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jeudi, 30 juin 2011

The birds and the arab spring

Drôle de façon de mêler actualité, graphisme, politique, cinéma... France 24 est désormais sur tweeter, certes, et les trois griffes de Sarkozy, Merkel, Obama s'affichent sous leurs visages pour fêter les printemps arabes : Gadhafi, Benali et Mubarak chassés par les tweets hitchckockiens, sur écran géant,  pour le plus grand plaisir des petits et des grands. Suspense, drame, actions, et happy end sont au rendez-vous : l'info plus que jamais, un spectacle, les dirigeants de ce monde, des stars, plus que jamais...

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Advertising Agency: Marcel Paris, France
Executive Creative Directors: Anne de Maupeou, Veronique Sels, Sebastien Vacherot
Art Directors: Souen Le Van
Copywriters: Martin Rocaboy
Advertiser’s Supervisors: Nathalie Lenfant
Account Manager: Cécile Henderyckx
Account Supervisor: Michel Kowalski
Art Buyer: Jean-Luc Chirio/Aurélie Lubot
Illustrator/Gadhafi: Marie Morency
Illustrator/Mubarak: Souen Le Van
Illustrator/Ben Ali: KIM Florence Lucas

22:09 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, france 24 | | |

mercredi, 29 juin 2011

De Dsk à Wauquiez

Si tout le monde parvient à saisir, au bar du coin, les liens (encore imprévisibles il y a quelques semaine) qui unissent un coup de queue malheureux de DSK avec la nomination de Christine Lagarde au FMI d’une part,  et la « proposition » mollassonne de Martine Aubry à la magistrature suprême d’autre part,

Si tout le monde parvient encore à suivre le petit jeu de chaise musicale qui vient de conduire François Barouin à Bercy en remplacement de Christine Lagarde et Jean Christophe Cambadélis dans les jupes de Martine Aubry en soutien déclaré, on s’y perd un peu à l’évocation  de David Douillet secrétaire d’état (qu’on avait laissé aux côtés de Bernadette sur d’oubliés tatamis) et surtout à celle de Laurent Wauquiez, que ce malheureux coup de queue socialiste aura finalement projeté à quelques mois de 2012, par un effet de ricochets ou de dominos assez saisissant, des Affaires Européennes à l’Enseignement Supérieur, en lieu et place de Valérie Pécresse.

Laurent_Wauquiez_vendredi_en_Haute_Savoie.jpgCelui qui fit ses classes en juin 97 en organisant à Yssingeaux l’émission Intervilles pour Jacques Barrot et qui donna des cours de français dans l’association de sœur Emmanuelle se retrouve donc en charge de l’Université à l’heure où les étudiants, hormis quelques-uns en BTS NRC qui en sont (je crois) à leur troisième sujet, partent en vacances. Voilà qui tombe bien, c’est de toute évidence le meilleur moment de l’année pour entrer en fonction.  

Sur sa page twitter, cette blague que je recopie : « en voiture au Puy, un belge me rentre dedans, descend, me regarde : oh bah ça, on est pas rentré dans n'importe qui... Vive l'Europe ! »

A partir de maintenant, ça ne plaisante plus, et Laurent devra se souvenir que, même sur un tweets de 140 lettres, fonction oblige, il ne faut plus oublier la négation… Vive la Sorbonne !

