dimanche, 07 décembre 2014
Tuer le pays
Week end héroïque, de travail et de concentration, au milieu du bordel ambiant. Derniers travaux de relecture des romans qui sortiront en janvier, dernières retouches ponctuelles. Chasse à l’accent, à l’espace manquante ou de trop, au terme qui ne serait pas le plus propre, à la préposition qui ne serait pas la plus juste.
Suis sorti pour acheter un dessert chez un Arabe, spectacle étonnant dehors : au milieu des merguez, des touristes munis de plans à la recherche de telle ou telle attraction… pas d’un monument, d’une statue, d’une plaque commémorative, d’une adresse, non… De quelque chose qui n’existera plus dans deux jours, des rayons projetés sur un mur, sont venus du lointain, du bout du monde disent certains, pour voir ça, déroutant ! Quitteront la ville sans savoir qui est Nizier, Maurice Scève, Lemot, Mourguet… N’auront vu que du feu, comme dit le sage proverbe. Tant pis pour eux. Amoureux de leur temps, réduits à eux-mêmes. Méritent que ça.
Voilà ce qui vrombit derrière les doubles rideaux tirés, voilà. Spectacle cheap, en boucle. Low cost pour le moins. Bande son d'un quart d'heure en boucle durant 6 heures de suite jusqu'à une heure du matin, moche, cheap. Photos cheap également, ça mérite pas mieux, prises à la volée de ma fenêtre avant de tout barricader à nouveau.
Une musique bâclée, des va-et vient de projos dans le ciel, effet lanterne-magIque, dévorante Maya, devant laquelle se pâment des gens de tous âges, pigeons, chats, et chiens en fuite. Et les arbres ? que ressentent-ils de ces insanes trépidations sous l’ocelle de leur écorce, et jusque dans la terre souillée dont ils ne peuvent s'enfuir ? Me demande… Les arbres, infiniment plus sages que tous ces zombies émerveillés du vide. Honte d'être de cette race.
Un matin du 8 décembre, ma grand-mère a rendu son dernier soupir dans un hôpital aujourd’hui rasé, celui dans lequel j’étais né. Me souviens avoir pensé qu’elle était defuntée en vraie Lyonnaise, tant le 8 décembre et ses Illuminations – pas la merde pour laquelle la face de rat de maire se réjouit à l’Hôtel-de-ville d’attirer tant de monde – sont liés à l’âme lyonnaise. Elle est morte à l’aube et j’étais venu - la sachant condamnée depuis la veille – dès l’ouverture de l’hôpital après une nuit à marcher dans les rues du centre illuminées. On venait de porter son corps au dépôt – dans lequel j’ai travaillé quelques mois par la suite –. Ses pieds étaient si gonflés qu’on n’avait pu lui enfiler ses chaussures. Ma grand-mère est partie en pantoufles. Elle était couturière à domicile et les avait tant portées en cousant, sans doute était-ce dans l’ordre des choses.
J’étais loin alors d’imaginer que le 8 décembre allait mourir bientôt aussi, avec l’arrivée au pouvoir de ces technophiles incultes et fascisants, haineux de leur pays au point de le défigurer, le tuer après l’avoir précipité dans la crise, oui, rien de moins. Le tuer.
20:53 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : gerard collomb, socialisme, gauche, fête, illuminations, fête des lumières, lyon, 8décembre, hopital saint-joseph |

Commentaires
Un vrai blues, quoi ! Bé oui, une déprime certaine dans vos propos.
Dans le blog Jubilate Deo tout à l'heure, j'ai lu un court texte à propos des Béatitudes... vous devriez allez y voir.
Pour finir, merci pour la photo de votre grand-mère... visage-paysage. Beau pays que celui de votre grand-mère !
Écrit par : sauge | lundi, 08 décembre 2014
Mais c'est plus une protestation politique.
Le socialisme libertaire et son contrôle de la population par la fête rejoint en mauvais goût pompier l'esprit même de la fanfare militaire et n'est pas loin par la manière dont il s'impose à la population hébétée, des défilés hitlériens.
Tout cela au nom à la fois de Marie et de la lumière, et pour une économie en toc.
S'il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, ne nous trompons pas/ l'empire techno libéral et ses fêtes n'a rien de spirituel, c'est le moins qu'on puisse dire: il est même là pour tuer l'esprit, à preuve, le spectacle des rues...
Écrit par : solko | mardi, 09 décembre 2014
"Un homme d'esprit est perdu s'il ne joint pas à l'esprit l'énergie de caractère. Quand on a la lanterne de Diogène, il faut avoir son bâton" (Chamfort)...
Écrit par : Agaric | mardi, 09 décembre 2014
Ils ont mis trois mandats à y arriver, comme on dit à Lyon.
Mais ils y sont arrivés, les bons francmacs.
Ah, cette substitution !
Ils les ont bien bien baisés, à Fourvière ! Ah, ah, ah !
Cette réussite de l'abjection, sans oublier qu'elle est une expression parmi tant d'autres du "formatage" chronique des hommes, rappelle douloureusement la désertion des élites. Quand on ne tient plus les manettes ni de l'éducation nationale, ni de la justice, ni de l'information, ni de la culture, on entre dans le camp des vaincus.
Tête basse.
La planète s'est débarrassée de l'idée marxiste, laquelle n'est rien d'autre que la "revisitation" boutiquière des chimères des Lumières.
La France, ancrée dans sa gauloiserie, fête à grands cris et à grands traits lesdites Lumières.
Louons les maçons, mes frères.
Prenons notre petit air amusé et supérieur pour prêcher les bienfaits des ondes positives.
Et louons les maçons.
Écrit par : tamet de bayle | mardi, 09 décembre 2014
Écrit par : Michèle | mercredi, 10 décembre 2014
Écrit par : solko | mercredi, 10 décembre 2014
(Elle est belle).
Écrit par : Sophie | dimanche, 14 décembre 2014
Écrit par : solko | dimanche, 14 décembre 2014
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