dimanche, 16 avril 2017
Résurrection
Il faut se représenter ces onze apôtres et leurs compagnons, refugiés dans un caveau obscur et bas, transis d’effroi, minés par le doute, privés de tout discernement. Devant le plus jeune d’entre eux, « celui que Jésus aimait », le chemin parait dorénavant désespérément vide. Où poser ses pas ? Et sous les pieds du plus âgé, celui auquel il confia il y a peu son église, un trou béant s’est creusé. Ces disciples d’Emmaüs venus jusqu’à eux, qui témoignent de la Résurrection du Christ, tous les regardent tels des illuminés surgis de nulle part. Leur Messie n’est-il pas mort ? Leur Messie est mort. Il ne s’est pas assis sur le trône d’Israël pour en rétablir la royauté. Et une existence sans le moindre attrait va reprendre, pour l’un dans une barque, pour l’autre dans un bureau de douane. Au bout, il y aura la mort. Leur mort car ils vont mourir. Le fait est certain. Acquis. Ils vont mourir. Bientôt ? Plus tard ? Plus tard encore ? Demain ? Ils n’en savent rien.
Ont-ils vraiment l’air de comploter, cette poignée de simples, afin de berner l’humanité entière durant des siècles avec « une fable de Résurrection », comme le prétendront par la suite tous les hérétiques, les musulmans, les athées ?
Tous sont effondrés. Pour eux, l’histoire est finie.
Et puis tout d’un coup, dans ce caveau mal éclairé, « La paix soit avec vous !», entendent-ils. La paix soit avec vous ! Le Christ n’a jamais rien eu d’autres à leur proposer, à eux comme à tous les autres, le jeune homme riche, la femme adultère, les dix lépreux, Marthe, Marie, Lazare et tous ceux de Béthanie, Nicodème, Zachée, Joseph d’Arimathie et tant d’autres, tant d’autres, y compris ceux qui le flagellèrent et plantèrent les clous dans Sa chair. La paix. Pas n’importe quelle paix. Pas la paix des armes. Pas le vivre ensemble : la paix du Christ ! Quelle est-elle ?
« Paix ! » dit le Christ. En prononçant ce simple mot, il révèle combien le plus pacifiste d’entre les Onze, le plus pacifiste d’entre nous tous, recèle en réalité de chicanes, de troubles, d’arguties, de conflits, de guerre, de séparation, de refus, en un seul esprit ! Nous sommes morcelés. Multiples. Tous ont tourné leurs regards sans doute hébétés vers le Seigneur.
« L'attente crée d'ordinaire son objet », écrit à ce sujet le vainement positiviste Renan[1] pour expliquer ce qu’il croit être, dans son éborgnement d’idéologue, une hallucination collective. Bon prince, l’ancien séminariste de Saint-Sulpice accorde aux apôtres le mérite de la sincérité, s’il ne leur retire pas une vive présomption d’idiotie : « La petite société chrétienne, écrit Renan, opéra ce jour-là le véritable miracle ; elle ressuscita Jésus en son cœur par l'amour intense qu'elle lui porta. Elle décida que Jésus ne mourrait pas. L'amour, chez ces âmes passionnées, fut vraiment plus fort que la mort » Soit. Mais ensuite ? Notre raisonneur qui ne voit pas dans quelle raideur tombe son propre jugement poursuit : « L'histoire de toutes les grandes crises religieuses prouve que ces sortes de visions se communiquent : dans une assemblée de personnes remplies des mêmes croyances, il suffit qu'un membre de la réunion affirme voir ou entendre quelque chose de surnaturel pour que les autres voient et entendent aussi. » Et donc, d’après lui et de fil en aiguille, de ceux qui avaient connu et aimé le Christ à ceux qui ne l’avaient jamais rencontré ni aimé, des compagnons de Béthanie à ceux d’Emmaüs et à l’empereur Constantin trois siècles plus tard, somme toute, la nouvelle ourdie par le complot de ces onze-là se propagea, « la légende se répandit » et fut « assurée d’un immense avenir ». En épousant ainsi la théorie des Juifs et des Musulmans remaniée au goût de la psychologie moderne, non seulement Renan ne prouve rien, mais il fait peu de cas de ce que le texte biblique célèbre, à savoir l’envoi du Paraclet. C’est le propre de ceux qui s’adonnent à des complots d’en accuser ses adversaires, en voyant partout des comploteurs. Mais les apôtres ne complotent pas. Certains les croient même « plein de vin doux »[2], ils sont en réalité plein d’Esprit Saint, et autour d’eux, en grand nombre, on se fait baptiser.
