiet, qui fait bouillir le linge. Elle aussi est soucieuse. Le linge déjà étendu en arrière plan, on sent la récupération. Au sol, le carrelage s’est abîmé. Une mécanique surmonte désormais le métier à tisser ; un progrès ? Pas pour tout le monde : Sur la table ne trône qu’une unique bouteille, qu’on devine vide. Comme sur la gravure du haut, un balai est placé au premier plan. On reconnait ce même type de fenêtres, à petits carreaux de papiers gras. Il est certain que cet atelier est à la Croix-Rousse.  Et que ce couple est locataire, de l'unique pièce comme du métier. Qui ne possède que sa seule force de travail est un prolétaire : le monde moderne et rugissant est en route.

 

01:02 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : lyon, noël, croix-rousse, histoire, canuts, crise, travail | | |

mardi, 25 décembre 2007

Histoire de dame brune...

Le souci commémoratif n'a jamais été aussi commercial que depuis quelques années.Dans les allées climatisées des centres de distribution de la culture, on voit s'amonceler des compilations d'œuvres d'artistes morts ou sur le point de l'être (je pense à Aznavour et Salvador, par exemple).

Bien sûr, tout n'est pas à jeter dans cet effort à l'adresse du bon public de la société de saturation, qui ne sait plus quoi s'entre-offrir durant cette période mièvre de fêtes de Noël. Ces compilations, ça aide, certes...  Je me demande ce qu'en aurait pensé Monique Serf, alias Barbara, dont on s'est souvenu, non sans émotion, durant ce mois de novembre, qu'elle nous avait quittés il y a déjà dix années. A première vue, comme ça, je dirais pas grand bien. Son souci d'éviter les plateaux-télé dans lequel le moindre citoyen lambda à présent se précipite tête baissée, au risque de se prendre les pieds dans les fils d'un projo, fut toute sa vie manifeste. Et la dame avait raison. Cela dit, il fallait bien vivre et aimer. Paradoxe du comédien, non des moindres, la scène est un métier public, dont il convient bien sûr honorer les exigences. N'empêche. Brel, son grand copain, dans le coffret-tombeau qui est à lui aussi dédié, déclare :

« et vous ne trouvez pas indécent, en 1967, que des gens soient encore obligés de montrer leur cul ? » Que dirait, à présent, le Grand Jacques ? Siècle de goujats ! Société de masses...

160.gif« Je ne peux pas me servir des morts qui ne sont pas les miens », déclare la longue dame brune à Denise Glaser, dans un enregistrement bien ancien de Discorama . Notre enfance, ni plus ni moins. Qui a connu un peu Barbara, de fait, sait qu'il y a un avant-Nantes comme un après Nantes. Comme il y aura par la suite un avant Perlimpimpin et un après- Perlimpimpin.  Avec beaucoup de délicatesse, de prudence et de talent, Barbara a su approcher un à un tous les éléments de son drame personnel pour l'envelopper derrière une confidence, dont elle apprit à son public qu'elle devait, cette confidence, devenir peu à peu un art - ou n'être pas : La confidence esthétisée, au risque de simplifier tragiquement celle qu'on se fait entre infirmes, très sérieusement, en se livrant ce qu'on appelle des secrets, au coin d'un trottoir. La confidence sublimée par la note et par l'articulation : écoutez-là, puisque c'est aujourd'hui jour de Noël, ar-ti-cu-ler les mots dents, puis gants, par exemple, dans la chanson pleine de légèreté et de gravité (ou de l'alliance des deux) intitulée Joyeux Noël. Ecoutez-là vous dire, yeux dans les yeux : « la so-li-tu-de... »

  Née en 1930, Monique Serf était, malgré son métier, quelqu'un de discret, quelqu'un - cela me fait drôle de l'écrire -  d'un autre siècle. A sa poursuite, j'ai couru un temps les routes de France et de Hollande, et campé non loin de son piano dans le provisoire du théâtre des Variétés ou de Bobino. Son approche de la scène était empreinte de la conscience du temps qui passe, de la mort qui vient, de l'amour qui illusionne, et de l'art, seul capable de figer l'instant de la mort comme celui de l'amour.  Recréer chaque soir, comme si le temps qui passe n'avait plus d'incidences, le même rituel, au geste près, au souffle près. Et, derrière le voile de cette maitrise technique, laisser croître en lui l'émotion du spectateur, comme monte la mayonnaise. J'avais vingt ans, et cela m'épatait :

« La scène est un pouvoir, disait-elle. Mais c'est un faux-pouvoir ». 

Toute la loyauté, toute l'honnêteté de Barbara est dans cette deuxième phrase.  Voilà ce qu'on ne comprend plus trop, aujourd'hui, mitraillés que nous sommes par de faux-artistes technologiquement assistés  : Le grand artiste n'est pas là pour mystifier les autres, ni pour les corrompre ou les manipuler  : bien au contraire, son art,  tout en même temps qu'il mystifie, démystifie. C'est cela le paradoxe. Tenir en haleine pour libérer l'haleine. Elle chantait la mort, l'enfance, l'amour, pour se libérer de la mort, de l'enfance, de l'amour. Toute la carrière de Barbara fut ainsi un long voyage pour aller d'un point A (parler de soi à soi-même devant les autres) à un point C  (parler des autres à soi-même devant soi) en passant par un point B (parler de soi aux autres devant soi-même).  J'utilise ces concepts soi, soi-même, autre, qui ne sont qu’approximatifs. Il faudrait d'ailleurs en rajouter un quatrième, inventé pour l'occasion, l'autre-même, auquel elle dédia « sa plus belle histoire d'amour. Question chez elle, non pas de sincérité (Dieu que ce mot est exécrable en matière artistique !), mais de moralité. Question, hélas aussi, d'un autre siècle...

