vendredi, 11 septembre 2009
Pourquoi j'écris des satires
Tu veux réussir ? Ose un coup digne du bagne, du cachot.
On loue la probité, mais elle crève de froid. C’est au crime
Que l’on doit jardins, palais, tables, argenterie d’époque,
Ce bouc ciselé sur une coupe. Qui peut dormir, dites,
Quand on voit un père payer sa bru pour l’enfiler,
Des fiancées paillardes, un gamin qui se tape une matrone ?
A défaut de génie, c’est l’indignation qui fait les vers.
Tout ce qui travaille les hommes, vœux, crainte, colère, volupté,
Joies, intrigues, oui, tout cela vivra dans mon livre mêlé.
Et quand donc le torrent des vices fut plus impétueux ?
Plus béante la poche de la rapacité ? Plus tyrannique
La passion du jeu ? Ce n’est pas avec quelques bourses
Que l’on court tenter le hasard, ou joue coffre-fort sur la table !
Ah, les jolies batailles où le croupier fournit les munitions …
Juvénal, Satire 1 (traducton de Pierre Feuga)
Quelque chose de proprement étonnant à se dire que ces vers ont presque vingt siècles d’âge. Certains justifieront grâce à eux une coïncidence entre la décadence romaine et celle de l’Occident ; d’autres une permanence du mal dans la nature humaine. D’autres, que sais-je…
On peut aussi tout simplement s’étonner. Comme devant de très vieilles pierres, de très vieux sarcophages, d’anciens bijoux.
Stupéfié, par la sidérante puissance de la littérature.
20:27 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : littérature, juvénal, satires, littérature latine |
Commentaires
Merci Solko car Juvénal jusque là n'était associé dans mon esprit qu'à un (très) mauvais souvenir de version !
Écrit par : Zabou | vendredi, 11 septembre 2009
Beaucoup plus près de nous, je lisais ces jours-ci dans Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) des choses sur les critiques littéraires qui sont d'une désespérante actualité.
Tout est nul et la veulerie est quasiment inhérente aux sociétés, sous tous les cieux et sous tous les âges...
C'est certainement la poésie et l'envie de vivre autrement qui sont dramatiquement décalées.
Sous tous les cieux et sous tous les âges...
Écrit par : Bertrand | vendredi, 11 septembre 2009
Merci de nous transmettre les "éclats".
Écrit par : Frasby | vendredi, 11 septembre 2009
je reviendrai !
Écrit par : kabotine | vendredi, 11 septembre 2009
Écrit par : Feuilly | vendredi, 11 septembre 2009
Cette phrase me plaît, qui swingue et court dans la rocaille du midi.
Écrit par : Michèle | samedi, 12 septembre 2009
J'y pense souvent, particulièrement en ces temps de rentrée scolaire.
Et cela me laisse songeur.
Écrit par : solko | samedi, 12 septembre 2009
Vous me donnez envie de m'y replonger, tant ce polar qui oppose une moitié de Paris à une autre est, de très loin, le Balzac que je préfère.
Écrit par : solko | samedi, 12 septembre 2009
Écrit par : solko | samedi, 12 septembre 2009
Écrit par : solko | samedi, 12 septembre 2009
Le grec et le latin n'étant quasiment plus enseignés, il est possible que nous soyons les dernières générations à qui parleront les antiques. Profitons-en donc !
Écrit par : solko | samedi, 12 septembre 2009
Écrit par : solko | samedi, 12 septembre 2009
Langueur
Je suis l'Empire à la fin de la décadence,
Qui regarde passer les grands Barbares blancs
En composant des acrostiches indolents
D'un style d'or où la langueur du soleil danse.
L'âme seulette a mal au coeur d'un ennui dense,
Là-bas on dit qu'il est de longs combats sanglants.
O n'y pouvoir, étant si faible aux voeux si lents,
O n'y vouloir fleurir un peu cette existence!
O n'y vouloir, ô n'y pouvoir mourir un peu!
Ah! tout est bu! Bathylle, as-tu fini de rire?
Ah! tout est bu, tout est mangé! Plus rien à dire!
Seul un poème un peu niais qu'on jette au feu,
Seul un esclave un peu coureur qui vous néglige,
Seul un ennui d'on ne sait quoi qui vous afflige
(Jadis et naguère)
Écrit par : Feuilly | samedi, 12 septembre 2009
Vous avez raison Frasby. Et je n'arrive vraiment pas à suivre( surtout d'ici)la littérature dans ce qu'elle offre certainement de nouveautés,sinon sur les grands sites littéraires, tel le tiers livre de François Bon... C'est donc dans les grands classiques que je trouve encore l'essentiel de mon miel et, franchement, la friction au monde, n'a pas tellement évolué, du moins dans ce que j'en ressens, ce monde n'ayant sans doute pas évolué beaucoup lui-même, quand il n'a pas reculé.
Ce qui, Solko, nous amène à Balzac. Je suis en ce moment sous le charme puissant de ce livre. Un monument. Sans doute le chef-d'oeuvre de la Comédie humaine.
J'avais lu il y a vraiment trop longtemps. Bon sang, on devrait avoir toujours à portée de main ces grands livres qu'on avait lus hier, quand on n'avait pas encore toutes clés...Du moins pas les mêmes ! J'ai relu récemment un livre que j'avais déjà lu deux fois : Le Grand Meaulnes...J'ai eu l'impression de découvrir.En fait, relire c'est aussi se se relire
Balzac : Esther est un personnage magnifique et Vautrin, maintenant faux abbé espagnol, absolument succulent.
J'ai habité à Ruffec à une période de ma vie. En Charente. Quel plaisir de voir Corentin et l'avoué parisien pousser le cheval jusqu'à Manles,à dix kilomètres de Ruffec, chez la famille de Lucien, pour soutirer des renseignements à la sœur.
Un régal, tout ça..
Frasby dit avec justesse :tant qu'il y aura de tels livres...
Écrit par : Bertrand | dimanche, 13 septembre 2009
Grâce à vous je découvre ce Verlaine, et je vous en remercie. "Des poèmes saturniens" (1866) a "Invectives" (1896), quelques six-cents pages de poèmes, sans les notes et sans les vers non publiés en volume,dans l'édition BOuquins d'Yves Alin Favre (je viens de vérifier); ça aussi, c'est impressionnant...
Écrit par : solko | dimanche, 13 septembre 2009
Écrit par : solko | dimanche, 13 septembre 2009
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