mercredi, 04 février 2015
Ma maman, la race et la Coupole
Il s'en passe des choses sous la Coupole : Xavier Darcos est sur le point d’être intronisé parmi les Immortels : réception prévue le 12 février. Florence Delay, qui succéda à Jean Guitton sur le 10e fauteuil, publie ce mois-ci La vie comme au théâtre. Il ne faut plus dire compétiter , mais prendre part, participer, concourir. Personnellement, je n’ai jamais dit compétiter et qu'une telle horreur me monte aux lèvres, j'en rougirais, pour sûr ! si pourtant les vieillards de la Coupole s’en émeuvent, c’est que le terme doit être usuel. En revanche, je dis souvent hashtag. C’est mal ! On doit préférer mot-dièse. Va avoir du mal à passer dans l’usage, ça, je le pressens. Autre chose qui aura du mal à passer, il ne faut plus dire ma maman. Ni mon papa. Bonne nouvelle. Depuis le temps que j’entends des conseillers principaux d’éducation affirmer en levant le menton qu’ils ont rendez-vous avec une « maman d’élève ». Et tous les gens du show-business dégoulinant de mièvrerie, acteurs, journalistes, sportifs, causer piteusement de leur maman, leur papa. C’est Danielle Sallenave qui le dit et, ma foi, ça fait du bien de l’entendre, on se sent moi seul : « En somme, dire ma maman pour parler de sa propre mère signale une stagnation ou un retour à l’état de puérilité. Infantilisme, peur panique de la solitude, impossibilité de se situer par rapport au passé, négation du temps et de la finitude ? Tout cela se dit avec clarté (et cette clarté serre le cœur) dans le pathétique « ma maman » sorti d’une bouche adulte » On peut lire ICI la totalité du billet. Bon ; j’afficherai ça demain sur la machine à café. Même si ça ne changera pas grand-chose au schmilblick qu’est le suicide français, pour paraphraser Zemmour. Je cause là de suicide linguistique.
Demeure quelque chose d'éminemment sympathique et de tragiquement désuet à tenter de résister à cette infantilisation du langage, à l'heure même que la perversité politique de certains sous les Ors de la République entreprend une révolution sémantique. Le hollandais à peine élu a déclaré le mot race anticonstitutionnel,ce qui n'est pas rien. Au bas mot, si j'ose dire, ça vaut une excommunication. N'empêche qu'on entend encore sous les préaux des Putain d'ta race. La nouveauté, c'est qu'on ne sait plus des deux termes lequel est le plus gros. Race ou putain ? Les mots ne sont que des mots, comme les dessins ne sont que des dessins. C'est le signe de la grande misère du politique de s'en prendre à eux, et de la grande soumission du populo, de ne pas davantage s'en offusquer. Moi, j'ai toujours beaucoup aimé les dictionnaires d'argot. Et les mots policés, surtout par des connards, m'exaspèrent. Derrière les bons sentiments, toujours, les grandes manœuvres.
Le regretté Galtier-Boissière fut en son temps un grand compilateur d'argot. Il n'a pas son pareil pour vous expliquer ce que c'est qu'une daronne ou une dabuche, Le français crève d'avoir perdu Bruant et sa Dabuche Michelon ou sa pauv' gosse sans daronne et daron. Et combien la Daronne du Dardant est un périphrase qui sied à Vénus ! La dabiche et la dabuche, c'était pas mal non plus. Sans parler d'Arthur et sa daromphe. Jeunes filles, méfiez-vous des hommes qui vous parlent de leur maman. Surtout s'ils ont passé la trentaine Préférez-leur assurément ceux qui vous causent de leur maternelle, de leur rondeda ou de leur souche. Une souche est moins intrusive en ménage qu'une maman. Et phonétiquement, combien plus originale...
Trois strophes de Lézard de Bruant, recueil Dans la rue, 1889
21:11 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : académie française, xavier darcos, florence delay, danielle sallenave, galtier-boissière, argot, maman, bruant |
Commentaires
Intéressant billet de Danielle Sallenave, comme toujours. Peut-être un peu long pour des profs :)
Il m'avait échappé que Darcos fût élu à l'Académie française. L'apprendre me fait sourire. Ce qui me fait sourire, c'est ce besoin puéril de distinctions.
