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dimanche, 03 avril 2016

Résurrection 3

La célébration des mystères de Pâques – au premier chef celui de la Résurrection – se clôt aujourd’hui  (Pâques closes), avec ce dimanche in Albis (en aube blanche) durant lequel les néophytes (baptisés de Pâques) déposent leurs vêtements blancs. C’est le dimanche de Quasi modo (même façon), d’après les premiers mots de l’introït de la messe du jour dans le rite extraordinaire (en latin), prononcé par Pierre juste avant son commentaire sur cette fameuse pierre angulaire qu’est devenu le Christ depuis sa Résurrection : « pierre d’angle & pierre vivante » de l’Eglise à bâtir pour ceux qui ont vu, cru, senti, touché du doigt le fait  que le Christ est bien le Verbe fait chair, rédempteur et vainqueur de la mort, « pierre d’achoppement » pour contre laquelle viendra trébucher l'esprit de tous ceux qui ne croient pas : « Quasi modo géniti infántes, allelúia : rationabiles, sine dolo lac concupíscite, allelúia, allelúia allelúia » (Comme des enfants nouveau-nés, alléluia ; désirez ardemment le lait spirituel, alléluia, alléluia, alléluia.- Premier épître de Pierre,2-2).

Durant ce dimanche on célèbre la Résurrection du Christ à travers la lecture de saint Jean célébrant l’apparition du Ressuscité à la troupe des onze apôtres, et principalement à Thomas l’incrédule (20, 19-31), scène pérennisée par Le Caravage dans la fameuse toile conservée à Potsdam. D'incrédule, il devint fidèle, reconnaissant Dominus meus et Deus meus « Thomas a entendu Madeleine, et il a dédaigné son témoignage ; il a entendu Pierre, et il a décliné son autorité ; il a entendu ses autres frères et les disciples d’Emmaüs, et rien de tout cela ne l’a dépris de sa raison personnelle. La parole d’autrui qui, lorsqu’elle est grave et désintéressée, produit la certitude dans un esprit sensé, n’a plus cette efficacité chez beaucoup de gens, dès qu’elle a pour objet d’attester le surnaturel. C’est là une profonde plaie de notre nature lésée par le péché. », écrira à ce sujet dom Guéranger dans son Année Liturgique. Mais l'accès au surnaturel, surtout dans une société aussi absurdement rationnelle que la nôtre, peut-il prendre la forme d'un acte collectif ?  Oui, rappellera-t-on, si l'on considère ce que devrait-être une messe idéale. Non, dira-t-on, si l'on considère que la spécificité de cet accès à rebours des sens trompeurs, son individualité propre détermine les contours et la teneur de la foi de chacun. En ce sens, et c'est là pure merveille, le christianisme, fondé sur la seule Résurrection du Christ, n'est pas une religion de groupe ou de masse, mais de communauté.

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Ce dimanche est aussi Fête de la Miséricorde depuis la canonisation de sœur Faustine par Jean Paul II, laquelle rapporte dans son Petit Journal l’apparition du Christ lui disant [698] ces paroles : « Ma fille, parle au monde entier de Mon inconcevable miséricorde. Je désire que la Sainte Miséricorde soit le recours et le refuge pour toutes les âmes, et surtout pour les pauvres pécheurs. En ce jour les écluses de Ma miséricorde sont ouvertes. Je déverse tout un océan de grâces sur les âmes, qui s’approcheront de la source de Ma miséricorde. Toute âme qui s’approchera de la confession et de la Sainte Communion recevra le pardon complet de ses fautes et la remise de leur punition. En ce jour sont ouvertes toutes les sources divines par lesquelles s’écoule la grâce. Qu’aucune âme n’ait peur de s’approcher de Moi, même si ses péchés sont comme l ‘écarlate. Ma miséricorde est si grande que, pendant toute l’éternité, aucun esprit, ni humain ni angélique ne saurait approfondir tout ce qui est sorti des profondeurs de Ma miséricorde. Chaque âme en relation avec Moi, méditera Mon amour et Ma miséricorde durant toute l’éternité. La fête de la Miséricorde est issue de mes entrailles.  Je désire qu’elle soit fêtée solennellement le premier dimanche après Pâques. Le genre humain ne trouvera pas la paix tant qu’il ne se tournera pas vers la source de Ma Miséricorde. »

Faustine évoque ailleurs ces âmes indifférentes et froides « dont la froideur cadavérique emplit de répulsion et blessent le plus douloureusement » le Christ. C’est, affirme-t-elle, à cause d’elles qu’il pria : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de Moi ! ». Leur « ultime planche de salut » est de recourir à sa Miséricorde » car elles ne pourront retrouver « la flamme de la vie », dit Faustine, que dans « le brasier même de son amour » (1)

Dans son homélie du 30 avril 2000 instituant cette fête, Jean Paul II avait insisté sur la nécessité particulière de miséricorde à l'égard de la génération de Faustine : « La Divine Providence a voulu que la vie de cette humble fille de la Pologne soit totalement liée à l'histoire du vingtième siècle, le siècle que nous venons de quitter. C'est, en effet, entre la Première et la Seconde Guerre mondiale que le Christ lui a confié son message de miséricorde. Ceux qui se souviennent, qui furent témoins et qui prirent part aux événements de ces années et des atroces souffrances qui en découlèrent pour des millions d'hommes, savent bien combien le message de la miséricorde était nécessaire (…) Comme les Apôtres autrefois, il est toutefois nécessaire que l'humanité d'aujourd'hui accueille elle aussi dans le cénacle de l'histoire le Christ ressuscité, qui montre les blessures de sa crucifixion et répète : Paix à vous ! Il faut que l'humanité se laisse atteindre et imprégner par l'Esprit que le Christ ressuscité lui donne. C'est l'Esprit qui guérit les blessures du cœur, abat les barrières qui nous éloignent de Dieu et qui nous divisent entre nous, restitue la joie de l'amour du Père et celle de l'unité fraternelle. »

Ainsi instituée, cette Fête paraît commandée par la dureté, le caractère criminel et inhumain du monde moderne. Sa juxtaposition avec l'antique dimanche in albis contredit-elle le cycle éternel de la liturgie ou y inscrit-elle de manière justifiée les prières du monde contemporain ?  Quelle place la liturgie sacrée peut-elle réserver à l'histoire des hommes, sans risquer la corruption ? Le salut est-il le même pour tous les hommes, quels que soient les caractéristiques et les signes de chaque temps, ou est-il aussi déterminé par les vicissitudes de l'Histoire ? Le débat traverse les théologiens depuis plusieurs décennies, dans une Eglise où cohabitent depuis Benoit XVI la forme ordinaire ( depuis Vatican II en langue vernaculaire, le prêtre face au peuple) et la forme extraordinaire (en latin, dos tourné au peuple) du rite romain ? Ce dimanche aux multiples accents, qui célèbre cependant le même mystère, en est une vivante incarnation.

 

(1) Cf le Neuvième Jour du Chapelet à la Miséricorde Divine de sœur Faustine

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