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lundi, 30 septembre 2013

Du progressisme intrépide des marchés.

Si l'on écoute le principe du libre marché et de la concurrence non faussée, c'est l'individu multiple, aux mille facettes et aux mille besoins, dont l'insatiable déraison a force de loi. C'est cet ogre sans âme qu'il faut satisfaire, nuit et jour, dimanche comme lundi. Le moindre de ses désirs pouvant être exaucé par une organisation complaisante, du mariage gay au travail le dimanche,  tout est envisageable pour libérer les marchés et satisfaire sa demande comme un puits sans fonds. 

Après avoir contribué à l'élection de Hollande, Bayrou rejoint son opposition. Rien de plus conforme à la morale des politiciens. Survivre est leur seul enjeu, dans ce lac trouble où tout se fait, se défait, se dit, se contredit, et qui est leur monde. Cette politique tient du fumier.

La jeunesse est aujourd'hui minoritaire dans la société. La faute au progrès, si c'en est un. D'une pilule à l'autre, les femmes ont contrôlé les naissances, et les vieux vivent plus longtemps. Ces vieux qui feignent de tant aimer la jeunesse feraient n’importe quoi pour l'empêcher de grandir ou la désintégrer, en politique comme ailleurs. Ils arriveront bientôt à  la supprimer, pour se retrouver entre eux à vouloir refaire le monde une fois de plus, quand il suffit de le laisser couler. Il n'y a finalement rien de plus réactionnaire qu'un progressiste intrépide.

La fable de La Fontaine, Le vieux chat et la jeune souris tenait presque de la prophétie;

06:46 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (3) | | |

mercredi, 25 septembre 2013

En sursis

Le plan social des librairies Chapitre qui prévoyait la suppression de 271 postes en France, et la liquidation du magasin de Bellecour (l’ancien Flammarion) a été suspendue. La librairie lyonnaise est donc en sursis. 

 En sursis également le petit théâtre d’André Sanfratello où nous jouâmes notre Colline aux canuts il y a déjà longtemps. Une subvention en moins (22 000 euros) de la DRAC, et l’Espace 44 joue sa survie. Une pétition adressée à la ministre de la culture peut être signée ICI.

En sursis, on le sent par ailleurs dans l'air de cette époque, tant de choses. Le durcissement de la société en général, les difficultés croissantes des gens, l'absence de visée, l'implantation du technologique en tous lieux, l'effacement d'une culture plurielle au profit de cet usage du divertissement de masse dont les pouvoirs aussi bien politiques qu'économiques usent et abusent ; tout cela fait que des habitudes s'estompent, des usages s'effacent, des lieux disparaissent. En sursis, par exemple, après celui de Lyon et celui de Marseille, le Grand Hôtel-Dieu de Paris.

On pourrait, mais je n'en ai pas le cœur, dresser un inventaire à la Prévert assez facilement en faisant une petite veille sur le web de tout ce qui, encore vivant, demeure en réalité en sursis. A commencer, dirait le philosophe, par soi-même. Mais justement. La tradition voulait que, face à nous qui passons, se dressât le monde, qui reste. Les dominants politiques de la planète ont, depuis un certain temps, programmé la disparition du monde traditionnel derrière ce qu'ils appellent le changement. Le monde, comme entité culturelle stable, est donc en train de s'émietter doucement. Et tous les individus sont sommés, dans cette évaporation, de positiver. Car leur dit-on, à eux qui ne sont que de passage, et alors qu'on a déjà programmé leur remplacement : "vous êtes la valeur étalon, vous êtes le citoyen référent, vous êtes le centre stable de toute cette agitation".  C'est un monde inversé, comme en Iowa où l'on apprend que, par souci de non discrimination, les aveugles ont désormais le droit de porter une arme comme les voyants. Un de nos brillants politiques, n'en doutons pas, nous dira bientôt que l'Iowa est à la pointe du progrès. Au nom de la déraison des Droits de l'Homme, les droits de l'homme aussi, partout, sont en sursis.

