mardi, 13 janvier 2015
Je suis Saussure
Un certain Saussure expliqua jadis que le signe ne représentait pas la chose ni même l’essence de la chose, mais qu’il ne faisait que la désigner, dans un rapport avec elle par nécessité linguistique purement arbitraire. C’est peut-être par et avec la linguistique qu’il faudrait lutter [comme il est de mise de le dire, lutter, quel drôle de mot ] contre le terrorisme. Car le dessin, comme le mot, n’est qu’un signe et le personnage de LUZ ne représente pas Mahomet, il le désigne dans un certain code, tout comme le mot chat désigne le chat sans évidemment le représenter. Que de faux débats, de faux procès, que de manipulations langagières, religieuses et politiques on s’épargnerait en rappelant ces simples faits, au lieu d’alléguer une liberté d’expression qui n’est plus qu’un fantôme, pour de multiples causes parmi lesquelles les raisons économiques et judiciaires ne jouent pas un mince rôle
L’arbitraire du signe. Une évidence, donc. Encore faudrait-il que l’Etat ne se comporte pas comme les terroristes qu’il condamne en faisant depuis peu mine de croire lui aussi que le mot représente bel et bien la chose, puisqu’il y aurait selon lui des mots racistes ou antisémites, que de simples mots pourraient être porteurs de haine, que le mot pourrait valoir le crime ( c'est-à-dire la chose) et tomber sous le coup de la loi : c’est hélas aussi ce que pensent les islamistes, tous ceux qui – de près ou de loin – mêlent une forme de religiosité à la loi en tentant de sanctuariser le lieu même du langage, le dit des mots qui est la vraie res publique. Légiférer le mot comme s’il avait valeur d’acte [au nom d’une religion comme au nom de prétendues valeurs ] – légiférer plutôt que de dédramatiser, punir plutôt que rire, imposer des minutes de silence plutôt que d’expliquer, c’est ce que font de concert les islamistes et ce gouvernement que décidément, non, je ne peux suivre une fois de plus, en qui je ne reconnais pas les valeurs de mon pays. C’est pourquoi je suis et ne suis pas Charlie.
Le signe et son rapport arbitraire à la chose. On ne détourne pas impunément à son profit la loi commune. C’est d’après moi ce que tenta de signifier le Christ aux prêtres du Temple et de la vieille Loi de la charia qui, comme cela se fait à nouveau partout dans le monde, voulaient lapider la femme adultère, en les accusant finement d’avoir détourné la Loi à leur profit en ne lapidant pas l’homme avec elle. On connaît la formule : « que celui qui n’a jamais péché… » Alors ils s’en allèrent tous, nous dit l’Evangile, à commencer par le plus âgé…
Les tenants de la révolution sémantique en cours, juges et ministres qui n'hésitèrent pas à ignorer l'arbitraire du signe en faisant de certains mots un délit, d'autres une pensée magique en constant décalage avec les faits, feraient bien de se souvenir d’une autre parabole du Christ, qui, si je ne m’abuse, parle de poutre et de paille. Mais ils ont la mémoire courte et un sale boulot à faire. Ils font des hommages, ils sont Charlie… Ils sont déjà passés à autre chose... En mémoire de notre pays - puisque tout le monde se réfère à son histoire, ce qui est entre nous des plus suspects - en mémoire des siècles de poésie et de littérature qu’il a produit, donc, je ne peux face à leur intégrisme qu'essayer d’être Saussure….
16:37 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : saussure, luz, charlie, linguistique, arbitraire du signe, révolution sémantique |
jeudi, 08 janvier 2015
Qui est Charlie ?
Tout, aujourd’hui, j’ai tout entendu
Des profs : c’est la faute à Zemmour, à Houellebecq, à ceux qui « entretiennent la haine… »
Des musulmans : c’est l’Etat qui « vous » manipule, vous, « les Français ».
La version officielle : ce sont les djihadistes manipulés par Daesh, les « fratries de djihadistes » (finis, les loups solitaires ?)
Partout, en fonds d’écran, en affichettes, en post-it « je suis Charlie », j’ai même reçu des mails et un texto... « Je suis Charlie », arboré comme une identité, comme d’autres arboreraient un voile ou une croix. Et en contre-feux, d’autres, « je ne suis pas Charlie ».
On étouffe dans ces revendications sans fondements, ces affirmations sans preuves, cette religiosité républicaine diffuse qui ne dit pas son nom, cette propagande de masse.
Moi ce que je sais, c’est que je n’ai plus aucune confiance en ceux qui dirigent l’Etat et orchestrent la terrifiante symphonie. Aucune. Par quelque bout de la lorgnette que j'observe la monstruosité…
19:05 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : charlie, état, france, propagande |
mercredi, 07 janvier 2015
La double mort de Charlie
« La France a été touchée en son cœur » a déclaré le pingouin. Je ne suis pas certain que les dessinateurs de Charlie apprécieraient cette récupération nationale éhontée post-mortem. Après avoir été flingués par des terroristes, voilà bel et bien qu’ils le sont par les garants de l’ordre républicain lui-même. Une première mort effarante, une seconde, écœurante. Drapeaux en berne durant trois jours, deuil national, émotion collective autour du pouvoir en place, non vraiment, je crois rêver. Si demain des terroristes s’en prennent à Zemmour ou à Houellebecq, vous verrez ceux qui les ont voués aux gémonies se muer en aficionados de la compassion pour en faire à leur tour des martyrs de la démocratie, de la liberté de presse, de celle de l’écrivain. Et des marches. Et des bougies. C'est bien la pire des choses que l’on puisse faire en mémoire de gens qui avaient fait de la subversion leur première valeur. Ces "hommages de la nation" sont ridicules, et ne servent que les intérêts de la nation, en rien la mémoire des disparus...Les hommes de pouvoir sont prêts à tout pour rester au pouvoir. Les charognards.
dernier dessin de Cabu
22:10 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cabu, charlie, soumission, suicide français, france, terrorisme, marches, récupération |