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mardi, 30 octobre 2012

Situation room

Dans sa « situation room », romanesque plus que jamais, le président avise. Les observateurs politiques disent que Sandy pourrait bien lui sauver la mise, puisque la propagande d’homme providentiel qui battit son plein lors de sa première élection en 2008 ne peut plus fonctionner, crise, chômage, dette aidant.

Or le cyclone Sandy l’a soudainement placé dans une posture idéalement démocratique. Comme tout un chacun, il voit sur de multiples écrans l’inexorable progression des eaux et des vents, assis dans le fauteuil même où, entouré du même staff, il avait assisté à l’exécution de Ben Laden : au contraire de tout un chacun occupé à tenter de sauver du déluge ses quelques hardes, lui garde tête froide. Habile et décontracté, il gère. En d'autres temps, la salle eût été emplie de volutes de fumée. En 2012, l'air y est pur. 

ObamaBPSituationRoom_591.jpg

La paupière impavide qu’il place face au chaos généralisé lui confère certes un côté Fantomas vaguement irréel. N'importe. Cet aspect là convient bien à l’écran. Comme dans les films catastrophes, des centaines de villes sont en faillite par tout le pays. La Chine possède désormais  la plus grande part des bons du Trésor américain. Les éléments déchaînes balaient New-York, ses rues, ses gratte-ciel, son métro. Il faut cependant qu’on croit, dans le pays et partout ailleurs, qu’il tient la situation en main. Alors, il regarde.

« Le propagandiste doit traiter la personnalité comme n’importe lequel autre fait objectif de sa compétence. Selon les cas, une personnalité crée une situation, ou bien les circonstances créent une personnalité, mais il est souvent difficile de savoir quel est le facteur déterminant.» écrivait Bernays (un spécialiste de la question)  dans son Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie.  

Parvenir donc à faire croire au monde entier que lui et ses sbires demeurent maîtres de la situation comme ils sont maîtres de la situation room, tel est le but de la petite démonstration médiatique. Ils sont maîtres, par la seule force de leur présence à l’événement, c'est-à-dire par la seule force de leur regard : tel est le défi que l’acteur Obama doit relever pour s’imposer face à son adversaire que l’actualité a relégué dans les placards de l'actualité. Là, dans cette salle où se joue sa légende, tout est affaire de postures. Il regarde et l'on croit qu'il agit.

Pour cela,  la « situation room » doit apparaître plus que jamais comme le pont du navire, d'où le capitaine, à la fois proche et lointain, exposé et surprotégé, « gère » un désastre qu’il ne fait en réalité que contempler.

Comme nous autres, spectateurs anonymes, Obama regarde, impuissant dans sa cave de la Maison Blanche qui tient à la fois du bunker, de l’ultime refuge, de la salle de contrôles et du saint des saints. Mais au contraire de nous autres, il est regardé. Regardant regardé.

La fonction de l’homo politicus post-moderne atteint là une sorte de cynisme efficace et d'impuissance assumée qui – paradoxalement – convainquent de son professionalisme. Plus que jamais se réalise la prophétie par laquelle Bernays avait clot son ouvrage en 1928 : « la propagande ne cessera jamais d’exister. Les esprits intelligents doivent comprendre qu’elle leur offre l’outil moderne dont ils doivent se saisir à des fins productives, pour créer l’ordre à partir du chaos ».

 

16:30 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : situation room, sandy, obama, usa, politique, bernays, propagande, new york | | |

Commentaires

Obama in exelcis....de style !

Vous posez bien la problématique. l'instantanéité omniprésente de "l'information " produit une dichotomie
entre les symboles et les actes . Les symboles sont sur-évalués, les actes peuvent disparaitre. Pour utiliser un mot que vous allez aimer. Il est normal que le Président d'un état soit attentif à une catastrophe ,comme celle produite par cet ouragan, il est de son autorité de déclencher quelques mesures (état d'urgence...) , de veiller que les différentes institutions devant intervenir le fassent avec efficacité... "C'est le job"...Il devrait aller de soi qu'il le fait, bien ou mal , ce serait à évaluer après l'événement. L'image semble suffire à escamoter tout débat, voire la catastrophe, elle même au profit de celui qui jouera le meilleur démiurge.

