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vendredi, 09 novembre 2012

Quand le Nobel monte à la tête de l'Europe

« -Les gars, ça y,  l’Nobel leur est monté à la tête

-      A qui donc, dont tu causes ?

-      A eux, pardi. A ceux-là tous de Bruxelles !  Y sont en train de pondre un nouvel euro avec la tête de qui, j’vous l’donne en mille ?

(silence autour du comptoir)

-      Zidane ?

(Exclamations diverses autour du comptoir)

-      Lady Gaga ?

(re-exclamations variées)

-      Obama ?

-      Charriez-pas, on n’est pas encore aux USA même si ça vient à grands pas  

- Friendly

(grosse rigolade)

-      Alors ?  Benoit XVI ?

-      Pire encore ! Je vous le donne en cent ! Je vous le donne en mille : A la déesse Europe !

-      Non ?

-      Si !

-      Nous prennent pour des cons intégraux cette fois-ci !

-      Ah ça !  Ah ah ah !

-      In Athéna we trust…

(Heurts de verres, brouhahas)

Buvons à la démocratie ! Ah ah ah !

-      C’est au moins une idée du Mario Draghi, ça…

-      Ecoutez ce que dit la BCE  (il lit) : « cette figure a été choisie car elle est clairement associée au continent européen, et apporte une touche d’humanité aux billets »

-      Avec ça, si les Grecs se tirent de l’euro …

Eh bé moi, je dois pas voir clair dis donc !

-      Z’en ont rien à foutre de la déesse Europe, les Grecs… Là-bas, c’est misère, la castagne, l'Achéron social,  la guerre civile, cependant qu'ici, on débat entre bobos du mariage pour tous et de la déesse Europe !

-      Nous non plus on n’en a rien à foutre de leurs dieux de papier ! Quelle bande de branleurs.

-      La déesse Europe ! La déesse Europe ! S’ils imaginent qu’elle va sauver leur torche-cul d’euros !

(rires)

 

Moralité : Puisque Augustin est à la page, relisons les livres II & III de La Cité de Dieu, plutôt que le bar corse de  Jérôme Ferrari   :

« C’est à ce moment là que, sous le coup de la grande peur, les Romains se précipitèrent sur des remèdes sans effet et qui prêtent à rire (…) Mais de la République à l’Empire, les dieux n’ont pu empêcher la guerre civile»


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La BCE a dévoilé ce jour quelques éléments du futur billet de cinq euros.

samedi, 20 mars 2010

Le jupon de Minerve

Il n’est pas incongru de rappeler que Minerve fut l’une des premières habitantes de l’Olympe.  Depuis les origines, en effet, comme le fit remarquer judicieusement Platon, la guerre n’a-t-elle pas été la forme naturelle de relation entre les états civilisés ?  Et La Bruyère, dans Les Caractères : « La guerre a pour elle l’Antiquité »… Si barbare semble-t-elle, autrement dit, si dévastatrice en vies humaines aux yeux des contemporains, elle a pour elle l’autorité de ce qui est éprouvé et sage, le prestige incontestable de ce qui est civilisé. Aussi, lorsqu’il fallut en toute hâte créer un premier billet de 10 francs en avril 1916, est-ce l’effigie de Minerve qu’on ajouta dans le médaillon d’une aquarelle que son auteur,  George Duval, avait initialement destinée à un billet de 5 francs. Minerve, ni plus ni moins, d’après le bronze de Carrier-Belleuse qui trônait dans un bureau de la Banque de France, Minerve qui faisait la une des quotidiens depuis deux longues années déjà, Minerve chargée par la Banque de France de signifier à la population que le malheur des temps présents était encore loin d’être épuisé.

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Le malheur des temps présents, c’est à cette  paysanne en fichu du verso qu’il revient  de l’exprimer. Le malheur des temps présents se résume à son attente. Le mythe assurait que tout ce qu’autorisait Minerve d’un signe de tête était irrévocable. N’était-elle pas sortie toute armée du crâne de Jupiter ? Tout ce qu’elle promettait n’arrivait-il pas fatalement ? Or n’est-ce pas la Victoire - et si possible la Victoire rapide – qu’on lit dans ce port altier, ce nez droit, ce regard assuré, et cette coiffe inédite, entre le casque d’officier et le bonnet phrygien ?

La paysanne attend. Elle en a même oublié la serpette qu’elle tient contre sa hanche. Elle guette l’horizon, sans plus s’en laisser conter. On a beau la croire un peu sotte, parce qu’elle n’aurait pas reçu toute l’instruction de ces messieurs-dames de la ville, on ne la trompera pas comme ça. Elle attendra le retour de son poilu et avec elle l’attendront tous les champs de cette campagne : tant qu’il ne sera pas là, en chair, en os et en entier, elle demeurera ainsi chaque soir que le soleil se couche, vaillamment, dans le désir, le doute et l’inquiétude, le menton sur le poing et le regard vindicatif : car s’il n’en réchappait pas, à quoi bon tout ce blé semé et puis poussé et finalement coupé, tout ce travail de rudesse et de sueur qu’elle avait dû faire pour deux, comme si d’une, à présent, ce foutu pays avait voulu qu’elle devînt un ? S’il y restait, pauvre cœur, comme ceux de qui le maire à pas de pleutre porte le nom à leurs proches sur son sale papier, à quoi bon demeurer, comme tous le vociféraient en fanfares, plus longtemps patriote ? Les odeurs montent de la terre, et puis emplissent de colère, sous la jupe grise que nul n’a plus depuis trop longtemps froissée, le jupon de Minerve.

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«Nous retournons dans la guerre ainsi que dans la maison de notre jeunesse », écrivit impeccablement Georges Bernanos en avril 1940 au tout début de son essai Les Enfants Humiliés, quelques billets comme celui-ci en poche, alors qu’après la Der des Der s’en profilait une autre à l’horizon, tout aussi interminablement mondiale que la Première. Durant toutes ces folles années de l’entre-deux guerres, on n’avait en effet pas cessé d’imprimer cette coupure, comme si avait été pressenti qu’au fond, du congrès de Versailles, Minerve dût un jour sortir à nouveau toute armée, des crânes de Clemenceau, de Lloyd George  et de Wilson, comme de celui de Jupiter.

« De 1914 à 1918, l’Arrière s’est parfaitement passé de nous. La mort de quinze cent mille des nôtres n’a rien changé à son aspect, au lieu qu’il se fût senti mutilé par la perte des mines de Briey. Je dis plus : ne fût-il pas revenu un seul d’entre nous, l’histoire de l’après-guerre n’en aurait pas été modifiée pour autant. Elle était faite par avance, Et elle était faite sans nous. »

Aurait-il pu mieux dire, l’excellent Bernanos ? Le billet de 10 francs du poilu absent ne fut remplacé par celui du mineur qu’un matin de 1942. Une paysanne, plus rose, portant bambin et piochon, avait pris la place de sa mère toute bleue, et portant serpette ; tout passe et faut bien, comme disent les braves gens, que la vie continue. Pour qu’à chacun, son temps de jeunesse…

20:16 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : billets français, guerre de 14-18, minerve, mythologie | | |