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vendredi, 30 novembre 2012

Décembre

Nous revoici donc rendus au seuil de ce foutu mois des fêtes ! Dieu merci, c’est la crise : les débauches de guirlandes électriques, de sapins en plastiques, de bouffe gastronomique et de jouets made in China seront peut-être moindres cet an-ci ! Quoi de plus lyrique et vigoureux, féroce et dérisoire, suave et incisif, quoi de plus nourrissant, pour saluer cette entrée dans ce mois des festivités commerciales en tous genres, qui est accessoirement aussi celui du Noël chrétien, que de relire Décembre, cette page dans laquelle le merveilleux Léon Bloy sort une fois de plus l'épée de son style pour ferrailler avec son temps.

Le publiciste Eugène Grasset avait en 1896 dessiné pour le calendrier  de La Belle Jardinière les douze zodiacales, une par mois. Bloy avait eu l’idée de publier, en regard de chacun de ces dessins, une exégèse en prose. Sa démarche auprès de l’éditeur Edmond Deman ayant échoué, ses « infortunés poèmes » furent insérés dans Quatre ans de captivité en date du 14 août 1900, puis publiés sans dessins par le Mercure de France dans son numéro de novembre 1903.  En 1929, enfin, Les douze filles d’Eugène Grasset constituèrent le chapitre central  des Petits poèmes en prose. Voici l'intégralité du douzième et dernier, Décembre

 

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09:53 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, poésie, léon bloy, belle jardinière, décembre, eugène grasset, publicité | | |

mardi, 20 novembre 2012

Oublie pas

Rien de nouveau, sur les bancs de l’Assemblée nationale : ça éructe, jappe, braille, parlotte. Ca se justifie, ça complaisance et ça rouche-caillonne des Yaka et des c’est la fôt’au-gouvernement-précédent. La France a perdu son triple A, l’andouillette a gardé tous les siens. Le contraire serait désolant.  Il parait que les chirurgiens en ont assez d’être disent-ils payés comme des plombiers. A l’heure de l’homme-machine, qu’attendent-ils d’autre, de toute façon ?  Z’ont fait des études disent-ils, et alors ? Bientôt tout le monde, à un ou deux ans près, fera des études de chirurgien.  Même les putes  se disent travailleuses. Travailleuses du sexe comme d’autres du bistouri. Vaut plus grand-chose, les études. Y’a ka aligner tout le monde sur le même salaire, un même salaire pour tous, un même diplôme pour tous, un même mariage pour tous, une même bagnole pour tous, un  même logement pour tous, un même neurone pour tous. No discrimination. Pendant ce temps-là de plus en plus de gueux roupillent et somnolent devant leurs gobelets au marché. Bientôt plus personne n’aura la pièce. Que des puces. La même pour tous. On dit que les pauvres se méfient des riches mais c’est faux. Les pauvres se méfient des pauvres qui leur ressemblent toujours trop. S’en sortir, ça a toujours été leur  mot.

Parfois le cœur te soulève et t’as l’envie de tout tourner en dérision et de tout rendre, comme après un gros repas.  Logique. Derrière les grilles du cimetière, c’est l’oubli massif. On disait jadis que les morts dormaient, c’est désormais eux qui murmurent qu’on  est tous tombés, les vivants, dans un profond sommeil. Entends-tu, les murmures des morts ? Comme ça repose l’esprit des conneries des vivants ? Un profond sommeil, une lourde amnésie qui coûtera cher d’en sortir. Tous ensemble, tous ensemble. N’en sortirons qu’un par un. Leur enfance encore vivante ou morte sur le dos, tout dépend.

 Oublie pas. 

16:24 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : assemblée, france, littérature, poésie, crise | | |

dimanche, 18 novembre 2012

Le laitier de Noël

 

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Le Laitier de Noël de Roland Counard est un récit d’apprentissage étrangement efficace, à la poésie réaliste et minimaliste. L’histoire se passe dans les années cinquante. Robin, le personnage principal est le narrateur-enfant. Tandis qu'il grandit, ses parents, grands-parents, voisins, prennent corps dans le phrasé par fragments successifs. En ces temps-là, par omission ou pour de bon, on mentait volontiers aux enfants dans les familles : pour leur bien, disait-on; la duplicité et l’inconstance des liens familiaux et sociaux se découvre donc dans un fossé, celui de la fiction qui sépare ce qui se dit de ce qui se fait, au fur et à mesure que l’intrigue se déroule : d’abord un accident, puis un meurtre.

