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jeudi, 08 juillet 2010

Un mort

Quand un homme n’a que sa vie, il n’est rien de plus odieux que de la lui prendre. L’enquête, d’elle-même, se fera. Et bientôt nous en saurons plus sur la disparition de ce SDF à peine quadragénaire, ainsi que sur celle de ses chiens, dont il se murmure qu’eux furent éventrés, mais encore une fois, tout n’étant pas encore très clair, nous ne pouvons pour l’instant rien dire de plus sur cette fort triste affaire qui, malgré l'été, est venue troubler la place de la Croix-Rousse à Lyon.

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17:35 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : croix-rousse, lyon, sans-abri, rue pailleron, meurtre | | |

mercredi, 25 mars 2009

La Galoche

La Galoche : Telle est le nom qu'on donna autrefois à une ligne de chemin de fer reliant la Croix-Rousse à Sathonay. On la surnommait ainsi en raison des nombreuses secousses dont elle gratifiait ses voitures durant le trajet. Elle avait été ouverte à la circulation le 30 juillet 1863, et, prolongée jusqu'à Trévoux le 1er juin 1882. C'est la Cie P.L.M (chemin de fer de Paris Lyon Méditerranée) qui en assura l'exploitation à partir de 1897. Deux liaisons, l'une pour les marchandises, l'autre pour les voyageurs étaient assurées. La Galoche fut très populaire à la Croix-Rousse. On la prenait le dimanche matin, pour aller à la pêche, et pour la promenade familiale qui, passant par Caluire, Cuire et Montessuy, se poursuivait par Sathonay, puis gravissait les collines surplombant la Saône, desservait Fontaines, Rochetaillé, Fleurieu, Neuville, Genay, Massieux, Parcieux et après un voyage de 35 kilomètres, s'achevait à Trévoux.

A l'origine, la gare se trouvait à côté du terminus du funiculaire de la rue Terme (actuel tunnel routier), afin de faciliter la correspondance des voyageurs. Du coup, c'est les locomotives qui devaient traverser le boulevard, à très faible vitesse, et précédée d'un agent. Un train de la Galoche pouvait ainsi rester un bon quart d'heure au travers du boulevard, et cela plusieurs fois par jour. « On avait le temps, explique Pétrus Sambardier, d'aller faire une partie de boules avant que la circulation soit libre. » (1)

Une telle contrainte d'exploitation fut jugée trop pesante par le P.L.M., et le 19 mai 1914, le terminus de Lyon Croix-Rousse fut déplacé au nord du boulevard, à l'angle de la place des Tapis et de la rue de la Terrasse, où se trouvaient initialement la gare marchandises et le dépôt. Ces deux dernières installations furent quant elle reportées simultanément au-delà de la rue Hénon. Les voyageurs traverseraient désormais à pieds :  Le « Café des Voyageurs », sur le boulevard, demeure le seul souvenir de ce temps-là.

Le 16 mai 1953, en effet, la Galoche devait transporter ses derniers voyageurs. Et quelques années plus tard, la gare fut démolie. Voici un extrait du Progrès, daté du 27 août 1957 :

« Curieuse désolation apocalyptique à la gare de la Croix-Rousse. Les toitures ne conservent qu'une vague charpente, le verre pilé crisse sous les pas, les murs se dégradent, les pieds se prennent dans des planches fendues cachant des clous traîtres... Plus de rails, un seul camion chargé de gravas. La gare de la Croix-Rousse est livrée à la casse. Tandis que tout s'écroule le long de la rue de Villeneuve, la SNCF fait élever pour cinquante ménages de ses employés un premier H.L.M. D'autres s'érigeront, comme lui le long de cette rue également pour le personnel de la SNCF. Face à la place des Tapis et le long de la rue de Cuire, va se construire un immeuble de quatorze étages pour soixante-dix foyers, avec au rez-de-chaussée des bureaux pour les PTT. Partant de la place des Tapis, un grand boulevard (2) longeant puis coupant les vieilles voies, prendra les Croix-Roussiens en partance pour le week-end et les lancera en direction de Trévoux. Les espaces libres de toute construction seront voués "au vert". Parcs et squares fleuris viendront concurrencer les ombrages du boulevard de la Croix-Rousse. Adieu, tortillard croix-roussien. »

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(1) Pétrus sambardier, "La vie à Lyon"
(2) Le boulevard des canuts.

mercredi, 24 décembre 2008

Intérieurs canuts

Voici Noël, un de plus. Un père Noël qui vous invite une fois de plus à bouffer du Lyon, grâce à ces deux gravures représentant des intérieurs de tisseurs. Ambiance.

