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samedi, 29 août 2015

De bonne et de mauvaise foi

La rentrée est toujours l'occasion de médiatiser des faux-débats. Le ministre Macron devait-il assister à l'université d'été du MEDEF ? Marion Maréchal Le Pen à celle, catholique, de Sainte-Baume ? Lesquels, de ceux qui restent à Europe Ecologie les Verts ( Cosse, Pompili...) ou ceux qui quittent le mouvement ( De Rugy, Placé) pour rejoindre le gouvernement après les Régionales sont-ils les plus opportunistes ? Une démocratie d'opinions a besoin de ce brouhaha inutile pour se sentir exister elle-même et ce que Shannon appelait le bruit est finalement nécessaire à sa survie apparente. 

Les vrais débats, eux, persistent en toile de fond. Comment accueillir les migrants qui fuient l'Afrique et le Moyen Orient [et derrière ce terme migrants se cachent de multiples réalités]  ?  quelle place peut occuper l'Islam dans la société française à l'heure du jihadisme le plus violent revendiqué par ailleurs par ce même Islam ? la construction européenne [ou ce qu'on nomme ainsi dans une sorte d'antiphrase assez ragoutante] sera-t-elle fiable encore longtemps ? sans rite commun, comment endiguer la violence inexorable qui s'empare des gens lorsqu'ils n'ont plus grand chose à vivre ensemble, sinon le fait de consommer [ c'est à dire détruire par l'usage ] des spectacles, des objets, des nourritures et des idéologies que tout oppose ?

Le pape Pie XII avait en son temps remarquablement anticipé le problème posé par l'Islam : « Réveillé, fanatisé par le différend israélo-arabe, disait-il, disposant de moyens matériels considérables, de la puissance du Coran, d'une démographie galopante, l'Islamisme reprendra son expansion. L'Occident, pour préserver l'essentiel de ses valeurs ainsi que son identité, sera soumis à rude épreuve. »

Kadhafi, lui-même, en 2006, ne disait rien d’autre [video ICI] : «Tout le monde doit devenir musulman. (...) Il y a 50 millions de Musulmans en Europe. Il y a des signes qu'Allah va faire triompher l'Islam en Europe — sans sabres ni armes ni conquête militaire. Les 50 millions de musulmans vont transformer l'Europe en un continent musulman en quelques décennies. (...) Allah mobilise la nation musulmane de Turquie. Ce qui ajoutera 50 autres millions de musulmans en Europe. C'est fâcheux pour l'Europe, comme ça l'est pour les Etats-Unis. Car ils vont devoir accepter de devenir Islamiques et suivre le cours de l'histoire ou déclarer la guerre aux Musulmans. » 

Pour ma part, je lis dans le Coran (sourate 61, dite du Rang) « Souviens-toi que Jésus, le fils de Marie, disait : je viens vous annoncer la venue après moi d’un Prophète du nom d’Ahmad »  [C'est-à-dire Muhammad, le loué]. Le Christ annonçant Mahomet, je dois dire que la ficelle et grosse... Surtout si on se souvient de Matthieu (24/5-11), un tant soit peu plus fiable pour citer les paroles du Christ qu’un rédacteur intervenant sept siècles plus tard :  « Beaucoup viendront sous mon nom, disant je suis le Christ (…) Et il s’élèvera plusieurs faux prophètes qui en induiront un grand nombre en erreur ». En toute bonne logique, le Christ annoncerait donc plutôt un faux-prophète en la personne de Muhammad, que le Prophète avec un p majuscule que d'aucuns voudraient nous vendre.

 Pie XII parla avec une même clairvoyance du déclin de la France, laquelle, après  « une période de dix années de prospérité et de prestige (...) retournera, dit-il, à ses jeux politiques favoris, à ses obsessions destructrices. Une succession de gouvernements faibles, laxistes, démagogues,[ pour le coup on y est ! ] laisseront se désagréger le sentiment national et les valeurs élémentaires. Une réaction brutale des forces vives et populaires du pays mettra fin à cette déliquescence voulue par certains, tolérée par d'autres.» 

A propos de l'Église et des conséquences de Vatican II, son regard est aussi juste : «L'Église vivra des temps difficiles, subissant les effets néfastes de l'ambiance décadente de cette fin d'époque, de l'aggiornamento qui s'annonce nécessaire, mais sera mal compris.  Le clergé s'appauvrira sur tous les plans et sera troublé. Profitant de ce climat malsain et de ses incertitudes, les sectes prospéreront. Mais cette grave involution mourra avec le siècle.»  Il est certain qu'on parle moins des Enfants de Jésus, Moon, Hare Krsna, Scientologues, Maharishi Yogi, Evangélistes et autres sectes que dans les années soixante-dix. A l'époque, ça pullulait. Mais ce qu'on pourrait appeler le modèle de spiritualité de toutes ces sectes tournées sur l'individu et son épanouissement, ce fameux développement personnel, a envahi la société entière, les mœurs, les discours et les aspirations de monsieur et madame Tout l'monde.

