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samedi, 21 mai 2016

Panthéon

Au cœur du rione Pigna le prestigieux Panthéon : L’Antiquité l’avait consacré « à tous les dieux », c’est-à-dire au fond, à aucun. A celui des touristes, s’il existe, et des créateurs de circuits qui firent de lui un incontournable de Rome, entre Colisée et basilique saint-Pierre.

Le nom de son constructeur (Agrippa) gravé sur son portique a traversé les siècles : M.AGRIPPA. L.F.COS. TERTIVM.FECIT, ce qui signifie « Marcus Agrippa, fils de Lucius, consul pour la troisième fois, le fit  ». Ovide, auteur des Métamorphoses, dans l’épilogue de cet autre monument du monde antique qu’est son extraordinaire compilation de mythes, écrivit ceci : « Enfin, je l'ai achevé cet ouvrage que ne pourront détruire ni la colère de Jupiter, ni les flammes, ni le fer, ni la rouille des âges ! Qu'il arrive quand il voudra ce jour suprême qui n'a de pouvoir que sur mon corps, et qui doit finir de mes ans la durée incertaine : immortel dans la meilleure partie de moi-même, je serai porté au-dessus des astres, et mon nom durera éternellement. Je serai lu partout où les Romains porteront leurs lois et leur Empire; et s'il est quelque chose de vrai dans les présages des poètes, ma renommée traversera les siècles; et, par elle, je vivrai. »

Il n’est pas certain que nous comprenions ce désir de postérité, d’immortalité, d’éternité, tel qu’il s’exprime dans ces lignes comme dans cet ancien temple aussi facilement que nous le croyons. Car si nous le croyions véritablement, nous l’appliquerions à nous-mêmes, et nous vomirions cette époque où seul l’éphémère est considéré, et qui a grossièrement proscrit de ses mœurs le respect de la longue durée.

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mardi, 06 octobre 2009

D'un dôme, l'autre

Une pétition est en ligne pour placer le maire de Lyon Gérard Collomb et son équipe municipale en face de leurs responsabilités dans l'affaire du devenir de l'Hôtel-Dieu. Elle est organisée par un collectif de médecins, de professeurs, d'infirmier(e)s et de responsables d’associations de santé et a recueilli pour l'instant plus de 800 signatures. Ci-dessous le texte du collectif. Pour rejoindre les signataires, c'est juste à côté  (bandeau déroulant sur la gauche).
 
postmortem.png

Victor Hugo sur son lit de mort, par Nadar

 

Sensation terrifiante que tout passe.

Nous discutons à la terrasse d’un café croix-roussien du crime de "Herriot le Petit", qui, alors que son prédécesseur a rasé totalement l’Hôpital de la Charité dans les années trente, songe, lui, à transformer l’Hôtel Dieu en hôtel de luxe.(1) Au prétexte que  le bâtiment est sauvé, certains s’en accommodent. Objection, votre honneur : Le bâtiment est sauvé, oui. Mais le monument ? (2)

 

Il fait bon deviser jusqu’au soir. Qu’est-ce, après tout, que ce « crime » au regard de l’actualité mondiale ? Qu’est-ce qu’un crime au regard de notre apéro, de notre digestion ?

Et puis, Collomb... un amateur, Collomb ! Un second couteau, assurément. Un couteau quand même.

Nous pensons à Hugo, à son fulgurant exil, à son combat contre Napoléon III , à cette photo de Nadar.

A Hugo au Panthéon. Tiens, le Panthéon. Nous revoilà, à nouveau avec Soufflot.

Décidément !


C’est une chose que nous avions évoquée la semaine dernière : la transformation du Panthéon et de tous ces mètres carrés scandaleusement inoccupés en plein Quartier Latin en casino. Toute la Côte d’Azur, les gars, Monte Carlo et Monte Christo, comme le chantait jadis la bonne Annie Cordy, allez hop ! tous sur la montagne Sainte-Geneviève. Dans le silence sépulcral des morts pour la République, le chant réjouissant du jackpot.

Ah ! Le Jackpot !

 

Il leur faudrait quand même, me dit un ami, virer quelques morts d'importance …

Soit ! Soit ... Qu’à cela ne tienne.

Un changement de régime est un changement de régime.

Les sans-culottes n’ont-ils pas viré tous les rois de France de leurs tombeaux ?

Alors, allez-y. Virez ceux de la République.  Virez.

Vous qui êtes capables de vous attaquer à la mémoire des pauvres en transformant leur hôtel en hôtel de luxe, au mépris de toute convenance  (3) , attaquez vous aux riches. A leur symbole, à leur mémoire. Allons !

Dôme pour Dôme, Soufflot pour Soufflot, attaquez vous au Panthéon.

Un peu de courage.

Je vous applaudirai à deux mains.

Regardez le, là-haut, le vieux polémiste.

Comme il dort bien.

 

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(1) Edouard Herriot a fait raser totalement l'Hopital de la Charité, dont il a daigné conserver, suite à une pétition des Lyonnais des années trente, le  seul clocher.  Gérard Collomb, qui n'est pas Herriot mais semble vouloir suivre ses traces en perçant un second tunnel de la Croix-Rousse, songe à reconvertir l'Hôtel Dieu en hôtel international pour milliardaires.

(2)  Ce dont un monument charge le paysage d’une ville, tel un arbre ou un mont  dans la nature, est lesté d’une double signification : ce qu’on voit de lui et ce qu’il signifie. Nous avons en effet, avec les monuments hérités du passé, la grande chance d’avoir sous les yeux une œuvre qui hisse en quelque sorte le peu de durée que nous sommes à une dimension qui nous dépasse, celle de l’Histoire. Que visiblement nous ne comprenons plus. Pauvres que nous sommes. Avancer l’argument qu’on ne touche pas aux pierres et que donc le monument sera sauf : c’est bien rapidement confondre le bâtiment (le signifiant) et le monument (le signifié). Faire œuvre de naïf, de sourd ou de cynique. Spécialité, semble-t-il, des maires de Lyon.

(3) Dans un discours prononcé devant l’Académie des Beaux Arts de Lyon,(De l’Identité du Goût et des Règles dans l’Art de l’Architecture), Soufflot évoque les quatre règles auxquelles un architecte en charge de l’utilité publique est tenu de se soumettre, et qui sont dit-il « les bases du gout » : Elles paraissent, dit-il, «renfermées dans ce qui suit » :

« l’utilité,  qui donne la disposition relative aux besoins, la solidité qui donne la sureté, la convenance qui est le rapport des édifices avec les usages et les personnes, la symétrie ou la correspondance des parties entr’elles et avec le tout qui constituent l’ensemble et l’unité »