Grandir parmi ces adultes qui sont de tels taiseux revient donc à mener une enquête sur le monde, c’est édifier son propre récit : ce « laitier de Noël », qui arrose de lait des arbres pour qu’ils poussent, entre dans le monde de la parole et de l’action, qu’il découvre être aussi celui du crime, en passant brusquement de l'ignorance à la cruauté. Il signe à chaque fois sa découverte et son apprentissage de la mort d’un litre de lait, laissé auprès du cadavre. Incisif, bref, ludique, poétique et policier, ce récit, qui ne se laisse pas consommer en une seule fois, engage à la relecture. Initialement publié en 1996 par Courant d’ombres, il vient d’être réédité par Jean jacques Nuel aux éditions Le Pont du change. Une des très bonnes surprises de la rentrée.


dimanche, 04 novembre 2012

Bien dire

Quand le silence et la pénombre gagnent l’appartement, que le roulement du vent charrie au dehors de similaires instants d'enfance et qu’une pluie légère soulève des relents verlainiens, tu mesures davantage encore ta fatigue, et tout l’espace parcouru, peut-être en vain. 

Dehors également, le pas de quelques fugitifs

C’est étonnant comme l’agitation qui a gagné la planète, les images et les heurts s’estompent dès l’électricité ôtée. Les bruits de la maison prennent un sens qui s'éloigne. Le repos commence.

Avec lui, la signification immédiate que tu donnes instinctivement à chaque chose, chaque son, se découvre comme suspendue. Tout ce que tu ne connais pas : C'est l'instant de tout reconsidérer à moindre peine, de respirer. 

La malédiction une fois pour toutes désenclavée , il s'agit de bien dire.


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vendredi, 19 octobre 2012

Éloge de l'automne

« C’est la saison où tout tombe / aux coups redoublés du vent », chantait Lamartine. C’est aussi la saison des peintres. La plus belle à mon goût, et nous voici plongés au cœur de ses multiples cercles. Pour décrire le ballet de feu des feuilles d’automne, Bloy évoque « les anges gardiens d’Octobre à qui fut confiée la douce agonie de la Nature » (1).On a tant parlé de cette saison comme du « soir de la vie » ou de « l’automne des idées » qu’on doit se murmurer à chaque coucher de soi-même quelle chance on a d’en traverser un nouveau, de part en part.

En automne, juge Baudelaire, « les nuages flottent comme des continents en voyage » (2). Prosaïquement, voici donc que le ciel se prend devant nos yeux pour une mappemonde : Tous les voyages demeurent possibles, comme avant Neil Armstrong et l’empreinte profane qu’il posa sur l’imaginaire des ancêtres. Après tout, si un homme a marché sur la lune, nul homme n’a jamais posé le pied sur mes nuages.

Aux variations de l’automne, chacun d’entre nous peut suspendre « la scintillante minute de son choix » (3). Je ne suis pas coloriste. Combien d’aquarelles aurai-je accomplies par les fleuves, les cieux, les étangs qui jaillissent des pochoirs de l’automne ?

« Une feuille qui tombe a divisé l’année / de son événement léger » (4) La sordide propagande ni la rude économie ni la triste technologie des hommes ne sont donc venues à bout des charmes de l’automne, et la parole la plus juste parmi eux demeure pour l’an encore celle, comme lui renouvelée, des poètes. Dût-elle un jour s’éclipser par mauvais sort, les mayas seraient justifiés, et ce serait la fin du monde.

 

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Eugène Brouillard, La fuite des populations devant le fléau (1917), reproduit dans l'ouvrage de D.Ranc et D.Vaginay, Eugène Brouillard, Dialogues avec la modernité, Libel, 2011

 

 

(I)Léon Bloy Poèmes en prose, «Octobre »

(2)Baudelaire, Spleen de Paris, « Les vocations »

(3) Je trouve l’expression chez Marius Marmillon, dans un article sur le peintre Ravier publié dans le numéro 61 de la revue Résonances en 1957.

(4) Paul Valéry, Poésies, « Equinoxe » 



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jeudi, 18 octobre 2012

Pour peu

Ce qui compte tient en peu de paroles, peu d’êtres, peu d’objets.

Superflu, redondance  n’ont pas de sens quand le nécessaire est si rude à conserver.

