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lundi, 30 novembre 2015

D'un François, l'autre

J’aurais aimé  (mais a quel titre ?) disposé d’une carte d’accréditation afin de suivre le pape dans sa tournée africaine, peut-être parce que j’ai aimé autrefois fouler du pied la terre ocre de ce continent, renifler l’humidité malodorante de ses tièdes faubourgs dans sa nuit sans électricité, peut-être aussi parce que l’air est irrespirable sous ce climat franco-français, sous la coupe de ce ridicule président surmédiatisé, d’attentats en COP 21. Alors, faute de pouvoir me mêler à l’allégresse si spontanée de la  foule africaine, j’ai dû me contenter de quelques images  (c’est souvent à cela que se borne hélas notre vécu dorénavant) sur KTO pour passer mélodieusement d’un François, l’autre.

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 « Ouvre-nous complètement la porte de Ta miséricorde », a déclamé le pape dans un français chantonnant au savoureux accent argentin, avant de pousser les deux battants de la porte sainte de la cathédrale de Bangui. L’Immaculée Conception aura donc supplanté Saint-Pierre dans la hiérarchie de l’ouverture des portes saintes du Jubilé de la Miséricorde. Au milieu des cris de joie, Bergoglio a poursuivi  sur un ton de Charles Trenet chevrotant : « Aujourd'hui, Bangui devient la capitale spirituelle del mondo, de la prière adressée à Dieu le Père», tandis qu’une foule enthousiaste scandait chacune de ses paroles en chœur. A Paris, pendant ce temps-là, manifestants et CRS s’affrontaient à deux pas du mémorial païen improvisé devant le totem de la République, au milieu des chaussures en tas déposées là, en hommage ou en signe de je ne sais plus quoi, qu’on se serait cru dans un vide-grenier de la banlieue d’Abidjan. Le premier ministre a une fois de plus parlé « mémoire des victimes » en fronçant son sourcil de sorcier, les manifestants « d’état policier », Hollande avec sa tête de mage morose de je ne sais plus quoi… Eh oui, hélas, aujourd’hui Bangui était le centre du monde, et Paris, dans l’attente de tous ses puissants de pacotille en parade, capitale de plus grand-chose, hélas. De notre médiocrité, de notre passivité, de notre indignité.

mardi, 24 novembre 2015

Guerre morcelée

Qui est, officiellement, en guerre contre qui ?  Le terrorisme, nous dit-on, est en guerre contre nous tous et nous sommes tous en guerre contre lui. Fort bien. Mais qu’est-ce que le terrorisme ? Un mode d’action emprunté tout à tour durant l’histoire par diverses organisations, partis, et parfois même des États. Être en guerre contre le terrorisme, nous le savons tous, est un propos qui n’a aucun sens.

Plus concrètement, la République serait en guerre contre « Daesh », sur un théâtre d’opération lointain où se mêlent également Américains, Russes, le Hezbollah libanais et syrien, soutenus par l’Iran, les terroristes d’Al Nosra, soutenus par Hollande et Fabius, et d’autres groupuscules encore : Derrière Daesh, le wahhabisme de nos chers alliés saoudiens qui font tourner les boutiques de luxe des Champs et le Qatar qui soutient les Frères musulmans tout en rachetant le PSG… Derrière Daesh, l’argent du pétrole : combattons-nous l’argent du pétrole ?

Aujourd’hui, la Turquie (membre de l'OTAN) a abattu un avion militaire russe, et Poutine qui dément la violation de l’espace aérien turc parle de trahison, tandis que Hollande toujours à la recherche de la stature internationale qu’il n’aura jamais tente en vain de convaincre Obama de s’engager plus encore à ses côtés.

Une guerre confuse, une « guerre morcelée », comme le déclare à Rome le ministre de l’Intérieur italien Angelo Alfano.

notre dame à bangui.jpg

 Bangui, cathédrale Notre Dame

Dans ce climat tendu, du 25 au 30 novembre, le pape François s’apprête à visiter le Kenya, l’Ouganda, la République centrafricaine. Sans doute  «le voyage le plus risqué de son pontificat, en papamobile découverte, d’un bidonville à une mosquée…», lit-on dans Jeune Afrique. Avant François, Jean Paul II avait dû renoncer à trois voyages.

C’est à Bangui, dans un contexte pré-électoral pour le moins tourmenté [un référendum constitutionnel prévu le 13 décembre, et une élection présidentielle le 27 du même mois] que la sécurité risque d’être le plus sur les dents. On se souvient que la MINUSCA (mission de l’ONU en Centrafrique) est agitée par des soupçons d’agressions sexuelles commises par de vaillants casques bleus sur des jolies femmes et jeunes filles, dont plusieurs seraient enceintes. Le représentant permanent adjoint britannique de l’ONU, Peter Wilson avait déjà souligné « le niveau particulièrement inquiétant des violences »  et leur « caractère de plus en plus inter-communautaire », entre chrétiens du quartier de Fatima et musulmans, au passage très hostiles à la France, du quartier de PK5.

Mugagga, un chrétien négociant en vin de 39 ans, témoignait dans les pages de La Croix  du 20 novembre :

« Dans notre pays, très marqué par la corruption et une forme d’indifférence à l’égard des petites gens, nos leaders ont besoin de devenir miséricordieux. Je suis persuadé que François, homme de Dieu, peut changer les choses. »

Espérons.

Rien n’est cependant moins sûr puisque  l’ouverture de la porte sainte dans la cathédrale de Bangui [anticipant de dix jours celle de Saint-Pierre lors du prochain Jubilé de la miséricorde] parait compromise et risque d’être annulée en raison des impératifs de sécurité, comme la visite de la Grande Mosquée en pleine enclave musulmane..

Trois cents casques bleus sénégalais supplémentaires viennent d’être déployés pour assurer la protection de François.  L’Égypte devrait par ailleurs envoyer 750 soldats et la Mauritanie 140 policiers pour renforcer les 12.000 soldats et policiers que compte déjà la Minusca, qui prévoit par ailleurs le survol de la capitale par ses drones…

A deux pas de chez moi, pendant ce temps, lors d'une perquisition effectuée dans le cadre de l'état d'urgence, on découvre dans un bar villeurbannais de l'avenue Roger Salengro des fusils et armes de poing disséminés dans tout l'établissement. Et Bruxelles tourne toujours au ralenti. Une guerre confuse, morcelée, palpable sous une forme ou une autre dans chaque continent, et que les grands systèmes de propagande mainstream et de divertissements médiatiques auront de plus en plus de difficultés à dérober à la vue de l'homme de la rue…