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jeudi, 26 mars 2009

Juliette Récamier

« J'ai vu à Lyon le Jardin des Plantes établi dans les jardins en amphithéâtre de l'abbaye de la Déserte, maintenant abattue : le Rhône et la Saône sont à vos pieds ; au loin s'élève la plus haute montagne d'Europe, première colonne militaire de l'Italie, avec son écriteau blanc au-dessus des nuages.  Mme Récamier fut mise dans cette abbaye... »

 

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« Vous souvenez-vous, belle Juliette, d'une personne que vous avez comblée de marques d'intérêt cet hiver, et qui se flatte de vous engager à en redoubler l'hiver prochain ? Comment gouvernez-vous l'empire de la beauté ? On vous l'accorde avec plaisir cet empire, parce que vous êtes éminemment bonne et qu'il semble naturel qu'une âme s douce ait un charmant visage pour l'exprimer. »

Chateaubriand, Mémoires d'Outre Tombe, III, 2  et 3. Le buste est de Chinard (suivre le lien)

Lyon, Palais des Beaux Arts, Exposition Juliette Récamier du 27 mars au 29 juin

jeudi, 20 novembre 2008

François René, de Saint-Malo (500 francs)

Etre allé, au soir de ses jours, jusqu’à se glorifier de se retrouver sans le sou sous le régime honni de Louis Philippe et le ministère vomi de Guizot, parmi les indigents que l'Histoire avaient rendus aussi dérisoires que dignes de l’Infirmerie Marie Thérèse, à quelques pas des premières guinguettes et des populaires acacias de Montrouge, des tout derniers moulins et du tout nouveau cimetière de Montparnasse, pour finalement faire naufrage sur un billet de banque, à peine un siècle après sa mort : Est-ce à ce pire-là qu’il songe, François René, engoncé dans la vignette de son billet de 500 francs, créé en 1945 ?

Admirons François René, de Saint Malo :

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« Oh ! argent que j’ai tant méprisé, et que je ne puis aimer quoi que je fasse, je suis forcé d’avouer que tu as pourtant ton mérite ! », concède-t-il dans un fameux chapitre de la quatrième partie des ses Mémoires. Quel étonnement dut donc être le sien, de se trouver aussi vilainement logé en cette cette coupure, lui, l'épris des lunes bretonnes et des chutes du Niagara. Quel étonnement !  Son visage y apparaît d'ailleurs songeur, comme la caricature que ses contemporains, déjà, aimait à surprendre en ses écrits : L’Enchanteur…Un long doigt fin, dressé après avoir pincé la corde d’une lyre jaune, le regard aux aguets, comme s’il cherchait à matérialiser la note qui résonnait sur le bout de la corde, au loin, le regard soigneusement plongé vers un hors-champ peuplé d'hirondelles ou de  jeunes filles de Bohême, au delà des fracas des révolutions et de l'Histoire.  Et de chaque côté du billet, ce chiffre 5 à la poursuite de deux zéros inclinés vers lui, comme s’ils résistaient à un vent d’Est frontal,  ce cinq, bonhomme et ridicule au ventre enflé : l’argent, force désolante, humiliante, abominable, soutenue par les techniques et les consortiums de toutes les époques, par les forces les plus internationales du grand Capital, les espoirs manipulés du petit peuple, par l’idée insensée de l'enrichissement de tous, et le prévisible cataclysme final  : songe-t-il à cela, déjà, le vieil enfant des wastes  perdus?

       Se réjouit-il vraiment de siéger parmi les figures du franc, François-René ? Son vieil orgueil, peut-être, rugit en en secret d'y prendre place un peu avant l’ennemi de toujours et un peu avant le cadet de toujours : Napoléon qu’il admirait, Victor Hugo qui l’admirait, n’eurent, l'un et l'autre leur billet qu’en 1955. Son vieil orgueil, peut-être, s'en trouve flatté.

Mais lui-même, d’Outre Tombe, à quoi, à qui songe-t-il ? A quoi songe l’amant de Cynthie, le récitant de Rancé, le génie des Martyrs ?