 

08:35 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : noël, barbara, société, chanson, variété, culture, consommation | | |

lundi, 24 décembre 2007

Ginger, Fred, et la nuit de Noël

C'est une émission enregistrée pour être diffusée une nuit de Noël dont l'enregistrement sert de fil conducteur à l'intrigue de l'avant-dernier film de Fédérico Fellini, Ginger et Fred. Tourné en 1985, c'est à dire en pleine montée du berlusconisme, le film est bien sûr une satire aussi méticuleuse que délirante de la télévision privée : Une télévision qui ne se contente déjà plus d'être vulgaire et abrutissante. Déjà, déjà, elle se révèle cynique et dictatoriale. « Géant au pied d'ar86912a54ceb337cab0c717edca6ebc55.jpggile », certes, à laquelle le vieux Fellini, qu'on sent poindre derrière Marcello Mastroianni, tire un malicieux mais direct bras d'honneur comme à travers les années, en profitant de la panne d'électricité qui interrompt le numéro de claquettes de ses deux personnages. Au fil des séquences de Ginger et Fred, Fellini ne se lasse pas de filmer des écrans de postes en fonction, dans le petit car qui conduit les « artistes », à la réception de l'hôtel, dans la chambre et le restaurant. Au beau milieu des foules, au cœur des conversations, la télévision s'installe et déverse des programmes immondes : matchs de foot où l'on ne voit que des pieds, sitcoms jeux et concours idiots, recettes de cuisine à vomir, variété toc et publicités obscènes.

Il y a, dans cet envahissement, quelque chose qui tient de Big Brother : la télé surveille et enferme chacun des personnages à qui elle n'adresse donc pas indûment la parole. En clair, on ne lui échappe pas. En témoigne ce plan étrange dans la chambre d'hôtel (cf photo ci-dessus) où Amélia regarde par la fenêtre en laissant le vide devant la télé allumée.  Elle est seule, de dos. Toujours coiffée de son chapeau, comme figée dans une présence étourdie au monde. Le film pourrait devenir un bref instant une fable poignante sur la solitude, particulièrement celle des soirs de Noël. Car n'est-ce pas en ces soirs-là, soirs de réveillon, que la télévision se fait particulièrement ignoble ? Particulièrement obscène, avec ses talk-shows préenregistrés et servis à peine retiédis ? Or, à l'extérieur aussi, Amélia se trouvera cernée, balayée par une lueur orange et le faisceau d'un projecteur inquiétant qui tourne dans la rue et ne cessera plus de tournoyer à l'intérieur de sa chambre, sur le relief de son fauteuil, dans les draps de son lit. 

GIN001AC-3245.jpgAvec Ginger et Fred, Fellini capte tout le processus de la représentation du Réel qui, de Hollywood à Cinecittà, a fini par se déglinguer complètement et priver petit à petit le monde de l’homme. Avec ce film, il nous plonge tous dans le vide d'un non-sens menaçant, érodant peu à peu le vingtième siècle finissant. Ce qui est frappant, dans la réalité qu'il montre, c'est qu'elle n'est plus qu'un amas de détritus ( gros plans sur les poubelles) où l'on s'appauvrit (interventions des nouveaux-pauvres), où l'on vieillit, tandis qu'en se montrant à la télé, on s'enrichit, on rajeunit. D'où la course à la notoriété, même illusoire, même éphémère, à laquelle même un amiral drapé dans sa dignité ne peut résister. Plateau de télé dans lequel on se doit donc de pénétrer en silence et en file indienne, "comme à l'église" déclare ironiquement un personnage, où un parterre de fidèles massés sur des bancs en toc attend sous les projos sa nourriture d'immanence. Pauvre, pauvre humanité, n'a-t-elle pas eu ce qu'elle méritait, à force d'avoir créé ce tourbillon d'oubli d'elle même ?  

Avec Ginger et Fred, fable sur ce qu'on peut attendre un soir de Noël de la société libérale - je vous laisse deviner quoi - Fellini filme la défaite de la pensée chère à Finkielkraut, celle qui nivelle en plaçant sur le même plan (celui du divertissement pour infirmes)  Marcel Proust et Clark Gable, un amiral et un terroriste, un moine et une danseuse de cabaret. Mais il y a pire : lorsque le couple de danseurs comprend que pour faire le spectacle, la télévision n'a plus besoin d'eux, mais n'a besoin que d'elle-même, on comprend que pour faire le monde, le monde, pareillement, n'a pas besoin de nous, mais seulement de lui-même. La mégastructure a bouffé toute la place. Premier des trois films testaments que filma Fellini avant de nous quitter (il meurt huit ans plus tard, le 31 octobre 1993), Ginger et Fred est une terrible leçon sur la Fabrique de l'Illusion et aussi un constat attristé de la disparition du Réel. Ce soir, c'est Noël. Si vous êtes seul, faites ce que vous voulez : lisez un livre; écrivez une lettre; promenez vous dans les rues; allez à la messe. Mais de grâce, éteignez la télévision!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

10:00 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fellini, noël, cinéma, ginger et fred, télévision, littérature, société | | |