vendredi, 24 octobre 2008
Béraud, toujours en enfer ?
Connaissez-vous le Photon ?
Ce blog, régulièrement, célèbre les dates anniversaires d'événements historiques, de naissances ou de décès d'hommes célèbres. Je m'y promène régulièrement avec plaisir. Or voici qu'hier soir, j'y découvre un billet consacré à la mort d'Henri Béraud, il y a tout juste cinquante ans. Mort qu'au passage, la ville de Lyon (dont Béraud est le natif et sans doute le plus grand écrivain qu'elle ait "produit") la ville de Lyon, donc, s'est bien gardée, une fois de plus, de célébrer. Henri Béraud, pour tous ceux qui ont lu La Gerbe d'Or, Qu'as-tu fais de ta jeunesse, Les derniers Beaux Jours (œuvre autobiographique), Le bois du templier pendu, Les lurons de Sabolas, Ciel de Suie (Œuvres romanesques), Le Flaneur salarié, Rendez-vous européens ( œuvre journalistique), L'école lyonnaise de peinture, Jacques Martin, François Vernay ( œuvre de critique d'art) Béraud, disais-je, est un auteur de la dimension de Giono, de celle de Guilloux. Ceux qui souhaitent le découvrir davantage trouveront juste à gauche, dans la rubrique "La bibliothèque est en feu" de quoi satisfaire leur première curiosité. Bien après la mort de Béraud, un journaliste a demandé à De Gaulle pourquoi il lui avait accordé sa grâce. Le Général laissa tomber ces mots, en pleine conférence de presse : « Béraud, ce n'était pas rien. Mais il était contre moi ».
Victime de ce que Jean Paulhan nomma un jour La Terreur dans les Lettres dans son fameux essai les Fleurs de Tarbes, l'œuvre de Béraud n'est jamais sortie de l'enfer dans laquelle de bons confrères l'a poussée. C'est à présent un auteur pour happy few. Je laisse ici quelques lignes de lui, in memoriam. Il s'agit d'un extrait de la préface de son autobiographie, Qu'as tu fait de ta jeunesse :
« Fallait-il écrire ces choses en ce moment ? Eût-il fallu les écrire demain ? Laissant courir ma plume, je me demande si ce livre paraîtra jamais. Est-il sage, est-il bon de chercher dans hier un peu d'espoir pour demain ? Beaucoup, parmi ceux de mon temps n'osent pas le croire. Ce n'est pas pour eux que j'écris.
Vais-je prétendre, après tant d'autres, que je m'adresse à nos fils ? Qu'aurais-je à leur dire ? Rien. Ceux de mon âge n'ont rien à dire à la jeunesse, et la jeunesse n'a rien à leur dire. On ne peut qu'échanger des conseils contre des confidences. Indigne, horrible marché, tout à l'avantage des vieux qui, recevant l'or de la vie, ne vendent que les devises crasseuses et démonétisées de leur expérience. Les dieux me préservent de finir ainsi. Ma vie, heureusement, ne me permet pas de me citer en exemple, et mon ignorance aurait plutôt besoin de leçons. Tout ce que je puis, c'est imiter nos anciens qui chauffant leurs vieilles jambes sur le seuil de leur chaumière, essayaient de se survivre en disant à voix cassée ce qu'ils croyaient avoir vécu. Comment userions-nous les jours de notre déclin, sinon en offrant à ceux qui viendront le simple récit de ce que nous vécûmes, une image fanée de ce qu'a détruit la folie du monde, un pâle film animant sur l'écran les dernières lueurs d'une époque oubliée ?
Ceux-là ne se tromperont point qui trouveront dans ces pages l'écho d'un chant de regret. Un chant mêlé de rires et de larmes. Ainsi va la vie. Ainsi parlent aux hommes les vrais livres, pétris de faiblesse humaine et d'espoir perdus.
J'écris pour ceux qui ne verront pas ce que j'ai vu. Si plus tard, quelque adolescent au cœur simple ouvre mon livre, il saura que je l'ai fait pour lui. C'est à lui que je penserai durant ces nuits où je vais chercher à tâtons mes fantômes. Et quand à mon tour je ne serai qu'une ombre au pays des ombres, il me connaîtra mieux que mes compagnons de route, bien mieux que ces vivants aux trois quarts ensevelis qui sont mes contemporains.
08:20 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature, lyon, béraud, culture, politique |
Commentaires
Bonjour Roland et merci de me citer. Vous nous offrez à votre tour un bien agréable billet. C'est un réel plaisir que de vous visiter, retrouver chez vous un bout de vie de mes aïeux, qui m'ont gratifié - peut-être vous l'ai-je déjà dit ? - d'un patronyme immortalisé par Petrus Borel : Champavert (les anciens se souviendront aussi d'une marque de biscottes, de Lyon à Grenoble). Bien cordialement,
Pascal, alias le Photon
Écrit par : le photon | vendredi, 24 octobre 2008
@ Pascal (le Photon) : il faut que vous lisiez "le bois du templier pendu", (si ce n'est déjà fait) qui se trouve facilement sur le net, et qui retrace toute cette épopée des "sabolaisiens" dauphinois à travers "la conquête du pain". Les pages notamment, sur les noms retrouvés dans le vieux cimetière de Sabolas, à chaque fois que je les parcours, me font toujours pareillement rêver.
A bientôt.
Roland, alias Solko
Écrit par : solko | vendredi, 24 octobre 2008
C'est horriblement curieux je le sais, et peut-être -dans ce cas je vous prie de bien vouloir m'en excuser- déplacé: que signifie "Solko"? est-ce un personnage, un lieu, un anagramme, une idée, une tribu indienne,une chapelle norvégienne, un gâteau? je sais pas moi...
Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 24 octobre 2008
@ Sophie : Mais c'est vrai que vous êtes très curieuse. Quelle importance, solko ? il fallait un pseudo, j'avais en tête ce nom pour un personnage, solko. Tiens, si vous appuyez sur le nom de solko en bas de ce commentaire, vous trouverez une réponse. Et un texte dont nous avons déjà parlé, il y a plusieurs jours.
Quand je parle de "solitude", je parle de la solitude de l'écrivain, dense, opaque, dans la société actuelle.
Écrit par : solko | vendredi, 24 octobre 2008
@ Solko: merci. J'ai "appuyé", j'ai "trouvé", j'ai lu, je me suis rappelé, et vu la réponse je suis heureuse d'avoir osé demander.
Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 24 octobre 2008
@ sophie : très curieux, le lien là-haut ne fonctionne pourant plus et je n'arrive pas à le réactiver. J'essaie à nouveau
Écrit par : solko | vendredi, 24 octobre 2008
Mais si, ça "marche" ! en tous cas "chez moi": le lien est sur votre nom en signature de votre avant-dernier commentaire
Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 24 octobre 2008
Dater sa colère, oui...
Ou dire la colère des dates,
C'est écrire toujours,
'est peut-être tout UN.
@ Solko : merci pour votre précieuse suggestion, que je ne manquerai point de suivre !
Écrit par : le photon | vendredi, 24 octobre 2008
@ sophie :La technique a des saisons et des soubresauts qui m'échappent. Si cela a marché, tant mieux.
@ Pascal (Le Photon) : Je suis content que Béraud nous ait permis d'échanger ces quelques mots. A une autre fois, assurément.
Écrit par : solko | vendredi, 24 octobre 2008
merci pour "Fusée" quel texte magnifique et visionnaire... Que je ne connaissais pas une fois de plus...
Écrit par : Tang | vendredi, 24 octobre 2008
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