La Résurrection est un mystère et un éblouissement. « Si je n’étais pas venu leur faire entendre ma parole, ils seraient sans péché. Mais maintenant, leur péché est sans excuse »[3], dit le Fils de Lui-même. Et du Saint Esprit : « une fois venu, il établira la culpabilité du monde pour ce qui est du péché, de la justice et de la condamnation ».[4] La paix du Christ, cette paix véritable, authentique, confond tout ce qui n’est pas exactement et lumineusement elle-même. L’objet de leur attente, c’était en réalité la mort à laquelle leurs cœurs de pécheurs s’étaient résignés. Ils allaient mourir, eux, et voilà qu’Il apparaît, Lui, dans une Vérité crue et humiliante, qui confond leur orgueil de positiviste avant l’heure : Ce à quoi ils s’étaient déjà rendus, soumis, Lui a pu le vaincre ? Et voilà que le Christ leur propose la Résurrection.
Et voilà que le Fils a vaincu la mort. Admettre une telle vérité demeure si humiliant pour eux qu’ils croient voir un esprit, et qu’Il doit leur montrer ses mains, ses pieds, leur demander à manger pour qu’ils commencent à l’admettre avec leur intellect et à se laisser aller à leur joie.[5] Cette Résurrection n’a pourtant rien d’inattendu, d’extraordinaire. Ne fut-elle pas annoncée, ne participe-t-elle pas de la nature divine du Verbe Incarné ?
La résurrection de la Chair est un article du Credo. La résurrection des corps est la conséquence logique de l’Incarnation. Dieu ayant fait l’homme à son image, nous dit la Genèse, et l’homme ayant cédé à une empathie trop attentive avec Satan, dénaturé cette image, le Verbe a dû s’incarner pour restaurer la chair en prenant sur lui les péchés de l’humanité : « Tous ceux que tu avais gagnés par le bois de la connaissance, la Croix te les as repris », déclare Hadès, roi antique des Enfer, à un Satan vaincu par le Christ dans les Actes de Pilate[6], un évangile apocryphe daté du IIe siècle : les morts délivrés de l’Enfer sont comme nos précurseurs, restaurés dans leur corps glorieux et délivrés du péché originel qui nous broie le cœur, et dont la foi éprouvée et vécue en la Résurrection nous tient éloignés. C’est dans cette foi assumée dès l’existence terrestre que débute le processus de la Résurrection. C’est pourquoi Philippe a pu écrire : « Ceux qui disent qu'ils vont d'abord mourir et ensuite ressusciter se trompent. S'ils n'obtiennent pas d'abord la résurrection pendant la vie, ils n'obtiendront rien une fois morts »[7]
Croire en Dieu tel un principe souverainement abstrait, au fond, cela ne procure qu’une vague émotion. Imaginer un Grand Architecte ou un Grand Horloger, cela revient à n’admettre qu’une notion suffisamment désincarnée pour que l’on s’accommode de la ranger bien vite dans un coin reculé de son cerveau avant de revenir à autre chose. Au péché, en l’occurrence... Croire au Père, croire au Fils qu’Il a engendré, Lui concevoir une naissance et une mort aussi surnaturelle, une victoire aussi définitive sur la mort, cela touche l’intelligence, cela concerne l’âme, la chair, la personne et sa Joie tout entière, puisque c’est elle qui est appelée à ressusciter. Demandez, dit le Christ, et il vous sera donné. Car comme se le disent les orthodoxes dans la salutation pascale : « Il est ressuscité. Il est vraiment ressuscité ». Telle est l'essence intérieure et nullement effrayante de la Bonne Nouvelle, que n'importe qui peut encore recevoir aujourd'hui malgré les troubles du monde et son apparent chaos.
Musée du Vatican, tapisserie Résurrection
[1] Renan, « Formation des croyances relatives à la résurrection de Jésus, Les apparitions de Jérusalem »
[2] Actes, I, 13
[3] Jean, 15, 22
[4] Jean, 16, 8
[5] Luc, 24, 38 - 43
[6] Actes de Pilate, 23
[7] Evangile de Philippe, 70 b
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dimanche, 03 avril 2016
Résurrection 3
La célébration des mystères de Pâques – au premier chef celui de la Résurrection – se clôt aujourd’hui (Pâques closes), avec ce dimanche in Albis (en aube blanche) durant lequel les néophytes (baptisés de Pâques) déposent leurs vêtements blancs. C’est le dimanche de Quasi modo (même façon), d’après les premiers mots de l’introït de la messe du jour dans le rite extraordinaire (en latin), prononcé par Pierre juste avant son commentaire sur cette fameuse pierre angulaire qu’est devenu le Christ depuis sa Résurrection : « pierre d’angle & pierre vivante » de l’Eglise à bâtir pour ceux qui ont vu, cru, senti, touché du doigt le fait que le Christ est bien le Verbe fait chair, rédempteur et vainqueur de la mort, « pierre d’achoppement » pour contre laquelle viendra trébucher l'esprit de tous ceux qui ne croient pas : « Quasi modo géniti infántes, allelúia : rationabiles, sine dolo lac concupíscite, allelúia, allelúia allelúia » (Comme des enfants nouveau-nés, alléluia ; désirez ardemment le lait spirituel, alléluia, alléluia, alléluia.- Premier épître de Pierre,2-2).
