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jeudi, 19 février 2009

Le monde change

"Le monde change." J'entends souvent débiter ce genre d'âneries par des gens qui souvent ont un portable à la main, des écouteurs à l'oreille. et une épingle de travers dans l'arcade sourcilière.  Le monde ne change pas. Non. Ce sont les générations qui le peuplent, qui changent. Qui passent la main. Qui se refilent, comme on dit, le témoin. Quand j'étais gosse, dans les années cinquante/soixante, j'ai vu partir aux caveaux de familles et aux fosses communes la dernière génération née dans le XIXéme siècle, celle, très pragmatique, dont les membres avaient commencé leur vie d'adulte durant la première guerre mondiale, dans une France encore en grande partie agricole, et dont les derniers rares centenaires viennent de quitter les vivants que nous sommes encore. Puis s'en est allée des affaires celle de leurs enfants, une génération ancrée dans le matérialisme, et qui a voulu et bâti la société de consommation dans laquelle nous sommes tous nés, quel que soit à présent notre âge. Celle du premier baby boom, qui n'aura en guise d'expériences historiques, vécu que le crédit , le spectacle et la consommation, quitte à son tour le monde du travail. Et je dois bien reconnaître que ce ne sont pas les mêmes vieux que ceux qui étaient vieux quand j'avais vingt ans, que je rencontre sur les marchés et dans les pharmacies. Souvent, je pense à ces vieux que je croisais, qui ne sont plus. D'autres vieux les ont remplacés. Qui leur ressemblent sans être comme eux. Autre langage. Autres préoccupations. Autre sagesse. Et ce qui est vrai des vieux est vrai de chaque tranche d'âge. Le quadragénaire d'aujourd'hui n'est plus le même que celui d'il y a cinquante ans. Même chose du moutard de six-sept ans. Et il faut être sacrément imbu de sa personne et de cette stupide société pour y voir un progrès. C'est moi qui vous le dis. Ou une regression, d'ailleurs. Quand serons-nous capables de voir les faits sans ce maudit esprit d'analogie, de comparaison, qui fausse tout jugement ? Oui, les générations passent à la queue leu leu et diffèrent, dans un monde qui, lui, imperturbable, suit sa loi. Ce sont les conditions d'existence,  et les mentalités dans ce monde stable, qui, elles, varient. Pour changer les conditions d'existence et les mentalités, comptez trois ou quatre générations. La génération aux affaires actuellement, celle des Nicolas et des Ségolène, sa niaiserie, son incroyable aveuglement historique, son égoïsme aussi béat que spectaculaire et frileux, est sortie tout droit des dessins animés de Walt Dysney, des boums du samedi soir dans les garages, du premier homme sur la lune et des belles illusions que lui avait léguées la précédente. Et quand on regarde les trentenaires, les "enfants de la téle" comme dit le cynique Arthur, cela ne s'arraange pas. Vous me direz, bien sûr, et vous aurez raison, que j'oublie un peu vite la valeur des individus en parlant ainsi. Soit. La vie intérieure, la vie spirituelle, la vie intellectuelle de chacun. Soit. Mais ce n'est pas cela qui détermine les grands phénomènes mondiaux. Hélas. Ni Jaurès, ni Romain Rolland, ni Proust, je prends au hasard trois noms d'hommes fort différents, n'ont empêché Quatorze Dix-huit, comme ni Rabelais, ni Erasme, ni Marguerite de Navarre n'ont su éviter les guerres de religion, et ni Chateaubriand, ni Danton, ni Madame Roland, la Terreur. Le monde ne change pas. C'est bien cela, le problème.

10:56 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : générations, consommation, culture, renouvellement, le monde change | | |

Commentaires

Ah ah j'ai ri haut et clair en lisant ceci:
"Même chose du moutard de six-sept ans. Et il faut être sacrément imbu de sa personne et de cette stupide société pour y voir un progrès. C'est moi qui vous le dis."

A bientôt.

Écrit par : tanguy | jeudi, 19 février 2009

PS: Euh c'est Walt Disney... Il y a dans certains vieux Disney une poésie magnifique, je crois que je pourrais 100 fois revoir "le vieux moulin" avec le même effroi d'enfance éternelle, avec tout l'or caché par Stevenson au fond des yeux...
Mais je pense que vous pensiez à d'autres références chez Walt Disney...