22:07 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (9) | | |

A vomir

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Je me souviens de ma vieille Remington qui devait ressembler à peu près à ça, je lui trouvait un air vachement sensuel et moderne, qui faisait un vacarme d’enfer avec ses touches comme à ressorts, lequel vacarme m’accompagnait pourtant dans le rythme de mes phrases qui emportaient mon silence et, sur la feuille de papier glissée contre le rouleau noir au mou épais, fixaient des scènes, des personnages, leur colère, leur désir, leurs dialogues, leurs décors aussi, mes fautes de frappe : je me souviens soudain de ces rubans correcteurs et aussi de ces minces feuilles qu’il fallait glisser entre la lettre déjà frappée et celle de fonte qui s’abattait, attention les doigts, et de toute la poussière blanche qui finissait par se répandre partout comme de la sciure de bois scié, une marque s’appelait je crois typo ou typex, je me souviens du retour à la ligne et de son cling d’horloger et aussi de la touche majuscule, on aurait dit tout à coup que la machine se mettait à bailler, elle s’élevait et se rabattait de toute sa mâchoire sur son support,  c’était en mille neuf cent soixante douze ou quinze, par là, nos passeports étaient encore bleus, je m’en souviens aussi pour passer les frontières et nous rendre vraiment à l’étranger, oui, l’Italie, la Yougoslavie, la Grèce, la Roumanie, c’était je m’en souviens l’étranger, presque une insulte à présent, avec ses gens, ses paysages, ses langues, ses monnaies, ses iles et ses chemins même pas goudronnés partout, même si, pour relier tout ça, les autoroutes et les stations services, ça commençait à se répandre, et les grosses villes comme Copenhague, Amsterdam, Hambourg, Paris, Munich étaient à leurs portes emplies d’auto-stoppeurs dont bien peu étaient de vrais routards, mais juste des étudiants voire des lycéens qui se la jouaient un peu Kerouac un peu Arthur un peu aussi Lennon ou Dylan, Ferré aussi, il y avait de tout, et tout ça se retrouvait sur les feuillets de cette vieille Remington et dans la cuisson d’un désir, d’une ambition, d’un idéal, appelez ça comme vous voudrez, les sciences humaines n’avaient pas encore tout encarté et quelque chose du romantisme de 1830 flottait encore dans l’air vicié d’après 1960, comme la queue d’une mémoire avec la grâce d’une comète qui s’étirait encore sur nos livres, nos chants, nos vagues projets qui de toute façon n’auraient jamais pu se réaliser tant le simple mot de Réel nous paraissait à vomir, oui, se réaliser, c’était une expression à vomir, je me souviens…

Eclipse de lune à Lyon


par Drosochmou  ( CHEUMOUPHILDROSO)

05:02 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : drosochmou, eclipse de lune, lyon | | |

lundi, 27 juin 2011

2011 MD

Tous les cinq ans, tout le monde dit vouloir s’atteler à refaire, redresser ou refonder ce pays, dans lequel rien ne va jamais. Puis, tout continue comme avant. Cela dure depuis des décennies, quoique depuis peu, le rythme se soit accéléré. Avant, la mascarade, c’était tous les sept ans.

Avec ce système, rien ne va jamais : ni pour la moitié dont le poulain est au pouvoir, ni pour l’autre moitié qui trépigne en attendant que le sien y parvienne. Les premiers sont vite déçus par leur candidat et de pro deviennent anti. Dans les alcôves, tout comme dans une pièce de Shakespeare dont on ne cesserait de répéter l’acte IV, les courtisans d’hier peaufinent donc des stratégies pour lui piquer le siège. Jean Louis, Hervé, Dominique, Rama, Christine et Fadela…

De l’autre côté, ceux qui trépignent devant la porte des palais s’arrachent le cœur, le foie, la rate et les poumons pour faire mine de s'accorder sur le bon prétendant. Là aussi, la finalité n'échappe pas à l'observateur : Faute d’idées et de débats, il ne s'agit que de faire parler de soi à longueur d’antenne. Stratégie d’occupation, on dit de communication dorénavant : Martine, Ségolène, François, Manuel, Arnaud, Jean-Luc…

Nous vivons ainsi dans un étrange climat carnavalesque, pendant que tournent autour de nous des astéroïdes en tous genres. Aujourd’hui, 2011 MD (c’est son petit nom) passera à 12 300 km de nos affaires et de nos divers émois en milieu d'après midi. Pas de risque qu’il fasse de gros dégâts : on se dit que c’est presque dommage, tant après les tsunamis naturels, financiers, sociaux et politique de toutes sortes, notre sens du catastrophisme aurait bien besoin de nourriture céleste. Il n’est même pas certain que ce gaillard là ait de quoi rivaliser avec celui qui inspira au bon Hergé l’Etoile Mystérieuse. Il faisait pourtant aussi chaud qu’aujourd’hui, au tout début de l’album, vous souvenez-vous ?