05:15 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : espace44, librairie chapitre, bellecour, lyon, théâtre | | |

mardi, 24 septembre 2013

Irremplaçable et irremplacé

Tous ceux qui soutiennent ces guerres livrées aux quatre coins du monde au nom des Droits de l'Homme, tous les citoyens prétendument libres de cette société moderne qui voudraient qu'elle fût imposée au monde entier devraient lire cette page de l'irremplacable et irremplacé Bernanos. A travers l’explication du cas français, si l'on peut dire, il met à nu sans compromis, le lien épouvantable qui unit la guerre totale à la société moderne, et que nous devons tous sans cesse réfléchir, pour ne pas dire méditer...

 

bernanos,littérature



Je vous parle, comme on disait au temps du roman réaliste, d’une expérience vécue. En 1920, je venais de faire la guerre comme tout le monde, j’avais trente-deux ans, je savais écouter, je savais voir. Oh ! sans doute, je ne me faisais pas beaucoup plus d’illusions qu’aujourd’hui sur les prétendues croisades de la Liberté, je ne pensais pas que « la porte du paradis sur la terre s’appellerait Verdun », comme l’écrivait alors je ne sais quel rédacteur de l’Echo de Paris. Oui, j’étais loin de m’attendre, croyez-le, à une période de prospérité ni surtout de sécurité. Je me disais : « cette guerre ne sera certainement pas la dernière, mais avant des siècles, surement, on ne reverra pas une telle imposture. Les hommes qu’on essaie de duper par une paix d’avoués véreux et de gangsters, quine serait, en somme, qu’une liquidation entre complices de la plus colossale faillite qu’on ait jamais vue, ne se laisseront évidemment pas faire, ils jetteront bas tout le système. »

Paris était à ce moment-là une sorte de foire universelle où la canaille internationale des palaces et des wagons-lit venait cuver son or à Montmartre comme un ivrogne cuve son vin. La température ambiante était, même sous la pluie de février, celle d’un salon de bordel ;  mais le franc, lui tombait au-dessous de zéro et les éditeurs, rendus hystériques par leur propre réclame découvraient un génie par jour. Qui n’a pas vécu dans ces temps-là ne sait pas ce que c’est que le dégoût. Rien qu’en humant l’air des boulevards, vous auriez pu sentir l’odeur des charniers qui ne devaient pourtant s’ouvrir que dix-neuf ans plus tard.

J’allais et venais, je regardais dans les rues, à la terrasse des cafés, au seuil des usines et des chantiers, ces hommes qui avaient été cinq ans mes égaux, mes camarades, ces visages durcis par la guerre, ces mains de soldat. On les avait démobilisés classe par classe comme on rangerait sur une étagère des grenades encore amorcées. Mais c’était visiblement des soins superflus. Ils n’avaient jamais été dangereux que pour l’Ennemi. Ils avaient combattu en citoyens, ils s’étaient acquittés en masse de ce devoir civique, ils étaient allés là-bas comme aux urnes – beaucoup plus tranquillement, d’ailleurs, qu’ils allaient aux urnes, car ils sentaient bien que c’était une besogne sérieuse et qu’elle durerait longtemps. (…)

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16:10 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bernanos, littérature | | |

lundi, 23 septembre 2013

Du poil sur le crâne de la cantatrice

Ionesco est mort en 1994, Devos douze ans plus tard en 2006. Les gens qui ont connu vivants ces deux champions de l’absurde riront de ce que je vais raconter là. Les autres m’intenteront peut-être un procès. Cela s’appelle une fracture générationnelle.

Les faits que je vais raconter sont vérifiables ICI. 

