dimanche, 21 mars 2010
Aujourd'hui, 1er de Germinal...
Aujourd’hui, 1er du mois de Germinal, mois de la germination, fut placé par le Comité de Salut Public sous le signe de la primevère. Demain sera sous le signe du platane, et après-demain de l’asperge. C’est Charles Gilbert ROMME (1750-1795) qui lut à la Convention, le 20 septembre, ce projet de calendrier censé réguler la nouvelle ère des Français, qui fut adopté le 5 octobre.
A ce moment là, le mois débutant le 21 mars devait porter le nom quelque peu rébarbatif de Régénération. Le 18 octobre, Favre d’Eglantine (1750-1794), le saltimbanque auteur de Il pleut Bergère, fut chargé d’amener un peu de « poésie » dans cet austère décompte des mois. Il s’inspira de l’économie rurale pour nommer les mois d’après les récoltes et les saisons, puisant dans l’agriculture « le livre le plus usuel de tous » l’inspiration pour renommer les mois, toujours dans le hautain souci d’éduquer le peuple : «nous avons imaginé de donner à chacun des mois de l'année un nom caractéristique qui exprimât la température qui lui est propre, le genre de production actuel de la terre, et qui tout à la fois fit sentir le genre de saison où il se trouve dans les quatre dont se compose l'année. [...] de telle manière que les noms des mois qui composent l'automne ont un son grave et une mesure moyenne, ceux de l'hiver un son lourd et une mesure longue, ceux du printemps un son gai et une mesure brève et ceux de l'été un son sonore et une mesure large. »
Pour la saison printanière qui débute aujourd’hui, donc, germinal, floréal, prairial.
Chaque jour, dans cette même logique de retour aux sources et d’abolition des saints-patrons du christianisme, est arbitrairement placé sous le signe d’une plante, d’un animal ou d’un outil :
Après le primevère (1), le platane (2), l’asperge (3), voici donc la tulipe (4), le Coq (5), la Bette ou Blette (6), le bouleau (7à, la jonquille (8), l’aulne (9), le greffoir (10), la pervenche (11), le charme (12), la morille (1 »), le hêtre (14), la poule (15), la laitue (16), le mélèze (17), la cigüe (18), le radis (19), la ruche (20) le gainier (21), la romaine (22), le marronnier (23), la roquette (24), le pigeon (25), le lilas (26), l’anémone (27), la pensée (28), la myrtille (29), le couvoir (30)…
Assurément, ces gens si persuadés d’agir selon la Raison étaient, dans leur volonté frénétique de renommer et de refonder toute chose, saisis d’un furieux grain. On sait que Napoléon Ier rétablit le 1er janvier 1806, après treize années, ce calendrier républicain à l’ambition aussi excentrique que vertigineuse, aussi fascinante que déraisonnable dont, pourtant, dans les maisons communes de nos provinces, de vieux registres d’état-civil gardent trace manuscrite puisque, sous ce calendrier-là comme sous un autre, on continua ingénument durant ces années-là de naître, de se marier, de mourir.
Décret de la Convention nationale, concernant l'ère des Français
Du 5 octobre 1793, l'an second de la République française, une et indivisible.
La Convention nationale, après avoir entendu son comité de l'instruction publique, décrète ce qui suit:
ARTICLE PREMIER
L'ère des Français compte de la fondation de la république, qui a eu lieu le 22 septembre 1792 de l'ère vulgaire, jour où le soleil est arrivé à l'équinoxe vrai d'automne, en entrant dans le signe de la balance à 9 heures 18 minutes 30 secondes du matin, pour l'observatoire de Paris.
II. L'ère vulgaire est abolie pour les usages civils.
III. Le commencement de chaque année est fixé à minuit, commençant le jour où tombe l'équinoxe vrai d'automne pour l'observatoire de Paris.
IV. La première année de la République française a commencé à minuit le 22 septembre 1792, et à fini à minuit, séparant le 21 du 22 septembre 1793.
V. La deuxième année a commencé le 22 septembre 1793 à minuit, l'équinoxe vrai d'automne étant arrivé, pour l'observatoire de Paris, à 3 heures 7 minutes 19 secondes du soir.
VI. Le décret qui fixait le commencement de la seconde année au 1er janvier 1793, est rapporté. Tous les actes datés de l'an 2 de la république, passés dans le courant du 1er janvier au 22 septembre exclusivement, sont regardés comme appartenant à la première année de la république.
VII. L'année est divisée en douze mois égaux de trente jours chacun, après lesquels suivent cinq jours pour compléter l'année ordinaire, et qui n'appartiennent à aucun mois; il sont appelés les jours complémentaires.
VIII. Chaque mois est divisé en trois parties égales de dix jours chacune, et qui sont appelées décades, distinguées entre elles par première, seconde et troisième.
IX. Les mois, les jours de la décade, les jours complémentaires, sont désignés pour les dénominations ordinales premier, second, troisième, etc. mois de l'année; premier, second, troisième, etc. jour de la décade; premier, second, troisième, etc. jour complémentaire.
X. En mémoire de la révolution qui, après quatre ans, a conduit la France au Gouvernement républicain, la période bissextile de quatre ans est appelée la Franciade.
Le jour intercalaire qui doit terminer cette période est appelé le jour de la Révolution. Ce jour est placé après les cinq jours complémentaires.
XI. Le jour, de minuit à minuit, est divisé en dix parties; chaque partie en dix autres, ainsi de suite jusqu'à la plus petite portion commensurable de la durée. Cet article ne sera de rigueur pour les actes publics qu'à compter du 1er du premier mois de la troisième année de la république.
XII. Le comité d'instruction publique est chargé de faire imprimer en différents formats le nouveau calendrier, avec une instruction simple pour en expliquer les principes et les usages les plus familiers.
XIII. Le nouveau calendrier ainsi que l'instruction seront envoyés aux corps administratifs, aux municipalités, aux tribunaux, aux juges de paix et à tous les officiers publics, aux instituteurs et professeurs, aux armées et aux sociétés populaires. Le conseil exécutif provisoire les fera passer aux ministres, consuls et autres agents de France dans les pays étrangers.
XIV. Tous les actes publics sont datés suivant la nouvelle organisation de l'année.
XV. Les professeurs, les instituteurs et institutrices, les pères et mères de famille, et tous ceux qui dirigent l'éducation des enfants de la république, s'empresseront de leur expliquer le nouveau calendrier, conformément à l'instruction qui y est annexée.
XVI. Tous les quatre ans, ou toutes les Franciades, au jour de la Révolution, il sera célébré des jeux républicains en mémoire de la révolution française.
11:36 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : calendrier républicain, actualité, printemps, histoire, favre d'églantine |
Commentaires
Béni soit ce "hautain souci d'éduquer le peuple". Plus personne ne s'en occupe à présent, et le peuple comme vous dites sombre dans la connerie de plus en plus épaisse, criminellement coupé de toutes réalités culturelles et spirituelles. N'ayez pas honte de vouloir élever les hommes. Non pas "à votre niveau", malheureux, mais sur la voie que vous tentez de suivre...
Écrit par : COLLIGNON | dimanche, 21 mars 2010
Et hop (comme dirait Achille Talon), encore un lien sur Facebook vers une note de Solko !
Écrit par : Frédérick Houdaer | dimanche, 21 mars 2010
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