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vendredi, 16 avril 2010

L'ère du foot

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Sur cette photo, tout le foot actuel : Une cage vide, à prendre d’assaut. Derrière, une foule anonyme, des visages fondus, une simple muraille de spectateurs. Un entraineur en costume cravate, mains dans les poches, décontracté & speedé juste ce qu’il faut, l’homme moderne, quoi, comme on dit dans la pub. En pleine crise. Entre la  muraille de spectateurs et l'entraineur stressé, une muraille de pubs, justement. L’air du temps. Au sol, du gazon. Important, le gazon, dans le foot. Quand on s'emmerde, on compte les brins.


Sur cette vidéo, tout le foot également : le capitaine de l’Olympique de Marseille Mamadou Niang sortant de l’entrainement où l’attendent depuis deux heures des supporters. Il est multimillionnaire. Ils sont pauvres. Comme il passe d’un trait en feignant de les ignorer, l’un d’entre eux botte en touche sa bagnole. Son carrosse. L’idole descend, et, sans faire dans la dentelle, l’insulte, le gifle. Escarmouches. L’air du temps à nouveau. L'ère du foot

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Voilà qui rappelle une page de Musset dans la Confession d’un enfant du siècle. Les pauvres de Ménilmontant regardent passer les calèches des aristocrates à l’occasion d’un carnaval. La farine manquant (cruauté du jeux de mots), la boue vint à pleuvoir. Que dire ? Au moins les aristocrates de ce temps-là avaient-ils plus de tenue que ceux d’aujourd’hui. Et les pauvres étaient quand même moins abrutis.

Ci-dessous, le texte de Musset L’un de ses plus beaux. Dédié à l' Eventail. Et aussi à la mémoire de Jacques Seebacher , qui nous commentait si intelligemment cet extrait de Musset au premier étage d'une tour de Jussieu il y a fort longtemps - un siècle autre - mais les paroles demeurent.

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mardi, 27 novembre 2007

Le novembre des canuts - Dernier épisode

Ce n'était pas encore Grenelle, ce n'était que l'Ancienne Préfecture à Lyon, rue Confort. Et nous étions le 23 novembre 1831. Le préfet Bouvier Dumolart, homme matois et expérimenté, conscient que désormais, il incarne à lui seul l'autorité gouvernementale et ne peut demeurer inactif, réfléchit.

« Les ouvriers compagnons, écrira-t-il dans ses mémoires, avaient seuls pris les armes; mais les chefs d'ateliers n'avaient point participé à l'insurrection. C'est en eux que je cherchais ma force. Et c'est en eux seuls que je pouvais la trouver, dans l'état de démoralisation et de réprobation où se trouvait la garde nationale aux yeux de la partie agissante de la population. Je me hâtai de les convoquer. Et je fis en même temps publier la proclamation suivante : OUVRIERS ! Vos présidents de sections vont se rendre auprès de moi pour rechercher, de concert avec vos magistrats, les moyens de soulager vos malheureux états de souffrances; ce sont de bons citoyens. Placez en eux toute confiance, écoutez-les quand ils vous diront que votre premier besoin, comme le nôtre, est le maintien de l'ordre et le rétablissement de la tranquillité publique. »

Aux seize chefs de sections, Bouvier Dumolart donne lecture du placard séditieux imprimé par l'Etat Major provisoire installé à l'Hôtel de Ville. L'indignation des chefs de section est immédiate. Elle est d'autant plus vive que les rédacteurs de l'affiche menacent en fait directement le pouvoir de ces chefs de section, en décrétant de nouvelles élections de syndics. Aux yeux de ces hommes modérés, qui étaient à l'origine, il faut le rappeler, du mouvement du 25 octobre, et parmi lesquels ont trouve Charnier, Falconnet, Bouvery, les membres de l'Etat major qui siégeaient à l'Hôtel de Ville ne pouvaient avoir de légitimité, puisque Lacombe et ses sbires s'étaient auto-promus et auto-désignés à l'issue d'une nuit folle et d'une sorte de coup d'état municipal digne d'un vaudeville : le pouvoir, dans cette perspective, appartenant au sens propre à celui qui le ramasse le premier.  Après s'être indignés oralement, les seize chefs d'ateliers s'offrent donc à rédiger une protestation écrite, qu'ils signeraient et qui serait, à son tour affichée dans la ville. (On imagine, à la lecture de cette série de placards successifs et contradictoires, la perplexité de la population) C'est ainsi que, dans la même matinée, cette proclamation du préfet finalement est affichée :  

« Ouvriers, respect à la loi, respect à la propriété. Ne souffrez pas que des malveillans se glissent dans vos rangs pour faire calomnier vos intentions. Vous m'avez appelé votre père, et je veux l'être de bons enfans. Lyon, en l'hôtel de la préfecture, le 23 novembre 1831. Le Préfet, Du Molart. ".