 

2011MD,hergé,astéroïde,primaires socialistes,politique


13:04 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : 2011md, hergé, astéroïde, primaires socialistes, politique | | |

dimanche, 26 juin 2011

Le mariage gay

Comment sortirons-nous vivants de ce tunnel dans lequel droite et gauche nous contiennent, avec d’un côté l’extrême tolérance à l’égard des marchés, de l’autre la même tolérance à l’égard des individus ? Ne discriminer ni l’un ni l’autre, abolir toute morale, vis-à-vis des uns, comme vis-à-vis des autres. Laisser faire. Distiller in fine un laxisme généralisé dans l’opinion publique, ou plutôt faire en sorte que la pensée, déjà confondue avec l’opinion dans la culture de masse, finisse par se décomposer dans le laxisme du dire, du faire et surtout du payer.

Quelques boulevards du pays étaient emplis hier des défilés de la Gay Pride, et des revendications politiciennes de gaillards opportunistes tels que Lang, Mélanchon ou Joly, qu’on vit le soir sur les écrans en train de revendiquer d’une seule voix l’instauration du mariage gay et celle de « l’homoparentalité ». Même Villepin (que ne ferait-il pas ?) trouve qu'après tout, si d'un côté on rend obligatoire le vote (ce mec est fou), autant autoriser de l'autre le mariage gay... (il est quand même tolérant, non ?)

Si ce curieux mariage gay peut ainsi s'inviter aussi tôt dans une  campagne présidentielle qui n’a pas même débuté, c’est parce qu’il ménage la possibilité d'un débat d’opinions aussi formidable que simpliste, à la maison comme au bistrot : ce mariage-là, qui qu’on soit, on ne peut-être que pour ou contre. Au-delà des intérêts réels qui pourraient être ceux des homosexuel(le)s, et des avis de tous, hétéros et homos sur cette question, on comprend dès lors pourquoi c'est la question qui intéresse les politiciens de tous crins : jetée en pâture sur la place publique, elle devient (parmi d’autres) une question faiseuse d’opinions. Et donc, éventuellement, de clivages et de votes.

Il fut un temps où l'idée même, laissant de glace, n’aurait pas même été posée. C’était celui de Wilde et de Gide, de Proust et de Cocteau, de Coco Chanel, de Joséphine Baker et d’Arletty. Me demande ce que l’un ou l’une de ceux-là aurait pensé de la question, eux qui avaient décidé soit d’abolir la norme, soit de s’en tenir à l’écart. L’idée d’un mariage homosexuel leur aurait sans doute fait horreur, comme par ailleurs pouvait leur faire horreur l’uniforme ou la soutane, en tant qu’emblèmes divers d’un ordre établi volontiers honni. Mais on était, alors, d’un autre courant d'opinion, au sens où l'on parle aussi de courant d'air. On ne cherchait pas en ce temps là à ce que tout le monde soit égal, pareil, normal. 

Aujourd’hui, triomphe cette double et étrange revendication de la part des homosexuels de la Gay Pride (revendication collective, relayée par des associations, des artistes, des médias et tout à la fin de la chaine par des hommes politiques, notez-bien !) : revendiquer une identité différente et être semblable à la norme. On a déjà beaucoup glosé sur ce paradoxe : si je le relève, c’est parce qu’il est essentiel dans un dispositif qui fait du gay de base, comme de l’immigré de service ou de tout indigné une sorte d’agent de la non-discrimination, à une époque où le mariage gay intéresse -en tant que vecteur de propagande- et la gauche et la droite.