Durant ce dimanche on célèbre la Résurrection du Christ à travers la lecture de saint Jean célébrant l’apparition du Ressuscité à la troupe des onze apôtres, et principalement à Thomas l’incrédule (20, 19-31), scène pérennisée par Le Caravage dans la fameuse toile conservée à Potsdam. D'incrédule, il devint fidèle, reconnaissant Dominus meus et Deus meus : « Thomas a entendu Madeleine, et il a dédaigné son témoignage ; il a entendu Pierre, et il a décliné son autorité ; il a entendu ses autres frères et les disciples d’Emmaüs, et rien de tout cela ne l’a dépris de sa raison personnelle. La parole d’autrui qui, lorsqu’elle est grave et désintéressée, produit la certitude dans un esprit sensé, n’a plus cette efficacité chez beaucoup de gens, dès qu’elle a pour objet d’attester le surnaturel. C’est là une profonde plaie de notre nature lésée par le péché. », écrira à ce sujet dom Guéranger dans son Année Liturgique. Mais l'accès au surnaturel, surtout dans une société aussi absurdement rationnelle que la nôtre, peut-il prendre la forme d'un acte collectif ? Oui, rappellera-t-on, si l'on considère ce que devrait-être une messe idéale. Non, dira-t-on, si l'on considère que la spécificité de cet accès à rebours des sens trompeurs, son individualité propre détermine les contours et la teneur de la foi de chacun. En ce sens, et c'est là pure merveille, le christianisme, fondé sur la seule Résurrection du Christ, n'est pas une religion de groupe ou de masse, mais de communauté.
Ce dimanche est aussi Fête de la Miséricorde depuis la canonisation de sœur Faustine par Jean Paul II, laquelle rapporte dans son Petit Journal l’apparition du Christ lui disant [698] ces paroles : « Ma fille, parle au monde entier de Mon inconcevable miséricorde. Je désire que la Sainte Miséricorde soit le recours et le refuge pour toutes les âmes, et surtout pour les pauvres pécheurs. En ce jour les écluses de Ma miséricorde sont ouvertes. Je déverse tout un océan de grâces sur les âmes, qui s’approcheront de la source de Ma miséricorde. Toute âme qui s’approchera de la confession et de la Sainte Communion recevra le pardon complet de ses fautes et la remise de leur punition. En ce jour sont ouvertes toutes les sources divines par lesquelles s’écoule la grâce. Qu’aucune âme n’ait peur de s’approcher de Moi, même si ses péchés sont comme l ‘écarlate. Ma miséricorde est si grande que, pendant toute l’éternité, aucun esprit, ni humain ni angélique ne saurait approfondir tout ce qui est sorti des profondeurs de Ma miséricorde. Chaque âme en relation avec Moi, méditera Mon amour et Ma miséricorde durant toute l’éternité. La fête de la Miséricorde est issue de mes entrailles. Je désire qu’elle soit fêtée solennellement le premier dimanche après Pâques. Le genre humain ne trouvera pas la paix tant qu’il ne se tournera pas vers la source de Ma Miséricorde. »
Faustine évoque ailleurs ces âmes indifférentes et froides « dont la froideur cadavérique emplit de répulsion et blessent le plus douloureusement » le Christ. C’est, affirme-t-elle, à cause d’elles qu’il pria : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de Moi ! ». Leur « ultime planche de salut » est de recourir à sa Miséricorde » car elles ne pourront retrouver « la flamme de la vie », dit Faustine, que dans « le brasier même de son amour » (1)