C'est ainsi que la proclamation d'un second état-major représentatif du mouvement est aussi publiée, ce qui confirme le fait que les ouvriers ont désormais deux "têtes" :  « LYONNAIS ! Nous soussignés, chefs de sections, protestons tous hautement contre le placard tendant à méconnaître l'autorité légitime, qui vient d'être publié et affiché avec les signatures de Lacombe, syndic ; Charpentier Frédéric et Lachapelle. Nous invitons tous les bons ouvriers à se réunir à nous, ainsi que les citoyens de toutes les classes de la société, qui sont amis de la paix et de l'union qui doit exister entre tous les vrais Français. Lyon, le 23 novembre 1831. Boferding, Bouvery, Falconnet, Blanchet, Berthelier, Biollay, Carrier, Bonard, Labory, Bret, B. Jacob, Charnier, Niel, Buffard, Sigaud, Farget. Approuvé par le préfet, Du Molart. »

 

 

 

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07:38 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lyon, fête des lumières, illuminations, fernand rude, société, révoltes, canuts | | |

jeudi, 15 novembre 2007

Le novembre des canuts : Les Trois Glorieuses

 Arrêtons-nous quelques instants sur ce préfet en uniforme qui gravit la Grande Côte ce matin de novembre 1831 à la tête d’une colonne de la garde nationale, s’en allant à la rencontre du peuple. Louis Bouvier du Molart (1780-1855) n’est pas même cité dans le Dictionnaire des Lyonnaiseries de Louis Maynard, sinon dans l’article consacré à son successeur, Adrien Gasparin. Il faut dire qu’au contraire de ce dernier, Louis Bouvier du Molart ne possède pas de rue à son nom. La Petite histoire populaire de Lyon d’Auguste Bleton ne le mentionne pas davantage.

Le 11 mai 1831, il succède à un autre infortuné jeté aux poubelles de l’histoire, Paulze d’Ivoy, révoqué pour mollesse par Casimir Périer tout juste nommé président du Conseil. Ancien préfet sous l’Empire et les Cent jours, Bouvier du Molart mise sur la popularité dont l’Empereur jouit encore à Lyon (au point que certains le croient réfugié à Philadelphie et préparant un retour) pour imposer d’entrée de jeu l’autorité paternaliste qui sera sa marque de fabrique durant tous les événements. Sa proclamation aux Lyonnais du 17 mai débute par ces mots :

« Lyonnais, vous entendrez une voix qui ne doit pas vous être suspecte. Je n’ai ni servi ni trahi la Restauration. Le seul pouvoir qui jusqu’à notre glorieuse évolution  ( il parle de 1830) avait reçu mers serments est celui qui a relevé votre grande ville  de ses ruines, et je lui suis resté fidèle jusqu’à la proscription _inclusivement. La cocarde qui est à mon chapeau n’a jamais changé de couleur ». Et sa lettre à Casimir Périer du 19 mai est un modèle  : « Je pense que votre Excellence peut maintenant être en parfaite sécurité sur le point important  qui m’est confié  (Il parle de la sécurité publique). Je me sens fort et je le suis en effet, puisqu’on croit généralement ici que je le suis. Je satisfais les gens du mouvement, parce que mon nom se trouve sur la liste de proscription des 38 (après les Cent jours) ; les patriotes sages voient en moi un des leurs ; les bonapartistes me tiennent compte d’une fidélité que j’ai gardée aussi longtemps qu’elle a été un devoir. Enfin la population générale d’une cité industrielle qui a essentiellement besoin d’ordre et de sécurité  sait que je suis un homme de pouvoir  et que j’ai appris à une grande école à le faire respecter. »

Reçue à coups de cailloux, de tuiles et de fusil, la colonne recule un instant, puis reprend sa marche, car Bouvier du Molart souhaite entrer en pourparlers avec les révoltés. Croit-il encore que sa fidélité de jadis à Napoléon lui servira de bouclier ?

