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dimanche, 30 août 2009

Trompettes de la renommée

Il y a deux choses à voir à Sète. Enfin deux choses parmi d’autres… La mer, diront la plupart, soit. Mais la mer est partout la même et n’est donc ni le plus spécifique ni le meilleur de Sète. Les joutes, diront certains autres. Vrai que la Saint-Louis y est le prétexte à des tournois qui obéissent à la plus stricte tradition. Mais les joutes nautiques sont bien vite répétitives pour le non spécialiste que je suis. Et puis des joutes, n'en déplaise aux sétois, il n'y en a pas qu'à Sète...

Deux choses donc, la chapelle de Notre Dame de La Salette, qui domine la ville et d’où le point de vue est incomparable et, bien sûr, le cimetière marin.

Je ne me suis donc privé ni de l’un ni de l’autre et rapporte, en guise de souvenir quelques propos sur le vif.

Celui d’un curé, tout d’abord, à qui je demandais pourquoi et comment naquit une telle dévotion envers Notre Dame de la Salette, si loin de Corps et de Grenoble, à Sète, quelques années seulement après « l’apparition ». Sa réponse : «la dévotion des sétois à Notre dame de la Salette est due à l’extrême pauvreté des pécheurs de l’époque. Il ne faut pas oublier que l’apparition est contemporaine de la rédaction du manifeste du parti communiste par Marx ! » ( NDLR 1846 et 1847). Devant ce curé sympathique et chaleureux (il m'avoue être en vérité un ch'ti du Nord), je ne peux m'empêcher de penser à Léon Bloy, et à son magnifique Celle qui pleure..., et à son non moins superbe Sang du pauvre...

Ceux de quelques touristes, ensuite. Nous étions quelques-uns, comme en hypnose métaphorique devant « ce toit tranquille où marchent les colombes », la mer surplombant la tombe de Paul Valéry. Passe un premier touriste qui me demande où se trouve la tombe du « poète Brassens » (prononcez avec l’accent anglo-saxon). Lui explique qu’il n’est pas dans le bon cimetière. L’humble troubadour étant, comme nous le rappelle Bertrand en commentaire d’un autre billet, enterré dans un autre lieu que le bon maître. Quelques minutes après, rebelote : deux jeunes filles en quête de Georges. Nous leur montrons la tombe du pauvre Paul. Elles font la moue. La palme (sans jeux de mots) revient à un couple de franchouillards, vers la soixantaine : Brève explication pour leur dire qu’ici c’est le cimetière marin où se trouve inhumé Valéry, mais le type insiste : non, non, n’est-ce pas Brassens qui a écrit le cimetière marin, non ? Nous hésitons à lui expliquer la différence entre un cimetière et une plage, et finissons par lui dire qu’ici, c’est quand même Paul Valéry.

Il zyeute enfin la tombe. Comme les jeunes filles, fait la moue. Et puis du ton du type qui a choisi sa pizza, déclare : « Ah Paul Valéry … non ! »

Je le regarde partir et disparaître sous le toit tranquille ...

Tout cela aurait-il plu à Brassens ?

Pas sûr, pas sûr… Trompettes de la renommée…

La rentrée s'annonce chaude.

 

19:11 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : georges brassens, paul valéry, sète, notre dame de la salette | | |

lundi, 15 septembre 2008

N'ayez pas peur

N'ayez pas peur : le slogan est en passe de devenir un mot magique, une sorte de "sésame ouvre-toi de la popularité". Testée une première fois par Jean-paul II le jour de son intronisation, il a été martelé par Benoit XVI à l'occasion de son passage en France. D'abord, sur le parvis de Notre Dame ; puis aux Invalides : "N'ayez pas peur de donner votre vie au Christ." En 2007, déjà, Robert Hossein en avait fait le titre d'un spectacle. Etrange formule, a priori, par laquelle celui qui parle présuppose l'existence d'un grand méchant loup rodant à quelque pas de celui qui l'écoute.  Etrange formule, qui offre, par ailleurs, le privilège de conférer une autorité à celui qui la prononce face à ce péril suggéré - une autorité à la fois bienveillante & rassurante-. Formule ambiguë, car il semble qu'il faille ne pas avoir peur de celui qui la prononce malgré le danger qu'il édifie lui-même. Formule qui laisse un COI dans l'implicite (mais de quoi devrions-nous ne pas avoir peur ?). N'ayons pas peur des mots, justement, et reconnaissons que la formule, manipulatoire, est politique au moins autant que religieuse : On se souvient que Sarkozy l'avait piquée, lui aussi, à Jean Paul II dans son discours aux jeunes du 18 mars au Zénith. N'ayez pas peur de la mondialisation, du libéralisme, de ma propre personne : je suis là et j'ai changé. N'ayez pas peur : De la place Saint-Pierre au Palais des Sports, du Palais des Sports au Zénith, du Zénith au Parvis de Notre-Dame, de Notre-Dame aux Invalides, des Invalides à Lourdes, la formule a fait mouche. Et ce n'est pas fini, si on songe à sa carrière déjà avancée dans le marketting et la pub.  Il serait donc intéressant de savoir qui en fut réellement l'initiateur.

7cb978416c80f3c5f66c7b6798aeb56e.jpgOr il se trouve qu'en fouillant les textes, on s'aperçoit que celui qu'aurait prononcé la Vierge elle-même à Mélanie et à Maximin à la Salette commence précisément par cette douce injonction : Avancez, mes enfants, n'ayez pas peur, je suis ici pour vous conter une grande nouvelle. (Pour la suite et la totalité de ce texte peu connu, suivre le lien). Dans ce texte cher à Léon Bloy, la "Dame de Lumière" accuse l'Eglise de son Fils d'être devenue "un cloaque d'impureté"; elle traite les prêtres qui la servent de "chiens", et annonce, faute d'un redressement spectaculaire de la Foi des Chrétiens, une série de catastrophes sans fin s'abattant sur le pauvre monde. Or l'Apparition de la Salette (19 septembre 1846) précède de deux ans la première apparition de Lourdes à Bernadette (février 1848). On sait à quel point Lourdes a, par la suite, occulté La Salette, non sans arranger d'ailleurs autant la politique de Napoléon III que celle de l'Eglise. On peut en tout cas penser que c'est dans ce discours, qu'il connaissait fort bien, que Jean Paul II a puisé la formule magique, reprise par Sarkozy en campagne électorale, reprise par son successeur aujourd'hui. Décidément, il n'y a pas que la comique Ségolène qui se prend pour une Madone : Quelle époque aurait dit ma mère-grand !

20:38 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : benoitxvi, pape, apparition, actualité, religion, politique, notre dame de la salette | | |