Écrit par : patrick verroust | mercredi, 31 octobre 2012

Chez moi, il y a plusieurs années, il y a eu de graves inondations. Mr Balladur s'est déplacé, exilé, déporté, jusqu'à notre lointaine province. Il fit quelques pas dans la rue, et quand il vit le fleuve en crue menacer le bout de ses escarpins vernis, il fit un rapide saut en arrière. Image inoubliable.

Écrit par : Julie des Hauts | mercredi, 31 octobre 2012

Eh oui ! On n'avait pas encore inventé les "situations rooms" pour éviter de se mouiller les escarpins !

Écrit par : solko | mercredi, 31 octobre 2012

Feu , le maréchal de Mac Mahon, courageux au feu mais peu loquace en émotions, aurait remonté le moral des habitants sinistrés de la Garonne, d'un " que d'eau,que d'eau"....et encore , il n'en voyait que le dessus lui signala, avec opportunité, le préfet.

Écrit par : patrick verroust | mercredi, 31 octobre 2012

Parfaite analyse. Terrible, aussi. Debord est encore là, derrière. Va-t-on parvenir à sortir du Spectacle ? J'ai des doutes...
(Et en même temps, j'ai la certitude croissante de la puissance accrue, face au réel et à l'immobilisme, du "micro", de l'individuel actif, bref, du grain de vie taoïste...) :)

Écrit par : Sophie K. | jeudi, 01 novembre 2012

shakespeare a écrit " all the world's a stage" il y a plus de 4 siècles, pas la peine de s'emplafonner debord pour le comprendre, non? il sembie que ce soit suffisamment explicite comme formulation, tu ne trouves pas?^^ (pas de la faute de shakespeare si personne ne veut en tenir compte^^)

seule solution pour sortir du spectacle, mourir et retomber en enfance ( d'un autre point de vue, on pourrait aussi dire que ceci revient à devenir enfin adulte); question: tu comptes commencet quand?^^

Écrit par : gmc | jeudi, 01 novembre 2012

commencer*

Écrit par : gmc | jeudi, 01 novembre 2012

Ah mais j'aime bien Shakespeare aussi - et il n'avait pas la télé, en plus, lui. :)
(Sinon, j'ai commencé par ne pas quitter l'enfance. Mourir, j'verrai plus tard. Et toi, tu commences quand ?)

Écrit par : Sophie K. | vendredi, 02 novembre 2012

programme en VEFA, np^^
shakespeare avait la télé, t'as pas lu ces pièces? ça, c'est de la vraie télé-réalité, du journalisme d'investigation, fallait bien qu'il gagne sa croûte, le pauvre.
soit dit en passant, si jamais on ne quitte pas l'enfance, on ne se préoccupe pas des formes diverses et variées que prend le spectacle qui, lui, par essence, est neutre^^. les considérations morales ou esthétiques à son propos ne sont que fanfreluches, ajouts de décors superflus.

Écrit par : gmc | samedi, 03 novembre 2012

@ GMC: Soit. Mais il est évident (et heureusement) que nous avons tous quitté l'enfance, ne serait-ce que pour survivre dans la jungle. Maintenant, que l'on protège un certain regard sur les choses qui refuse l'engagement,c'est autre chose. C'est une posture d'adulte, une façon aussi de survivre.