686ff8142ebf5f7fb76acd71795b4941.jpgDe fait, il ne se trompe qu’à moitié. A près avoir obtenu une trêve, accompagné de son secrétaire et du général Ordonneau, il rejoint la mairie de la Croix-Rousse du balcon de laquelle il commence à haranguer la foule. Mais les ouvriers ne répondent à ses exhortations que par les cris : « De l’ouvrage ou la mort ! Nous aimons mieux une balle que la faim ! » Cependant, tous respectent la trêve et, grâce aux dispositions conciliantes du préfet, un accord est sur le point d’être trouvé lorsqu’une fusillade éclate et le grondement du canon se fait entendre au loin. Roguet y est-il pour quelque chose ? Se croyant trahis, les ouvriers indignés empoignent en tout cas les trois représentants de l’autorité. Si Bouvier Du Molart lui-même échappe à une exécution sommaire, c’est à un des chefs de section des ouvriers en soie nommé Carrier qu’il le doit, ce dernier l’entraînant à l’Hôtel du Petit-Louvre, juste à côté, où il est gardé à vue. La tension est vive. Des ouvriers déposent quatre cadavres devant la façade de l’hôtel, en exigeant un cinquième pour les venger.

La capture du préfet constitue évidemment l’événement le plus important de cette matinée-là, puisqu’elle paralyse l’action des troupes. Dans la relation qu’il fera lui-même de tous ces événements en 1832 (et qui sera vendu 2 francs - 2 jours de travail d’un compagnon !), il confiera qu’on lui aurait alors demandé de signer des ordres pour récupérer 40 000 cartouches et 500 gargousses à boulet de six, ce qu’il aurait refusé. « Dans les 8 heures de captivité que j’ai passées au milieu des ouvriers de la Croix-Rousse, écrit-il, j’ai pu pour ainsi dire les compter. Ils n’étaient certainement pas plus de mille à douze cents. Ils n’avaient pas cent fusils

Les chefs d’atelier appartenant aux Volontaires du Rhône, et parmi eux Guillot et Lacombe, calment autant qu’ils le peuvent l’effervescence des compagnons, car ils redoutent une issue tragique pour tous. « Dans la nuit du lundi 21 novembre, écrit Guillot, vers 7 heures du soir, je pénétrai après bien des efforts vers l’hôtel qui servait de prison à M. le Préfet détenu par les ouvriers. Au moment où je l’abordai, notre courageux  fonctionnaire haranguait le peuple et lui disait, ma foi, de bien belles choses, dont je n’ai pu retenir que les  suivantes : « Braves ouvriers, je suis votre père, rendez-moi à la liberté et si le comte Roguet ne fait pas cesser le carnage, je marcherai à votre tête ». Entre 9 et 19 heures du soir, sur sa promesse d’obtenir du comte général Roguet la cessation des hostilités et des fabricants l’exécution du tarif, le préfet est reconduit en ville sous la protection des baïonnettes des « cadres d’officiers » des Volontaires du Rhône. Le général Ordonneau, lui, demeurera prisonnier jusqu’au lendemain, où il sera restitué en échange de la libération d’un ouvrier en soie emprisonné.

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07:24 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : insurrections, révoltes, canuts, lyon, novembre1831, politique, culture | | |

lundi, 05 novembre 2007

Le novembre des canuts : Premières dérobades

Depuis le début de l’automne 1831, la somme des impôts exigée à la classe ouvrière de Lyon s’étant trouvée triplée, voire pour certains cas quintuplée, les maires de Lyon et des communes environnantes avaient signalé au préfet en place, Bouvier du Molart le risque imminent de troubles à la tranquillité publique. A titre d'information, les salaires, pour les compagnons tisseurs, n’excédaient pas un franc par jour, quand le kilo de pain valait en moyenne 0,40 franc. Et de fait, dès le 8 octobre 1831, fut convoquée une première assemblée générale de chefs d’ateliers ; on y divisa en 40 circonscriptions la ville de Lyon et ses faubourgs, ce qui permit de répartir les 8000 chefs d’ateliers d’alors en sections de 200 chefs d’atelier. Leur revendication principale était de contraindre les fabricants à augmenter le prix de la façon.

