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mardi, 15 septembre 2015

Stabat Mater

Il faudrait pouvoir en finir une bonne fois pour toute avec ce culte indécent de l’amour maternel dans les sociétés modernes, car les hommes n’ont pas besoin, en pure théologie, de demeurer captif en ce lien (celui d’Eve), dont seul l’amour du Christ, justement, peut les délivrer.

Cette habitude a pu prendre naissance dans une lecture profane du stabat Mater, « juxta crucem lacrimosa », qui date du XIIIème siècle franciscain. Il s'agirait alors d'une de ces idées chrétiennes devenues folles. Une lecture au premier degré, qui transforme Marie au pied de Croix en une mère humaine, absolument humaine, indépassable dans la douleur, parce qu’elle assisterait au calvaire et au meurtre de son fils innocent. Alors qu'en réalité, sachant qu’on tue le Fils de Dieu, l’âme [et non le cœur] transpercée, elle participe pleinement au sacrifice du Fils de l’Homme et au travail de Rédemption qui s’engage : c’est d'abord une croyante qui pleure, la première de toute, non une simple mère ; ce n’est donc pas l’amour maternel qui est sanctifié, mais c’est l'espérance et la foi. Réduire Marie à sa maternité, c’est réduire son fils à son humanité, alors qu’Il n’est pas – et Marie est bien placée pour le savoir – seulement son fils, mais avant tout le Fils de Dieu. Pour résumer, soit le Stabat Mater qu'on entendit retentir tout à l'heure dans les églises à l'occasion de la fête de Notre Dame des Sept douleurs est un poème larmoyant, soit il est un véritable acte de foi.

Tout le défi du christianisme réside là : croyons-nous, comme sa mère, que le Christ est fils de Dieu [engendré non pas créé] ou comme ces passants, qui le raillent, avons-nous besoin de preuve [« Si tu es Fils de Dieu, descends de ta croix », Mat 27/39] ? En ce sens, Marie est comblée, certes de douleur, mais surtout de grâce, « dolentem cum filio ».

 

Bref, si ce texte n’exaltait que l’amour maternel (un amour humain, et donc un amour pécheur), le Christ ne serait que le Fils de l’homme et Marie ne serait que sa mère. C’est pourquoi l’exaltation de l’amour maternel dans les sociétés modernes cache quelque chose d’impie et d’incompatible avec la foi chrétienne telle qu'elle se donne à ressentir. D’ailleurs,  le texte cesse de parler de la mère à la fin, mais évoque la « Vierge puissante » capable, au Jour du Jugement, de défendre le croyant, quand il s’agira d’obtenir du Christ la palme des victorieux. Élévation. Voila pourquoi il aurait mieux valu que Jacopone da Todi titrât non pas Stabat Mater, mais Stabat Virgo. La lecture trop moderne de son œuvre ne pourrait aussi aisément estomper l'amour de Dieu - l'amour pour Dieu ainsi que le sacrifice qu'il accomplit dans un rapport inversé avec les hommes- Le sacré ne s'y effacerait pas au profit du simple sublime, et l'on n'y céderait pas à la marche fanatique du monde dans une exaltation non pas du Créateur mais, une fois de plus, de la seule créature, quand le mystère célèbre le lien entre les deux...


 

Commentaires

Solko non seulement votre billet est beau et juste, mais il est aussi, je ne sais pas comment dire...transfigurant, car il transfigure la et les douleurs. L'amour de Dieu "porte au-dessus".

Écrit par : Sophie | mercredi, 16 septembre 2015

Je m'interroge sur cette phrase provocante :"le culte indécent de l'amour maternel". Il existe des choses plus indécentes que celle-là.

Écrit par : Julie | vendredi, 25 septembre 2015

Non non,ce n'est pas provocant. Le culte de la "maman" a pris une place littéralement indécente dans la société actuelle, qui est en train d'en crever, oui. Or c'est une forme d’idolâtrie, au sens le plus théologique du terme. Et la place accordée à Marie en tant que mère plutôt que servante de Dieu me semble tout à fait édifiante à ce sujet.

Écrit par : Solko | vendredi, 25 septembre 2015

Je suis de votre avis en ce qui concerne le mot "maman" bêtifiant quant il est utilisé au lieu de "mère" pour tout et n'importe quoi.

Je suis mère, et j'ai souffert, pour moi, Marie symbolise les mères souffrantes, mais je ne suis pas croyante, je ne vois pas aussi "haut" que vous.

Écrit par : Julie | mardi, 29 septembre 2015

Julie, ce n'est pas moi qui vole "haut", c'est de la simple théologie : Marie est la première qui, dès l'Annonciation, a dû croire que le Christ qu'elle allait mettre au monde était fils de Dieu. Au pied de la croix, c'est encore cela qu'elle incarne : la foi. D'où la vénération qui lui est due en tant que première des croyantes. La mère souffrante vient en second. C'est une invention d'artistes...

Écrit par : solko | mardi, 29 septembre 2015

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