Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 16 octobre 2014

Rainy day

Il pleut doucement sur la ville.

Ce vers prend une belle saveur, ce matin. Le ciel est d’encre, la lueur des réverbères isole ça et là des lieux, plutôt qu’elle n’éclaire un endroit, et ce bruissement des feuilles sous la pluie donne aux platanes l’occasion d’une parole, d'un chant rare, timide et persistant, filant sa romance au réveil.

La saveur de ce moment est qu’il passe, précisément. Et que, ne durant pas, il en renouvelle d’autres, dans  la continuité en pointillé de la durée des hommes. Traces de traits fins et lumineux, ces gouttes de vie qui sont aussi des larmes de pluie,

 

Et d’une ariette à l’autre, la mélodieuse consistance de cette chute conjure l’oubli.

rimbaud,verlaine,ariette oubliée,lognfellow,littérature,poésie

06:45 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rimbaud, verlaine, ariette oubliée, longfellow, littérature, poésie | | |

samedi, 11 août 2012

16 & 16 = 32

Emplir presque à ras de café noir un bol tout blanc

Sans savoir si on l’engloutira tout entier

Puis des murmures familiers : tu ne vas pas dormir ce soir

Leur opposer qu’avec ce bol s’apprête à l’envol

Sa propre plume sur quelque feuille blanche

Car le vol de la nuit qui débute

Se soucie comme d’une guigne des tableaux où s’affichent

En linéales rouges telle ou telle capitale

Non, ignorance même de ce que je veux dire

Ni peux lire en cette mare ronde de café

Qui a quelque chose à dire né dans ce fief sans relief

Juste envie d’essayer tel Michel en sa librairie

La jeunesse instantanée demeure le privilège de l’écrivain

Pharmacopée de son imaginaire

Tirant pied de nez à tous les dogmes

Tout comme la première fois

 

De laquelle toi parles-tu il y en eut tant

Première fois que tu perçus la lenteur en parfum de la Saône

Que le jus de pêche engloutie à l’arbre s’égoutta à ton palais

Que malgré le midi vif le soleil cessa de t’éblouir -oh c’est toujours

La première fois quand tu l'écris tel ce legs

« O mon crâne étoile de nacre qui s’étiole »

Et comme elle ou comme lui tu souris sûr que Saussure

Aima Rrose Sélavy  le pauvre Lelian et son impair aussi

Qui s’éteignit au 39 rue Descartes chez une ouvrière de la Belle

Jardinière non loin de la cloche de la Sorbonne ce bol

Fol « Qui toujours à neuf heures sonne

Le salut que l'ange prédit»

Un adieu digne de François dont le lent Lais clamait déjà

Ce qu’aucun né d’ensuite ne parvint à mieux clamer 

Qu'assigner sens au dire n’est guère plus sain qu’y mettre fin

Ce dont nous sommes malades autant que vierges et heureux 

22:19 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : verlaine, villon, desnos, rrose sélavy, poésie, littérature | | |

lundi, 05 septembre 2011

Jusqu'à Verlaine même

O bruit doux de la pluie, 

Par terre et sur les toits !

Pour un coeur qui s'ennuie,

ô le chant de la pluie...

A chaque fois qu'il pleut (j'entends de cette pluie fine, longue, régulière), ces vers me reviennent en mémoire - et le temps des récitations qui vont avec, celui des saisons, de la permanence, ce lien indéfectible de la parole... J'ai la sensation que dans cet ennui de la pluie il y a tout, tout comme dans la clé qu'on palpe rassuré en sa poche, une simple clé, s'apprécient déjà la porte qui s'ouvre, le corridor et ses parfums, le salon et ses moulures, les bocaux de confiture, etc, etc... Car la bruine de cette strophe et des sons qu'elle fait choir mélodieusement appelle vraiment un mouvement de la pluie qui, certes, séchera mais pour l'instant crépite mezza voce par la fenêtre entrebaillée en direction de ce soi qu'on sait, certes, condamné, mais qui dure et se prolonge pourtant, vers l'intérieur, vers l'immuable de ce son auquel ne se compare vraiment que celui de la vague quand on est allongé au rivage, son qui se fout des hommes et du temps si bien que jusqu'à Verlaine-même la pluie de ce soir peut entraîner mon esprit ( bien au-delà de cette année - celle de mes douze ans je crois où l'on m'a contraint d'apprendre ce poème), et par le biais de Verlaine vers la permanence d'un sweet home véritable fabriqué de sensations multiples et bien nommées, qu'importent les toits successifs et les adresses de passage, vrai soi, ennui, ô le bruit de la pluie...

 

 cha

08:18 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, verlaine, poésie | | |

samedi, 08 janvier 2011

Verlaine et la beauté du quelconque

verlaine_p.jpg

 

C’est aujourd’hui l’anniversaire de la mort de Verlaine qui, le 8 janvier 1896 à dix-neuf heures, mourut d’une congestion pulmonaire au 16 rue Saint-Victor à Paris, à l’âge de 52 ans.  Rendre l’âme le mois de Janus dut ne pas être trop incongru pour l’auteur des Poèmes Saturniens : on sait que les deux dieux s’entendaient en effet comme culs et chemises au temps de l’âge d’or.  Je vous souhaite donc de passer un samedi verlainien en diable, à goûter la double nature du monde et la fadeur du langage, dans ce « quiétisme du sentir » si propre à Janus, le dieu aux deux visages, et à Verlaine lui-même, le pauvre Lelian,  dont Jean Pierre Richard (1) écrivit un jour que la poésie trouvait sa source dans un dédoublement assumé de la perception : « Car tout comme Rimbaud, Verlaine pouvait écrire que « Je est un autre » ; mais alors que Rimbaud, une fois cet autre découvert, se livre entièrement et frénétiquement à lui, Verlaine ne peut abolir en lui la voix ancienne, et il se condamne donc à demeurer à la fois JE et Autre. Il sent sur le mode de l’anonyme, mais il se sent sentir sur le mode du particulier. Et c’est dans cet intervalle que se situe sa poésie. Elle dit l’étonnement et la couleur d’un être à demi aliéné transporté dans un paysage dont il ne peut que découvrir le sens, et dans lequel il lui est cependant interdit de tout à fait se perdre. »

Quel amoureux, en effet, sinon l’amoureux verlainien, reste à même de dire : « J’aime vos beaux yeux quelconques », transformant la platitude du cliché (« t’as d’beaux  yeux, tu sais ») en un des plus beaux compliments qui soit « tes yeux qui pour tous sont quelconques sont pour moi les plus beaux »), et sans oublier ni la Laure de Pétrarque, ni la Cassandre de Ronsard, avec l’espièglerie d’un Murger, empiète déjà le territoire à venir d’un Marcel Carné ?

 

(1)   Jean-Pierre Richard « Fadeur de Verlaine », Poésie et Profondeur, Seuil, 1955

 

Lire aussi  : Tant de beau monde pour un poivrot.

10:34 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : littérature, poésie, verlaine, jean-pierre richard | | |