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L’atelier est aussi un lieu d’habitation. Le métier à tisser tient le volume le plus important. La suspente est sous le plafond. Le poële, au centre de la pièce. On reconnait l'ancien carrelage, fort typique. Chats, souris, canaris cohabitent avec la famille. Une tradition locale veut que la vitalité de l’oiseau garantisse celle des humains. Image de prospérité, cinq personnes sont au travail et les enfants jouent. Deux femmes préparent les canettes, sur des mécaniques différentes. La tisseuse tire sur le cordon pour lancer la navette d’un métier d’unis. Le tisseur, lui, procède à quelques réparations sur sa pièce. Il est probable que cet atelier se trouve sous un toit de Saint-Georges, avant que les canuts n’émigrent à la Croix-Rousse.  Mobilier, gravures au mur, buste, plantes, bénitier, buis : l’estampe, qui date du XIXème siècle, montre une famille de tisseurs laborieux et religieux, sous l’Ancien Régime, avec le souci de célébrer l’âge d’or d’une période de prospérité perdue. Elle provient du musée Gadagne dont on espère la réouverture durant l’année 2009

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Toujours issu du musée Gadagne (fonds Justin Godart), ce dessin de Gérardin, d’après nature. La crise industrielle s’est installée. Le métier à tisser occupe toujours le volume le plus important, mais les chats, souris, canaris semblent bien plus maigres. Ils ne sont plus que deux, et seul l’enfant qui joue garde un peu d'insouciance. Assis au tabouret, il la regarde, inquiet, qui fait bouillir le linge. Elle aussi est soucieuse. Le linge déjà étendu en arrière plan, on sent la récupération. Au sol, le carrelage s’est abîmé. Une mécanique surmonte désormais le métier à tisser ; un progrès ? Pas pour tout le monde : Sur la table ne trône qu’une unique bouteille, qu’on devine vide. Comme sur la gravure du haut, un balai est placé au premier plan. On reconnait ce même type de fenêtres, à petits carreaux de papiers gras. Il est certain que cet atelier est à la Croix-Rousse.  Et que ce couple est locataire, de l'unique pièce comme du métier. Qui ne possède que sa seule force de travail est un prolétaire : le monde moderne et rugissant est en route.

 

01:02 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : lyon, noël, croix-rousse, histoire, canuts, crise, travail | | |

vendredi, 09 novembre 2007

Le novembre des canuts : Premiers coups de feu

Le 16 novembre, le représentant des chefs d'atelier Charnier écrit au préfet Bouvier Dumolard, afin de lui signaler quelques fautes d'impression sur les affiches du Tarif, toutes effectuées d'ailleurs au détriment des fabricants, et qui étaient sources de contestation entre ceux-ci et les chefs d'atelier.

Charnier croit-il encore au pouvoir ou à la parole du préfet ? Difficile à évaluer. Depuis l'hiver 1825, Pierre Charnier réfléchit aux "abus" dont souffre la Fabrique, et tout particulièrement ceux dont les chefs d'atelier en premier lieu, les compagnons en second, sont victimes. C'est lui qui est à l'origine de la première Association de Surveillance et Indication Mutuelle entre les membres de la corporation, ancêtre du Devoir Mutuel :

« Dans l'association, nous pourrons puiser toutes les connaissances de mécaniques et de droit industriel, toutes les consolations à nos maux. Nous apprendrons que l'homme pauvre n'est pas un pauvre homme, que cette dernière dénomination n'appartient qu'à l'homme dépourvu de probité. Axiome puissant pour nous procurer à résignation nécessaire à notre sort. Quand nous serons tous pénétrés de notre dignité d'hommes, les autres habitants de la cité dont, sans nous en douter, nous faisons depuis longtemps la gloire et la richesse, cesseront d'employer la mot canut dans un sens railleur ou injurieux. » Ainsi parlait Charnier. 

