samedi, 20 septembre 2008
Le premier des blogueurs
Si ce n'est pas le meilleur, du moins est-ce le premier d'entre nous, d'entre tous les blogueurs : de 1892 ( Le Mendiant Ingrat ) à 1917 ( La Porte des humbles ), il a développé un art consommé de la note, du billet - comme on dit dans la blogosphère : L'édition de Pierre Glaudes chez Bouquins des 8 tomes du Journal de Léon Bloy en 2 volumes (novembre 1999) a fait date; coups de gueule sarcastiques, notes de lecture et citations érudites, réflexions critiques, aveux tendres ou caustiques, voici une leçon de propos humbles et péremptoires :
24 décembre 1903 : « Au café du commerce. Note Rapide. Un individu quelconque vient d'entrer. Presque aussitôt arrive un autre individu exactement semblable au premier. Puis un troisième, puis un quatrième, puis dix, vingt, cinquante, cinq cents, on ne sait combien. Le café est rempli, à éclater, de gens qui sont le même, absolument, qui sont un seul. Et voilà le commencement de la fin des cafés, le commencement de la fin du monde. »
15 août 1892 : « Combien de fois ai-je été frappé de cette idée que les premières messes, dites à l'aube ou au lever du soleil, qui prennent le coeur si suavement, sont dites pour les domestiques ! Les maîtres ne se lèvent pas si tôt. »
7 janvier 1910 : « Mémoires d'Outre-Tombe : Aucune valeur historique. Lyrisme insupportable et vanité à décroche-cœurs. Chateaubriand ne voit les hommes et les choses qu'à travers lui-même. »
6 avril 1892 : « Pas le sou, et rien à porter au Mont-de-Pieté. Je me sature de tristesse en relisant de vieilles lettres de mes parents morts et de quelques amis anciens qui m'ont lâché. J'arrive ainsi, vers le soir, à une sorte d'agonie. »
Et puis ce constat, si juste et si définitif : « le comble de la misère humaine, c'est le mépris du pauvre pour les pauvres »
Site où j'ai "piqué" la photo...
12:31 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, léon bloy, journal intime, blog |
Commentaires
Écrit par : sophie L.L | samedi, 20 septembre 2008
Bien à vous.
Écrit par : solko | samedi, 20 septembre 2008
" Esprit Libre " j''aime lire cela. L. Bloy était méprisé quand j'étais à la fac , il ne fallait surtout pas dire qu'on l'appréciait au risque passer pour réac , ringard. Pourquoi ? je n'ai jamais compris...
Et ce billet me donne vraiment envie de replonger dans son journal...
Cette citation du 24 décembre 1903 est absolument sublime ainsi que celle du 6 avril 1892, terrible.
Tout est là.
Et bizarrement me revient cette phrase de René Char : "La lucidité est la blessure la plus proche du soleil"...
Écrit par : frasby | dimanche, 21 septembre 2008
Écrit par : solko | dimanche, 21 septembre 2008
Je vous remercie Solko de nous faire partager vos impressions sur cet auteur méconnu (vous m'avez pris en flagrant délit chez Ray). L'idée du premier blogueur est à discuter. Je réfléchis à un éventuel ancêtre.
Écrit par : Léopold | lundi, 22 septembre 2008
Écrit par : solko | lundi, 22 septembre 2008
J'ignorais que Bloy avait été familier du Chat Noir, c'est intéressant. Les fumisteries fin de siècle sont vraiment drôles. J'apprécie énormément cette culture de l'ironie, du renversement. Ca change d'ailleurs un peu de René Char qui, il faut le dire, a une oeuvre avec très peu d'humour.
Se mettre au russe pour lire les textes originaux, plus d'une personne a été tentée par cela. Dostoïevski imite l'argot, il ressemble à Céline là-dessus et par conséquent les traductions sont bancales. Comment traduire les paroles truffées d'anacoluthes d'un compagnard russe dans un français bourgeois du 19ème?
Écrit par : Léopold | mardi, 23 septembre 2008
Écrit par : solko | mardi, 23 septembre 2008
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