Prévoit-il la manière dont les tenants du village global, plus déments encore que ceux de la Monarchie de Juillet, auront consacré de façon absolue le pouvoir odieux, honni, de la monnaie et de sa valeur sur toute autre considération ? Sent-il poindre l'avilissement de tous les peuples ? Dans le grand renouvellement des générations, perçoit-il un frêle chant d'espoir, ou seulement le fracas d'événements qui n'auraient plus jamais de sens, et dont même le spectacle - aussi désabusé soit-il - serait devenu atroce et vain ? Décomposition, recomposition : A vous de jouer, Messieurs ! lançait aux hommes du futur le vieux mémorialiste, peu avant de quitter la piste. De bourrasques en bourrasques, ils se seront, en effet, bien amusés... Pour, au final, quel lendemain tisser ?

 

06:46 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, chateaubriand, billets français, anciens francs | | |

lundi, 11 février 2008

La démocratie du spectacle

NON ! Quelle manchette ! Le soir du 29 mai, malgré la hauteur du résultat, il n'y eut pourtant pas particulièrement de liesse populaire dans les rues. On s'attardait un peu devant les écrans (PPDA, Chabot, Pujadas, la même clique, toujours...). Et puis, le peuple qui s'était prononcé alla se coucher.

« Vive l'Europe, vive la France »... Hier, un président français, pour la première fois dans l'Histoire du pays, conclut ainsi l'une de ses interventions.  Teint terreux, coupe de sergent-chef, le ton parfaitement faux-cul et l'œil libidineux de l'avocat véreux touchant ses honoraires: Vive l'Europe ? Un Persan de Montesquieu qui observerait les convulsions médiatiques de ce pays y perdrait son latin. Quoi ? Ce pays qui a dit Non à l'Europe libérale, publiquement désavoué trois ans plus tard par son propre "dirigeant" ? Quel funeste désaveu ! Dans la formule conclusive de ce pseudo-président, où donc, au fait,  est passée la République ? Ainsi va la démocratie du spectacle, le « show politique », lequel « must go on »... Est-ce une nouveauté ? Rouvrons donc les Mémoires d'Outre-Tombe", Troisième Partie, XII, 8. Chateaubriand décrit l'indifférence avec laquelle le peuple accueille la nouvelle du départ de Charles X pour Prague, peu après les Trois Glorieuses de 1830 :

« Dans ce pays fatigué, les plus grands événements ne sont plus que des drames joués pour notre divertissement : ils occupent le spectateur tant que la toile est levée et, lorsque le rideau tombe, ils ne laissent qu'un vain souvenir ».

Sauf que, dirons les plus inquiets d'entre nous, ce n'est pas un roi qui s'en va tristement en exil cette fois-ci, mais une certaine légitimité de la souveraineté populaire.

Sarkozy a beau jeu de se targuer de ses 53 %, plus récents que les 54,67 du référendum (un résultat en chasse l'autre), pour affirmer cyniquement qu'il « fait ce pour quoi il a été élu ». Ceux qui ont voté pour lui, et dont la préoccupation première n'est, certes pas l'application du Traité de Lisbonne, apprécieront. Dans les coulisses, le PS, qui s'y croit déjà, fait mine de s'abstenir et applaudit. Cette démocratie spectaculaire, en sa majorité comme en son opposition, n'est même plus écœurante. Elle est mortifère. Elle porte les traces de la mort, de sa propre mort et de la mort de tous ceux qui se livrent à ses icones. Car un feuilleton politique, bien vite, en chasse un autre. Une série supplante une série. Au nom de la politique de l'audimat dont elle use et abuse, la série Sarkozy touche à ses limites. Une autre suivra sans doute. A quand, le grand réveil du politique ?

 

08:40 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : europe, sarkozy, chateaubriand, montesquieu | | |

mardi, 08 janvier 2008

Rompre, dit-il...