Entre Shakespeare et nos jours, le spectacle et la mise en scène des passions est certes un point commun ; encore que j'ai l'impression que nous ayons considérablement régressé sur ce terrain là, avec une uniformisation et une standardisation des passions (au nom de l'égalité) complètement stérilisante et totalitaire.
En revanche, le développement de la technologie et des moyens de propagande, eux, ne sont pas les mêmes. La "situation room" d'Elisabeth n'avait pas besoin, comme celle d'Obama, de faire la pute à la télé. pas le même. La façon dont le spectacle s'impose comme un moyen pour le politique d'asseoir son autorité (voire son totalitarisme) a changé de modalité.

Écrit par : solko | samedi, 03 novembre 2012

on ne quitte pas l'enfance pour survivre dans la jungle, solko. on est obnubilé par la jungle et les "aventures" qu'elle procure, et ce n'est en rien un comportement adulte, infantile serait plutôt le terme adéquat.
il n'y a pas de régression non plus, aucun changement chez l'humain depuis le néolithique et l'apparition du néo-cortex (apparition toujours scientifiquement inexpliquée par ailleurs^^). la politique, toujours le même marigot aussi, quels que soient les époques et les régimes, aucun différence avec une cour de récréation pour arriérés dans les comportements et les attitudes.

si vous voulez voir une régression (que vous inventez pour fonder votre raisonnement), c'est uniquement par présomption, vous rêvez d'époques qui n'ont pas eu lieu ailleurs que dans votre interprétation, c'est votre apport aux décors du film.^^

Écrit par : gmc | samedi, 03 novembre 2012

à ce propos, je viens de tomber sur un extrait de jean sulivan qui donne un éclairage plutôt corect à la situation, m^me s'il date de 1979 (intemporalité quand tu nous tiens^^..):

http://lorgnonmelancolique.blog.lemonde.fr/2012/11/04/la-devotion-moderne/

Écrit par : gmc | dimanche, 04 novembre 2012

@ gmc : Tu as sûrement raison, mais bon, râler fait aussi du bien (même si tu trouves ça infantile et sans utilité). Ne juge pas trop vite, les gens sont toujours plus complexes qu'il y paraît.
Sinon, je ne crois pas qu'on rêve d'époques qui n'ont pas eu lieu. On se retourne juste sur des gens dont les idéaux nous ont fait rêver à un moment. Ce n'est pas si stérile, puisqu'ils continuent à nous faire réfléchir un brin.

Écrit par : Sophie K. | lundi, 05 novembre 2012

tkt sophie, personne ne râle ici, je regarde tout ça avec un vague sourire amusé pour tout t'avouer ( note que la complexité peut toujours être subdivisée en formulations simples; mais il est vrai que la simplicité est difficilement visible aux yeux de la complexité^^).

non, ces époques n'ont jamais existées - ailleurs que dans l' imagination de qui les cite en référence - et ce, pour plusieurs raisons: une des principales étant que l'on ne retient de ces dites époques que ce qu'on veut bien y trouver et qu'on ne les examine jamais avec un regard global.
et, chose tout aussi amusante, aucun physicien ne sait toujours dire ce qu'est le temps^^ (donc, rayon preuves, on est un peu démuni pour garantir leur authenticité^^)

perso, je trouve shakespeare beaucoup plus apte à faire rêver que debord; de plus, lui, au moins, il parle alors que debord ne fait de discourir sérieusement et de manière besogneuse....

nb: râler doit probablement faire du bien, si on écoute le chant des femmes depuis l'aube des temps ;-) (série en cours...)

Écrit par : gmc | lundi, 05 novembre 2012

@ gmc : Honnêtement, je ne nierais pas du tout que le grand Will savait mieux chanter les choses (et avec plus d'humour, de poésie, de clarté et de tendresse) que l'ami Guy, hahaha ! Je ne les compare pas, d'ailleurs, c'est pas le même univers.

(Sinon, oui, râler fait du bien. Moi ça me requinque.) :D

Pour le reste, c'est vrai, on réinvente toujours.

Écrit par : Sophie K. | mardi, 06 novembre 2012

* correction sorry : nierai sans s.

Écrit par : Sophie K. | mardi, 06 novembre 2012

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