Dans son homélie du 30 avril 2000 instituant cette fête, Jean Paul II avait insisté sur la nécessité particulière de miséricorde à l'égard de la génération de Faustine : « La Divine Providence a voulu que la vie de cette humble fille de la Pologne soit totalement liée à l'histoire du vingtième siècle, le siècle que nous venons de quitter. C'est, en effet, entre la Première et la Seconde Guerre mondiale que le Christ lui a confié son message de miséricorde. Ceux qui se souviennent, qui furent témoins et qui prirent part aux événements de ces années et des atroces souffrances qui en découlèrent pour des millions d'hommes, savent bien combien le message de la miséricorde était nécessaire (…) Comme les Apôtres autrefois, il est toutefois nécessaire que l'humanité d'aujourd'hui accueille elle aussi dans le cénacle de l'histoire le Christ ressuscité, qui montre les blessures de sa crucifixion et répète : Paix à vous ! Il faut que l'humanité se laisse atteindre et imprégner par l'Esprit que le Christ ressuscité lui donne. C'est l'Esprit qui guérit les blessures du cœur, abat les barrières qui nous éloignent de Dieu et qui nous divisent entre nous, restitue la joie de l'amour du Père et celle de l'unité fraternelle. »
Ainsi instituée, cette Fête paraît commandée par la dureté, le caractère criminel et inhumain du monde moderne. Sa juxtaposition avec l'antique dimanche in albis contredit-elle le cycle éternel de la liturgie ou y inscrit-elle de manière justifiée les prières du monde contemporain ? Quelle place la liturgie sacrée peut-elle réserver à l'histoire des hommes, sans risquer la corruption ? Le salut est-il le même pour tous les hommes, quels que soient les caractéristiques et les signes de chaque temps, ou est-il aussi déterminé par les vicissitudes de l'Histoire ? Le débat traverse les théologiens depuis plusieurs décennies, dans une Eglise où cohabitent depuis Benoit XVI la forme ordinaire ( depuis Vatican II en langue vernaculaire, le prêtre face au peuple) et la forme extraordinaire (en latin, dos tourné au peuple) du rite romain ? Ce dimanche aux multiples accents, qui célèbre cependant le même mystère, en est une vivante incarnation.
(1) Cf le Neuvième Jour du Chapelet à la Miséricorde Divine de sœur Faustine
08:21 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dimanche in albis, quasi modo, fête de la miséricorde, benoit xvi, forme ordinaire, forme extraordinaire, rite romain, soeur faustine, le caravage, saint thomas, foi, incrédulité, catholicisme, résurrection, christ, dom guéranger |
mardi, 15 septembre 2015
Stabat Mater
Il faudrait pouvoir en finir une bonne fois pour toute avec ce culte indécent de l’amour maternel dans les sociétés modernes, car les hommes n’ont pas besoin, en pure théologie, de demeurer captif en ce lien (celui d’Eve), dont seul l’amour du Christ, justement, peut les délivrer.
Cette habitude a pu prendre naissance dans une lecture profane du stabat Mater, « juxta crucem lacrimosa », qui date du XIIIème siècle franciscain. Il s'agirait alors d'une de ces idées chrétiennes devenues folles. Une lecture au premier degré, qui transforme Marie au pied de Croix en une mère humaine, absolument humaine, indépassable dans la douleur, parce qu’elle assisterait au calvaire et au meurtre de son fils innocent. Alors qu'en réalité, sachant qu’on tue le Fils de Dieu, l’âme [et non le cœur] transpercée, elle participe pleinement au sacrifice du Fils de l’Homme et au travail de Rédemption qui s’engage : c’est d'abord une croyante qui pleure, la première de toute, non une simple mère ; ce n’est donc pas l’amour maternel qui est sanctifié, mais c’est l'espérance et la foi. Réduire Marie à sa maternité, c’est réduire son fils à son humanité, alors qu’Il n’est pas – et Marie est bien placée pour le savoir – seulement son fils, mais avant tout le Fils de Dieu. Pour résumer, soit le Stabat Mater qu'on entendit retentir tout à l'heure dans les églises à l'occasion de la fête de Notre Dame des Sept douleurs est un poème larmoyant, soit il est un véritable acte de foi.
Tout le défi du christianisme réside là : croyons-nous, comme sa mère, que le Christ est fils de Dieu [engendré non pas créé] ou comme ces passants, qui le raillent, avons-nous besoin de preuve [« Si tu es Fils de Dieu, descends de ta croix », Mat 27/39] ? En ce sens, Marie est comblée, certes de douleur, mais surtout de grâce, « dolentem cum filio ».