Car l’une comme l’autre ont trouvé dans la non-discrimination le lieu commun idéal pour amalgamer dans un même à peu près tout ce qui sert à définir par ailleurs leur res publica, cet « idéal républicain » dont ils ont la bouche pleine. No Pasaran est devenu pour eux No Discrimination : Touche pas à mon gay, variante de Touche pas à mon pote, et bientôt de Touche pas à tout ce qui pourra servir à diluer l’exigence intellectuelle et la connaissance des histoires de chacun dans la soupe de ce nouveau tabou dogmatique où droit à la norme et droit à la différence se monnayent. Tout ça parce que l’ordre mondial qui a choisi d’imposer partout le libre échange a aussi partout besoin de ne plus discriminer (du moins en apparences et en formules toutes faites) les individus ; on vend donc de tout à tous, y compris le mariage aux homos qui seront bientôt prêts à se damner pour obtenir ce dont il y a cinquante ans, aucun n’aurait voulu : libéraux et libertaires les acclament au sommet de la pyramide, Lang et Villepin feignent l'accord, Borloo et Melenchon. 

Il faut saluer là l’efficacité diabolique de la bonne vieille propagande : le mariage gay et l’adoration de l’immigré n’étant que deux maillons d’un même chaîne, ou comment manipuler les gens en démocratie ; car mon vieux, si tu es contre le mariage gay, tu es aussi contre le respect dû aux immigrés, tu es contre l’Europe, l’euro et la mondialisation, tu es contre le nucléaire, la fête de la musique, et la légalisation du cannabis, contre les Indignés qui s’indignent ; tu es de surcroît forcément catholique, et tu votes au mieux Boutin, au pire Le Pen ou Sarkozy. Tu es donc forcément un pauvre con. Tu ne me crois pas ? Allume une télé et regarde…

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17:32 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (15) | | |

samedi, 25 juin 2011

Faites du cinéma

Le jour où les adresses IP deviendront plus chères que les pas de portes, peut-être que le monde virtuel redeviendra à part entière une part domptée, une page écrite, un tableau achevé du monde réel. Ceux qui, croyant converser avec le monde entier grâce à leur portable s’apercevront, dépités, qu’ils n’ont jamais tenu le crachoir qu’à quelques dizaines, voire centaines de personnes éparpillées un peu partout, reviendront sur terre.

A cette époque, le Japon sera-t-il toujours habité ? La Grèce sera-t-elle ou non devenue une colonie chinoise ? Le Qatar aura-t-il envoyé le premier specimen humain sur mars ? Et la France ? Martine Aubry  sera-t-elle enfin présidente ? Pourra-t-on enfin y fumer tranquillement son chichon sur le perron d'une église en sortant du baptême du fils de ses voisins gays ? De quel archipel financier indéfini sera-t-elle la colonie ? Non contents d'avoir voulu être tous égaux, serons-nous enfin tous pareils

Il parait que débute la fête du cinéma. Voilà qui me donne envie de faire de la musique, où d’offrir une cravate à pois, comme celle à Gilbert sur la photo, à mon  vieux papa...

 

fête du cinéma,




12:18 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fête du cinéma, société, politique, france | | |

jeudi, 23 juin 2011

Couty : le poids du monde

 L’association Jean Couty a mis au point un site qui permet de voyager agréablement parmi l’œuvre du peintre lyonnais, dont on fête le 20ème anniversaire de la mort. Sur la page d’accueil, un diaporama riche d'une vingtaine de tableaux. Sous l’onglet « œuvre raisonnée », de nombreuses reproductions avec les fameuses « vues de Lyon », ses églises, ses chantiers, ses usines (on sait que c’est Tony Garnier, le concepteur du Lyon industriel, qui a encouragé Couty à ses tout débuts), ses quais  du Rhône comme de la Saône (le tableau illustrant le billet précédent était de lui, bien sûr), ses nombreux portraits (un seul auto-portait) et natures mortes…

De nombreuses photos et vidéos, par ailleurs, une biographie détaillée, des articles de presse et une sélection d’affiches. La visite complète, c'est par ICI

En illustration : Le poids du monde.