Quelqu'un, quelque chose de l'autre siècle... Ou bien quelqu'un, quelque chose du siècle dernier. J'ai souvent lu ou entendu l'expression, dite avec une ironique tendresse, afin de débusquer derrière de fausses manières l'héroïque ou le ridicule survivant d'une époque désormais engloutie. C'est ainsi que, non sans affection, Chateaubriand parlait des vieillards de l'infirmerie Marie-Thérèse. Il prenait le mot "siècle" dans son sens encore religieux : siècle (monde), gens de l'ancien monde, autrement dit de l'Ancienne France, de l'Ancien Régime, gens du dix-huitième siècle. Dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse, bien plus tard, Renan lui emboite le pas en évoquant le  "bonhomme système", vieux révolutionnaire original qui hantait les rues de Tréguier et pour qui le temps s'était arrêté le jour de la fête de l'Etre Suprême, "bonhomme du dix-huitième siècle". Un homme d'un autre siècle... L'expression franchira l'an 1900. Et lorsque Proust évoquera une manière du "siècle dernier", il parlera non plus du dix-huitième, mais bien sûr du dix-neuvième. Gens de l'autre siècle, gens de la Monarchie de Juillet ou du Second Empire. Avec les horreurs qui l'ont caractérisé, le vingtième siècle a comme volé en éclat et s'est coupé en plusieurs parties : aussi parlera-t-on des gens de l'avant-guerre, ou de ceux l'entre deux-guerres... Société désormais englouties. Nous nous sommes si bien habitués à ce que le siècle dernier soit le dix-neuvième que nous avons du mal, alors que nous échangeons nos vœux pour 2008, à nous figurer que le siècle dernier est à présent celui dans lequel nous sommes nés. Eh oui : Gens de l'autre siècle, avec nos mœurs, nos manières, c'est nous, désormais, et le siècle dernier, c'est le vingtième....

La Belle Epoque a souvent été dépeinte par ses esprits les plus brillants comme une époque d'une grande vulgarité. Et cette vulgarité, disaient-ils, résidait dans la prétention de toute une génération élevée dans le dix-neuvième à adopter à tout prix un esprit nouveau qui souvent, révélait ses ridicules, sa prétention, sa fatuité. De même, ressembler à tout prix à quelqu'un du vingt et unième siècle (alors qu'on est quelqu'un du vingtième...), n'est-ce pas le problème aujourd'hui de tout une génération, qu'incarne jusqu'au ridicule le plus élyséen, son charmant président ? Car il n'y pourra rien changer, Sarkozy a été jeune au vingtième siècle, a grandi dans une société sans portables, encore engoncé dans certains tabous et peinte ou racontée chaque soir dans un poste de télé en noir et blanc et à chaine unique. Une époque avec ses passeports en bleu, ses billets en francs et ses disques en vinyle. Il est quelqu'un du vingtième siècle. Sa différence avec Chirac, c'est qu'il ne l'assume pas. Il veut changer. Rompre, dit-il. Avec quoi ? Avec une politique ?  Une femme ? Qu'on croit... Qu'il croit... Sarkozy ne veut rompre qu'avec le vingtième siècle, pour prendre le pouvoir, croit-il, sur son temps, sur le 21ème qui est décomplexé ( forcément décomplexé), riche (forcément riche) technologique (forcément technologique), libéral et libéré, (forcément libéral et libéré).. Régner sur le présent. Le loqueteux présent... Le risque est grand de laisser paraître l'éternel ridicule qui sommeille en lui comme en chacun. Il dit qu'il veut être un homme comme les autres. Quelle fatuité ! Quel ridicule !  Il ne veut pas « sentir l'ancien monde ». Mais il ne pue jamais autant cet ancien monde, cet autre siècle, que lorsqu'il veut avoir l'air 21ème.  La très décomplexée Carla Bruni, croit-il,  arrive à point nommé pour faire de lui un président du vingt et unième siècle. Mais elle aussi sent terriblement son vingtième siècle, trouvez-vous pas ?  Comme tous deux datent, datent ! Déjà, bronzés, en lunettes de soleil sur un arrière plan de pyramides avec un teint fade de papier glacé... Derrière ces pyramides, combien de ridicules vous guettent ? C'est cela que sent confusément un peuple qui commence à en avoir assez de ce « bonhomme système ». Et de cette mauvaise chanson, jouée en couplets de mirlitons par deux êtres insipides, que n'embellit plus ni la grandeur du cynisme, ni l'élégance de l'ambition. Des gens d'un autre siècle...

17:25 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sarkozy, renan, chateaubriand, bonhomme système | | |