Bref, si ce texte n’exaltait que l’amour maternel (un amour humain, et donc un amour pécheur), le Christ ne serait que le Fils de l’homme et Marie ne serait que sa mère. C’est pourquoi l’exaltation de l’amour maternel dans les sociétés modernes cache quelque chose d’impie et d’incompatible avec la foi chrétienne telle qu'elle se donne à ressentir. D’ailleurs, le texte cesse de parler de la mère à la fin, mais évoque la « Vierge puissante » capable, au Jour du Jugement, de défendre le croyant, quand il s’agira d’obtenir du Christ la palme des victorieux. Élévation. Voila pourquoi il aurait mieux valu que Jacopone da Todi titrât non pas Stabat Mater, mais Stabat Virgo. La lecture trop moderne de son œuvre ne pourrait aussi aisément estomper l'amour de Dieu - l'amour pour Dieu ainsi que le sacrifice qu'il accomplit dans un rapport inversé avec les hommes- Le sacré ne s'y effacerait pas au profit du simple sublime, et l'on n'y céderait pas à la marche fanatique du monde dans une exaltation non pas du Créateur mais, une fois de plus, de la seule créature, quand le mystère célèbre le lien entre les deux...
23:36 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jacopone da todi, stabat mater, pergolèse, christ, crucifixion, résurrection |
dimanche, 31 mars 2013
La peur et l'étonnement
Quoi de plus lyrique, quoi de plus rationnel également, que cette découverte du tombeau vide, tel que le texte de Luc le relate ? Les femmes, tout d’abord, le découvrent. Elles sont perplexes, puis saisies d’effroi. Exhortées par les anges qui apparaissent, elles se souviennent alors des paroles du Christ : « il faut que le Fils de l’Homme se relève de la mort le troisième jour ». Elles se souviennent de ces paroles et elles sont rassurées.
Alors elles vont voir les apôtres.
Les Onze qu’elles rencontrent pensent qu’elles radotent. Ils sont incrédules. Peut-être même moqueurs. Pierre se rend à son tour au tombeau et le découvre vide : il en revient étonné.
En quelques lignes, les sentiments humains fondamentaux sont ainsi égrenés.
Devant l’inconnu, la perplexité.
Devant l’effroi, le souvenir, le recours à la parole, l'amour.
Devant l’irrationnel, la moquerie.
Devant l’incompréhensible, l’étonnement.
Ce récit, indépendamment de ce qu’il conte, ordonne les instants de la vie intérieure, en en fixant les seuils et les passages de l’un à l’autre. C’est pour cela qu’il est un acte de raison. En son centre, un grand absent, celui qui, métonymiquement, n’a laissé que des « linges » et qui, à partir de ce jour, parce qu’il devient vraiment un mystère, domine la scène en devenant le grand présent.
Fra Angelico, La Résurrection du Christ
(couvent de San Marco, Florence.)
11:08 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pâque, resurrection, christ, fra angleico, christianisme, évangile, luc, littérature |
lundi, 25 avril 2011
El Azariyeh
Lazare s’est-il longtemps demandé ce que signifierait pour de bon sa mise au tombeau ? Métaphore extrême de chacun d’entre nous condamné à vieillir, à laisser là chaque jour un peu plus de soi, bouts d’ongles, cheveux gris, morceaux de sa peau, et ceux qui l’aiment éloignés de lui, chaque souvenir, et ceux qu’il aime, impuissants à le sauver, ferveur en allée. Ailleurs, et comme partout autour sur la planète, la Résurrection est devenue un commerce qui fait vivre en toutes langues et parler tant de monde.
Mais là, en cette terre aride, elle reste malgré la division seul signe tangible, «Béthanie sera toujours Béthanie, murmura un jour Maria Valtorta, tant que la Haine ne fouillera pas en ce foyer d'amour, croyant en disperser les flammes, et au contraire elle les répandra sur le monde pour l'allumer tout entier. » Le sépulcre de Lazare dans la contrée d’El Azariyeh : C’est le nom que les musulmans ont donné au lieu. D’autres orthographes existent bien, El Aziriyeh, el-Azariyah, dont l’étymon premier, comme la vieille église a survécu : El Azariyeh, c’est bien Lazarion, le village de Lazare. « De personne d’autre, je n’ai accepté autant, que de mes amis de Béthanie » aurait dit le Christ.
Ce lieu ne garde en moi qu’une table, dont le sable blanc a recouvert la pierre. Table devenue page, page devenue sage, message auquel je me suis confié et qu’un doigt découvre à chaque fois que se dérobe le sol. Devant cette poussière qui rendit aussi vain qu’éclatant tout autre savoir, les docteurs de la foi comme ceux de la non-foi demeurent inopérants. Le silence est d’or. Et nulle part la Résurrection ne vibre d’une présence aussi compacte, que rejoint le pèlerin astral, défait de la Douleur d'exister.
11:18 Publié dans Des poèmes, Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : el azariyeh, béthanie, pâques, résurrection, lazare, christianisme, religion |