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 Le 10 octobre une nouvelle assemblée  exigea que fût créée une commission permanente de négociants et de chefs d’atelier. Deux jours plus tard, avec l’aide de l’adjoint au maire de Lyon Boisset, qui jugeait utile l’établissement d’un tarif au minimum pour le prix des façons, vingt deux commissaires furent désignés pour siéger dans la Commission du Tarif et établir ce tarif dans l’intérêt commun des deux parties, chefs d’atelier et négociants. Le 16 octobre, le préfet recevait une adresse de la part de cette Commission, laquelle était lue dans les assemblées générales de chefs d’atelier. Le 18 octobre, la Commission Centrale était reçue par Bouvier du Molart à la préfecture de Lyon, située encore placeCoste_598_000.jpg  des Jacobins (voir gravure), tandis qu’un cortège de 150 compagnons défilait en chantant la Marseillaise dans les rues du plateau de la Croix-Rousse. Le 21 octobre, sous la présidence du préfet, en présence des maires de Lyon et faubourgs, se tint une première réunion qui promit de fixer le tarif avant le 1er novembre. Quatre jours plus tard, le 25 octobre 1831, tandis que la Commission rencontrait à nouveau le préfet pour signer le tarif qui venait d’être voté, un cortège de 6000 compagnons et apprentis s’avançait en silence vers la place des Jacobins, « sans armes ni bâtons ». Selon le journal le Précurseur : « c’était à la fois l’ordre et le désordre et, dans le désordre même, il y avait le calme et la régularité d’une organisation qu’on eût difficilement supposée dans une manifestation d’ouvriers. »

 

En cette journée du 25 octobre 1831 le préfet Bouvier Dumolard pouvait écrire au Président du Conseil  : « J’ai joué dans cette grave circonstance le rôle de médiateur et de conciliateur. Ma voix a été entendue. Une augmentation considérable a été librement consentie. Je suis dix fois plus fort que je n’étais ce matin, et je vous réponds de la tranquillité publique ». La population de la Croix-Rousse,quant à elle, fit la fête dans les rues de la colline jusque tard dans la nuit. On pouvait penser que tout allait revenir en ordre, et que les jours à venir seraient des jours de bonheur.

Lorsque fut affiché le placard du Tarif, le 27 octobre, une grande effervescence gagna la population.  On promettait son application pour le 2 novembre. Au même moment circulait un prospectus annonçant la création d’un journal par actions, « L’ écho de la fabrique, journal des chefs d’atelier ». Dans son premier numéro, daté du 30 octobre, L’Echo de la Fabrique livre un résumé des négociations en cours et annonce la création d’une « association générale et mutuelle de secours pour parer aux besoins de ceux qui manqueraient d’ouvrages par l’égoïste spéculation de certains chefs de fabrique, ou qui ne pourraient travailler en raison de maladies graves ou de malheurs imprévus ».  Cependant, de la Croix Rousse aux Terreaux, des rassemblements d’ouvriers impatients de voir la tarif promulgué appliqué par les fabricants, se déroulaient, chaque jour plus  nombreux. 

Mais le tarif voté tardit à être appliqué, les fabricants ayant usé de toutes les arguties pour le repousser. Une réunion des Volontaires du Rhône eut lieu le 1er novembre, présidée par le chef d’atelier Lacombe. Suite aux nombreux refus, voire dans certains cas aux menaces que quelques fabricants avaient déjà concrètement opposés à plusieurs tisseurs, le 2 novembre, des rassemblements d’ouvriers se déroulèrent à nouveau à la Croix-Rousse. Depuis le 31 octobre, une cinquantaine de femmes, découpeuses de châles, s'étaient réunies place des Carmes dans l’intention, disent-elles, de briser une mécanique. Pendant ce temps-là, les négociants utilisaient leurs amis parisiens pour persuader le président du Conseil, Casimir Périer, de l’illégalité de ce nouveau tarif, dans lequel ils feignaient de ne rencontrer que leur future ruine. Le 3 novembre, la grogne monte encore d’un cran : compagnons et apprentis menacent désormais tous ceux qui travaillent en deçà des prix fixés par le tarif de déchirer les pièces sur leurs métiers. La tension est partout sensible.

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Les délégués des chefs d’atelier commencent à perdre la direction du mouvement lorsque à leur tour, les compagnons décident de s’organiser en commissions. Le 4 novembre, Richan, maire de la Croix-Rousse, tente de raisonner les ouvriers. En vain. Le préfet Bouvier du Molart, de son côté, fait placarder un avis dans lequel il invite les « honnêtes gens à ne pas se mêler aux groupes afin de ne pas nuire à l’action répressive de la police » Au soir, un cortège se forme aux Terreaux. Des cris fusent : « A l’eau, la garde nationale ! Au Rhône, les artilleurs ! » Deux ouvriers en soie, un teinturier, un mousselinier (soit quatre ouvriers de la Fabrique ), deux pâtissiers, un boulanger, un tailleur, un voiturier et un ouvrier de la Manufacture des Tabacs, en tout dix personnes, sont arrêtées.

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11:00 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lyon, société, politique, canuts, révoltes, histoire, culture | | |