 

A bien y regarder,  la notion même de développement personnel qui s'est imposée à partir de ces sectes est tout sauf chrétienne, puisqu'elle relève du développement orgueilleux de soi et s'oppose à la spiritualité du sacrifice qui bâtit la Chrétienté. Avec l'essaimage du New Age, nous assistons bien à cet affaiblissement moral dont il est question plus loin dans le texte de Pie XII. Ce dernier, s'il n'est pas optimiste, reste cependant empli d'espérance, et c'est d'ailleurs là un bel exemple de ce qui sépare le simple optimisme béat et niais de la mauvaise foi et l'espérance bien placée de la bonne  : «Le XXIème siècle, malgré la présence du premier Antéchrist, malgré l'affaiblissement de l'Occident, tant matériellement que moralement verra se produire une véritable résurrection de la foi et de l'Église rénovée. Le matérialisme le cédera au spirituel. Les valeurs morales, tant dénigrées, retrouveront leur place première. L'humanité reprendra alors sa marche bien longue et malaisée vers la lumière.»

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Pie XII

samedi, 22 décembre 2012

Fins du monde et faux-prophètes

Le 21 décembre fut donc, comme on s’en doutait, à la fois une blague, un produit marketing, un contre-sens, une aberration, tout ce qu'on voudra, mais également un épisode banal de notre vie ordinaire. Car il est commun, depuis notamment le passage au XXIème siècle, la fièvre du 11 septembre américain, la prise de conscience du réchauffement climatique par tout un chacun, la médiatisation incessante des catastrophes naturelles, d’affirmer que nous vivrions en des temps apocalyptiques. Si tel est le cas, on me permettra ici d’observer que l’une des caractéristiques les plus notoires de ce temps, tel qu’il est annoncé dans la Bible, est qu’il est celui où fleurissent les faux-prophètes. Considéré sous cet angle (celui de l'existence des faux prophètes), qu’ils soient contrefaçons de Jésus Christ, de Krishna, de Kabir, de Bouddha, de Lao Tseu ou de toutes autres figures, religieuse, historique, voire politique, nos jours, nos mois, nos ans s'appesantiraient bien, vu le pullulement de faux-prophètes et de copies de faux-prophètes, en temps d’Apocalypse (1)

Au centre du dispositif des faux-prophètes, on trouve toujours la même revendication rhétorique : celle d’une expérience personnelle de Dieu, expérience qui s’affirme à la fois d’une grande simplicité dans sa forme mais d’une extrême complexité dans sa réalisation. Dans le discours des faux-prophètes, Dieu se niche, se love et s’impose  à la fois telle une évidence qu’on tutoie tous les jours, presque un pote, et une promesse toujours différée dans le temps, liée à un effort à faire, une pratique à conduire, un engagement à tenir, un horizon jamais atteint.

Tous les faux-prophètes ont ainsi en commun de laisser penser que non seulement la réalisation de cette expérience personnelle, mais aussi que toute réussite individuelle, qu’elle soit d’ordre affective, sociale, morale, dépend soit d’eux-mêmes, soit d’une implication dans un service financier ou une participation politique pour l’organisation qu’ils incarnent avec plus ou moins de bonheur. Bref : c’est l’équilibre même de toute la psyché d’une personne qui se retrouve enchaîné aux conditions même d’un discours visant à l’enfermer dans une constante réévaluation de l’effort –matériel, financier ou spirituel – qu’il doit engager pour encore progresser.

Depuis l’effondrement de l’Ancien régime, le politique qui a besoin de convaincre pour gouverner a aussi à sa manière produit pas mal de discours reposant sur ce même dispositif : qu’est-ce que le Grand Soi promis par l'évangélisme social et ses multiples opportunistes, sinon cette expérience personnelle sans cesse désirée/différée (et plus désirée même dès lors qu’elle est à jamais différée), projetée au mieux sur du collectif, au pire sur du tribal  ?

L’implication qu’on demande au militant n’est dès lors pas loin de ressembler à celle qu’on exige du sectateur : lui aussi, d’une certaine façon, aliène une part de la vision qu’il a de lui-même à la bonne santé de son parti. Le militant, comme le sectateur, se contente de peu quant à la réalisation par le parti des objectifs initiaux, et possède, pour justififier le parti, la même mauvaise foi que le sectateur face à son église. On sait cela depuis longtemps, pourtant la machin bien huilée tourne et retourne, et les mêmes scénarii s'écrivent.

L’expérience a montré qu’il est aussi difficile de quitter une secte qu’un parti – même si les implications ne touchent pas les mêmes idéaux. Comme le démontre le Rousseau des Rêveries, en indélicatesse avec le fanatisme de la franc-maçonnerie de son temps, il n’y a décidément que l’homme seul qui soit bon. Non qu’il ne soit pas lui aussi endoctriné, car il semble que nous ne puissions nous passer de doctrines, mais pour la raison du moins que même s’il se trompe, il ne trompe que lui-même (2).

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Tobormory, dessin publicitaire de Floc'h pour une exposition féline (une case du Rendez-vous de Sevenoaks)  

(1) Les évangélistes américains sont un exemple parmi tant d’autres. Comme il y existe un top cent d’à peu près tout et n’importe quoi, il existe un top cent des faux prophètes prospérant en leur rang : La première place  est occupée par Joel Osteen, pasteur officiel de Lakewood Church au Texas, qui n’est que le premier d’une longue liste de prédicateurs aux dents aussi blanches que longues. La mega église de Osteen se targue d’une fréquentation hebdomadaire de 43 5000. Ses prêches sont diffusés intégralement par CNBC.  

(2) Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire. Dans la troisième promenade, Rousseau affirme « car je craignais de me tromper sur toute chose », et c’est peut-être dans cette inadaptation permanente à l’adhésion au dogme que réside la beauté de sa pensée.