mardi, 25 octobre 2016
Isidore Mullois & l'hiver 2017
Isidore Mullois naquit en 1811 dans le Calvados et mourut en 1870. Il fut prêtre du diocèse de Bayeux de 1837 à 1851, puis de celui de Paris avant de devenir premier chapelain de la maison de Napoléon III et chanoine honoraire du chapitre de Saint Denis à partir de 1853. Il fut l’auteur de plusieurs ouvrages, dont un sur Napoléon III, et d'une histoire de la Guerre d ‘Orient racontée aux enfants. Je publie ci-après l’avant-propos de l’un d’eux, le Manuel de Charité, daté de 1853. Je trouve ce texte éminemment d‘époque, dans ses tournures de phrases, son vocabulaire, jusque dans [mais de cela, impossible de rendre compte, sa typographie]. Et je le trouve tout en même temps très contemporain, à évoquer cette passion des Français pour le droit, les débats vains, jusqu’à l’identité et l’avenir de leur France. Hélas, à entendre tous les ridicules petits marquis, auxquelles se sont ajointes quelques sottes petites marquises (de droite et de gauche) déblatérer dans le cadre des élections qui s’annoncent, la solennité vulgaire et empruntée, on voit bien ce qui a été perdu avec la déchristianisation et la laïcisation du pays, avec l’implantation du libéralisme et maintenant de l’islamisme : un certain style, une certaine syntaxe, certes : Isidore Mullois qui est loin d’être un écrivain d’importance écrit un français encore impeccable — ce qui n’est pas le cas de la plupart des politiques d ‘à présent —. Mais surtout, la charité dont il parle, a totalement perdu son caractère surnaturel dans nos sociétés . Elle s’est muée en ce qu’on appelle solidarité, qui demeure une attitude bien plus qu’un véritable sentiment, attitude sur laquelle d‘ailleurs le politique exerce son droit de regard, voire de contrôle. Je crains que dans tous les débats stériles dont la terne démocratie a besoin de se nourrir pour faire mine de sauver la face de l’électeur, l’hiver 2017 soit aussi dur à passer que l’hiver 1853, et que la charité véritable y demeure encore bien plus dure à populariser, puisqu'elle n'est plus qu'une légende pour la plupart de nos contemporains…
La Charité, Lucien Goupil, 1864
« Si Dieu veut sauver la France, et nous devons l’espérer car en la perdant son Eglise perdrait trop, c’est par la charité qu’il la sauvera. Si donc nous voulons aider la Providence dans l’œuvre du salut de notre bien-aimée patrie, commençons par nous aimer un peu, ou bien nous ne viendrons jamais à bout e terminer nos débats et de régler nos affaires. Les âmes sont trop aigries par les passions et par les souffrances, et quand on est aigri, on ne s’entend pas, on ne peut pas s’entendre. Mais la charité produit dans les cœurs je ne sais quelle mutuelle bienveillance qui les rendent aptes à écouter la voix du bon sens, de la justice et du dévouement. Car le dévouement est toujours chose nécessaire quand on veut vivre en société.
A tout prix, il faut développer la charité, la généraliser, la populariser. Il n’y a de vraiment fort en France que ce qui est populaire ; et chez nous rien de plus facile que de populariser la charité. La charité, c’est le fonds du caractère français, c’est son bon côté, c’est par là qu’il peut être pris ; on n’y a pas assez pensé… On a trop fait appel à la justice, et pas assez au dévouement, à la charité.
Le Français est pointilleux sur la question des droits ou de ce qu’il croit être ses droits, il n’en veut rien céder ; mais il est généreux sur la question des sacrifices. Demandez-lui une chose au nom du droit, il vous la refuse tout net, et il y tient. Demandez-lui la même chose comme un service, faites un appel à sa générosité, à son cœur, ce n’est plus le même homme, souvent il vous l’accorde de la manière la plus gracieuse. Et ce fonds de charité est dans toutes les classes. Il se trouve chez l’industriel, le savant, l’artiste, surtout chez les artistes, si souvent pauvres eux-mêmes ... Vous allez demander une aumône pour une bonne œuvre à un artiste, il vous fait un gracieux accueil, et il vous prie de l’excuser pour un moment. Il sort et rentre bientôt, vous donne une pièce en exprimant ses regrets de ne pouvoir faire davantage.
En publiant ce livre, j’ai voulu populariser la charité. Pour cela, j’ai dit ce que j’ai appris de l’expérience de ceux qui s’occupent des classes malheureuses. Ces études sur la charité n’étaient pas destinées à l’impression. Mais es hommes habiles ans l’art e faire u bien ont pensé que la lecture en pourrait être e quelque utilité ; c’est ce qui nous a engagé à les publier. Nul temps ne nous a paru plus convenable : nous sommes au début d ‘un hiver qui s’annonce comme étant difficile à passer. C’est donc le moment de rappeler à la charité ce qu’elle doit faire, comment elle le doit faire, et surtout de lui crier : courage, courage ! »
23:10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : isidore mullois, charité, primaires, élections, démocratie |
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