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vendredi, 14 juillet 2017

Ce que je verrai à Moscou

« Salut aux ouvriers de l'Ouest ! »

Telle est la première phrase qu'Henri Béraud remarqua en 1925 à son arrivée en Russie soviétique,(1) par ce qu'on appelait alors le train rouge, à savoir le transsibérien. Le fleuve a coulé depuis, comme le souligne avec humour Poutine dans les quatre heures de conversation avec Olivier Stones diffusées récemment.

En 1925, on mettait déjà deux jours pour atteindre la capitale lettone (« encore un changement de monnaie », note Béraud, en relevant que « tous ces pays pauvres font sonner des pièces d‘argent qu’il nous faut bel et bien acheter au prix du dollar » Puis il rajoute : « il est probable que les financiers ont une explication sans réplique »).

Après avoir passé le lendemain « les portes de l’énigme » (la frontière russe), on traversait durant dix heures une forêt « de mélèzes et de bouleaux » pour arriver, « au matin au deuxième jour » en gare de Moscou. Dimanche prochain, assurément, tout sera plus rapide. En quelques heures, je devrais, si Dieu le permet, passer de l’aéroport Saint Exupéry à celui de Domodedovo.

À peine arrivé à Moscou, « dans son impatience à se mêler à la vie populaire », le journaliste lyonnais se jette dans un tramway. Le silence qui y règne l’impressionne. A train lent, sous un soleil de plomb, il regagne son hôtel, le Bolchaïa Moskowshaïa place Voskressenkaia, « un ancien hôtel de premier ordre que le Gouvernement vient de rouvrir pour le service des étrangers ». Pouvait-on rêver mieux ? écrit-il ironiquement…

Impossible, à présent, de songer au tramway moscovite sans que l’ombre surnaturelle de Boulgakov ne se penche derrière mon épaule. Ce dernier, paraît-il, n’aimait pas les tramways à cause du crissement de leurs freins sous ses fenêtres, juste à côté de son appartement : Ils sont « bondés, étouffent les gens, serrés sur les rails. Les gens sont suspendus sur les ailes et les marchepieds, comme des lapins ».  Celui qui décapite Berlioz, au début du Maître et Marguerite, n’aurait jamais existé, en tout cas, aucune ligne ne fut jamais installée sur la rue Bronnaïa ni au tournant du passage Ermolaïevski, là où vola en éclat au chapire 3 du célèbre roman la tête coupée de Berlioz. J’irai sans doute humer l’air de l’Étang des Patriarches et visiter l’appartement fantastique de Boulgakov, même si le côté Harry Potter que prend dorénavant l’engouement autour de cet écrivain m’agace pas qu’un peu. Nul besoin de dresser un culte aux  grands écrivains. Les lire et les aimer suffit.

Avec moi, j’emporterai le Maître et Marguerite ainsi que Ce que j’ai vu à Moscou de Béraud. Mais le Moscou des années 20/30, celui de l’Ouvrier et la kolkhozienne ne m’intéresse que modérément. Celui de la conquête spatiale, qui s’ensuivit, guère plus. A tel point que j'en suis encore à me demander ce que nous sommes allés faire, fichtre, sur la lune... Je ne snoberai ni le Kremlin ni la galerie Tretiakov, bien sûr. De pures merveilles y sont logées. Mais le Moscou qui me motive le plus n’est pas non plus celui des tsars. Celui que je cherche c’est celui des Vieux croyants. Dans ma besace, donc, je glisserai en dernier (pour qu’il s’y trouve en premier) les Récits d’un pèlerin russe, écrit par un anonyme, et sa petite prière du cœur.

Ce que je verrai à Moscou, je ne le sais pas encore…

Boyaryna_Morozova_by_V.Surikov_(1884-1887,_Tretyakov_gallery).jpg

Vassili Sourikov La Boyarine Morozova, qui  représente le moment culminant de la persécution des vieux-croyants

 

(1) Henri Béraud, Ce que j'ai vu à Moscou, Ed. de France, 1925

(2) Boulgakov, Le Maître et Marguerite, 1932,

(3) Récis d'un pélerin russe, Albin Michel