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lundi, 14 septembre 2009

Les savants de la Banque de France

La première représentation d’un savant sur un billet français date de 1897. On la doit au crayon de François Flameng. Elle seFlamNeV.jpg trouve sur le verso d’un billet de 1000 francs qui n’aura finalement été édité en 1918, mais n’a jamais émis avant 1938, avec une valeur faciale de 5000 francs. On l’y découvre dans une représentation à l’antique, bizarrement désœuvré devant un globe et un atlas ouvert, entre deux misérables petits paysans, l’un tenant une bêche, l’autre une faux. Derrière ce trio étonnant, la pâle brume d'un petit matin sur l'île de la Cité. Devant, des papiers épars sur le sol, comme si, en ce tournant entre deux siècles et avant le cataclysme de 1914 s'exprimait une lassitude du savoir.

En 1927, sur un autre billet de mille, ( dit Cerès et Mercure), la figure plus discrète d’un savant se retrouve. Mais ce ne sont, pour l’instant, que des personnages anonymes.

Le premier personnage de scientifique véritablement inspiré d'une personne à figurer sur un billet fut un chimiste inconnu du grand public, du nom du docteur François Debat, ami du dessinateur Clément Servau, qui accepta de servir de modèle lors de la création  d’un billet de 20 francs, émis en 1940. A cette occasion, on le découvre20F%20Sciences%20cercle.jpg penché sur un microscope, son instrument de prédilection. Vétu d'une blouse  blanche symbolisant  la recherche mise au profit de l'industrie, il arbore la barbe en pointe, symbole de volonté. François Debat, membre de la délégation spéciale qui  géra la ville de Saint-Cloud, fut le créateur, à Garches, de laboratoires ultra modernes pour l'époque, consacrés à la recherche pure. Industrialisés, ses produits ont fait, par le monde entier, la renommée de l’opothérapie.

Le trait de plume de Serveau, sur ce billet, fleure bon son scientisme des années trente. On voit, juste derrière le savant, un pont métallique enjamber la Seine, et des usines fumantes déployer leurs tentacules orangées, comme dans un poème de Verhaeren.

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De l'autre côté du billet, se découvrent deux personnages : l'enfant paysan, enfin raisonné par le vieux scientifique à barbiche grise, l'ancien et le nouveau monde conciliés idéalement : tous deux, tels pères et fils, nous fixent dans les yeux, confiantes figures résolument tournées comme deux icones soviétiques, vers l'avenir... Science et travail : tel fut le nom donné à ce billet daté de la funeste année 40.

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Une année durant laquelle il fallut se tenir droit (tout comme le doigt du chercheur qui longe sa joue) et raide (tout comme la nuque de ce garçon aux traits efféminés). Le billet ne vit définitivement le jour qu'un an plus tard, et ce en pleine Occupation. Il ne circula d'ailleurs pas très longtemps et fut le dernier billet de 20 francs d'une telle largeur. Restriction et vaches maigres obligent, le suivant fut de moitié moins large, de sorte que pour le mettre en poche, il ne fut plus nécessaire de le plier en quatre.

Urbain Le Verrier (1946), Pasteur ( 1966), Pierre et Marie Curie (1994) furent les derniers savants honorés par la Banque de France (cliquer sur les noms pour suivre les liens)

vendredi, 07 novembre 2008

Cinq cents francs pour deux

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Au premier plan, Maria Sklodowska, née un 7 novembre 1867. A l'arrière Pierre Curie, né au 15 mai 1859. 