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08:31 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jean couty, peinture, lyon | | |

mercredi, 22 juin 2011

Les quais de Lyon

Sous la plume désuète d'une auteur oublié (1), je trouve ceci : « Les rives des fleuves, bordés de maisons de deux ou trois étages qui trempaient leurs fondations dans l’eau, et auxquelles s’accrochaient des auvents et des galeries en bois faisaient saillies sur le courant. De distance en distance s’échelonnaient des petits ports en forme d’anse, où l’on accédait soit par des marches, soit par le pente naturelle du sol. Dans les eaux basses, ces petits ports se tapissaient de verdure. Les enfants y venaient jouer. En tout temps y régnait une activité prodigieuse. »

 

L'oeil peine à présent à retrouver, dans l'alignement uniforme des quais tracés pour les automobiles en bordure de la Saône, traces de ces anciens et populeux débarcadères. Le port, comme l'église, signait alors la territorialité même de chaque quartier; chaque quartier, qui était une paroisse, était également un ténement et un paysage particulier : Ainay, Bourgneuf, Saint-Jean, Saint-Antoine, Pêcherie, Saint-Georges, Quarantaine...

A la fin du dix-huitième siècle et surtout durant le dix-neuvième, lorsque naquit l'idée d'aménager des quais, on les conçut d'abord comme des promenades : Le long du Rhône, du pont Morand à celui de la Guillotière, le quai dit des Brotteaux offrait à l'oeil une long sillon, face à cet autre dit  de Bon-Rencontre, nom qui si poétiquement sollicite l'imaginaire. Ces premiers quais ne faisaient que reprendre le tracé d'anciens chemins de courtine, que le pas de générations de sentinelles avait tracés de veille en veille et de port en port parmi les hautes herbes, pour la sécurité des bons bourgeois endormis. 

Les façades de deux hôpitaux (Hôtel-Dieu, Charité) et celles d'une prison (Perrache) formaient ainsi une seule perspective en bordure du Rhône. On y déambulait doucement et Louisa Siefert, poétesse parnassienne, sut dans ces alexandrins trouver des mots qui, comme des pas, laissent entendre le rythme de cette marche : 

 

« Quand je vois ce long mur aux fenêtres grillées / Cet hôpital où sont tant d’âmes désolées  / Puis ce long mur encore pleins de sombres hasards  /   L’hospice des enfants trouvés et des vieillards  / Puis d’autres, puis enfin, sinistre, formidable,  /  La prison et plus loin le faubourg insondable,  / Oh ! je l’avoue alors, ne pouvant rien sauver, /  Comme le fleuve au bas, je voudrais tout laver ».

 

 

Avant que les bagnoles n’envahissent jusqu’à la nausée les abords des fleuves, les quais révélaient encore la densité des solitudes, au cœur même de la ville, suscitaient le recueillement des solitaires venus s'y égarer.  Il n’est pas nécessaire d’être poète, peintre ou romancier pour ressentir tout ce que ces lieux  ont à offrir de douceur, de rêve, ou de mélancolie. Je garde toujours au coeur l'onctuosité évaporée de ce que Jean Reverzy appelle le mal du soir :

« J’étais à Lyon sur les quais du Rhône et sous des platanes extrêmement parfumés. Le soleil se tenait entre d’extraordinaires images dont le relief et l’incandescence me stupéfiaient et à droite de la colline dont la seule image me rappelle l’odeur délicieuse des vieux bouquins de piété. Je me souviens que le Rhône découvrait de longs bancs de cailloux d’une blancheur absolue… Mais n’oubliez pas qu’à l’horizon fondait de l’or et de l’or… Dans la lumière inquiète et blanche du sunset, je vis s’éclairer des fenêtres ; ça et là tremblèrent de minuscules cristaux rouges. Un mystérieux esprit m’envahit, que j’appelle le Mal du Soir. »

 

 

Le temps d’une halte sur un quai la cité est saisie avec recul. Devenu lui-même flâneur, liquide, le regard en ne s’attachant à aucun détail, compose un paysage intérieur dont il s’émerveille naïvement : Comme l’espace aérien vu de Fourvière, l’espace de la Saône, vu du quai Jayr, agit, pour ce personnage de Georges Champeaux (2) tel un révélateur :

 

