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vendredi, 14 novembre 2008

La colline s'écroule

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La date du 13 novembre 1930 reste gravée dramatiquement dans la mémoire de Lyon :

« Les générations se sont acharnées à reconstruire, écrit Tancrède de Visan  dans Sous le Signe du Lion, en 1935 [1]. On dirait qu’elles sont lasses, qu’elles comprennent que rien ne tient plus sur ce sol où l’humus manque. Les pas résonnent sur des caveaux, s’engluent dans la glaise des morts. Périodiquement, une affreuse catastrophe se produit. Tout est miné ici ». Plus loin, un autre personnage du même roman : « Mais cette colline est définitivement minée, comme un riche organisme dont la vitalité s’est consumée trop vite en excès de générosité. Je ne voudrais pas être enseveli sous les décombres, car c’est une question de jours »

Cinq ans auparavant, le 13 novembre 1930, vers une heure du matin, un pan entier de la colline de Fourvière s’était affaissé par deux fois, entraînant les maisons et  broyant tout sur son passage. Cette catastrophe a laissé une trace à la fois dans la physionomie de la colline et dans la mémoire de beaucoup de Lyonnais. Il y eut une quarantaine de victimes, dont dix-neuf pompiers. Dans son livre Carrefour des Hasards, Gabriel Chevallier, auteur de Clochemerle et de la Peur [2], raconte :

« Je fis mes débuts dans la presse lyonnaise le 13 novembre 1930, à l'occasion de la catastrophe du Chemin-Neuf, qui eut à l'époque un grand retentissement. Vers une heure du matin, affouillé par les eaux, un pan de la colline de Fourvière partit en glissade, engloutissant les maisons et broyant tout sur son passage. La seconde poussée ensevelit les premiers sauveteurs accourus, agents et pompiers, qui furent surpris dans l'hôtel du Petit-Versailles de la rue Tramassac. Il y eut une quarantaine de victimes (...)

J'habitais à vol d'oiseau à moins de cent mètres de l'endroit où le mur avait lâché. Je fus réveillé dans la nuit par des coups frappés dans ma porte, en même temps qu'on me criait : "Levez-vous vite, La colline s'écroule." L'électricité manquait, le premier glissement ayant rompu les canalisations. On entendait, venant de la rue, un bruit de piétinement, de pleurs d'enfants effrayés, et des cris de rassemblement de familles. Tout cela faisait très sinistre. Je m'habillai rapidement dans l'obscurité et je descendis. Nous ne distinguions à nos pieds qu'un gouffre d'ombre impénétrable. L'énorme masse de terre s'était refermée sur ses victimes, comme la mer se referme sur le bâtiment  qu'elle vient d'engloutir. C'est à ce moment là que se produisit la seconde poussée qui ébranla le sol comme un  tremblement de terre, et dont le bruit roula lugubrement dans la nuit...

 

 

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... Alors on abandonna le quartier. Chargés de baluchons, les gens refluaient du sommet du Gourguillon pour descendre ensuite sur la ville. Place Saint-Jean, une foule éplorée de sans-logis occupait le parvis de la cathédrale. Devant elle, la faille invisible craquait et grondait encore sourdement par intervalles. La colline s'était fendue juste en-dessous d'un hôpital de la montée Saint-Barthélémy, qui restait planté au bord de l'abîme, où il menaçait de culbuter. On dut évacuer en hâte les malades.

Un silence terrible planait sur les décombres, mais on ignorait le nombre de victimes qui gisaient sous les amas que le service d'ordre ne laissait pas approcher. On ne racontait qu'une chose. Il y avait à l'hôtel du Petit-Versailles, où nous dînions quelquefois, une jeune fille très gentille. Elle s'était sauvée à temps puis s'était aperçue qu'elle avait oublié son argent. Elle revint sur ses pas sans se douter qu'elle marchait à la rencontre de la seconde poussée du terrain. On devait la désenfouir serrant dans ses mains son pécule, désormais inutile. "

C'est cette catastrophe qui a conféré à la colline de Fourvière l'aspect qui est le sien aujourd'hui : beaucoup de bois pour retenir la terre. Sur cette terre, un peu de vert. Avec cette catastrophe terrible, la "colline qui prie" est devenue "la colline qui verdoie ».


