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samedi, 29 juin 2013

Jean Vilar et Louis Guilloux

C'est assez réjouissant d'écouter Vilar raconter ses tournées dans un pays qui a disparu. Pas d'affiches, mais des parades à l'accordeon pour annoncer les Comédiens de la Roulotte de Paris qui joueront le soir Georges Dandin. Vilar parle de son accent sétois, de son ami André Schlesser, des vaches maigres et des salles pleines. Il porte cravate et cigarette, comme en son temps, prédit un grand avenir à Jean Désailly, et déclare tout de go qu'il n'aimerait pas avoir un théâtre à Paris.

 

Louis Guilloux parle de Coco Perdu dans ces premières minutes d'Apostrophes. Il parle de morlingue et de coûter bonbon, en vrai homme du XIXème siècle, puisqu'il est né en 1899. Guilloux a cette manière qui n'appartient qu'à lui de faire sentir à Pivot que ses questions sont ...

21:09 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : théâtre, jean vilar, andré schlesser | | |

lundi, 31 août 2009

Chronique du gras, de l'idiotie, de l'oursin et du prolétaire

« J'étais il y a quelques jours sur les plages de Sète, de plus en plus emplies de familles de gros (voire d'obèses), qui ne se déplacent plus sans un attirail littéralement dément (pliants, parasol, crèmes, serviettes, balles, vêtements de rechange, musique, magazines...) et je pensais à Jules Michelet qui ne venait dans ce genre de lieu qu'avec une plume et une page de papier, pas pour y piailler ou y cuire sur le sable, pas pour y draguer ou y mater ses voisin(e)s, mais pour  y comparer par exemple un oursin à un prolétaire (1)ou une baleine (2) à une mère universelle : quels dégâts auront fait, quand même, et la mal-bouffe et cette confusion incessante entre culture et divertissement, me disais-je. »  

Consignant à l’instant cette phrase dans un commentaire laissé sur le blog de Bertrand Redonnet à la suite d’un superbe texte de lui sur sa lecture de l’Histoire de la Révolution Française de Jules Michelet, me sont revenues ces images que la société de consommation a faites peu à peu du littoral maritime, si éloignées de celle du rêveur romantique, seul avec son papier, son esprit. Si humain, lui.

Si humain car pour lui (Jules Michelet) les grands événements de l’histoire (Histoire de la Révolution française), les grands éléments (La Mer) et les grands corps sociaux (Le Peuple) avaient le pouvoir  métaphorique de se signifier les uns les autres : ainsi, dans l’œuvre de l’historien romantique, le Peuple du dix-neuvième siècle est presque au sens propre un océan, dont le cours est aussi inévitable que ne l’est celui du temps, transformant un moyen âge en renaissance. Il y a ainsi chez Michelet une même vision économique et sociale de la marche du monde, qui embrasse et les grands espaces (La Mer) et les grandes périodes historiques (Moyen Age, Renaissance, Révolution) pour acquérir une véritable valeur poétique et spirituelle, fascinante, vraiment.

Mais je ne veux pas développer outre mesure la poétique de Michelet, j’en serais incapable au-delà de ces quelques généralités et surtout, tel n’est pas le propos de ce billet.

Le propos de ce billet est juste de livrer à vous tous une sorte d’étonnement devant ce peuple d’occidentaux abondamment et si universellement gras (y compris les enfants) du XXIème siècle ; ce peuple vautré sur ces plages du XXIème siècle où l’on rencontre à bien y regarder si peu de lecteurs ; ce peuple littéralement noyé (comme aurait dit Jules) dans la mer du divertissement et dans la graisse de la mal-bouffe.

Georges Pompidou, auteur d’une anthologie de la poésie française qui a fait date, aurait dit que les Français ne lisaient pas assez (je crois que c’est Claude, sa veuve, qui rapporte ces propos) et qu’à l’origine, le centre Pompidou était censé n’être « qu’une bibliothèque, avant de s’ouvrir à d’autres champs disciplinaires ». Il est vrai que jamais, dans l’histoire de l’humanité, la culture n’a été aussi disponible. Il me semble aussi que jamais, dans l’histoire de l’humanité, la culture n’a été autant confondue avec tout et n’importe quoi. Et que jamais, les autorités ou les institutions chargées de la porter aux gens (je pense en premier lieu à l’école) n’ont autant trahi leurs missions.

Ainsi, comme on dit que le design d'une carosserie est poétique, on dit que le très bling bling BEIGDEGGER est un écrivain, ou que la première dame de France est une chanteuse,  et autres terrifiants foutages de gueules, comme le fait que les Français seraient des lecteurs.

Et pourtant je ne peux m’empêcher de constater que de la Mer de Michelet à celle de mes contemporains, un océan, si je puis dire, un véritable abîme, pour reprendre les métaphores romantiques, s’est creusé, se creuse encore…  Qui fait qu’on croise à Sète (voir billet du jour précédent) des prolétaires embourgeoisés, défaits de tous piquants et armés d'un seul barda photographique, sautant hystériquement d’un cimetière à l’autre, de la tombe de Valéry à celle de Vilar ou de Brassens, sans trop savoir qui est qui, au nom de ce sacro-saint divertissement culturel qui engouffre dans l’’idiotie aussi surement que la malbouffe généralisée dans le gras des êtres dont je ne peux m’empêcher de penser, comme Vilar en son temps, qu’ils méritaient autre chose.

Et c'est ansi que Jules et Alexandre sont grands.

 

 

(1)  La Mer, folio 1470 – II, 7, « le piqueur de pierres »

(2)  La Mer, folio 1470 -  II,12, «  la baleines »