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mardi, 17 février 2009

Pavese et Reverzy

Le métier de vivre : le titre appartient à César Pavese. C’est celui de son journal, qui court du 6 octobre 1935 au 18 août 1950. Dans la journée d’hier, je suis passé sans trop savoir pourquoi, sans crier gare, en silence, de Jean Reverzy à César Pavese. Les deux écrivains ne sont pas si loin l’un de l’autre, ni dans le temps, ni dans l’esprit, ni dans ma bibliothèque. Ils ont vécu à peu près le même nombre d’années, à peu près les mêmes années. Les sonorités de leurs noms se font écho, Pavese et Reverzy.  Leurs prénoms aussi ont du commun : César et Jean, le prénom d’un empereur et celui d’un apôtre, devenu celui de n’importe quel italien, de n’importe quel français. Du Mal du soir de Reverzy au Métier de Vivre de Pavese, il n’y a qu’un pas. Comment, après ce détour par Pavese, suis-je revenu à Reverzy ?  La journée d’hier passa. Quid de celle d’aujourd’hui ? D’un 17 février, l’autre :

 

Pavese (1908-1950):

Les jugements moraux de Madame Bovary ignorent tout principe sauf celui de l’artiste qui violente et imite tous les gestes humains. Certains se gargarisent du tableau que Madame Bovary donne de l’amour, y voyant une saine critique des vieilleries romantiques faite par une « robuste conscience », et ils ne voient pas que cette robuste conscience n’est pas autre chose que le fait de regarder nettement, d’étaler fougueusement les tristes mobiles humains. Comment peut-on vivre, selon Madame Bovary ? D’une seule manière : en étant un artiste calfeutré chez soi.  Garde-toi bien de prendre au sérieux les critiques de Flaubert envers la réalité : elles ne sont faites que d’après ce seul principe : tout est boue, sauf l’artiste consciencieux.

17 février 1938

 

Reverzy (1914-1959) :

Hier soir, j’étudiais l’attente. Chez moi, dans une parfaite solitude, assis dans un fauteuil, je guettais l’instant où les invités, dix personnes, arriveraient. J’aurais voulu percevoir l’instant où se briseraient net l’isolement et le silence ; et je prévoyais le changement non seulement de moi-même, mais surtout de ce que je pouvais percevoir du monde : les murs de la pièce, les meubles, la lumière. Je m’étais promis d’observer scrupuleusement, dès leur intrusion, ceux que j’attendais d’une seconde à l’autre ; et ce n’étais pas pour connaître cet instant même, celui de leur entrée, mais l’instant d’avant, celui où je vivais en ma solitude, face à face avec moi-même. Ils vinrent, le but de toute mon attente – les voir entrer, les saisir, percevoir le changement de moi-même, et par le contraste de ce changement mieux pénétrer mon état intérieur  - en une seconde fut oublié. Mon projet ne me revint à l’esprit que lorsqu’ils furent partis. Donc, je ne les avais pas vus entrer

17 février 1955

 

00:03 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, pavese, reverzy, le métier de vivre, le mal du soir | | |

Commentaires

" Une bonne raison de se suicider ne manque jamais à personne "
Auquel de ces deux auteurs appartient cette réflexion d'une cynique lucidité ?

Je suis certain que Solko sait...Il est hors concours.
Amitié

Écrit par : B.redonnet | mardi, 17 février 2009

A mon avis ce devrait être Pavese. D'abord parce qu'il a mis cette phrase en pratique et ensuite parce que cela semble bien dans le ton du "Métier de vivre".

Écrit par : Feuilly | mardi, 17 février 2009

Dernières phrases de Pavese dans le "Métier de vivre", le 18 Août 1950 : "Pas de paroles. Un geste. Je n'écrirai plus".
Cela fait froid dans le dos

Écrit par : solko | mardi, 17 février 2009

C'est un bel extrait et un beau titre... Et de bien glaçantes citations. Malgré tout il est rassurant presque de voir que ces questions se posent, qu'elles se sont déjà posées.

Écrit par : tanguy | mardi, 17 février 2009

Merci pour la découverte de deux écrivains qui sont de parfaits inconnus pour moi !

Écrit par : Zabou | mardi, 17 février 2009

J'aime particulièrement le passage de Reverzy.
Beaucoup d'intériorité. Encore un Lyonnais que je n'avais pas lu.

Pavese était l'auteur préféré de mon prof d'italien. J'en gardais le souvenir de textes moins sombres.

Écrit par : Rosa | mercredi, 18 février 2009

Les commentaires sont fermés.