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samedi, 24 décembre 2016

Nativité véritable, surnaturelle et transgressive

Le Fils ne naît pas. Il traverse en quelques mois la chair de Marie, jusqu’à se faire homme : en se pliant aussi discrètement à un processus aussi parfaitement naturel, le Père manifeste une intelligence extraordinaire : à l’intérieur d‘une même chair, il révèle à qui veut engager sa foi la plénitude de son pouvoir surnaturel tout en prenant soin de le masquer au sceptique à qui il laisse la possibilité du doute.

C’est ainsi que Celui qui était au commencement et qui sera à la fin, l’Alpha et l’Omega, accomplit un miracle dans le respect minutieux de l’ordinaire. Peut-on, si l’on songe à la puissance divine, imaginer manifestation de sa réalité plus humble ? Plus délicate ?

Fils de la Vierge, issu du Saint-Esprit, l’Agneau ne peut qu’être un intrus parmi les hommes nés de la reproduction mimétique ; une menace dans le bel ordonnancement de leur édifice politique. Un original, au sens propre, qui ne peut trouver place dans les registres archivés du Sol Invictus. Aussi, l’empereur dont le pouvoir repose sur le doute ne peut que souhaiter sa prompte élimination.

Un recensement parfait de tout l’univers devrait débuter en vérité par le Père, le Fils, puis le Saint Esprit. Ensuite viendraient les prophètes, les saints et les martyrs et seulement après, on dénombrerait les hommes et les femmes. On saisit à quel point celui d’Auguste était incomplet et pourquoi ne pouvaient y figurer ni la personne du Christ ni celle de sa mère venue montée sur une ânesse de Nazareth à Bethléem pour le mettre au monde, ni celle de Joseph conduisant un bœuf pour ouvrir le chemin devant eux jusqu’à la grotte devant laquelle Constantin, quelque trois cent trente ans plus tard, adressa à Dieu l’offrande d’une basilique afin de rétablir un juste équilibre dans l’appréciation des hommes.

 

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Depuis, à chaque Noël, des petites mains par milliards ont disposé autour de l’Enfant des santons de toutes les tailles et de toutes les couleurs. On comprend néanmoins pour quelle raison tant d’associations – laïques ou musulmanes – militent chaque année pour ne plus voir fleurir ces crèches dans nos espaces publics. La Nativité véritable, ils savent combien elle est surnaturelle et transgressive, et donc inacceptable à leurs yeux. Un seul enfant s’ouvrant intégralement au mystère de cette Nativité serait pour ces militants du dieu unitaire un enfant de trop. Pour eux tous, Dieu, s’il existe, « est unique et n’a jamais engendré »[1]  Comment ne pas voir dans cette affirmation le point où, malgré leurs nombreuses divergences, juifs, musulmans, francs-maçons et athées parviennent à rencontrer chez le chrétien un ennemi enfin commun ? Pour tous ceux-là comme pour l’empereur Auguste, ce Jésus Christ de Bethléem  reste de trop : il demeure un intrus qu’il faut exclure coûte que coûte de leurs systèmes de re-productions et de re-présentations jusque dans ses plus innocentes figurines pour que l’Europe parachève cette « apostasie silencieuse »[2]  évoquée par le pape Jean Paul II.[3] Pour tous ceux-là, en tout cas, Christ demeure un empêcheur de croire ou de ne pas croire en rond, c’est-à-dire en tiède. C’est déjà pour tout ce beau monde un effort inouï que d‘imaginer  Dieu infini, supposer que cet Infini ait pu s’incarner afin de se raconter dans une histoire purement humaine, en commençant par naître aussi humblement, cela chatouille et insupporte vraiment leur esprit : l’Infini, ils l’imaginent bien lointain, et d’une autre nature que leur viande, pour parler comme Céline[4]. Une telle naissance pour les plus tolérants d’entre eux constitue au mieux une belle histoire, au pire un véritable scandale.

Car nous ne sommes pas qu’un peu pris dans cette habitude de reproduction ou d’imitation que la Nativité vient gifler de plein fouet. Au contraire du Christ, nous y campons depuis notre propre naissance, pagures oublieux de leur enracinement dans leurs coquilles empruntées. En rappelant aux hommes de son temps que pour la plupart d’entre eux, tous les miracles étaient un scandale[5] Bossuet se souvenait que le Christ lui-même l’avait annoncé : « Heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi »[6]  Pour se placer devant la grotte de Bethléem et en contempler le déroutant mystère avec sa raison en toute sérénité et sans se dérober devant tous les écueils, il faut donc avoir mis à nu sa véritable soif, celle que tous les usages du monde s’ingénient à nous faire oublier ; notre soif de Dieu, c’est-à-dire de pur et souverain surnaturel.

 

[1] Coran, sourate 112, dite du dogme pur

[2] Jean Paul II, Angélus, Castel Gandolfo, 13 juillet 2003

[3] Le pape Jean Paul II se souvenait-il alors des propos plus anciens d’Emmanuel Mounier : « Il rôde parmi nous une forte odeur d'apostasie (Emmanuel Mounier « L'agonie du christianisme » Esprit, mai 1946)

[4] « On en devenait machine aussi soi-même à force et de toute sa viande » (Céline, Voyage au bout de la nuit)

[5] Bossuet, Sermon sur la Divinité

[6] Matthieu, 11 - 6

11:06 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : noël, nativité, christ, nazareth, bethléem | | |

Commentaires

Merci pour ce précieux billet.
Heureux Noël à vous Roland.

Écrit par : Sophie | dimanche, 25 décembre 2016

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