Écrit par : tanguy | jeudi, 19 février 2009

http://www.deezer.com/track/83072


déjà en 1967, tout change mais rien ne change (drag = honte):

What a drag it is getting old
"Kids are different today"
I hear ev'ry mother say
Mother needs something today to calm her down
And though she's not really ill
There's a little yellow pill
She goes running for the shelter of a mother's little helper
And it helps her on her way, gets her through her busy day

"Things are different today"
I hear ev'ry mother say
Cooking fresh food for a husband's just a drag
So she buys an instant cake and she burns her frozen steak
And goes running for the shelter of a mother's little helper
And two help her on her way, get her through her busy day

Doctor please, some more of these
Outside the door, she took four more
What a drag it is getting old

"Men just aren't the same today"
I hear ev'ry mother say
They just don't appreciate that you get tired
They're so hard to satisfy, You can tranquilize your mind
So go running for the shelter of a mother's little helper
And four help you through the night, help to minimize your plight

Doctor please, some more of these
Outside the door, she took four more
What a drag it is getting old

"Life's just much too hard today,"
I hear ev'ry mother say
The pursuit of happiness just seems a bore
And if you take more of those, you will get an overdose
No more running for the shelter of a mother's little helper
They just helped you on your way, through your busy dying day



ou, dans un autre registre:

"...les pirogues s'en vont
les pirogues s'en viennent
et mes souvenirs deviennent
ce que les vieux en font

veux-tu que je te dise
gémir n'est pas de mise
aux Marquises" (brel, les marquises)

Écrit par : gmc | jeudi, 19 février 2009

Cher Solko,
mon tempérament altruiste me fait dire que tout n'est pas perdu. Ma foi profonde dans la nature initiale de l'homme, me permet de croire que d'ici plusieurs générations, l'extension de la spiritualité profonde et sincère de l'humanité pourrait améliorer les choses. Vous allez me dire que je rêve ! oui sûrement, mais c'est ce qui permet peut-être de vivre avec élan et d'avancer sur son propre chemin. Relisons Montaigne et d'autres auteurs pour retrouver l'espoir d'un monde meilleur.
Affectueusement vôtre,

Écrit par : Maria | jeudi, 19 février 2009

" La génération aux affaires actuellement, celle des Nicolas et des Ségolène, sa niaiserie, son incroyable aveuglement historique, son égoïsme aussi béat que spectaculaire et frileux..."
Ces mots ont la précision et la justesse de l'arme de précision.
Tant qu'il y aura, parmi nous, des gens capables de les dire, de les comprendre et de s'en émouvoir, alors, ça s'appelera l'espoir.

Merci, Solko.

Écrit par : B.redonnet | jeudi, 19 février 2009

Restons lucides : le vieux monde est comme les vieilles gens, ses défauts s'accentuent.

Écrit par : Simone | jeudi, 19 février 2009

Les vieux, faudrait les tuer à la naissance... Je parle des mondes, hein, bien sûr...
Oh, oh, pas de conneries, hein... !

Écrit par : B.redonnet | jeudi, 19 février 2009

@ Simone : passez-moi un peu de votre élixir de jouvence, voulez-vous. Faute de quoi, l'accent grave nous pend au nez !

@ B.Redonnet : pas de conneries, pas de conneries : mais nous y sommes, dans les conneries ! Sans déc', les vieux on les "tue à la naissance" depuis pas mal de temps. Souvenons-nous de l'hécatombe de l'été 2003 : elle en a mis à jour, des conneries ! La solitude du p'tit vieux laissé à l'hospice comme le chien sur le bord de la route avant de partir en vacances, ce n'est que la partie la plus visible. On parle moins de tous les surplus de drogues dites licites non consommées dans certains "hôpitaux", que l'on reverse dans les maisons de retraite, assurant de fait des retraites... définitives.
Comme le souligne Solko, il finit par y avoir un tel abîme entre les générations que celle de maintenant, "sacrément imbue de sa personne [collective] et de cette stupide société", sans avenir et sans passé, prend justement tout ce qui évoque ce passé -mort ou vif- comme un obstacle à sa perpétuelle fuite en avant, dont la course à la consommation n'est finalement que l'écume.

En un sens, non : le monde ne change pas. Les grands auteurs ne le changent pas non plus, c'est vrai. Mais seraient-ils encore tenus pour "grands auteurs" s'ils avaient travaillé activement à le changer ? Ceux qui travaillent de la sorte, leurs noms s'affichent plus volontiers dans les registres des dictateurs de tous poils que dans ceux des "grands auteurs". Néanmoins, ceux-là restent les vigies à défaut de tenir la barre : est-ce bien inutile ?...