 

Aujourd'hui, le journal est gratuit, dirait M Smith

C'est le monde à l'envers, dirait Mme Smith

Et l'article que je lis est signé d’une jeune fille sourde et muette dirait M Smith

Elle  a envie de travailler dirait Mme Smith

Tout à son honneur dirait M.Smith

Elle veut être journaliste, rajoutera Mme Smith

Il lui faut la vocation, dira M. Smith

Elle l’a, elle l’a, dit Mme Smith

Tendre l'oreille à tous les ragots du bas monde  ! dit M Smith

Ma foi, elle y parvient très bien, dit Mme Smith

Et se faire le porte parole de tous les chiens écrasés ! dit M Smith

Ils disent un peu tous la même chose, dit Mme Smith

Et de quoi parle son article ? dit M Smith

Du mariage entre homosexuels, dit Mme Smith

Tiens, dit M. Smith. Un pompier peut donc épouser un prêtre ?  dit M Smith

Et un prêtre, un pompier, dit Mme Smith

La cantatrice n’est donc plus chauve ?  s’affolera  M.Smith.

Et la France est en Hollande, s'affole Mme Smith.

Et le pape s'appelle François, s'affole M Smith

Mais l'héritier s'appelle Georges, le console Mme Smith. 

C'est toujours ça qui tient debout, rajoute M Smith

Il ne marche pas encore, remarque Mme Smith

Et la cantatrice ? 

La cantatrice ?

Oui, la cantatrice  ?

Tous ces plans de licenciements partout. Je crains qu'elle aussi soit au chômage, conclut M Smith, en mettant le feu au journal.

Rideau.

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dimanche, 22 septembre 2013

Monsieur H...

Je sais, c’est pas drôle, le pays se délite culturellement et s’enfonce dans la récession économique , la vie intellectuelle n’est plus faite que du ressassement de lieux communs, à l’extérieur plus personne ne prend la France et ses rodomontades militaires au sérieux, mais quand je me souviens des propos du Pingouin sur Merkel et que je le vois être le premier à lui envoyer ses félicitations tout en bouffant son discours de Vincennes, ça me fait marrer, c’est comme ça. Monsieur 23%, paraît-il, quand la Teutonne dont il prédisait la défaite remporte une majorité absolue, malgré la crise y'a plus que les indécrottables du PS pour espérer encore j'sais pas quoi de lui. Quel pauvre type !

En attendant tu payes plus d'impôts pour armer des terroristes en Syrie et continuer à rembourser les intérêts d'une dette qui se creuse encore et encore, pendant que les fils de Fabius et de Marisol sont inculpés pour fraudes et que le gouvernement sort blanchi des magouilles de Cahuzac. Super, non ? Tout ça pour marier une poignée de gays ! Ha ha ! Et où sont toutes les âmes indignées du temps du sarkozisme ? Le quinquennat tourne tellement en eau de boudin qu'on ne peut que se fendre la poire devant ce très mauvais remake, en croisant les doigts pour que Désir ne devienne pas président dans trois quinquennats... Les meilleures plaisanteries sont les plus courtes, non ?

20:52 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : socialisme, merkel, hollande, politique, france, escroquerie | | |

samedi, 21 septembre 2013

What happens in the dark night

What happens in the Dark knight est le dernier post qu’on peut lire sur le blog d’Aaron Schwartz. Je n’ai pas vu le film de Batman  Mais je me dis qu’il suffit d’ôter un k pour transformer knight en night et alors ce titre, quelques jours avant le suicide du jeune prodige de l’informatique prend une autre résonance. Aaron Schwartz, figure médiane entre le hacker libertaire et le futur Steve Jobs, entre le web et le contre-web, est  un chevalier noir que cette mort, le 13 janvier 2013, a aussi plongé dans la nuit noire. Polysémie d’autant plus glaçante que, pour avoir téléphoné 4,8 millions de documents de la base de données en ligne JSTOR, il risquait une peine de 36 ans de prison et 1 million de dollars d’amende. On ne plaisante pas avec le renseignement.

Le monde de l’information et du renseignement, qui désormais tourne presque exclusivement autour du web, est en pleine transformation, nous le sentons tous. En France comme partout ailleurs, la propagande et l’information univoque battent leur plein face à une population de plus en plus assommée de contre-vérités. En être conscient ne suffit même plus pour s’en protéger. Personne n’a le pouvoir de se dresser contre cette gigantesque machinerie, et de mettre un frein aux risques de guerre auxquels les Etats prétendument vertueux aspirent désormais. Nous sentons tous que la tyrannie a vaincu.

