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vendredi, 15 février 2008

Terrasse technologique

Dansait-il sur une terrasse

Large et dominant la cité technologique

Lui qui, le dernier, embrassa la cathédrale ?

On ne saurait le dire parmi les réseaux

Où galope un reflet d'étincelles

Mais dans les tissus de nos tissus

Et dans les gènes de nos gènes

Nous sentons bien qu'électriques

Le spectre de son baptême

Et le frisson de son argot

Encore villonnement vivants

Sillonnent jusqu'à l'épuisement


Les lignes de nos testaments


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08:25 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, poèmes, villon, solko, cathédrale | | |

mercredi, 30 janvier 2008

Décasyllabe

 Est-ce une plaisanterie ? Devant la craie brève du poème qu'à peine j'achève de tracer sur les dalles de la rue Berger vient de passer un individu aussi encravaté que pressé et qui poussait son sosie assis sur un fauteuil roulant.  Le fait peut, certes, aisément s’expliquer : les jumeaux, comme d'ailleurs les handicapés, sont de plus en plus voyants dans les couloirs et les niches de la société. Personne, cependant, n’arrêtera jamais aussi longtemps son regard sur eux deux que je ne le fis. Etrangeté. C’était un couple de trentenaires, tous deux vêtus d'un costume de marque, l’un poussant, l’autre assis, nimbés également dans une  citoyenneté rigide et triste, déjà fanés parmi la foule de l'après-midi : Celui qui était assis portait sur la sienne et sur ses genoux la mallette de celui qui poussait, comme s'il était sa seule famille sur Terre. Quoi d'essentiel dedans ? Ils n'avaient plus la même chevelure, et je ne saurais dire lequel des deux s'était teint. Comment, non plus, déceler lequel était l’original et lequel la copie ? 

Relevant les yeux sur la foule, je découvris alors que tous, en la rue Berger jadis si ensoleillée, avaient l’air de faire tout de même,  véhiculant contre soi, ou bien en soi, ou bien au pire au dedans de soi, la lourdeur empesée de son propre sosie, handicapé. Sosie comme préventif, contemplant la lointaine sécheresse et la fadeur martiale d'une aventure ici-bas déjà numérisée, et dont les mains posées sur les genoux n’oseraient plus ni bâtir, ni caresser, ni gifler, ni voler, ni mendier.

 Et lequel tirant ?

Et lequel poussant ? 

Mon trouble passé, je reprenais là où je les avais laissés le lent cheminement et la patiente répartition sur le sol des lettres du décasyllabe du matin, du soir ou de la nuit, que sais-je ? 

Mais qui creusa ma paume, ô ! si peinée ?

 

15:00 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, décasyllabe, solko | | |

samedi, 22 décembre 2007

GRIMPER

Aux amateurs éclairés des pentes lyonnaises et de leurs reliefs dodus et cabossés, ce petit jeu qui ne mange pas de pain : Après avoir lu attentivement chacune de ces quatre descriptions, il s'agit de rendre à chacune des œuvres citées à la fin celle qui lui appartient. Rien à gagner, sinon votre propre considération. Les commentaires sont ouverts. Réponses prochainement.

1. « De petits jardins calés par des planches s’ornent de chaque cotés de stèles, de poteries romaines, de pierres tombales, de statues démantelées. Dans un coin, l’entrée grillée d’un souterrain, sorte de caverne à ours d’où fuse une source. A droite, rivés au-dessus de l’abîme, des cerisiers, des platanes, des frênes, de petits acacias peuplent cette solitude d’une amère fantaisie. A mi chemin, cette allée de fantômes se partage en fourche. Tandis qu’une pente plus douce joue des coudes, zigzague à travers la silve, des plates-formes en terre battue invitent les bons poumons à gravir en ligne droite le sommet. L’infractuosité des murs abrite les plus vénérables débris de la civilisation : des mosaïques, les restes d’une salle de bain romaine, un pan de l’aqueduc construit par Claude, alimenté jadis par les eaux du mont Pilat, un fragment du Forum de Trajan en marbre cannelé, construit en 98, écroulé en 840, « le premier jour d’automne », et dont les débris servirent à la construction de la première église de la colline sainte, cette chapelle de Notre Dame du Bon Conseil qui garda le nom de « Forum Vetus » (…) Ce lieu sacré, un souffle mystérieux le parcourt sans cesse d’effluves spirituels auxquels semble se joindre, au crépuscule, dans la poussière dorée du couvent, la pourpre romaine mélangée aux longues robes blanches des vierges chrétiennes. »