Ce que je ne ressens pas s'agissant de Danielle Sallenave ou de Florence Delay... Allez savoir pourquoi :)
Écrit par : Michèle | mercredi, 04 février 2015
https://www.youtube.com/watch?v=5_tcMW4TH0I
Écrit par : Michèle | jeudi, 05 février 2015
Ce billet va faire plaisir aux orphelins. D'entendre "ma maman, mon papa", celui ou celle qui n'en a pas eu peut ressentir un grand moment de solitude.
Dans la bouche de Nougaro, c'est attendrissant.
Les gens du Nord, je ne les entends jamais dire, adultes, "mon papa, ma maman", les familles étant plus rudes en haut, surtout dans les milieux ouvriers, en tout cas il ne fait pas bon le dire ici-haut, si on ne veut pas se sentir cruellement à côté de la plaque tout à coup, après avoir lâché ces quelques mots bien innocents, à première vue du moins. Je trouvais malgré tout, l'entendant assez souvent dans la bouche de gens du sud, que c'était preuve que leurs familles étaient plus tendres avec leur progéniture.
C'est-à-dire que Nougaro faisait sonner son "mon papa" avec tellement d'énergie et l'accent redondant. Peu de temps avant de mourir, il a été filmé se rendant à l'hôpital, le pouce dans la bouche... mais chez lui, comme chez Renaud, ça passe. On ne saurait dire pourquoi.
Écrit par : sauge | jeudi, 05 février 2015
@ Sauge :
Je viens d'écouter (A mon père) "Toi, là-haut" de Claude Nougaro.
Nougaro dit "mon père", il dit "Papa". Je ne l'entends pas dire "mon papa".
https://www.youtube.com/watch?v=KIzD__TZY-0
Écrit par : Michèle | jeudi, 05 février 2015
Bonjour Michèle,
C'est lors d'un entretien à la radio que le l'ai entendu dire ça, à moins d'avoir rêvé ce qui est possible car je rêve aussi bcq ; j'ai encore cependant un vague écho de cela, je ne tiens pas à récupérer la vedette non plus, mais enfin, je pense qu'il voulait témoigner de sa tendresse, sans plus finalement. Pour moi, "mon" ou pas "mon", je ne m'arrête pas tellement aux mots, ils passent, ils s'envolent, across the Universe, et qu'importe même si l'écho vient ou pas d'une source réelle. Peut-être ai-je rêva après tout.
N'avoir ni père ni mère fait que l'on a pas mal de recul avec le temps sur ce genre de choses. Je ris de ces choses-là, sans importance aucune.
À vous relire !
Écrit par : sauge | dimanche, 08 février 2015
Bonjour Sauge,
Merci infiniment de votre réponse. Cela ne m'étonne pas que Nougaro ait dit "mon papa" dans un échange oral, c'est une immense tendresse qui fait dire cela, bien sûr. Dans une chanson c'eût été plus étonnant.
En tout cas c'est un plaisir de vous lire, d'entendre votre regard sur les choses. Je dis les choses pour ne pas dire le monde même si c'est bien de cela qu'il s'agit.
A vous relire, itou !
Écrit par : Michèle | lundi, 09 février 2015
La femme Sallenave est une écrivaine.
Elle revendique ça. Haut et fort.
Elle a horreur de l'élite, on la comprend.
Elle a horreur de l'élite, en disant qu'il faut la défendre quand elle n'est point l'élite qui est l'élite.
La femme Sallenave, le bibendum Hollande, les trucs en vert...
Écrit par : tamet de bayle | vendredi, 06 février 2015
Sallenave est l'idiote qui a déclaré la guerre à Bourdieu quand celui-ci a écrit "Les Règles de l'art". Petit écrivain normalien universitaire qui se croit le droit de pérorer, quand son œuvre ne vaut pas le papier qu'on a utilisé pour la publier.
Écrit par : nauher | samedi, 07 février 2015
La tyrannie des quotas est entrée dans notre civilisation sans qu'on s'en aperçoive.
Les habits verts se doivent de respecter les taux.
On ne peut que remercier la sosserie : les femmes sont dans les taux.
Au français, selon son degré de bidochonnerie, de choisir l'orthographe.
Écrit par : tamet de bayle | dimanche, 08 février 2015
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