Le préfet lui répond le 18 novembre que « les erreurs qui peuvent exister doivent être rectifiées d'un commun accord entre fabricants et ouvriers. On doit en agir à cet égard comme on l'a fait pour le tarif et l'autorité ne peut intervenir que pour interposer sa médiation, si elle est nécessaire. » Le 19 novembre, écrit Bouvier du Mollard dans ses Mémoires, « les 104 fabricants signataires du Mémoire adressé au ministère, encouragés par la connaissance qui leur fut imprudemment donnée de l'improbation du Tarif par le gouvernement de Casimir Périer, s'entendirent pour refuser tout travail aux ouvriers. »

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 Les ouvriers, quant à eux, quelles que soient par ailleurs leurs sympathies ou tendances politiques, refusent de travailler à un prix plus bas. La situation est inextricablement bloquée. Le même jour, à une séance du Conseil des Prudhommes, on lit une lettre de Bouvier Dumolard qui déclare que le tarif est seulement un engagement d'honneur et qu'il n'est nullement légalement obligatoire. Manière prudente de répercuter la position de l'autorité parisienne sans désavouer la sienne propre.

Dès lors, le Conseil cesse de condamner la non-observation des conventions du tarif. Les délégués des chefs d'atelier au Conseil des Prudhommes ne purent évidemment considérer cela que comme un évident "déni de justice" Selon Charnier, « cela a beaucoup contribué aux malheurs dont notre cité a été le théâtre ». De part et d'autre, l'irritation devient extrême face au camp opposé. Les représentants des compagnons reprennent leurs visites de chaque atelier, afin de vérifier qu'aucun métier ne fonctionne et que la solidarité s'organise. On dit même qu'ils ont commencé, depuis quelques jours, à collecter des fusils auprès des maîtres, et que parmi ces derniers, très peu leur en refusent.

Le lendemain, 17 novembre 1831, on affiche dans la rue Tolozan, à la Grande Côte et à la Croix-Rousse  des placards manuscrits donnant rendez-vous à tous les ouvriers « pour dimanche et lundi prochain », c'est à dire pour les 20 et 21 novembre.  Les avis du commissaire central Prat sont, à ce sujet, très alarmants :

« Tous les rapports que j'ai reçus aujourd'hui, soit de mes amis, soit de mes agents, soit de messieurs les commissaires de police, m'annoncent que lundi (21 novembre) les ouvriers en soie veulent se faire justice des fabricants qui ne veulent pas leur donner de l'ouvrage ou qui refusent de payer le tarif. Les uns disent qu'ils doivent se réunir au Grand Camp, les autres qu'ils descendront de leurs quartiers pour se porter en masse aux Capucins. »

De fait, ceux qu'on appelle les canuts avaient eu le temps de bien s’organiser. Quelques centaines de chefs d'atelier étaient déjà goupés dans le Mutuellisme, et presque tous dans le Mutuellisme élargi. Et leur exemple avait été suivi par les compagnons. Outre ces organisations économiques, une partie était regroupé en une association plus politique : Les Volontaires du Rhône. Beaucoup de chefs d'atelier faisaient aussi partie de la Garde Nationale. Un certain nombre possédaient des fusils. Pris en masse, ils n'avaient certes pas un sentiment d'agression; ils voulaient tout simplement cesser de travailler jusqu'à ce que les fabricants, fatigués de voir leurs commissions en retard, auraient enfin consenti à les rétribuer au prix du tarif. Mais la morgue de ces fabricants, l'inconséquence de l'autorité politique avaient heurté les esprits et froissé les sensibilités. C'était suffisant pour regrouper tous ceux qui, autour du métier à tisser et sur les mêmes paliers, dans les mêmes immeubles, les mêmes rues, le même quartier, avaient le sentiment de partager le même sort injuste.

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08:10 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : politique, croix-rousse, canuts, société, culture, lyon, révolte | | |