C'est le seul couple d'humains que la Banque de France a "encarté" : Ce n'est ni Tristan et Iseult, ni Romeo et Juliette, ni Tite et Bérénice : Ils se marient à Sceaux le 26 juillet 1895. La même année, Pierre est devenu docteur ès-sciences physiques (thèse sur les propriétés magnétiques des corps à diverses températures, pressions et intensités de champ magnétique). L'année suivante, elle est reçue première à l'agrégation de physique le 6 mars, 1896. Chez les Curie, ça ne plaisante pas : ça bosse. Le 18 juillet, Pierre et Marie annoncent la découverte d'un nouvel élément radioactif, le polonium. Le 26 décembre, en collaboration avec Gustave Bémont, ils annoncent la découverte du radium. Le 10 décembre, Pierre et Marie Curie, associés à Henri Becquerel, obtiennent le prix Nobel de physique, pour la découverte de la radioactivité naturelle. On connait la suite. En avril 1906, Pierre Curie est renversé par un cheval. Le 4 juillet, 1934, Marie Curie meurt des suites d'une leucémie au sanatorium de Sancellemoz (Haute-Savoie). Les cendres de Pierre et Marie Curie sont transférées au Panthéon, le 20 avril 1995. Depuis un an, les Français d'alors ont dans leurs poches ce billet verdâtre, dernier de la série des 500 francs, qui n'est pas le plus beau, mais qui reste célèbre parce qu'il est le premier où figure une femme.

Une femme, une vraie personne, cette fois-ci, pas une allégorie mythologique comme CérèsPerséphone. La seule femme admise au Panthéon de la Banque de France fut donc une scientifique : après le scientifique inconnu en blouse blanche, après François Debat, Le Verrier, Pasteur, Marie Curie. Et ce fut une femme mariée. Pour accueillir le sexe on peut remarquer que l'Institution avait placé la barre très haut. Pourquoi pas une femme de Lettres, et pourquoi pas une célibataire ?   (Allez, au hasard, pourquoi pas George Sand )? J'aurais bien vu, sur fond de mare au Diable d'un côté, de loge aux Italiens de l'autre, les cartouches de George... Mais non! George n'aura donc pas eu son billet en francs. Alfred non plus, me direz-vous, et pas davantage Alphonse, Honoré ou Henri (y) ? On ne va pas dresser la liste des absents, mais tout de même, vous ne trouvez pas qu'il auraient mieux représenter la passion à la française, Sand et Musset, couple romantique, tumultueux, à la fois fugace et, d'une certaine façon, éternel, que ce duo un peu livide et très besogneux de Pierre et Marie ? Cela aurait pu aussi être un solo de Louise Michel : Imaginons ensemble, cinq minutes, la Banque de France concevant un billet à l'effigie de Louise Michel, militante anarchiste, elle aussi femme de lettres (on l'oublie trop souvent) morte d'une pneumonie en 1905 à Marseille au service de la cause ( pas scientifique, révolutionnaire) . Ou bien un billet à Olympe de Gouges...  

Mais non, La Banque de France, comme elle l'a fait avec Hugo ou Bonaparte, préfère consacrer l'icone Marie Curie : épouse et mère de famille, deux fois nobélisée (en physique et en chimie) et martyr irradiée de sa propre découverte : « La maladie qui l'a emportée est une anémie pernicieuse aplasique à marche rapide, fébrile. La moelle osseuse n'a pas réagi, probablement parce qu'elle était altérée par une longue accumulation de rayonnements » a écrit le Dr Tobé, responsable du sanatorium de Sancellemoz, en Haute-Savoie, où elle avait été transportée, quelques jours auparavant. C'est ainsi que la scénographie du billet représente sur une face Marie en compagnie de son mari, sur l'autre, une salle de l'Institut du radium vide, comme après leur mort à tous deux. Je ne sais si les Français, à l'époque où déjà la monnaie numérique était bien implantée dans le pays, et l'usage de la carte bleue systématisée pour les fortes sommes, eurent le temps de se familiariser autant avec ce billet qu'avec les coupures de moindre importance. La "grosse coupure" de la dernière série des francs rendait l'âme sans fracas lors du passage à l'euro, comme les autres. Laissant, sur les billets qui sont les nôtres aujourd'hui, un espace absolument vide d'hommes et de femmes, comme après la déflagration, l'explosion ...

 

17:18 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : anciens francs, pierre et marie curie, société, uranium | | |