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dimanche, 31 janvier 2010

Baudelaire et le spleen de Lyon

Le vingt-deuxième poème du Spleen de Paris, titré Crépuscule du soir, présente, dans la troisième version du journal La Presse publié en 1862, deux allusions à des toponymes lyonnais : l’hôpital de l’Antiquaille et la colline de Fourvière.

Dans la version définitive, celle du Figaro, datée de 1864 les deux mots ont disparu, l’un étant remplacé par là-haut.

« Quels sont les infortunés que le soir ne calme pas, et qui prennent, comme les hiboux, la venue de la nuit pour un signal de sabbat ? Cette sinistre ululation nous arrive du noir hospice des Antiquailles perché sur la montagne ; et, le soir, en fumant et en contemplant le repos de l’immense vallée, hérissée de maisons dont chaque fenêtre dit : « C’est ici la paix maintenant ; c’est ici la joie de la famille ! » je puis, quand le vent souffle de Fourvières (là-haut), bercer ma pensée étonnée à cette imitation des harmonies de l’enfer.

Le crépuscule excite les fous. — Je me souviens que j’ai eu deux amis que le crépuscule rendait tout malades… »

Dans la version de 1862, Fourvière porte un s final ce qui est conforme à la graphie des années 1830 : On le trouve dans le titre du livre de Boitel, Lyon vu de Fourvières. Dans l’une de ses études étymologiques de la Revue du Lyonnais (n° 316) datée de 1876, le baron Raverat s’interroge sur ce s final qui est alors en train de disparaître, rappelant que «Fourvière est un de ces mots qui ont le plus exercé l'imagination des archéologues lyonnais. »

En ce qui concerne le s de l’Antiquaille, il s’explique aussi fort bien si l’on se souvient que les Anticailles désignaient la collection d’antiquités (les débris d’objets gallo-romains) que Pierre Sala (1457-1529), ancien maître d’hôtel à la maison du Roi et bourgeois lettré, avait réunies dans la spacieuse demeure qu’il s’était fait construire au milieu des vignes. La villa était devenue le couvent des Visitandines puis, rachetée par la ville en 1806, il devint un hospice dans lequel on hospitalisa les fous jusqu’à l’ouverture, en 1876, de l’hôpital des Chazeaux. Baudelaire n’est pas le seul qu’indisposa le cri des fous quand tombait le crépuscule. Une immense rotonde, nommée « la rotonde des folles », construite de 1812 à 1814 et détruite en 1936 est demeurée légendaire.

Il est donc presque certain que Baudelaire a réutilisé un texte plus ancien, datant de ses années de collège à Lyon, de janvier 1832 à 1836, plaçant dans son spleen de Paris quelques miettes d’un spleen plus lyonnais. Le dessin d'Hubert de Saint-Didier ci dessous donne une idée du paysage lyonnais de cette époque, et le lavis de Leymarie nous rappelle l'hôpital perché sur la montagne ...

 

 

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Fourvière. Place des Minimes. Hospice de l'Antiquaille, par Balthazar Hubert de Saint-Didier, 1829-1832

 

 

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L'ancien quartier Saint-Georges, à Lyon, vu de la rive gauche de la Saône, vers 1840 [détail de la partie dominée par l'Antiquaille], phototypie d'après un lavis par H. Leymarie, ca 1840

21:01 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : baudelaire, spleen, littérature, fourvière, antiquaille | | |

mardi, 25 mars 2008

Le dentier du pape

Un ciel bas et lourd, au-dessus de quelques arbres malingres. Un ciel très dix-neuvième. Siècle, bien sûr. Pas arrondissement ! Encore que... Cela 772533361.3.jpgpourrait constituer un arrondissement de Paris, ce ciel qui pèse comme un long corbillard sur nos têtes, ce cercle de ciel pascal très dix-neuvième, qui va se prolonger au-delà de Paques puisque, dit la radio, la grisaille va se poursuivre jusqu'à jeudi. Bon. Nous voilà englobés dans un seul temps, tous et toutes, les humains. Avez-vous remarqué le dentier de Benoit XVI ?  C'est la pluie qui me fait penser au pape. La pluie et la façon linéaire qu'ont tout à coup secondes et minutes de passer en sa compagnie monotone. Salut en toutes les langues, devant une floraison de parapluies, place Saint-Pierre. Ce pape à une élocution, une articulation et une dentition également refaites. Je me demandai, en l'écoutant, à quoi ou à qui ressemblait son dentiste. Et si les dents un peu jaunies et parfaitement régulières qu'il porte en son sourire étaient des implants, des bridges ou bien un ratelier à la mode d'antan. Que le pape ait son propre dentiste au Vatican, voilà une question pour jours à ciel bas et lourd qui n'en finissent pas. Il y a dans A Rebours de Huysmans  une scène d'épouvante qui se déroule ainsi  chez un dentiste, une scène à quoi ce temps de Paques et ces voeux pontificaux me font inexorablement penser. Il est possible, après tout, que Baudelaire ait tout simplement eu un fort mal au dents, lorsqu'il demanda un peu de calme à sa douleur. Des générations de potaches à qui on répéta : Sois sage...  Et qui apprirent, pour le bonheur de l'Institution, ces vers de Baudelaire par coeur. "Le vieux style", aurait dit Winnie, plus que jamais enlisée, elle aussi, et articulant tant bien que mal sa douleur...

09:47 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : benoit xvi, baudelaire, spleen, poésie, paques | | |