Il faudrait ne plus lire, ne plus voir, ne plus entendre, comme Aaron Schwartz, disparaître dans la nuit noire pour ne pas risquer, même dans ses formes multiples les plus anodines, et ce d'où qu'il vienne et quel qu'en soit la forme, le Procès (avant de « se suicider », il avait inclus l’œuvre de Kafka dans ses livres à lire, avoua sa fiancée). 

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15:02 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : batman, aaron schwartz, hacking, web | | |

lundi, 16 septembre 2013

Les escargots

Manger un escargot, quand on connaît l’animal, lent, silencieux, translucide, a quelque chose de peu glorieux.

Pour en avoir trop ramassés durant mon enfance, j’ai toujours du mal à commander des escargots au restaurant. Des escargots au beurre persillé, c’est pour moi tout sauf un plat de luxe. C’était jadis, comme les poissons ou les grenouilles de la rivière, la boustifaille des fins de mois.

Ils jeûnaient des semaines dans des filochons aux mailles d’acier. Puis dégorgeaient dans des bassines, les uns sur les autres, tassés dans l’eau salée. Nous les lavions alors à grande eau, leur dernier bain, une fête, dansant doigts frêles dans leur bave, avant de rejoindre leur tombeau, le grand faitout sur la cuisinière de fonte. Saisi, en les contemplant dans l’eau où se formaient des bulles, de l’expérience de leur mort. Saisi. Comme de voir dans l’arrière-boutique du voisin boucher le cochon égorgé, son cri, le sang qui goutte en filets.

Armés de couteaux, nous séparions fastidieusement le bon grain de l’ivraie, la merde entortillée du comestible. La vieille chantait du Léo Marjane et l’enfant souriait. Les petits corps gris, démoulés de leur coquille, gisaient à présent, rigides et immobiles dans un torchon en point Vichy.  Pour quelques secondes encore, le souvenir d’avoir été un animal flottait comme un ange sur leurs formes rétractées. On commençait la persillade. Ils se métamorphosaient peu à peu dans le monde des hommes, jusqu’à devenir leur nourriture.

22:01 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : escargots, littérature, cuisine, souvenir | | |

samedi, 14 septembre 2013

Do you like or dislike front républicain ?

Le front républicain est le socle marketing et électoral de Hollande et de ses sbires. Il a vu le jour en 2002, lors de la sinistre farce qui a permis la réélection d’un Chirac à bout de vues, de convictions, de propositions. Sans doute trouve-t-il son origine dans les diverses cohabitations entre les deux partis qui se partagent le gâteau des votes des Français depuis leurs fondations respectives, le PS d’Epinay de Mitterrand en 1971, le RPR de Chirac en 1976, devenu UMP en 2002.

Ces deux machineries électorales qui ont vidé de sa substance idéologique la vie politique pour la soumettre à l’Europe et aux marchés n’ont que ce concept aussi ridicule qu’étriqué de front républicain à opposer une fois de plus à l’inévitable croissance du bébé commun qu’ils se sont faits dans le dos l’un de l’autre à force de langue de bois, de démagogie, de corruption interne et de mascarade de leurs propres identités respectives : je veux dire le FN de la famille Le Pen, qui pour exister n’a besoin que de recueillir le ressentiment violent qu’ils inspirent l’un et l’autre et à juste titre au sein de la population.

Pendant que dans ce pays qui n’est plus que l’ombre de lui-même, on se paye ainsi de mots creux sous la présidence d’un être aussi falot qu’imprévisible, le monde continue à marcher. Les bruits de bottes, fort heureusement, s’estompent (provisoirement). Car les marchés qui gouvernent le monde et les machineries de propagande qui cimentent les opinions continuent leurs funestes travaux de dépeçage de la culture et de fragmentation de la pensée. Une fois n’est pas coutume, Nauher sur son blog pose la bonne question et s’en prend au bon ennemi, en renvoyant dos à dos les partisans du bijoutier et ceux du braqueur pour s’en prendre à Marc Zuckerberg et son système Like and dislike. C’est vrai que sur fesses de bouc le monde est simple. La petite phrase de Fillon peut croiser le fait-divers de Nice : d’un côté, de bons sociaux-démocrates contesteront le droit de se faire justice soi-même tout en idolâtrant Taubira, de l’autre des vilains poujadistes défendront leur voisin commerçant et leur conception de l'ordre en votant bleu Marine. Le front républicain contre le front national, tu kiffes l’une ou l’autre dame et tu dislikes celle que tu ne kiffes pas, tu comprends ? Sur ton écran plat, une reine noire et une reine blanche comme aux échecs, sauf que tu ne fais jamais que regarder les autres jouer à ta place dessus.

