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vendredi, 07 novembre 2008

Cinq cents francs pour deux

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Au premier plan, Maria Sklodowska, née un 7 novembre 1867. A l'arrière Pierre Curie, né au 15 mai 1859. 

C'est le seul couple d'humains que la Banque de France a "encarté" : Ce n'est ni Tristan et Iseult, ni Romeo et Juliette, ni Tite et Bérénice : Ils se marient à Sceaux le 26 juillet 1895. La même année, Pierre est devenu docteur ès-sciences physiques (thèse sur les propriétés magnétiques des corps à diverses températures, pressions et intensités de champ magnétique). L'année suivante, elle est reçue première à l'agrégation de physique le 6 mars, 1896. Chez les Curie, ça ne plaisante pas : ça bosse. Le 18 juillet, Pierre et Marie annoncent la découverte d'un nouvel élément radioactif, le polonium. Le 26 décembre, en collaboration avec Gustave Bémont, ils annoncent la découverte du radium. Le 10 décembre, Pierre et Marie Curie, associés à Henri Becquerel, obtiennent le prix Nobel de physique, pour la découverte de la radioactivité naturelle. On connait la suite. En avril 1906, Pierre Curie est renversé par un cheval. Le 4 juillet, 1934, Marie Curie meurt des suites d'une leucémie au sanatorium de Sancellemoz (Haute-Savoie). Les cendres de Pierre et Marie Curie sont transférées au Panthéon, le 20 avril 1995. Depuis un an, les Français d'alors ont dans leurs poches ce billet verdâtre, dernier de la série des 500 francs, qui n'est pas le plus beau, mais qui reste célèbre parce qu'il est le premier où figure une femme.

Une femme, une vraie personne, cette fois-ci, pas une allégorie mythologique comme CérèsPerséphone. La seule femme admise au Panthéon de la Banque de France fut donc une scientifique : après le scientifique inconnu en blouse blanche, après François Debat, Le Verrier, Pasteur, Marie Curie. Et ce fut une femme mariée. Pour accueillir le sexe on peut remarquer que l'Institution avait placé la barre très haut. Pourquoi pas une femme de Lettres, et pourquoi pas une célibataire ?   (Allez, au hasard, pourquoi pas George Sand )? J'aurais bien vu, sur fond de mare au Diable d'un côté, de loge aux Italiens de l'autre, les cartouches de George... Mais non! George n'aura donc pas eu son billet en francs. Alfred non plus, me direz-vous, et pas davantage Alphonse, Honoré ou Henri (y) ? On ne va pas dresser la liste des absents, mais tout de même, vous ne trouvez pas qu'il auraient mieux représenter la passion à la française, Sand et Musset, couple romantique, tumultueux, à la fois fugace et, d'une certaine façon, éternel, que ce duo un peu livide et très besogneux de Pierre et Marie ? Cela aurait pu aussi être un solo de Louise Michel : Imaginons ensemble, cinq minutes, la Banque de France concevant un billet à l'effigie de Louise Michel, militante anarchiste, elle aussi femme de lettres (on l'oublie trop souvent) morte d'une pneumonie en 1905 à Marseille au service de la cause ( pas scientifique, révolutionnaire) . Ou bien un billet à Olympe de Gouges...  

Mais non, La Banque de France, comme elle l'a fait avec Hugo ou Bonaparte, préfère consacrer l'icone Marie Curie : épouse et mère de famille, deux fois nobélisée (en physique et en chimie) et martyr irradiée de sa propre découverte : « La maladie qui l'a emportée est une anémie pernicieuse aplasique à marche rapide, fébrile. La moelle osseuse n'a pas réagi, probablement parce qu'elle était altérée par une longue accumulation de rayonnements » a écrit le Dr Tobé, responsable du sanatorium de Sancellemoz, en Haute-Savoie, où elle avait été transportée, quelques jours auparavant. C'est ainsi que la scénographie du billet représente sur une face Marie en compagnie de son mari, sur l'autre, une salle de l'Institut du radium vide, comme après leur mort à tous deux. Je ne sais si les Français, à l'époque où déjà la monnaie numérique était bien implantée dans le pays, et l'usage de la carte bleue systématisée pour les fortes sommes, eurent le temps de se familiariser autant avec ce billet qu'avec les coupures de moindre importance. La "grosse coupure" de la dernière série des francs rendait l'âme sans fracas lors du passage à l'euro, comme les autres. Laissant, sur les billets qui sont les nôtres aujourd'hui, un espace absolument vide d'hommes et de femmes, comme après la déflagration, l'explosion ...

 

17:18 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : anciens francs, pierre et marie curie, société, uranium | | |