« Accoudé au parapet du quai, il ne se lassait pas de suivre du regard les travaux du bas-port et le mouvement de la batellerie. Et peu à peu s’établissait en lui la conviction qu’il avait sous les yeux un des plus beaux paysages de la terre. Tout en bas, le serpentement de la rive droite de la Saône , une route de campagne qui devient le quai d’un faubourg, comme succèdent aux pimpantes villas emmitouflées de Saint-Rambert le château d’eau, les grues et les cheminées de l’Industrie. Puis c’est le tassement autour de la Gare d’Eau des vastes entrepôts aux larges toits en pente douce, d’où surgissent, puissants et harmonieux, les trois blocs équarris des minoteries. Et, emplissant le paysage de sa présence, déployant à ses pieds le geste souple de son corps voluptueux, la Saône nonchalante qui paresse et se prélasse, cependant que, rangés le long des bas-ports, les noirs remorqueurs plats, les sapines béantes, les « plattes » pavoisées du linge mis à l’étendage, les péniches pansues ceinturées d’une bande claire, avec la futaie grêle de leurs mâts aux pointes blanches de minarets, parent ses profondeurs de leurs reflets. Longtemps le père Chatard avait méconnu la beauté d’un tel spectacle. Mais voici que du fer et de la pierre comme des feuillages et de l’eau, affluait une sympathie pénétrante. Et c’était l’âme même de ce paysage composite qui commençait à l’imprégner – une âme qui mêlait au sortilège originel de la nature la majesté poignante de l’effort humain » 

 

Dans les fleuves se mirent la ville et toutes ses lumières. En n’exhibant que ses  reflets, le fleuve,  triomphalement, dénie la réalité de pierres et d’hommes, dont le rêve silencieux est captif. Dans ses Chemins de solitude, Gabriel Chevallier se souvient de tels instants d’oubli le long du quai de Tilsit :

« D’ailleurs, même aux instants où il ne se passait rien sur l’eau, il était doucement fascinant de regarder couler la rivière, qui reflétait des maisons vacillantes, des nuages furtifs, et des pans de ciel bleu. Une petite barque sollicitait la rêverie et laissait la pensée perdue, après que son sillage s’était effacé. Une voix soudaine m’appelait, qui me faisait tressaillir : « - Que fais-tu donc, qu’on ne t’entend pas ?  - Je regarde la Saône … »

 

Si vive, parfois, si intensément vraie, l’impression annihile le regard qui se fond en elle. Démiurge à la réalité temporelle qui  impose l’illusion de son reflet mortifère, le fleuve capte les existences : Dans Le Voyage du Père, (3) le personnage errant de lieux en lieux finit, malgré la robustesse de son esprit, par ressentir de si éminents vertiges sous la plume de Bernard Clavel :

« Il y avait ainsi beaucoup plus de lumière dans l’eau que sur le coteau d’en face où s’étageaient des maisons aux fenêtres éclairées. Plus les maisons étaient hautes et loin, plus leurs lumières se nimbaient d’un halo. Il n’y avait pas d’étoiles. La lueur qui montait de la ville semblait rencontrer comme un plafond cotonneux posé sur les toits les plus élevés. Quentin regardait tout cela sans rien voir vraiment. »

Enfin, les fleuves et les quais de Lyon ne seraient pas ce qu’ils sont sans leur cortège de noyés.  Me Debeaudemont dans L’Arbre Sec de Joseph Jolinon, la petite Noëlle du Ciel de suie de Béraud, pour ne retenir qu’eux, finissent ainsi leur mélancolique existence dans les fleuves :

« Et puis, ce fut l’arrivée entre deux agents de l’affreux brancard bâché de cuir, d’où coulait, pas à pas, une inépuisable traînée d’eau limoneuse et glacée ».

 

Et pour finir, une toile et une photo. Je laisse à votre sagacité le soin d'en retrouver les auteurs ... 

  

(1) Emmanuel Vingtrinier 

(2) G. Champeaux, Le Roman d’un vieux Grôléen Lyon, Ed. de Guignol,1919

(3)Bernard Clavel, Le Voyage du père, Paris, Robert Laffont, 1965

 

 

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