Pour finir, c’est la journée du patrimoine dépecé, détourné, vendu, monté en manèges ou en carnaval, comme on veut. Y’a des gens pour faire la queue des heures pour visiter les lieux de l’impuissance qu’habitent les pantins qui taxent et taxeront encore le monde du travail, des courbes statistiques à la place de la cervelle et des dettes comme ça devant les vrais puissants. Ils se laissent photographier, emplis de fausse empathie devant ces visiteurs comme des maîtres d’école devant des enfants. Me demande ce qu’ils pensent de tous ces crétins. Me demande, vraiment… Au fond, la seule bonne nouvelle, c’est qu’on va enfin cesser de crever de chaud. L’automne doux s’installe sur nos toits. Nous n’avons, c’est vrai, qu’une chose à faire au milieu d'un tel foutage de gueule. Le plus difficile. Loin de tout ça, prendre soin de soi.

mardi, 10 septembre 2013

La guerre, la retraite, les impots et mon chat.

Mon chat est un sérieux. Un grave, même. Cela semble non pas un trait de son caractère, mais un effet de l’âge. Il demeure figé et silencieux sur un coussin, observant  de la fenêtre non plus ce qui se passe dans la rue, qui a cessé de l’intéresser depuis longtemps, mais plus loin, derrière l’immeuble d’en face, derrière l’horizon qui, comme lui, plisse souvent les yeux. Cela le ramène au mystère de son for intérieur, qui me ramène au mien. Nous sommes deux guetteurs.

Mon chat aime aussi s’installer dans le fond d’un pot pour y somnoler. Sa somnolence n’est pas si éloigné de son guet. Quand il somnole, il se détend longtemps, après s’être étiré longuement. La marche du monde, il semble s’en écarter, et pourtant il n’est qu’un grain de ce chaos, tout comme moi. Comme moi, il ne chasse plus depuis longtemps, et sa nourriture, comme la mienne, se manufacture ailleurs qu’en son instinct. Nous sommes deux guetteurs somnolents et vaincus.

Alors, n’allez pas lui demander ce qu’il pense de la guerre. Il vous fera comprendre d’un clignement de paupière qu’il ne supporte plus tous ces salonnards qui « veulent y aller », sans même concevoir ce qu’est en réalité un champ de ruines. Ne lui demandez pas ce qu’il pense de la retraite. Un froissement de sa moustache suffira à vous faire comprendre aussi ce qu’il pense de cette jeunesse, aussi éloignée de la retraite dans le temps, que le sont les salonnards de la Syrie dans l’espace.

Même le racket fiscal sans précédent organisé par l’Etat hollandais l’indiffère. Il sait que toute relation n’est qu’un rapport de force, de chasseur à chassé, de chat à souris. Pas de citoyenneté dans une meute, où les plus beaux parleurs sont les plus beaux salauds. Alors, si les souris votent stupidement pour un chat qui les méprise et les bouffe, ça ne le regarde pas.

SI vous glissez votre doigt sous son cou, il le tend et vous offre un ronronnement régulier comme le déroulement du temps. Il sait combien il est seul dans ce monde inversé, que certains de ses congénères adespotes crèvent dans les rues d'Athènes, pendant que d'autres subissent des mises en plis, avant de concourir dans des expositions californiennes. Il se résigne à son sort, qui me ramène au mien. Le guetteur est aussi philosophe.

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20:37 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature, chat, syrie, impôts, retraite, réforme | | |