mercredi, 18 mars 2009
De l'autorité
« Puisque l'autorité requiert toujours l'obéissance, on la prend souvent pour une forme de pouvoir ou de violence. Pourtant l'autorité exclut l'usage de moyens extérieurs de coercition : là où la force est employée, l'autorité proprement dite a échoué. L'autorité, d'autre part, est incompatible avec la persuasion qui présuppose l'égalité et opère par un processus d'argumentation. Là où l'on a recours à des arguments, l'autorité est laissée de côté. Face à l'ordre égalitaire de la persuasion, se tient l'ordre autoritaire qui est toujours hiérarchique. S'il faut vraiment définir l'autorité, alors ça doit être en l'opposant à la fois à la contrainte par la force et à la persuasion par arguments. La relation autoritaire entre celui qui commande et celui qui obéit ne repose ni sur une raison commune ni sur le pouvoir de celui qui commande : ce qu'ils ont en commun, c'est la hiérarchie elle-même, dont chacun reconnait la justesse et la légitimité, et où tous deux ont d'avance leur place fixée »
Hannah Arendt, "Qu'est-ce que l'autorité", La Crise de la culture
22:23 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : hannah arendt, autorité, école, enseignement |
Commentaires
Jusqu'à quatre lignes avant la fin de l'extrait (après, j'ai vu la référence), je vous prêtais Solko, le développement que j'étais en train de lire. Et Hannah Arendt ne l'eût-elle pas fait...
C'est extraordinaire cette définition de l'autorité, qu'H.A. oppose à la contrainte par la force comme à la persuasion par arguments.
C'est passionnant de comprendre que la force du concept de hiérarchie c'est d'assigner une place à chacun. Non pour qu'il s'y réduise et s'y fige, mais pour qu'il s'y fonde en tant que sujet, pour qu'il devienne propriétaire de sa parole et de ses actes, pour qu'il trouve lui-même l'intelligence de sa vie.
Écrit par : michèle pambrun | mercredi, 18 mars 2009
Mais oui. Bien sûr !... dit comme ça, ça recadre. Je n'ai pas encore atteint ce chapitre. Et ce vieux Léautaud qui ricane ! (cette vieille carne) Vous savez ce qu'il dit Léautaud dans son journal littéraire ? il dit :
"Tout ce qui est l'autorité me donne envie d'injurier". Ce qui n'apporte pas la moindre goutte à votre moulin, juste une petite gesticulation matinale ;)
Bonne journée.
Écrit par : frasby | jeudi, 19 mars 2009
J'aime cette circulation des idées. Partis de la trilogie de Béraud dont le maître des lieux disait qu'elle "illustre les thèses d'Hannah Arendt dans son essai sur Les Origines du Totalitarisme", nous voilà, après avoir questionné "L'ordre de la décadence", dans la notion d'autorité, dont la formulation de Béraud "une autorité forte" avait été soulignée par Sophie, qui s'interrogeait et disait "C'est une question importante quand même !"
Écrit par : michèle pambrun | jeudi, 19 mars 2009
Ah oui Michèle! je soulignais en effet l'adjectif que Béraud a ajouté, et qui ne me semble pas être là pour rien. Je ne suis pas sûre que ça soit de sa part un pléonasme. H. Arendt évoque l'autorité. mais pas l'autorité "forte". Bon mais c'est tout.
Écrit par : Sophie L.L | jeudi, 19 mars 2009
Je n'avais jamais envisagé les choses sous cet angle (je dois même avouer ne jamais me l'être posée tant l'autorité me semblait aller de soi) mais c'est parfaitement vérifé dans un groupe de jeunes, quand les aînés s'occupent des plus jeunes ou des nouveaux parce que reconnus comme tels.
Quand ce n'est pas le cas, commencent les "gueulantes", tensions et tout fiche le camp.
Écrit par : Zabou | jeudi, 19 mars 2009
Mais de toute façon l'autorité dans l'éducation c'est autre chose, je crois que nous sommes tous d'accord ici Zabou. Je ne parlais pas de ça.Bouh j'arrive pas à me faire comprendre! pas grave, je vais préparer ma pâte à crêpes tiens!
Écrit par : Sophie L.L | jeudi, 19 mars 2009
Je crois comprendre que chacun dans ses commentaires dit combien la formulation d'Hannah Arendt revisite si je puis dire l'idée que nous nous faisions de l'autorité. Ce que je repérais pour ma part c'est que c'était vous qui aviez mis l'accent sur cette notion Sophie, dès le texte de Béraud sur le Duce.
La question que vous posez concernant le sens d' "autorité forte" reste ouverte et entière.
Pour ma part je ne suis pas sûre que Béraud ait eu en tête l'acception pleine de la notion d'autorité et cet adjectif peut être une faiblesse. Il est dans une relation journalistique pas dans un texte littéraire même si sa plume reste forte. Et quand Pascal Adam disait que c'était le contraire d'autorité faible, au-delà de la boutade c'est une vraie réponse.
Le rapport est lointain, mais ça m'a toujours agacée que certains parlent de "laïcité plurielle" ou de "laïcité ouverte".
L'inconvénient du virtuel, c'est qu'on ne pourra pas goûter les crêpes. Nous eussions été au café du commerce...
Écrit par : michèle pambrun | jeudi, 19 mars 2009
-Michèle: oh mais grâce à moi on est au café du commerce tous les jours!!! en tous cas c'est sûr que pour ma part je ne prétends pas à autre chose!!!
Écrit par : Sophie L.L | jeudi, 19 mars 2009
Dans l'article en question, Hannah Arendt montre avec beaucoup de justesse et de clarté, à quel point l'autorité est nécessaire pour perpétuer la fondation. Elle démontre à quel point l'un des maux profond des sociétés modernes est d'avoir perdu l'autorité, partout confondue, sciemment, avec le pouvoir et ses abus. Lumineux.
Pour ce qui est de Béraud, je crois que sa distinction entre la société totalitaire, fasciste, et une république dont l'autorité serait forte est à comprendre de cette façon. Aujourd'hui, la seule autorité (au sens propre reconnue) est celle du spectacle, et c'est une véritable décadence.
Écrit par : solko | jeudi, 19 mars 2009
il y a une omission dans son raisonnement: l'exercice de l'autorité renvoie à la notion d'autrui, elle consiste à mettre ses connaissances au service d'autrui et non à se servir desdites connaissances pour utiliser autrui.
c'est pour cela que la répartition des rôles sur cette terre était jusqu'à il y a peu la suivante: à la femelle le pouvoir et, sur délégation de sa parole, l'exercice de l'autorité au mâle.
en l'absence de cette délégation - comme c'est le cas aujourd'hui en occident-, l'exercice de l'autorité s'effondre de lui-même.
(il suffit juste de voir l'autorité qu'ont les femmes sur leurs enfants ainsi que sur elles-mêmes pour n'en douter aucunement.)
pourquoi en est-il ainsi? c'est très simple, toute femme un tant soit peu intelligente met moins de deux secondes pour répondre à la question "autrui existe-t-il pour une femme s'il ne lui sert à rien?"
soit dit en passant, poser la question donne aussi la réponse...:-)
Écrit par : gmc | vendredi, 20 mars 2009
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