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mardi, 26 mai 2015

Que sacrifions-nous ? (2)

Tout en surveillant une épreuve de BTS dans un bâtiment en préfabriqué dont même la Bulgarie des Soviets rougirait, je me plongeais dans les livres de Samuel que je n’avais pas relus depuis  des décennies. L’histoire de Samuel, celles de Saül et de David, celle enfin de son fils Salomon sont traversées par un même souffle narratif, un magnifique lyrisme historique dont le cœur poétique, l’établissement de la royauté d’Israël par Yahvé Sabaot, irradie pleinement chaque péripétie, comme en témoigne une phrase comme celle-ci : « Remplis ta corne d’huile et va. Je t’envoie chez Isaï de Bethléem, car j’ai vu parmi ses fils le roi que veux ». La cithare de David ainsi me berçait, me faisant oublier l’indigne servitude des candidats qui m’entouraient et ma propre servitude plus indigne encore parmi eux, dans ce lieu à mi chemin entre le hangar, l’entrepôt et la salle d’examen, en quoi se résumaient à mon sens toute la tristesse et la duplicité de cette rouée et veule République. Le souffle épique des guerres de David, le murmure si spécifiquement doux de ses prières m’emportaient, tandis que les heures s’écoulaient. Au début du livre des Rois (2,2) David mourant dit à son fils Salomon : « Je m’en vais par le chemin de tout le monde ». « De toute la terre », traduit Augustin Crampon. Ou encore «  de tous les hommes ». L’Ecclésiaste prolongera l'hymne en soufflant un peu plus tard dans ces pages sublimes: Vanité, vanité, tout est vanité et poussière au vent…

A quoi en effet  sommes-nous tous en train de perdre notre vie ? Que sacrifions-nous ?  A la source de toute chose, bonne ou mauvaise, David voyait Dieu. Dieu le comblant de grâce ou le laissant se morfondre dans le péché. Je me disais qu’assurément, ni lui ni Salomon ne comprendraient les mots, les gestes des créatures qui m’entouraient, ni à quoi la société des hommes exigeait qu'ils appliquassent leur attention. Assurément, ces rois antiques ne comprendraient rien à notre goût pour les droits de l’homme, notre science, notre technologie, les prétendues valeurs de notre infirme raison. Nada. De cela nous pouvons être sûrs, et pour certains d’entre nous, fiers jusqu’à la plus glaçante des terreurs. Mais nous ? Que comprenons-nous encore de leur parole ? de leur foi ? Gavés d’idioties contemporaines, nous irons pourtant à notre tour « par le chemin de tout le monde ». Qu’aurons-nous sacrifié à nos médiatiques idoles, aux stupides politiciens qui s'engraissent à nos frais ? Le meilleur de nous-mêmes, j’en ai bien peur,  notre foi, notre espérance, notre charité, dans les débats stériles des démocraties modernes où tout est si diaboliquement inversé, dans la lutte pour la survie existentielle de chacun, dans l’affirmation hautaine de nos vaines opinions ?

« Distinguez ma cause du milieu d’une nation infidèle, de l’homme injuste et fourbe, délivrez moi » : c’est ce que chantait David, une supplique du dehors et du dedans, c’est ce que le prêtre chante au bas de l’autel avant le saint sacrifice, et c’était comme un baume de pur grâce répandu dans la précarité significative de ces bâtiments en préfabriqués où s'édifient les servitudes de demain…

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David, église Notre Dame à Boulogne sur Mer

10:54 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bible, david, salomon, saül, france, culture, éducation, république | | |

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