Écrit par : Michel | jeudi, 19 février 2009

J'oubliais :
dans le même tonneau que "le monde change" : le monde "est plus dur". Avec tout le confort occidental dont ne disposait même pas la génération précédente, le monde est "plus dur" ! Cela donne envie de rouvrir quelques mines de charbon à dessein des cols blancs du monde "plus dur" : au fond (dans tous les sens du terme), un petit stage de confrontation avec un monde moins éclairé... les éclairerait peut-être davantage, question "dureté" du monde !

Écrit par : Re-Michel | jeudi, 19 février 2009

Les deux dernières phrases sont terribles.
Oui, terrible.
Bonjour chez vous !

Écrit par : uhsn | jeudi, 19 février 2009

UHSN : rassurez-vous, Michel descendra chaque jour dans la mine afin de leur lire l'évangile ... (lol)

Écrit par : simone | jeudi, 19 février 2009

@ GMC :
Je n'arrive plus à lire des paroles de Brel sans l'entendre. Ainsi avec "gémir n'est pas de mise / aux marquises" J'avoue que je n'ai pas la mémé familiarité avec les Stones. Merci de ces traces vivantes de votre passage. A bientôt.

Écrit par : solko | jeudi, 19 février 2009

@ Maria : Content de vous lire et d'avoir de vos nouvelles. A bientôt.

Écrit par : solko | jeudi, 19 février 2009

@ Simone & à Michel :
Un goût prononcé pour les catacombes ou affirmé pour les caves ? Ou pour les deux ?

Écrit par : solko | jeudi, 19 février 2009

Les vieux que tu regrettes commençaient à travailler à 14 ans, la majorité : faut-il le regretter ?
Si je comprends bien, c'est la génération de nos parents qui aurait construit ce monde matérialiste débouchant sur le tout consommation.
oui mais pourquoi ? J'aimerais savoir, c'est une de mes interrogations.
Pour moi je verrais plutôt ce qui déjà s'effrite. Nous allons vivre la fin de la télévision comme média dominant. L'action de TF1 s'est écroulée en bourse : le début de la fin.
Je crois à la Résistance et au Renouveau (Résurrection pour les croyants)
c'est le cycle de la vie Solko : mort et renouveau.
Toi tu restes au tombeau.

Écrit par : Rosa | jeudi, 19 février 2009

@ Rosa : Peu importe ce que tu crois, ou ce que je crois. Je parle là de faits, sur lesquels des croyances d'individus isolés n'ont que peu d'emprise. Le monde technique est sorti tout droit de la défaite de quatorze dix-huit - défaite en tant que civilisation - et de tous ces hommes tués, invalides ou détruits psychiquement, qu'il a fallu remplacer par des machines, entre autres. La civilisation des loisirs a produit trop d'imbéciles partout auto-satisfaits, et surtout partout prédateurs en termes économiques comme écologiques, pour que je puisse la considérer sérieusement comme un vrai progrès. Et puis, cela suffit, tous ces clichés : Parfois, il vaut mieux travailler à partir de quatorze ans et avoir les mains libres pour aller quelque part qu'être condamné à vie au chômage ou aux boulots précaires et à la dépendance, que ce soit celle de ses parents ou celle de l'Etat.

Écrit par : solko | jeudi, 19 février 2009

Et alors ?
Pourquoi faudrait-il toujours courir après le Progrès ?
Pourquoi es-tu aussi obsédé par les mouvements de masse ?
ce qui compte c'est l'individu et quoi que tu dises c'est toujours d' individus seuls ou isolés qu'est venu le salut.

Écrit par : Rosa | jeudi, 19 février 2009

Pardon, je ne voudrais pas m'immiscer dans une conversation à laquelle je n'ai pas été conviée mais c'est également du fait d'individu seul que le malheur des nations est souvent arrivé. Napoléon, Hitler ... (pour ne nommer que ces deux là) or ce sont ces mêmes " masses " qui en fin de compte paient les pots cassés, non ?