L’art est la bonne attitude


08:00 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, poésie | | |

mercredi, 26 septembre 2012

L'étang me dure

Après, tu n’auras rien à dire. Tu te répètes beaucoup, en attendant. Mots, comme des petits pas. Combien, prononcés ?

Ca te fera tout drôle, quand tu n’auras plus rien à dire. En fait, c’est déjà le cas. Plus rien à dire ou personne à qui parler ? Cela revient au même, au fond.  Silence dans un caisson.

La jeunesse, disions-nous l’autre jour à la cantine, ne supporte plus la lenteur. Ni dans les livres, ni dans les films, ni dans l’existence réelle. Mais elle s’accommode étonnement bien de la répétition. Nous de même, qui avons vieilli.

La répétition serait-elle moins ennuyeuse que la durée ? Sévère question de point de vue. La répétition fait en tout cas plus illusion que la durée. Intermittence, prisme affecté du  postmoderne. Les hachures de l’instant qui font mine de. La durée, elle, jamais rien. Je préfère la durée.

Jadis, j’ai appris à vivre, à lire, à penser dans son étang. Je ne me figure pas la durée autrement que comme un étang. L’étang me dure, faute d’éclair.

Pauvre drôle, quand cesseras-tu  de répéter par-dessus ton épaule ceux que tu as lus ? Ils se sont beaucoup répétés avant de cesser de durer. La littérature serait une sale farce, tu vois, si tout n’était l'énigme…

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Aldine, Canal à Venise

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vendredi, 14 septembre 2012

A nul autre objet que celui-ci

Cela faisait longtemps qu’il n’en avait pas tenu un entre les mains, ni que son regard n’avait glissé dessus. Il en avait cherché un specimen heureux dans tous les magasins de la ville, avec tout d’abord une avidité de bonne augure, laquelle s’était muée lentement en une sorte de désarroi fatigué, trop long, trop dur, trop nombreux à se ressembler, à lui masquer la pièce unique. Il crut qu’il avait paumé le flair de chien qui le tenait des heures entières à la chasse jadis, jusqu’à la débusquer, la rareté, sans même avoir à trop tripoter ces piles ni croiser ces rayons uniformes Peut-être aussi l’usure du désir, de la connaissance, de la volonté, de la vie…

L’objet n'était-il par ailleurs en train de se métamorphoser sous leurs yeux à tous, tout comme la cire aurait dit Descartes dénonçant les pièges de la sensation ? Changeant de forme, l’objet changeait de rythme : Et si, se disait-il comme une excuse à sa paresse, tout n’était que affaire de pulsations ?  On avait beaucoup annoncé la fin, prédit ce qui arriverait, et qu’un silence opaque finirait par recouvrir la lande déconfite ; l’objet en question, n'était-il pas plus adéquat de lui refuser pour quelque temps encore son attention, son regard, son esprit ?

Il rentra chez lui les mains vides.

 

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Sébastien Stoskopff, Nature morte

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samedi, 01 septembre 2012

La clé

 De toutes leurs habitudes, ils constataient que l’une des plus difficiles à « faire passer », comme disent les faiseuses d’anges, c’était celle de conserver des objets dans des tiroirs, des placards, voire des recoins plus extravagants, pour le cas où…

Ils s’étaient dit que, dans la société du tout jetable, cela tenait peut être du reflexe familial, un résidu du comportement des grand-mères de l’ancien temps programmées pour recycler jusqu’à la croute des fromages émiettées pour des oiseaux sur le rebord de la fenêtre, et conserver leurs voiles de mariées sur le dernier rayon de hautes armoires aux senteurs de romarin.

Eux, en quelques décennies et avec l’insouciance du pas de marelle, ils étaient passés d’un temps où l’usage des choses fondait des coutumes à un autre où il faisait tourner le commerce en brassant du folklore. Et parmi ces objets conservés sans qu’on sache pourquoi, le plus remarquable restait la clé.

Les clés de tous les anciens appartements qu’ils avaient tour à tour habités au fil de leurs déménagements intempestifs dus à une vie professionnelle fort agitée - clés dont les locataires postérieurs avaient probablement changé les serrures - reposaient tels de poétiques trophées au fond d’un aquarium au centre du salon.

Des clés qui n’ouvraient plus rien et qu’ils n’osaient cependant jeter, parce qu’ils se murmuraient au fond d’eux-mêmes qu’elles demeuraient les objets les plus poétiques de leur traversée de l’ennui en ce bas monde, de leur existence aussi incomprise qu’incompréhensible à l’heure de fermer les yeux. 

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