. « Un peu plus haut, sur les pentes de la colline, on me voyait passer tout joyeux, pourchassant à coups de pied quelque vieille ferblanterie. Je me croyais toujours un peu en avance. Je faisais l’homme, en tâchant d’imiter la démarche et l’air de mon père. Des apprentis, qui allaient en course par là me donnaient des cigarettes. Par les allées de traboule, on arrivait au cœur du vénérable faubourg, tout plein de bruyante misère et d’odeurs écœurantes. Cela sentait une odeur sans pareille, l’odeur du pays des canuts, la pierre moussue, le vin qui coule, les détritus de fruits, l’urine, le pétrole, le beurre chaud – un seul courant de senteurs mêlés, rue par rue, depuis les Terreaux jusque là-haut, où le plateau rond entouré de ciel comme d’une toile de panorama s’élève si abrupt au-dessus des bas quartiers que toutes les rues semblent finir dans les nuages. Je m’arrêtais aux carrefours. Je flânais délicieusement. Les battants des métiers à tisser claquaient du haut des maisons, jetant sans relâche leur bruit haut et maussade. Les fenêtres, toutes pareilles, sans contrevents ni rideaux, semblaient tailler au canif dans le carton grisâtre des façades. Jacquard, en redingote verdie par les pluies, penchait sa tête de quaker. Dans chaque chantier, des fainéants jouaient aux boules, en vidant des pots de beaujolais et en mangeant des fromages. Et j’arrivais en chantant, soit par l’un de ces passages en escaliers qui, à la Croix-Rousse , servent de contreforts à tout le coteau, soit par l’une de ces rues nouées en cordes aux pieds des maisons comme pour les retenir sur les pentes…  En bas, dans la plaine, sous les arcs légers des ponts, le Rhône et la Saône frissonnaient, pareils à de la soie. Vingt églises couleur de suie penchaient comme des visages leurs cadrans jaunes. Elles semblaient mener le lourd convoi d’une armée de pierres, et je voyais, sous leurs clochers, dévaler à perte de vue les fondrières géométriques des toits, d’où montaient une aubépine, une fumée, un air d’accordéon. Des hirondelles tombaient comme des flèches sur la ville bleue. Lyon, mon pays… ».

3. « Il n’avait pas besoin, la gravissant, de relever la tête pour savoir que, presque aussitôt, le passage à allure de coupe-gorge s’élargissait un peu. Il n’éprouvait pas non plus l’envie de tenir la rampe, pour mieux en suivre les capricieux méandres. Il jugeait inutile de regarder le ciel pour le savoir bien là, au-dessus de lui, clouté de rares étoiles, formant entre les murs un ruban de velours. D’avance, il connaissait la route, et qu’au-delà de sa maison, les escaliers se poursuivaient encore, à l’assaut de la colline mystique, puis cessaient brusquement pour faire place au sol pierreux, tout hérissé de pavés ronds. C’était d’abord le pied de la tour métallique, parodie de la Tour Eiffel , popularisée par l’image, avec le reflet écarlate, sanglant, sur les vieilles pierres, de la gigantesque enseigne lumineuse qui lui tisse une robe de feu ; puis, une fois de plus, on tournait à l’angle droit pour, dépassant la célèbre maison de l’Angélique, déboucher enfin sur l’esplanade d Fourvière, devant la basilique… »

4. « De l’autre côté de la rivière,  qu’enjambait une frêle passerelle, se dressait un paysage de vertige : entassement d’immeubles efflanqués et superposés, de terrasses et de jardins suspendus dans lesquels ça et là, blanche comme un ossement, émergeait une ruine romaine. Au-dessus des vapeurs vitreuses, les murs, frappés par le soleil, s’éclairaient comme si les derniers rayonnements d’une mer invisible les eussent touchés. (…) La passerelle franchie, mon élan se brisa contre la pente raide d’une ruelle sournoise s’insinuant entre des couvents, des orphelinats, des chapelles, masures à demi ruinées et comme soudées aux flancs de la colline. Courbant l’échine, d’un pas raffermi, je continuai ma course vers la Médecine. A mesure que je m’élevais, sous moi, par delà les tours de la cathédrale et les toits pliants sous leur faix de tuiles romaines, je voyais diminuer la Place des Angoisses, rectangle uni dans le scintillement des fleuves. Au détour du chemin raboteux et tordu, je me heurtai enfin à la perspective de rêve d’un escalier somptueux de cent marches que dominait l’hôpital, bâtiment extravagant de fragilité, surplombant des bâtisses croulantes qu’il semblait menacer d’une chute prochaine, menacé lui-même de pareil écrasement par une basilique énorme, mal plantée au sommet de la colline. »

 

a. La Gerbe d’or ( Henri Béraud)

b. Montée des Anges (Max-André Dazergues)

c. Place des Angoisses (Jean Reverzy)

d. Sous le signe du Lion ( Tancrède de Visan)[i]



 

08:25 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lyon, littérature, solko, reverzy, béraud | | |