Écrit par : simone | jeudi, 19 février 2009

@ Rosa :
"ce qui compte c'est l'individu" : postulat fort discutable. L'individu-roi est un prédateur. Je préfère la notion de personne à celle d'individu. En quoi l'individu est-il intéressant ? Rien ne ressemble plus à un individu qu'un autre individu,sais-tu. Il n'y a qu'à voir ce qu'écrivent les individus édités aujourd'hui.
Je ne suis pas obsédé par les mouvements de masse, je constate que nous vivons dans une société de masses. Que nous formons une masse. Que cela te plaise ou non.
Quant au salut par l'homme seul, je crois que cela relève d'une pensée magique, un peu folle. Pour finir, le fait de croire à la résistance et au renouveau ne dispense personne du tombeau. Cela serait un peu simple, non ? D'ailleurs peu importe ce que "je crois" ou "je pense", ou ce que "tu" penses" ou que "tu" crois" (on revient à l'individu), l'intérêt étant d'approcher par la pensée non pas une forme de gout ou de croyance, mais une forme de vérité.

@ Simone : De ce point de vue, votre intervention sur le rôle néfaste de bon nombre d'individus a toute sa pertinence. Merci bien.

Écrit par : solko | jeudi, 19 février 2009

Simone, je n'ai guère de compétence en matière historique...
Sans doute ce qui vaut pour le Bien vaut aussi pour le mal. Encore qu'en ce qui concerne Hitler il semble que la responsabilité des masses soit bien engagée.

Mais je pense qu'il reste des individus qui conservent, même aujourd'hui leur libre-arbitre.
Et que c'est d'eux que viendra le renouveau...

Quant aux clichés, Solko, excuse-moi mais les déclinistes en manipulent aussi des wagons.

Écrit par : Rosa | jeudi, 19 février 2009

Je conteste la chose, la preuve: la cloche nous ouvre ses portes!

Cela dit je n'ai pas accès à gmail, ca ressemble à du déclin, non? J'espère qu'il n'y a pas de révolution prévue.

Écrit par : tanguy | vendredi, 20 février 2009

Eh bien, en picorant un peu chez tout le monde, on "approche par la pensée une forme de vérité" !

Rosa : "ce qui vaut pour le Bien vaut aussi pour le mal." Ajoutons à cela que ce qui va être perçu "bien" par les uns va être perçu "mal" par d'autres, et vice-versa. Là-dessus, quelqu'un comme Hitler est presque une exception tant sa personnification du mal n'est aujourd'hui mise en doute que par des marginaux. Aujourd'hui, mais hier ? De son vivant, il n'est pas non plus arrivé au pouvoir par la force : "la responsabilité des masses est bien engagée", le percevant alors comme un "bien".

Solko : "Je préfère la notion de personne à celle d'individu." Du reste, l'individu n'est-il pas le singulier de la masse ? Quand on y réfléchit trois secondes, ce terme de "masse" n'est-il pas monstrueusement inhumain ? Impersonnel, précisément. Nous sommes plus proches de la foire aux bestiaux que de la saine et vive convivialité.
"Quant au salut par l'homme seul, je crois que cela relève d'une pensée magique, un peu folle." Si c'est du salut de tous par un seul, oui (à l'exception de quelqu'Un que je ne nommerai pas ici...) : réminiscence d'un grand soir où Zorro arrive (mais vraiment sans se presser, hein ?) in extremis avant la chute dans l'abîme ! Si c'est d'agir pour son propre salut, cela reste d'actualité. Là-dessus, il y a du boulot pour toute le monde sans même avoir à lorgner chez le voisin !

Ah, au fait : en ce qui concerne le "goût prononcé" cité plus haut (et en plus, dans le noir avec Simone !), le cave se rebiffe !

Écrit par : Michel | vendredi, 20 février 2009

@ Michel : La responsabilité des masses est certes engagée dans l'accession d'Hitler au pouvoir. Mais on retrouve là la distinction entre responsabilité et culpabilité. Les masses sont peut-être responsables, mais ne peuvent être tenues pour coupables. Lui, si. La question du "salut" est pour moi une question absolument personnelle. Je ne saurai comprendre cette idée de "salut collectif".
Vous avez raison de dire que l'individu est le singulier de la masse. Un bel exemple de cela : la façon dont l'individu se laisse abuser par les modes. Un individu est à la mode. Une personne, jamais.

Écrit par : solko | vendredi, 20 février 2009

@ Michel : " et en plus dans le noir avec Simone " ...
Non mais dites-donc ! Moi non plus, je n'ai pas envie de me retrouver dans le noir avec vous. Goujat !

Écrit par : simone | vendredi, 20 février 2009

Merci Michel pour "la forme de vérité".
Car la Vérité !!!!!!!!

Écrit par : Rosa | vendredi, 20 février 2009

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