   1. Tancrède de Visan, Sous le signe du Lion,

   2. Gabriel CHEVALLIER, Carrefour des Hasards; La Quadrige d'Appolon, 1956

00:35 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : catastrophe, lyon, chevallier, histoire, fourvière | | |

Commentaires

Ma belle-mère qui habitait montée du Gourguillon m'a raconté de nombreuses fois cette catastrophe mais j'ignorais que c'était la raison des chemins du rosaire.
On dit à nouveau "la colline qui prie".

Écrit par : Rosa | vendredi, 14 novembre 2008

Je vois que vous bloguez aussi tard que moi !

Écrit par : Rosa | vendredi, 14 novembre 2008

@ Rosa : Pas du chemin du rosaire, non, mais du terrain qui reste en friche dessous. "La coline qui prie" : j'ai toujours entendu cela. "La colline qui travaille aussi". Périphrases éculées, c'est vrai.

Écrit par : solko | vendredi, 14 novembre 2008

J'ignorais complètement cet accident.

Écrit par : Feuilly | vendredi, 14 novembre 2008

Comment un terrain en friches ?
Je ne vois pas de vraies friches à cet endroit.
Quant aux périphrases éculées, elles plaisent aux visiteurs et je les ai plus entendues d'étrangers à Lyon que des lyonnais.

Écrit par : Rosa | vendredi, 14 novembre 2008

Votre article tombe à pic, cher ami. J'avais justement besoin de quelques renseignements à ce sujet. Je vais honteusement faire un copier coller et le mettre dans mes archives... Ca peut servir... et ça va même servir...

Écrit par : Porky | vendredi, 14 novembre 2008

@ Rosa : Je disais "éculées" parce que ces périphrases datent tout de même de Michelet .... Le terrain laissé en friches, pour être précis, se trouve entre la montée Saint-Barthélémy et celle du Chemin Neuf, au-dessous du Rosaire.

Écrit par : solko | vendredi, 14 novembre 2008

Cela ressemble plus à un terrain en pente mal entretenu, une sorte de terrain vague, qu'à des friches. C'est la portion que longe la montée des Chazeaux, en effet. De toute façon, ce terrain est si incliné qu'on n'y peut rien construire, non ?

Écrit par : M.Riviere | vendredi, 14 novembre 2008

Comme vous m'avez donné l'idée d'un billet avec le vôtre, je vous laisse en lien celui-ci, qui donne des précisions intéressantes pour vous et vos visiteurs. Bonne journée.

http://www.lyon.fr/static/vdl/contenu/arrondissements/5ardt/cata_fourviere.pdf?&view_zoom=1

Écrit par : M.Rivière | vendredi, 14 novembre 2008

@ Porky : Prenez et mangez ...
@ M.R. : Merci à vous

P.S. On attend donc , avec impatience, vos billets respectifs.

Écrit par : solko | vendredi, 14 novembre 2008

je vois à l'instant votre billet du 29 juillet qui parle longuement de Gabriel Chevallier! ah c'est pénible, on réinvente l'eau chaude après vous!!!!!

Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 14 novembre 2008

@ Sophie : il se trouve que Chevallier faisait partie de la "bande à Béraud", tous ces écrivains lyonnais de la première partie du XXème siècle pour lesquels je me suis pris d'affection en achetant leurs romans épuisés sur les bords de Saone.
Joseph Jolinon, très sympa aussi...
Sur le billet dont vous parlez, il y a aussi le film avec Fernandel qui vaut le déplacement.

Écrit par : solko | vendredi, 14 novembre 2008

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